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20/02/2020 | FRANCE | N°18/03967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 février 2020, 18/03967


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 FEVRIER 2020



(n° 2020/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03967 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JGK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/11067



APPELANTE



Madame [J] [I] épouse [R]

[Adresse 1]

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Représentée par Me Badia BRICK, avocat au barreau de PARIS, toque : R140



INTIMEES



La société SUGARPLUM

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Valérie...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 FEVRIER 2020

(n° 2020/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03967 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JGK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/11067

APPELANTE

Madame [J] [I] épouse [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Badia BRICK, avocat au barreau de PARIS, toque : R140

INTIMEES

La société SUGARPLUM

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Valérie GUILLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

La société 1 POSTUR

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marc BOISSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B1193

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Greffier : Madame Marine BRUNIE , lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Madame Marine BRUNIE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

[J] [R], née en 1981, a été engagée par la société Sugarplum Cake Shop (ci-après la société Sugarplum) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 août 2012 en qualité de pâtissière, employée, catégorie IV - coefficient hiérarchique 180 moyennant un salaire mensuel brut de 1.500,02 euros pour 151,67 heures de travail.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale de la pâtisserie et la société Sugarplum emploie habituellement moins de onze salariés.

A la suite de la cession du fonds de commerce de la société Sugarplum à la société 1 Postur par acte du 29 juin 2016, le contrat de travail de la salariée a été repris par la société 1 Postur.

La salariée a bénéficié d'un congé de maternité à partir du 1er décembre 2015 jusqu'au 13 juin 2016, suivi de ses congés payés jusqu'au 12 juillet 2016, puis a obtenu avec l'accord de la société Sugarplum des congés sans solde jusqu'au 1er septembre 2016, date à laquelle il était convenu qu'elle reprenne son poste.

Par lettres des 3 et 12 septembre 2016, la société 1 Postur, constatant que la salariée n'avait pas repris son poste, lui a demandé de justifier de son absence ou à défaut de réintégrer son poste de travail.

Par lettre du 27 octobre 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 9 novembre 2016.

Le 4 novembre 2016, [J] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ainsi que la condamnation in solidum des sociétés Sugarplum et 1 Postur à lui verser des indemnités et rappel de salaire tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par lettre du 14 novembre 2016, la société 1 Postur a notifié à [J] [R] son licenciement pour faute grave.

Par jugement prononcé le 3 octobre 2017, auquel la cour renvoie pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes a débouté [J] [R] de l'ensemble de ses demandes, a débouté les sociétés Sugarplum et 1 Postur de leur demande reconventionnelle et a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par déclaration du 8 mars 2018, [J] [R] a relevé appel de ce jugement.

Suivant dernières conclusions transmises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 27 juin 2018, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, [J] [R] demande à la cour de la juger recevable et bien fondée en ses demandes, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Sugarplum et 1 Postur de leur demande reconventionnelle, de l'infirmer pour le surplus,

- à titre principal, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, de condamner in solidum les sociétés Sugarplum et 1 Postur à lui verser les sommes suivantes :

* 40.000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

* 2.392,33 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5.482,52 euros au titre de l'indemnité légale de préavis,

* 548,25 euros au titre des congés payés y afférents,

- à titre subsidiaire, de juger que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner in solidum les sociétés Sugarplum et 1 Postur à lui verser les sommes suivantes :

* 40.000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

* 2.392,33 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5.482,52 euros au titre de l'indemnité légale de préavis,

* 548,25 euros au titre des congés payés y afférents,

- en tout état de cause, de fixer son salaire moyen à la somme de 2.741,26 euros, de condamner in solidum les sociétés Sugarplum et 1 Postur à lui verser les sommes suivantes :

* 16.447,56 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 10.000,00 euros à titre de rappels de salaire pour les heures supplémentaires outre 1.000,00 euros de congés payés y afférents,

* 6.565,72 euros à titre de rappel de salaire pour les dimanches non rémunérés,

* 656,57 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1.363,95 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'avril à juin 2016,

* 136,39 euros au titre des congés payés y afférents,

* 931,74 euros au titre des jours fériés travaillés,

* 93,17 euros de congés payés y afférents,

* 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat,

* 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

d'ordonner la remise des bulletins de salaire, d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un solde de tout compte, conformes, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et d'ordonner la restitution du matériel lui appartenant sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de dire que le conseil se réservera la liquidation de l'astreinte, de dire que les sommes mises à leur charge porteront intérêts à taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, d'ordonner la capitalisation des intérêts et d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Suivant dernières conclusions transmises au greffe et notifiées par le Rpva le 4 décembre 2018, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Sugarplum Cake Shop demande à la cour de confirmer le jugement, de fixer le salaire mensuel à 2.286,61 euros, de juger qu'elle n'a commis aucune faute à l'encontre de la salariée, de débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes, de juger qu'ayant cédé son fonds de commerce le 29 juin 2016 et n'étant plus l'employeur à compter de cette date, elle ne peut être jugée responsable du licenciement intervenu à l'initiative de la société 1 Postur, de débouter la société 1 Postur de sa demande de garantie à son encontre, et de condamner la partie succombante à lui payer la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant dernières conclusions transmises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 novembre 2018, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société 1 Postur demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement, et très subsidiairement en cas d'infirmation, au visa de l'article L.1224-2 du code du travail, de condamner la société Sugarplum Cake Shop à lui rembourser toute condamnation pouvant être mise à sa charge et de condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 décembre 2019 et l'affaire a été examinée au fond à l'audience de la cour du 7 janvier 2020.

MOTIVATION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat de travail, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque les manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée aux torts de l'employeur ; elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, [J] [R] expose que la société Sugarplum a eu recours au travail dissimulé en lui versant une partie de son salaire en liquide, sans le déclarer, à hauteur de 350 euros mensuels entre septembre 2014 et mars 2016 ; qu'à partir d'avril 2016, cette partie ne lui a plus été versée ; qu'elle a effectué des heures supplémentaires non rémunérées entre avril 2014 et octobre 2015 à hauteur d'au moins une heure par jour entre 6 et 7 heures ; qu'elle a travaillé des dimanches et jours fériés en 2014 et 2015 sans percevoir de rémunération, ni de contrepartie ; qu'[P] [V], gérante de la société Sugarplum lui a délégué à partir de mars 2014 une partie de ses attributions sans aucune reconnaissance et que l'employeur n'a pas rempli ses obligations de manière loyale.

Contestant avoir procédé à des versements d'une partie du salaire en liquide et tout travail dissimulé, l'avoir fait travailler des dimanches et jours fériés ainsi que durant les heures supplémentaires alléguées, la société Sugarplum réplique que la salariée a bénéficié d'une forte augmentation de salaire entre mars et septembre 2014 et qu'elle percevait un salaire bien plus important que l'autre pâtissière ; que jusqu'à sa saisine judiciaire, celle-ci n'a jamais dénoncé les faits qu'elle allègue ; qu'alors qu'elle était alors mère de trois enfants en bas âge, ses allégations de travail six jours sur sept, dimanches et jours fériés compris à compter de 6 heures du matin ne sont pas crédibles ; qu'en réalité, celle-ci, plus âgée que la gérante qui n'avait que 26 ans n'a pas accepté cette nouvelle autorité, ce qui a envenimé les relations de travail.

La société 1 Postur indique qu'elle a repris le contrat de travail d'[J] [R] en prenant en compte les salaires mentionnés sur les bulletins de paie, sans avoir eu connaissance avant les allégations de celle-ci, d'un salaire plus important versé pour une part de manière dissimulée ; que le taux horaire de celle-ci était de 15,07 euros alors que les deux autres pâtissières étaient rémunérées à hauteur de 12,06 et 11,21 euros de l'heure ; que la salariée, face à sa position de rester sur la base des salaires visés à la cession du fonds de commerce, lui a fait part de son refus de reprendre son poste à l'issue de son congé maternité et des congés qui lui avaient été accordés en invoquant l'absence de solution durable pour assurer la garde de son enfant dernier-né.

Il y a lieu d'examiner successivement les divers griefs formulés par [J] [R] à l'encontre de l'employeur au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur le recours au travail dissimulé

Il ressort de l'avenant au contrat de travail du 15 décembre 2012 que les horaires hebdomadaires de la salariée étaient fixés du mardi au samedi de 7 heures à 15 heures avec une heure de pause.

Alors que la salariée a été embauchée à un salaire brut de 1.500,02 euros, les bulletins de paie de la salariée mentionnent un salaire brut de 1.825,37 euros à partir de février 2013, puis de 2.090,98 euros à partir de mars 2014, à l'arrivée d'[P] [V] en qualité de gérante de la société Sugarplum, puis de 2.286,61 euros à partir de septembre 2014.

Le salaire d'[J] [R] a donc été augmenté de 25% entre mars et septembre 2014.

[J] [R] indique qu'à partir de mars 2014, elle aurait perçu chaque mois, en plus du salaire net de 1.750 euros mentionné sur les bulletins de paie, une somme de 350 euros versée en numéraire et non déclarée jusqu'en mars 2016 à titre de complément de salaire occulte.

Au soutien de cette allégation, celle-ci produit tout d'abord des photocopies d'écran d'échanges de textos entre [P] [V] et elle-même datés des 30 septembre 2014, 2 janvier, 4 février, 3 mars et 5 avril 2016.

Cependant, la lecture de ses échanges, dont la teneur n'est pas suffisamment précise, ne permet pas d'établir que la société Sugarplum a versé une partie du salaire à hauteur de 350 euros mensuels en numéraire à la salariée sur la période alléguée.

[J] [R] produit en outre trois attestations établies par [K] [R], son époux, [G] [O], l'autre pâtissière salariée de la société Sugarplum et [D] [U], ancienne salariée de la société.

Toutefois, la force probante du témoignage du mari d'[J] [R] est affaiblie en raison du lien d'intérêt unissant l'attestant à la salariée et les deux autres témoignages ne rapportent pas de faits précis dont leurs rédacteurs ont été témoins.

Il s'ensuit que les allégations d'[J] [R] relatives au versement d'une partie de son salaire en numéraire non déclaré entre septembre 2014 et mars 2016 ne sont pas établies.

Consécutivement, la demande de rappel de salaire sur la période comprise entre avril et juin 2016 à hauteur de la somme de 1.363,95 euros correspondant à la partie du salaire non déclarée alléguée n'est pas fondée, pas plus que la demande d'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Sur les heures de travail effectuées

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.

Il appartient, cependant, au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires et de rappel de salaire pour les dimanches et jours fériés travaillés, [J] [R] expose qu'à partir d'avril 2014, elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires notamment le matin entre 6 heures et 7 heures, outre un dimanche sur deux et plusieurs jours fériés.

Pour étayer sa demande, elle produit un tableau de calcul global indiquant 5 heures supplémentaires hebdomadaires effectuées entre avril et décembre 2014 ainsi qu'entre janvier et octobre 2015 et un tableau de calcul global identique pour les dimanches et jours fériés ; ces tableaux n'indiquent pas de date précise quant aux heures supplémentaires alléguées et aux jours fériés et dimanches travaillés.

Elle produit en outre cinq attestations établies par [K] [R], son époux, [G] [O], l'autre pâtissière salariée de la société Sugarplum, [D] [U], ancienne salariée de la société, [H] [A] [X], ancienne stagiaire de la société Sugarplum et [L] [E], chauffeur livreur.

Force est de constater qu'aucune de ces attestations qui expriment majoritairement des appréciations générales de leurs auteurs sur les qualités professionnelles de la salariée, et contiennent des propos à visée générale sur les conditions de travail de la salariée ne rapportent de faits précis dont leurs rédacteurs ont été témoins quant aux horaires effectivement réalisés par la salariée.

Il en résulte qu'[J] [R] ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires de travail qu'elle a effectivement exécutés pour la période concernée et pour les dimanches et jours fériés qui ne sont pas précisés, pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Celle-ci sera déboutée de sa demande d'heures supplémentaires, de rappel de salaire sur jours fériés et dimanches travaillés et d'indemnités compensatrices de congés payés incidents.

Sur la modification du contrat de travail

[J] [R] indique que la société 1 Postur a refusé de prendre en considération le salaire perçu depuis plus d'un an et demi, comprenant la partie de 350 euros en numéraire mensuelle, ce qui constitue une modification de sa rémunération.

Cependant, dans la mesure où l'allégation de la salariée quant au salaire perçu n'est pas établie, la modification du contrat de travail reprochée n'est pas plus établie.

Sur la mauvaise exécution du contrat de travail

Se référant aux attestations sus-mentionnées, [J] [R] indique que la société Sugarplum a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en la surchargeant de travail suite au désinvestissement de la gérante.

Toutefois, aucune des attestations sus-mentionnées ne contient de propos suffisamment précis pour permettre d'étayer les allégations d'[J] [R].

La demande de dommages et intérêts formée au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas fondée.

Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des manquements reprochés par [J] [R] à l'employeur au soutien de la résiliation judiciaire du contrat de travail n'est établi. Celle-ci sera déboutée de sa demande de ce chef et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Sur l'indemnité au titre du travail dissimulé

Selon l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1°/ soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2°/ soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3°/ soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

[J] [R] forme une demande d'indemnité pour travail dissimulé. Toutefois, aucune heure supplémentaire n'a été accomplie et aucune dissimilation d'activité n'est établie. La demande d'indemnité au titre du travail dissimulé sera rejetée comme retenu par le jugement qui sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'étant pas fondée, il convient d'examiner le bien-fondé du licenciement pour faute grave notifié par la société 1 Postur à [J] [R] le 14 novembre 2016.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement reproche à la salariée de ne pas s'être présentée à son travail à compter du 1er septembre 2016 à l'issue de son congé de maternité et de ne pas avoir justifié de son absence en continu malgré deux lettres recommandées des 3 et 12 septembre 2016.

[J] [R] expose que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse dans la mesure où sa non-reprise du travail était justifiée par le comportement de l'employeur, où la société a enclenché tardivement la procédure de licenciement et où l'employeur n'a organisé aucune visite de reprise à la suite du congé de maternité si bien que le contrat était toujours suspendu lors du licenciement.

