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19/02/2020 | FRANCE | N°19/00867

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 19 février 2020, 19/00867


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 Février 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/00867 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DDC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F/18/03982





APPELANT



Monsieur [B] [C]

[Adresse 7]

[Localité 4]

né le [Date n

aissance 1] 1970 à [Localité 5] (92)



Représenté par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046





INTIMEE



Etablissement Public REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIEN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 Février 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/00867 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DDC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F/18/03982

APPELANT

Monsieur [B] [C]

[Adresse 7]

[Localité 4]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5] (92)

Représenté par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

INTIMEE

Etablissement Public REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) Prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 19 juillet 2019

Greffier : Mme Kala FOULON, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] a été engagé par l'EPIC RATP le 19 février 1994, en qualité d'agent de sécurité du groupe de protections et de sécurisation des réseaux du département sécurité, moyennant un salaire mensuel moyen brut de 2227,33 euros.

Le 20 avril 2000, il a été affecté au Khéops de [Localité 6].

Alléguant de faits de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique Monsieur [H], Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes, le 5 octobre 2004 en paiement de dommages et intérêts.

Le 15 mai 2004, Monsieur [C] a été victime d'un accident de moto, a été plongé dans le coma pendant trois jours.

La MDPH de l'Essonne a reconnu le concernant le statut de travailleur handicapé à plus de 80 %.

Le 14 octobre 2004, le tribunal correctionnel d'Evry a prononcé une condamnation à l'encontre de Monsieur [C] pour des faits de violences, menaces de mort, port prohibé d'arme de quatrième catégorie et de munitions, recel de biens provenant d'un vol mais avec dispense d'inscription de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

L'EPIC RATP a convoqué Monsieur [C] pour le 16 mai 2005 à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'à la révocation et a, le 6 juillet 2005, sollicité l'autorisation de l'inspection du travail de procéder à la révocation de Monsieur [C].

L'autorisation de le licencier a été refusée par l'inspection du travail par une décision du 5 août 2005.

À la suite des recours formés par l'EPIC RATP, le ministre des transports a, par une décision du 6 avril 2006, annulé la décision de l'inspection du travail et a autorisé la révocation de Monsieur [C].

Par une lettre recommandée du 13 avril 2006, Monsieur [D] [S], directeur du département sécurité a prononcé la révocation de Monsieur [C] avec effet au 20 avril 2006.

Monsieur [C] a formé un recours contre la décision ayant autorisé sa révocation.

Par une décision définitive du 16 juin 2016, le conseil d'État a confirmé l'arrêt de la cour d'appel administrative de renvoi de Paris du 30 novembre 2015 selon lequel Monsieur [C] ne pouvait pas bénéficier du statut de salarié protégé lié au mandat de délégué syndical de sorte que l'autorisation de licenciement était sans objet.

Par jugement du 6 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage, a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'EPIC RATP à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- 4454 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 445 € pour les congés payés afférents,

- 2227 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 20 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle sérieuse,

- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a débouté les parties du surplus de leurs réclamations respectives.

Monsieur [C], ayant constitué avocat, a relevé appel du jugement par une déclaration transmise au greffe de la cour d'appel de Paris le 30 janvier 2019.

L'EPIC RATP a relevé appel incident du jugement.

Selon des conclusions transmises le 9 octobre 2019 par voie électronique, Monsieur [C] conclut à titre principal à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité du licenciement, de réintégration, d'indemnité de congés payés, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, subsidiairement en ce qu'il a limité l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Il demande à la cour de :

* juger que la révocation est nulle,

* ordonner sa réintégration sous astreinte de 1000 € par jour de retard avec toutes les conséquences de droit,

* condamner l'EPIC RATP à lui verser 450 000 € à titre prévisionnel jusqu'au jour de sa réintégration, à reconstituer sa carrière afin qu'il bénéficie du niveau, de l'ancienneté, du grade qui auraient été les siens si la révocation litigieuse n'était pas intervenue, à créditer son compte épargne temps de congés annuels, soit 392 jours, dont il a été privé à raison de la révocation illicite, et à lui régler les sommes suivantes :

- 4018,99 euros au titre du remboursement des congés payés,

- 30 000 € à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Subsidiairement, il conclut à la confirmation du jugement ayant retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse mais il réclame 150 000 € à titre de dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle sérieuse.

