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25/02/2020 | FRANCE | N°18/23126

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 25 février 2020, 18/23126


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 1 - Chambre 1





ARRET DU 25 FEVRIER 2020





(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/23126 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TZH





Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/14939








AP

PELANT





Monsieur E... V... né le [...] à Edéa (Cameroun)





[...]


[...]





représenté par Me Michel LANGA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0557








INTIME





LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en l...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 25 FEVRIER 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/23126 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TZH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/14939

APPELANT

Monsieur E... V... né le [...] à Edéa (Cameroun)

[...]

[...]

représenté par Me Michel LANGA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0557

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[...]

[...]

représenté à l'audience par Mme de CHOISEUL PRASLIN, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2020, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre

M. Jean LECAROZ, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffière.

M. E... V..., né le [...] à Edéa (Cameroun), de nationalité camerounaise, a contracté mariage le 2 mars 2002 à Courbevoie, avec Mme J... U... I..., née le [...] à Pavillons-sous-Bois, de nationalité française.

Il a souscrit le 17 novembre 2004 une déclaration de nationalité française n° [...], sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, devant le juge du tribunal d'instance de Sannois, laquelle a été enregistrée le 3 novembre 2005, sous le n°16495/05.

Il a divorcé par consentement mutuel de Mme J... U... I... suivant jugement du 11 septembre 2007, la convention réglant les conséquences du divorce fixant au mois de décembre 2006 la résidence séparée des époux.

M. V... a épousé le 8 mars 2008 à Douala (Cameroun) Mme N..., T... L..., avec laquelle il avait eu un fils, B... A... V..., né le [...] à Douala.

Par acte d'huissier du 19 août 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a fait assigner M. E... V... devant ce tribunal, sur le fondement de l'article 26-4 alinéa 3 du code civil, aux fins de voir annuler l'enregistrement de cette déclaration et dire que l'intéressé n'est pas français.

Par jugement rendu le 25 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a fait droit aux demandes du ministère public.

M. E... V... a interjeté appel de cette décision le 28 octobre 2018.

Par dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2019, M. V... demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de dire l'action du ministère public irrecevable, de dire sa demande mal fondée et de dire qu'il est de nationalité française en application des dispositions de l'article 21-2 du code civil, de débouter le procureur général de toutes ses demandes et de le condamner aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 26 décembre 2019, le ministère public demande à la cour de débouter M. V... de ses demandes, de confirmer le jugement, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de laisser les dépens à la charge de l'appelant.

SUR QUOI :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 29 novembre 2019.

L'article 21-2 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que :

« L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français. [...]»

Selon l'article 26-4 du code civil, « A défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude ».

La présomption résultant de la cessation de la communauté de vie prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 26-4 ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration. Dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqué. Sous cette réserve, l'article 26-4, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution (Cons. const. 30mars 2012, n° 2012-227 QPC).

Sur la recevabilité de l'action du ministère public

M. V... prétend que l'action du ministère public est irrecevable au motif que celui-ci a eu connaissance de la cessation de la communauté de vie entre les époux par la transcription du jugement de divorce. Il ajoute que lorsqu'il a demandé la nationalité française pour son fils B... A... le 6février 2013, il a dû fournir une liste de pièces et qu'il n'a jamais cherché à dissimuler sa situation et l'existence de ce fils, que les pièces produites ont été les mêmes que celles remises lorsque son épouse, N... L..., a demandé à acquérir la nationalité française.

Seul le ministère public territorialement compétent peut agir en annulation pour fraude de l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité français du fait du mariage. C'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action.

Or, c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, ministère public territorialement compétent, n'avait eu connaissance d'une éventuelle fraude que par le bordereau de transmission émanant du ministère de la Justice daté du 19 juillet 2016, pour une éventuelle saisine du tribunal de grande instance de Paris, faisant suite à l'instruction par le ministère de l'Intérieur de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme N... L... le 19 janvier 2016, peu important que d'autres personnes (ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur ou des Affaires sociales) aient été informées antérieurement de la venue sur le territoire français de son fils B... A... dès janvier 2007.

En particulier, le ministère public ayant eu alors connaissance du divorce de l'appelant n'est pas celui territorialement compétent de Paris pour engager l'action en annulation de la déclaration de nationalité française.

Enfin, M. V... établit certes avoir souhaité acquérir la nationalité française pour son fils B... A... en 2013 ainsi qu'en témoigne le courrier à lui adressé par les services de la préfecture du Val-d'Oise daté du 6 février 2013, mais ce seul document ne permet pas de justifier que le parquet territorialement compétent pour agir contre l'appelant en annulation de la déclaration souscrite le 17 novembre 2004 en application de l'article 21-2 du code civil aurait été informé avant le 19 juillet 2016.

L'action du ministère public est donc recevable.

Sur le fond

Les premiers juges ont exactement déduit, au vu des pièces versées aux débats par le ministère public, sur qui pèse la charge de la preuve, dont il résulte que, quasi concomitamment avec la date de souscription de sa déclaration d'acquisition de la nationalité française, M. V... a conçu avec Mme N... L... l'enfant B... A..., né le [...] à Douala, et que son divorce par consentement mutuel ayant été prononcé le 11 septembre 2007, il a épousé ensuite la mère de cet enfant le 8 mars 2008, que la communauté de vie, tant matérielle qu'affective avec Mme J... I..., qui implique le respect des obligations du mariage, plus particulièrement du devoir de fidélité, avait cessé à la date à laquelle cette déclaration a été souscrite.

Les pièces produites par M. V... sont inopérantes à rapporter la preuve contraire. En particulier, les affirmations générales, contenues dans la lettre du 30 juin 2018 de Mme J... I..., qui indique avoir partagé avec M. V..., de « beaux moments de vie sincères et d'amour et de respect mutuel », ne permettent pas de justifier d'une communauté de vie persistant à la date de la souscription de la déclaration de nationalité française.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. V....

Sur l'application de l'article 30-2 du code civil

M. V... invoque subsidiairement la possession d'état de français et l'application de l'article 30-2 du code civil.

L'article 30-2 du code civil dispose que « lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source que dans la filiation, elle est tenue pour établie, sauf la preuve contraire, si l'intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français ».

Cet article édicte non une règle d'attribution ou d'acquisition de la nationalité française mais une règle de preuve de la nationalité française par filiation.

Or, d'une part, M. V..., qui avait acquis la nationalité française par mariage, ne prétend pas être français par filiation, d'autre part, les éléments de possession d'état dont il se prévaut ne peuvent lui permettre de se voir attribuer ou d'acquérir la nationalité française, cette possession d'état ayant été constituée ou maintenue par fraude.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'extranéité de M. V....

Les dépens seront supportés par M. V... qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. E... V... aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/23126
Date de la décision : 25/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°18/23126 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-25;18.23126 ?
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