RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 20 Février 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/05864 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76LJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Juin 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 18/01689
APPELANT DU CHEF DE LA COMPETENCE
M. [N] [T]
né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 8] (42)
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Kevin MENTION, avocat au barreau de PARIS, toque D.1248
INTIMEES DU CHEF DE LA COMPETENCE
SELAFA MJA prise en la personne de Maître Valérie [C]
en qualité de mandataire liquidateur de la SASU TAKEEATEASY
N° SIRET : 440 672 509
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223, avocat postulant
représentée par Me Ivan HECHT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0369, avocat plaidant
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
N° SIRET : 775 671 878
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10, substitué par Me Sabine NIVOIT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 décembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe ESTEVE, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Mariella LUXARDO , Présidente
Madame Brigitte CHOKRON, Présidente
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Mariella LUXARDO , Présidente et par Madame FOULON, Greffière.
**********
Statuant sur l'appel interjeté le 6 mai 2019 par M. [N] [T] d'un jugement statuant uniquement sur la compétence rendu le 21 juin 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris dans le cadre du litige opposant l'intéressé au mandataire liquidateur de la société TAKEEATEASY.FR et à l'AGS, qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,
Vu la requête transmise le 8 mai 2019 sur le fondement de l'article 84 alinéa 2 du code de procédure civile et l'ordonnance subséquente rendue le 5 septembre 2019 par le délégataire du premier président de la cour de céans autorisant l'appelant à assigner à jour fixe pour l'audience du 19 décembre 2019,
Vu les conclusions transmises le 1er juillet 2019 par M. [N] [T] et les assignations délivrées à sa requête les 18 et 20 septembre 2019 au mandataire liquidateur de la société TAKEEATEASY.FR et à l'AGS, aux termes desquelles il demande à la cour de':
- infirmer la décision rendue en date du 21 juin 2018,
statuant à nouveau,
- constater l'existence d'un contrat de travail entre les parties,
par conséquent,
- dire que le conseil de prud'hommes de Paris était compétent pour se prononcer sur les demandes
formulées devant lui,
- renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris,
- condamner la SELAFA MJA à 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Vu les conclusions transmises le 11 juillet 2019 par la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [R] [C] en qualité de mandataire liquidateur de la société (SARL) TAKEEATEASY.FR, intimée, qui demande à la cour de':
- confirmer le jugement entrepris,
in limine litis :
- constater l'absence de contrat de travail entre la société TAKE EAT EASY et M. [N] [T],
- dire et juger que le contrat de prestations de services ne peut être qualifié de contrat de travail,
- se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris,
- dire et juger que l'action de M. [N] [T] est irrecevable conformément à l'adage «'rupture sur rupture ne vaut'»,
- déclarer irrecevable M. [N] [T] en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
dans tous les cas :
- dire et juger que la demande de prise d'acte de rupture de M. [N] [T] est infondée,
- débouter M. [N] [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [N] [T] à lui verser une somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] [T] aux dépens,
Vu les conclusions transmises le 30 septembre 2019 par l'association AGS CGEA IDF OUEST (ci-après dénommée l'AGS) , autre intimée, qui demande à la cour de':
in limine litis,
- lui donner acte du fait qu'elle s'associe aux explications de la société et de ses mandataires judiciaires,
- dire et juger que M. [N] [T] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination,
en conséquence,
- dire et juger que M. [N] [T] n'était pas lié à la société TAKEEATEASY par un contrat de travail,
en conséquence,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 21 juin 2018 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,
- se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris,
dans tous les cas, si la cour décidait d'évoquer le fond,
- dire et juger que les manquements invoqués ne sont pas suffisamment graves,
- dire et juger que la demande de prise d'acte doit s'analyser en une démission,
en conséquence,
- débouter M. [N] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
en tout état de cause, sur sa garantie,
Vu les dispositions de l'article L. 3253-8 2 du code du travail,
Vu la jurisprudence la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 n°16-19.517,
- dire et juger que si la cour requalifiait la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l'AGS ne saurait garantir les créances résultant de la rupture d'un contrat de travail dès lors que la
rupture du contrat de travail est à l'initiative de M. [N] [T] et a eu lieu durant les 15 jours suivant le jugement de liquidation,
- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au
sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,
- dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées
pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge,
Vu le moyen relevé d'office à l'audience du 19 décembre 2019 par le magistrat rapporteur, tiré de la caducité de la déclaration d'appel encourue en application des dispositions combinées des articles 930-1, 85 et 922 du code de procédure civile pour défaut de transmission par la voie électronique avant l'audience d'une copie de l'assignation délivrée aux intimés et l'autorisation donnée aux parties de transmettre à la cour leurs observations sur ce point par une note en délibéré, dans les quinze jours suivant l'audience en ce qui concerne l'appelant et dans les quinze jours suivants en ce qui concerne les intimés,
Vu les observations et les sept pièces jointes transmises par voie électronique le 31 décembre 2019 par l'appelant, qui demande à la cour d'écarter la caducité encourue sur le fondement de la cause étrangère en application de l'article 930-1 alinéa 2 du code de procédure civile ou sur celui de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Vu les «'conclusions d'incident aux fins de caducité de la déclaration d'appel de l'appelant'» et les deux pièces annexées transmises par voie électronique le 7 janvier 2020 par la SELAFA MJA (prise en la personne de Maître [R] [C]) es qualités, qui demande à la cour de constater la caducité de la déclaration d'appel et par voie de conséquence l'extinction de l'instance d'appel et son dessaisissement,
La cour faisant expressément référence aux écrits susvisés pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,
SUR CE, LA COUR
Aux termes des dispositions de l'article 85 alinéa 2 du code de procédure civile, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.