En tout état de cause, il sollicite 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon des conclusions transmises le 29 octobre 2019 par voie électronique, l'EPIC RATP conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle sérieuse, s'oppose aux prétentions formulées par le salarié et sollicite sa condamnation au paiement d'une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [C] considère que la révocation prononcée est nulle dès lors que :

- elle repose sur des faits étrangers à la relation travail mais tirés de sa vie privée,

- Il a été victime d'un harcèlement d'ailleurs reconnu,

- l'EPIC RATP a pris en compte son état de santé pour rompre le contrat de travail, alors qu'il était en inaptitude provisoire au moment de sa révocation et qu'il n'y a pas eu recherche de reclassement

- les faits fautifs étaient prescrits et la faute grave n'est pas caractérisée,

- le délai d'un mois prévu entre l'entretien et la convocation devant le conseil de discipline n'a pas été respectée,

- le signataire de la lettre de licenciement n'avait pas compétence pour le faire,

- la procédure devant le conseil de discipline n'a pas été respectée.

Monsieur [C] souligne que l'EPIC RATP a exécuté le contrat de travail de manière déloyale en ce qu'il l'a privé des activités techniques physiques de formation, de remise à niveau après deux absences de longue durée, en ce qu'il n'a pas respecté la périodicité des entretiens d'appréciation et de progrès, et en ce qu'il a refusé de l'armer et de lui donner la responsabilité des équipes GPS .

Monsieur [C] se prévaut également de l'écrêtement erroné des congés payés et de la reconstitution d'une carrière d'agent.

Pour s'opposer aux demandes de Monsieur [C], L'EPIC RATP soutient que :

- Monsieur [C] a fait l'objet d'une révocation pour méconnaissance de ses obligations professionnelles,

- aucun lien ne peut être fait entre le harcèlement moral allégué et la révocation,

- son état de santé n'a pas été pris en compte pour prononcer la révocation alors qu'il faisait l'objet d'une déclaration d'inaptitude provisoire,

- la faute grave est caractérisée,

- aucun texte ne prévoit la nullité de la révocation en cas de prescription des faits, en cas de non respect d'un délai d'un mois entre l'entretien et la convocation devant le conseil de discipline,

- la procédure devant le conseil de discipline était régulière.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 octobre 2019.

MOTIFS

À titre préliminaire, sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Par conclusions communiquées le 25 novembre 2019, Monsieur [C] sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 30 octobre 2019, la prise en compte de ses conclusions et pièces transmises le 25 novembre 2019.

Subsidiairement, il conclut au rejet des pièces et conclusions transmises par la RATP le 29 octobre 2019.

Par conclusions, l'EPIC RATP s'oppose à la révocation de la clôture et sollicite la recevabilité de ses pièces et conclusions transmises la veille de la clôture dès lors qu'il n'a lui-même disposé, du fait de l'appelant, que de trois semaines pour conclure.

Il explique, que les parties ont conclu respectivement le 3 avril 2019 et le 2 juillet 2019, que Monsieur [C] a attendu le 9 octobre 2019, soit au delà du délai de trois mois requis pour répondre à son appel incident, et pour communiquer 19 nouvelles pièces et de nouvelles conclusions comprenant de nombreux ajouts et arguments.

S'agissant de la question du non respect d'un délai réglementaire de trois mois laissé à l'appelant pour conclure après la notification des conclusions faisant mention d'un appel incident, la cour relève que l'Epic RATP n'en a pas saisi le conseiller de la mise en état compétent et qu'il ne peut utilement saisir la cour au fond de cet incident.

Par ailleurs, l'appelant a conclu et transmis ses écritures le 9 octobre 2019, l'Epic RATP a répondu par des écritures transmises le 29 octobre 2019, soit la veille de la clôture annoncée depuis plusieurs mois pour le 30 octobre 2019.

L'appelant a conclu en réponse le 25 novembre 2019.

Toutefois dans la mesure où l'appelant n'a conclu à nouveau que le 9 octobre 2019, soit plus de trois mois après avoir été destinataire des conclusions de l'intimé, en pleine connaissance de cause du fait que l'ordonnance de clôture devait être rendue le 30 octobre 2019, que le délai ainsi laissé à l'intimé pour répliquer était court, aucune cause grave ne justifie qu'il soit fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, observation étant faite que l'article 786 du code de procédure civile fait obligation aux parties de justifier d'une cause grave au soutien de la demande de révocation de la cloture.

Les conclusions de l'appelant transmises postérieurement à la clôture ne sont donc pas recevables.

Il ne sera pas fait droit à la demande de rejet des conclusions et pièces transmises par la RATP le 29 octobre 2019, en réponse aux conclusions de l'agent en date du 09 octobre 2019.

Sur le fond ;

Sur le harcèlement ;

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Comme faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, Monsieur [C] invoque :

- les pressions de Monsieur [H],

- la révocation

Sur les pressions;

S'agissant des pressions exercées sur le salarié, celui-ci communique des pièces et éléments les établissant matériellement, ainsi que l'a pertinemment relevé le conseil de prud'hommes, après avoir procédé à leur analyse avec précision et exactitude et en tous points identiques à ceux qui sont présentés à la cour.

C'est donc vainement que l'Epic RATP les conteste.

Sur la révocation ;

En application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste,il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre du 13 avril 2006 notifiant à Monsieur [C] sa révocation est rédigée dans les termes suivants :

« par jugement rendu le 14 octobre 2004, par le tribunal de Grande instance d'Évry, vous avez été condamné à un an d'emprisonnement avec sursis pour menace de mort matérialisée par écrit, images ou autre objet, violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours, port prohibé d'armes, munitions ou leurs éléments de catégorie 4 et recel de biens provenant d'un vol. Vous n'avez pas informé l'entreprise de cette condamnation alors que les articles 65 et 66 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ne vous permettent plus d'être employé au sein du service interne de sécurité de l'entreprise qui pourrait voir sa responsabilité pénale engagée si elle vous maintenait dont vos fonctions.

L'article 154 du statut du personnel de la RATP dispose en outre : « les agents commissionnés condamnés à l'emprisonnement avec ou sans sursis ou à une peine infamante peuvent être révoqués. La nature de ces faits d'une gravité certaine se rattache à votre vie professionnelle et crée un trouble caractérisé au sein de l'entreprise eue égard à vos fonctions et à leurs finalités notamment s'agissant de la sécurité des personnes ».

Monsieur [C] soulève le moyen tiré de la prescription des faits.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales

Monsieur [C] indique avoir été condamné par le tribunal correctionnel d'Évry le 14 octobre 2004 et soutient que l'EPIC RATP à qui il incombe de justifier la date à laquelle il a eu connaissance des faits qu'il lui a reprochés était informé de la condamnation prononcée avant le 9 mars 2005, ne serait-ce que parce que Madame [X] [E] du service juridique de l'EPIC RATP a formé auprès du greffe une demande d'envoi de la copie du jugement antérieurement sans que jamais la date de formalisation de cette demande n'ait été précisée et justifiée, et ce, malgré les nombreuses sollicitations à cet égard.

Dans ses conclusions, l'Epic RATP expose avoir été informé de la condamnation de Monsieur [C] par la copie du jugement du tribunal correctionnel d'Evry reçue le 9 mars 2005.

S'il est patent que la représentante du service juridique a nécessairement eu connaissance d'une condamnation pénale à l'encontre de Monsieur [C] pour en avoir sollicité une copie auprès du greffe du tribunal correctionnel, force est de relever que l'Epic RATP n'a pu avoir une connaissance précise de la nature et de l'ampleur des faits et notamment de la condamnation pour port prohibé d'arme de la 4 ème catégorie, qu'à réception de la copie dudit jugement, le 9 mars 2005.

En conséquence, dès lors que la procédure a été initiée le 19 avril 2005 par la convocation de Monsieur [C] à un entretien préalable, soit moins de deux mois après la réception de la copie du jugement, le moyen tiré de la prescription est inopérant.

Monsieur [C] soulève le moyen tiré du non respect du délai de notification de la sanction après l'entretien préalable ainsi que celui selon lequel le délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit, en vertu de règles conventionnelles ou statutaires, à recueillir l'avis d'un organisme disciplinaire, à la condition que la saisine de cette instance intervienne effectivement dans le mois suivant la date fixée pour l'entretien préalable.