Sans répliquer sur le moyen tiré de l'absence de visite médicale de reprise à l'issue du congé de maternité de la salariée, la société 1 Postur indique que le licenciement pour abandon de poste était justifié.

La société Sugarplum indique qu'elle n'est pas à l'origine ni responsable du licenciement prononcé par la société 1 Postur et des conséquences de celui-ci.

L'article L.1225-24 du code du travail dispose que le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail et que la salariée avertit l'employeur du motif de son absence et de la date à laquelle elle entend y mettre fin.

L'article R.4624-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoit que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après notamment un congé de maternité.

L'article L.1225-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige est ainsi rédigé :

'Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité à maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.'

En l'espèce, la salariée ayant bénéficié d'un congé de maternité à partir du 1er décembre 2015 jusqu'au 13 juin 2016, suivi de ses congés payés jusqu'au 12 juillet 2016, il en résulte que l'employeur ne pouvait aux termes de la lettre de licenciement reprocher à la salariée un abandon de poste à compter du 1er septembre 2016 malgré deux mises en demeure des 3 et 12 septembre 2016, alors qu'à ces dates, le contrat de travail, en application de l'article L.1225-4 du code du travail, se trouvait toujours suspendu.

Il s'ensuit que le licenciement n'est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement qui a débouté [J] [R] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse dot être infirmé sur ces points.

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, [J] [R] a droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois de salaire, soit la somme de 4.573,22 euros (2.286,61 euros de salaire x 2 mois), ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés incidents de 457,32 euros.

En application de l'article L.1234-9 du code du travail dans sa version application au litige, [J] [R] a par ailleurs droit à une indemnité de licenciement.

Au regard de son ancienneté de 4 ans et 4 mois et du salaire de 2.286,61 euros, l'indemnité de licenciement sera fixée à 2.019,83 euros, selon le calcul suivant identique à celui produit par la salariée : (2.286,61 euros x 1/5 x 4) + (2.286,61 x 1/5 x 5/12).

En application de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié a droit en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

[J] [R], née en 1981, présentait une ancienneté d'un peu plus de quatre ans. Son salaire était de 2.286,61 euros. Elle ne produit pas d'élément sur sa situation relative à l'emploi postérieurement au licenciement. Compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture, il y a lieu de lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 10.000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif.

La société 1 Postur à l'origine du licenciement abusif sera seule condamnée au paiement des indemnités sus-mentionnées à [J] [R]. Elle sera déboutée de sa demande de garantie formée à l'encontre de la société Sugarplum sur le fondement de l'article L.1224-2 du code du travail, étant seule responsable du licenciement abusif intervenu.

Les demandes formées à l'encontre de la société Sugarplum seront rejetées.

Les parties ne critiquant pas la disposition du jugement ayant débouté [J] [R] de sa demande de prime de fin d'année pour les années 2013 à 2015 et [J] [R] ne soutenant pas cette demande dans ses conclusions d'appel, cette disposition sera confirmée.

Sur la remise des documents

Au regard de la solution du litige, la société 1 Postur devra remettre à [J] [R] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation destinée à Pôle emploi et un solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte.

Sur la restitution du matériel

[J] [R] sera déboutée de sa demande de restitution du matériel faute de précision suffisante sur l'objet de sa demande.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la créance indemnitaire produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les créances salariales produiront des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société 1 Postur à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande d'exécution provisoire

Cette demande sera rejetée comme sans étant objet dès lors qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire devant la cour d'appel.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la société 1 Postur sera condamnée à payer à [J] [R] la somme de 2.500,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Sur les dépens

Le jugement qui a laissé les dépens à la charge de chacune des parties sera infirmé sur ce point. Partie succombante, la société 1 Postur sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté [J] [R] de ses demandes d'indemnité pour licenciement abusif, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés incidents, d'indemnité de licenciement, de remise de documents, de capitalisation des intérêts, formées à l'encontre de la société 1 Postur et en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de chacune des parties,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que le licenciement notifié par la société 1 Postur est dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société 1 Postur à verser à [J] [R] les sommes suivantes :

* 4.573,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 457,32 euros à titre d'indemnité de congés payés incidents,

* 2.019,83 euros à titre d'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société 1 Postur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

CONDAMNE la société 1 Postur à verser à [J] [R] la sommes de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

ORDONNE à la société 1 Postur de remettre à [J] [R] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation destinée à Pôle emploi et un solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société 1 Postur à payer à [J] [R] la somme de 2.500,00 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

CONDAMNE la société 1 Postur aux dépens exposés en première instance et en appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/03967
Date de la décision : 20/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°18/03967 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-20;18.03967 ?
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