La présente instance est régie par les règles applicables à la procédure avec représentation obligatoire.
En matière de procédure à jour fixe, l'article 922 du même code dispose':
«'La cour est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe.
Cette remise doit être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration sera caduque.
La caducité est constatée d'office par ordonnance du président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée.'»
Il est rappelé en outre qu'en application de l'article 930-1, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure doivent être remis à la juridiction par voie électronique, sauf cause étrangère à celui qui les accomplit.
En l'espèce, il est constant que l'appelant, représenté par un avocat, n'a pas remis au greffe par voie électronique avant la date fixée pour l'audience une copie des assignations délivrées aux intimés.
Il a déposé le 4 décembre 2019 au greffe, sur support matériel, la copie des deux assignations et leurs annexes ainsi que ses pièces n° I à VII et 1 à 6.
Le 5 décembre 2019, par courriel hors RPVA, il a procédé à la même transmission à l'intention des conseils des intimés.
Pour voir écarter la caducité encourue, l'appelant invoque tout d'abord une cause étrangère, tenant à la limitation à 4 Mo des messages transmis au greffe par le RPVA alors que la taille de ses assignations, qui comprenaient des conclusions incluant des captures d'images, dépassait selon lui 11 Mo.
Il en conclut que la communication en version papier à laquelle il a été contraint de procéder pour ce motif relève d'une cause étrangère, ainsi que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation l'a admis par arrêt du 6 novembre 2017 (n° 16-24864).
Il fait valoir ensuite que la caducité soulevée d'office par la cour est contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'elle méconnaît son droit d'accès effectif à un tribunal, notamment parce qu'une telle sanction ne poursuit pas un but légitime et est disproportionnée par rapport à l'objectif de célérité de la procédure.
Cependant, indépendamment même du fait que l'incorporation des pièces aux conclusions par capture d'images n'est pas conforme aux dispositions des articles 954 et 920 du code de procédure civile, il ressort du courriel du 5 décembre 2019 réceptionné par la SELAFA MJA es qualités que la taille de l'envoi de l'appelant correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo et que ce n'est qu'en raison de la transmission simultanée des pièces n° I à VII et 1 à 6 que la taille de l'envoi global dépassait 11 Mo. L'appelant communique d'ailleurs le justificatif en date du 1er juillet 2019 de l'envoi par le RPVA de ses conclusions au greffe, qui mentionne une taille de 2 Mo en dépit des captures d'image qu'elles contiennent.
Au regard de ces éléments, il est établi que la taille du fichier comprenant les assignations était inférieure à 4 Mo.
Dès lors, l'appelant ne justifie pas de la cause étrangère alléguée qui l'aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés.
Le non-respect de l'obligation, imposée par l'article 930-1 aux parties représentées par un avocat, de remettre leurs actes par voie électronique à la cour dans les conditions techniques fixées par un arrêté du garde des sceaux est sanctionné par l'irrecevabilité de l'acte qui n'a pas été transmis au greffe par cette voie.
Il s'ensuit que l'irrecevabilité en l'espèce de la remise de la copie des assignations entraîne la caducité de la déclaration d'appel en application des dispositions de l'article 922.
Une telle sanction est proportionnée au but légitime poursuivi par les dispositions susvisées, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, de sorte qu'elle ne procède, par elle-même, d'aucun formalisme excessif.
Il s'ensuit que la cour ne peut que constater la caducité de la déclaration d'appel, ainsi que l'extinction de l'instance et son dessaisissement.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant qui succombe supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Constate la caducité de la déclaration d'appel transmise le 6 mai 2019 par M. [N] [T], sur le fondement des articles 85, 922 et 930-1 du code de procédure civile, ainsi que l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour';
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [N] [T] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE