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20/02/2020 | FRANCE | N°17/03699

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 février 2020, 17/03699


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 20 FEVRIER 2020



(n° 2020/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03699 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B23V7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 12/02195





APPELANT



Monsieur [N] [C]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 7] (93)<

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Demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Jonathan ADWOKAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0501



INTIMEE



La société [Adresse 6]

N° SIRET : 552 01 6 6 2...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 20 FEVRIER 2020

(n° 2020/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03699 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B23V7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 12/02195

APPELANT

Monsieur [N] [C]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 7] (93)

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jonathan ADWOKAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0501

INTIMEE

La société [Adresse 6]

N° SIRET : 552 01 6 6 28

Sise [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et par Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée à effet au 1er juillet 1986, M. [N] [C] a été engagé par la société [Adresse 6] en qualité d'agent de régie. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions d'agent d'exploitation parcs, échelon 124 E pôle 3 et percevait une rémunération mensuelle brute de base de 1 619,08 euros conduisant à une moyenne mensuelle nette de 3 080 euros dont le montant n'est pas discuté par les parties.

Le 7 avril 2010, M. [C] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour avoir organisé des repas à titre lucratif dans les locaux de l'entreprise et avoir procédé à des branchements d'appareils électroménagers sans autorisation.

M. [C] a présenté des arrêts de travail pour maladie ne relevant pas du régime des risques professionnels du 2 au 4 août 2010 puis du 27 août au 26 septembre 2010 et enfin du 12 au 26 octobre 2010 pendant lesquels l'employeur a fait procéder à des contre-visites médicales.

Estimant être victime de discrimination et de harcèlement moral, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 14 juin 2012 afin d'obtenir l'annulation de la sanction disciplinaire et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.

M. [C] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 12 juin 2014.

La société [Adresse 6] emploie au moins onze salariés auxquels s'applique le statut du personnel d'[Adresse 6].

Par jugement de départage du 13 février 2017 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section commerce, a débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes, laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et a condamné M. [C] aux dépens.

M. [C] a régulièrement relevé appel du jugement le 9 mars 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [C] prie la cour d'infirmer le jugement et :

- annuler la mise à pied disciplinaire du 7 avril 2010 et condamner la société [Adresse 6] à lui payer la somme de 256,32 euros et la prime incidente de 64,80 euros,

- condamner la société [Adresse 6] à lui payer les sommes de :

* 25'300 euros net d'impôts CRDS/CSG et charges sociales à titre de dommages-intérêts pour perte de salaire,

* 43'522 euros de dommages-intérêts pour préjudice de retraite,

* 60'000 euros net d'impôts CRDS/CSG et charges sociales de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail,

- dire que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la date de la sanction disciplinaire,

- condamner la société [Adresse 6] au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société [Adresse 6] prie la cour de confirmer le jugement, débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 novembre 2019 et l'affaire est venue pour plaider à l'audience du 19 décembre 2019.

MOTIVATION :

Sur la demande d'annulation de la sanction disciplinaire notifiée le 7 avril 2010 :

M. [C] sollicite l'annulation de la sanction disciplinaire et l'infirmation du jugement qui l' a débouté de ce chef de demande aux motifs que celle-ci est la conséquence d'un comportement discriminatoire de l'employeur, que les faits poursuivis sont prescrits et que la procédure est irrégulière.

La société [Adresse 6] conclut au débouté et à la confirmation du jugement en faisant valoir que la procédure disciplinaire a été engagée le 16 février 2010 dans le délai de 2 mois après qu'elle a eu connaissance des faits fautifs, que ceux-ci sont établis et que la sanction a été infligée de manière régulière et proportionnée en dehors de toute discrimination dont le salarié n'établit même pas les motifs.

Sur la régularité de la procédure, l'article 31 du statut du personnel d'Aéroport de paris prévoit que toute sanction doit être motivée et notifiée par écrit et que 'tout salarié frappé d'une sanction peut faire appel par la voie hiérarchique, au président directeur général ou à son représentant agissant par délégation qui statue dans un délai ne pouvant excéder trente jours. L'appel n'est pas suspensif.'

Il est constant qu'en l'espèce, la mise à pied disciplinaire a été notifiée à M. [C] sans que l'employeur lui ait rappelé la possibilité d'exercer un recours contre sa décision. Contrairement à ce que fait valoir la société [Adresse 6], peu importe la nature juridique du statut du personnel et sa nature réglementaire, laquelle n'est pas discutée par le salarié, dès lors d'une part que M. [C] qui sollicite l'application de ses dispositions relatives au recours contre une sanction disciplinaire ne prétend pas qu'il lui est inopposable et que d'autre part, l'article 31 prévoyant des dispositions plus favorables au salarié que les textes légaux institue au profit de celui-ci une garantie de fond obligeant l'employeur à l'informer de cette possibilité.

La cour jugera donc que la notification de la sanction disciplinaire est irrégulière et annulera la sanction sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par le salarié.

En conséquence il sera fait droit à la demande de paiement des sommes de 256,32 euros à titre de rappel de salaire outre 64,80 euros au titre de la prime incidente dont les montants ne sont pas critiqués par l'employeur et correspondent aux retenues effectuées par la société [Adresse 6] au titre de la mise à pied sur le bulletin de salaire du mois de juin 2010.

Sur le harcèlement moral :

M. [C] soutient avoir été victime de harcèlement moral ou à tout le moins d'une exécution déloyale du contrat de travail et réclame en conséquence la condamnation de l'employeur à lui verser à ce titre une somme de 60'000 euros net d'impôt CRDS/CSG et charges sociales et l'infirmation du jugement qui l'a débouté de ce chef de demande.

La société [Adresse 6] conclut au débouté et à la confirmation du jugement.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

À l'appui de sa demande, M. [C] invoque les faits suivants :

- une mise à pied illégitime,

- des contrôles médicaux qui se sont succédé pour chacun des arrêts de travail qu'il a présentés après cette mise à pied caractérisant une discrimination liée à l'état de santé,

- son isolement et sa mise à l'écart de tout contact avec sa responsable à la suite de son signalement des difficultés de circulation dans le parking.

Les faits sont établis à l'exception de l'isolement et de la mise à l'écart allégués, les éléments versés aux débats par M. [C], constitués par trois courriers adressés par lui en octobre 2008 à Mme [V], sa supérieure hiérarchique M. [B] directeur responsable du pôle exploitation et Mme [I], responsable activités parcs, au sujet de la circulation dans les parkings n'y suffisant pas. Pris dans leur ensemble, ils sont de nature à laisser supposer des agissements de harcèlement moral de sorte qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant des contrôles médicaux que l'employeur a fait pratiquer à la suite des arrêts de travail de M. [C], la cour observe en premier lieu qu'ils relèvent de l'exercice du pouvoir patronal et que l'importance de l'absentéisme dans les effectifs de la société [Adresse 6] telle qu'elle ressort du bilan social 2010 communiqué par l'employeur et représentant 103'301 jours suffit à justifier la politique de fermeté de l'employeur à cet égard peu important qu'un autre salarié atteste avoir quant à lui présenté des arrêts de travail en 2010 et 2011 sans avoir eu de contrôle médical (M. [O]), et ce d'autant qu'un troisième salarié, M. [P], atteste avoir été contrôlé en 2009 pour sa part. La discrimination alléguée ne sera donc pas retenue pas plus que l'inégalité de traitement.

Le fait que la cour a annulé la mise à pied disciplinaire ne suffit pas à lui seul à justifier l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral de sorte que la demande de dommages-intérêts présentée à ce titre sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

M. [C] reproche à l'employeur un mode de management par la peur de nature à entraîner des situations de souffrance au travail et l'absence de prise en considération des risques psychosociaux et de la souffrance morale au travail.

Les attestations et courriels des salariés communiqués aux débats par M. [C] ne suffisent pourtant pas à établir le management par la peur décrit par le salarié en raison du manque de précision des faits dénoncés, tels Mme [F] qui indique qu'elle ne veut pas prendre des sens inerdits, Mme [R] qui évoque le cas de M. [P] et les tensions qu'elle a constatées sans aucune précision ou même sa situation personnelle mais dans des termes généraux et non circonstanciés (victime d'insultes et d'humiliations par la majorité de ses collègues du pôle 3) ou encore M. [Y] qui mentionne des faits antérieurs au mois d'octobre 2008 alors que cette date caractérise selon M. [C] le début de ses difficultés ou enfin, M. [S] qui fait état de faits survenus le 2 février 2015 postérieurement au licenciement de M. [C].

La cour considère en conséquence que l'exécution déloyale du contrat de travail alléguée n'est pas démontrée et déboutera M. [C] de ce chef de demande, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Eu égard à la solution du litige, M. [C] sera débouté des demandes qu'il forme au titre de la perte de salaire et de la perte de pension de retraite le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les interêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 19 juin 2012, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

La société [Adresse 6] sera condamnée aux entiers dépens mais la cour ne fera pas application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [C] de sa demande de nullité de la sanction disciplinaire notifiée le 7 avril 2010 et de la demande de rappel de salaire en découlant,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

Annule la sanction disciplinaire du 7 avril 2010,

Condamne la société [Adresse 6] à payer à M. [N] [C] les sommes de 256,32 euros à titre de rappel de salaire outre 64,80 euros au titre de la prime incidente avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 19 juin 2012,

Déboute M. [N] [C] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties,

Condamne la société [Adresse 6] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/03699
Date de la décision : 20/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°17/03699 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-20;17.03699 ?
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