Il est exact que l'article L. 1332-2 du code du travail comme les dispositions du règlement intérieur de la RATP prévoient que la notification de la sanction se fait par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai minimum de deux jours ouvrables et maximum d'un mois après le jour fixé pour l'entretien, que ce délai peut être dépassé lors de la saisine d'un organisme disciplinaire dans le mois suivant la date fixée pour l'entretien.

Dans le cas d'espèce, l'entretien préalable a eu lieu le 2 mai 2005, la convocation devant le conseil de discipline a été envoyée le 22 juin 2005 et la révocation a été notifiée le 13 avril 2006, après l'arrêt de la cour administrative d'appel de renvoi.

L'Epic RATP n'a donc pas saisi la commission effectivement dans le mois suivant la date fixée pour l'entretien préalable en sorte que la révocation ultérieure est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Le seul fait que la révocation soit dépourvue de cause réelle et sérieuse du fait du non respect du délai de saisine de l'organisme disciplinaire ne suffit pas à établir qu'elle était en soi constitutive d'un acte de harcèlement

Dans le cas d'espèce, le motif invoqué reposait sur l'absence de déclaration par Monsieur [C] de la condamnation pénale dont il avait fait l'objet, notamment, pour port d'arme de la 4 ème catégorie, ce qui impliquait qu'il ne pouvait plus être détenteur d'une arme pour son service.

La présente révocation même sans cause réelle et sérieuse au regard du non respect du délai de saisine de l'organisme de discipline, ne sera pas, dans ce contexte, un élément retenu comme laissant présumer un harcèlement.

Toutefois, à cet égard, les pressions et brimades répétées de la part de la hiérarchie, matériellement établies ainsi que cela a été précédemment relevé, prises dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement.

Il a été retenu, à bon escient, par le conseil de prud'hommes que l'employeur, qui conteste vainement les éléments de fait matériellement établis, échoue à rapporter la preuve que les décisions et pressions de Monsieur [H] reposaient sur des éléments objectifs, pertinents étrangers à tout harcèlement.

Le premier juge a à juste titre alloué des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 15 000 euros.

Dès lors que la révocation n'est pas un des éléments constitutifs du harcèlement subi par le salarié, la révocation prononcée n'encourt pas la nullité de ce chef.

Sur les autres moyens de nullité;

Monsieur [C] soulève d'autres moyens de nullité à savoir :

- l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement,

- la prise en compte de son état de santé,

- la violation de sa vie privée, liberté fondamentale,

- l'absence de faute grave.

S'agissant du défaut de pouvoir du signataire de la lettre de révocation, il est vain de soutenir qu'en application du statut du personnel, le directeur général dispose d'une compétence exclusive et ne peut déléguer le pouvoir de signer la révocation.

Dans le cas présent, la délégation de signature n'est pas produite.

Néanmoins, outre que l'Epic RATP a implicitement, y compris au cours de la procédure devant les juridictions, confirmé la délégation donnée au directeur, lui même salarié de l'entreprise, ayant signé la lettre de révocation, force est de relever que la sanction d'une absence de pouvoir du signataire de la lettre de rupture du contrat de travail n'est pas la nullité de la rupture mais ôte à la rupture son caractère réel et sérieux.

La révocation d'un agent, prononcée sans que l'une des causes limitativement énoncées par le statut du personnel soit constituée, est dépourvue de cause réelle et sérieuse, mais n'est pas atteinte, pour cette seule raison, de nullité, en l'absence de disposition légale ou statutaire prévoyant cette sanction.

Alléguant d'une discrimination en raison de son état de santé, Monsieur [C] expose qu'il était en inaptitude provisoire lorsque la révocation a été prononcée, qu'il n'a pas fait l'objet d'un reclassement, qu'il s'en déduit que la rupture a pour motif son état de santé.

Toutefois, nonobstant le fait que la révocation soit dépourvue de cause réelle et sérieuse du fait du non respect du délai de saisine de l'organisme disciplinaire, il ne peut en être déduit que le motif invoqué par l'employeur ne peut être analysé pour vérifier si ledit motif était ou non pertinent et étranger à une discrimination en lien avec son état de santé.

En l'espèce au regard du poste qu'il occupait, et avant que toute inaptitude définitive à son poste ne fut prononcée , le salarié devait informer l'employeur de sa condamnation pour port prohibé d'arme, nonobstant la dispense d'inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciare, dès lors qu'il était susceptible d'être porteur d'une arme dans le cadre de son activité professionnelle.Ce faisant, l'employeur justifie d'un motif pertinent étranger à l'état de santé du salarié.

S'agissant d'un fait de la vie privée, la cour observe que la condamnation prononcée avait une répercussion sur la vie professionnelle puisque le port d'arme dans le cadre de son activité professionnelle impliquait qu'il ne fût pas frappé d'une peine pour un port prohibé d'une arme, ce dont il devait impérativement informer l'EPIC RATP.

Aucun des moyens ainsi soulévés ne fait encourir à la rupture la nullité.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions y compris pour les condamnations financières prononcées, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, le premier juge ayant apprécié justement le préjudice allégué pour perte injustifiée de l'emploi.

Il sera aussi confirmé en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués pour le harcèlement subi et directement consécutif au comportement de Monsieur [H].

Sur l'écrêtement des congés ;

Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation ; qu'après avoir retenu que les articles 58 et 71, alinéa 3, du statut du personnel relatifs à l'écrêtement des congés payés et aux reports en cas de maladie de l'agent étaient contraires aux dispositions claires et inconditionnelles de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, la cour d'appel, qui a ordonné à l'employeur de régulariser la situation de l'ensemble des salariés concernés a, sans méconnaître son office, fait l'exacte application de la loi.

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

L'article 7 de la directive 2003/88/CE ayant repris à l'identique les termes de l'article 7 de la directive 93/104/CE, dont le délai de transposition expirait le 23 novembre 1996, la situation des salariés concernés doit être régularisée à compter du 4 novembre 2003.j

Il s'en déduit qu'en cas de rupture du contrat de travail, comme dans le cas d'espèce, le salarié doit être indemnisé.

Il sera fait droit à sa demande.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail;

Monsieur [C] invoque l'absence de stages d'activité technique et physique et de remise à niveau après deux absences de longue durée, et ce malgré les obligations mises à la charge de l'employeur de veiller à une bonne utilisation des armes notamment, et ce, conformément aux dispositions de la loi du 12 juillet 1983 et des protocoles des 30 juin 1994 et 5 juillet 1999.

Il renvoie au constat de Monsieur [Z] qui atteste qu'il est indispensable en cas d'absences prolongées d'effectuer des stages de remise à niveau par une formation adaptée à l'acquisition des nouvelles règles et à l'utilisation de l'armement.

Monsieur [C] allègue encore d'une absence d'évaluation régulière en méconnaissance des dispositions de l'instruction générale n° 457 et de l'article 122 du statut du personnel et d'un refus de l'armer et de lui donner la responsabilité des équipes GPSR, ce que confirme l'EPIC RATP faisant état du fait que les performances de Monsieur [C] lors de la dernière séance de tirs du 12 juin 2001 n'a pas été concluante, puisque sur 100 cartouches, Monsieur [C] n'en a placée que 31.

Monsieur [C] soutient que des séances postérieures se sont révélées concluantes sans que l'EPIC RATP ne fasse évoluer sa position.

Or, lors de la séance du 10 décembre 2002, il n'est pas utilement contesté qu'il n'a placé que 6 cartouches sur 100.

Pour la responsabilité des équipes, il relève qu'il n'a pu l'assumer qu'à deux reprises les 23 et 30 décembre 2001, pendant toute la période de novembre 2001 à 2004.

L'EPIC RATP fait observer que Monsieur [C] a été absent pour dépression pendant de longs mois.

Toutefois, la cour a retenu la réalité d'un harcèlement que l'EPIC RATP n'a pas empêché ce qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail, les mesures prises étant à tout le moins inefficientes. L'absence d'évaluation est aussi constitutif d'un manquement.

Le préjudice allégué sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 2500 euros.

L'équité commande de débouter les parties de leurs prétentions respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'écrêtement des congés, et ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Le réforme sur ces points,

Statuant à nouveau sur ce point, et y ajoutant,

Condamne l'Epic RATP à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes:

- 4018,99 euros au titre de l'écrêtement des congés,

- 2500 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Déboute les parties de leurs prétentions telles qu'exposées devant la cour,

Condamne l'Epic RATP aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/00867
Date de la décision : 19/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°19/00867 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-19;19.00867 ?
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