REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 12 FÉVRIER 2020
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14452 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4SBQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/0696
APPELANT
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 3]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5] ([Localité 5])
Représenté par Me Julien AUTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B1186
INTIMEE
SARL SAPIMAC
[Adresse 6]
[Localité 4]
N° SIRET : 310 746 565
Représentée par Me Perrine PINCHAUX, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 267
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bruno BLANC, Président
Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseiller
M. Olivier MANSION, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [G] [P] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Anna GAVAGGIO
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOS'' DU LITIGE :
Monsieur [Z] [W] a été embauché à durée indéterminée sans contrat de travail, le 14 janvier 1985, par la société SAPIMAC en qualité de « commis / ville » et ce pour une durée de 195 heures par mois à raison d'un salaire mensuel brut de 12.000 Francs (1.829, 38 euros) étant précisé que la société SAPIMAC est principalement spécialisée dans la fabrication et la vente de portes et blocs-portes divers et variés.
Dans le dernier état de la relation contractuelles le salaire mensuel brut de Monsieur [W] était de 4.594, 16 euros et ce pour une durée de 169 heures par mois (dont 17, 33 heures supplémentaires) en qualité de « commis ».
Le 18 octobre 2013, il a été prescrit à Monsieur [Z] [W] par son médecin traitant un arrêt de travail jusqu'au 20 novembre 2013 et ce pour cause d'état : « dépressif d'origine professionnelle ».
Cet arrêt de travail a, par la suite, été renouvelé à de multiples reprises pour « état dépressif majeur » et autres causes.
Puis, le 25 octobre 2013, Monsieur [Z] [W] a effectué une déclaration de maladie professionnelle auprès de la sécurité sociale.
Le 19 septembre 2014, la SECURITE SOCIALE a indiqué à Monsieur [Z] [W] que le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) avait reconnu que sa maladie était d'origine professionnelle.
Entre temps , le 6 mars 2014, le salarié a été amené à effectuer une visite médicale de pré-reprise auprès du médecin du travail, le Docteur [X].
Aux termes de cet examen, le médecin du travail a émis l'avis selon lequel Monsieur [Z] [W] serait :
« inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise » en indiquant qu'il pourrait : « occuper un poste sans se rendre dans l'entreprise et sans contact avec les autres salariés ».
Le 24 mars 2014, Monsieur [Z] [W] a effectué une deuxième visite de reprise.
Il a été déclaré inapte en « un seul examen » pour cause de : « danger immédiat ».
La société SAPIMAC et adressait à Monsieur [W], par lettre du 9 avril 2014, une proposition de reclassement .
Cette même proposition était adressée au médecin du travail pour avis.
Monsieur [W] était convoqué à un entretien préalable par lettre du 10 avril 2014.
Par lettre du 15 avril 2014, Monsieur [W] refusait la proposition de reclassement.
La société SAPIMAC procédait au licenciement pour inaptitude du salarié par lettre RAR du 24 avril 2014 .
Contestant son licenciement, Monsieur [Z] [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 25 avril 2015 des chefs de demandes suivants :
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] les sommes de :
* 12.060 € à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,
* 48.240 € à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement ,
- DIRE nul le licenciement de Monsieur [W] pour cause de harcèlement moral,
En conséquence :
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 1.098 € à titre de perte de chance de bénéficier d'un droit individuel de formation,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à délivrer à M. [W] l'ensemble des documents propres à la rupture de son contrat de travail (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) et de ses bulletins de paie en conformité avec la décision à intervenir et sous astreinte de 20 euros par jours de retard,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- ORDONNER l'exécution provisoire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [Z] [W] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 07 septembre 2017, statuant en départage, qui a :
- débouté Monsieur [Z] [W] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société SAPIMAC de sa demande reconventionnelle ;
- condamné Monsieur [Z] [W] aux dépens.
Vu les dernières conclusions, transmises par RPVA le 10 juin 2019 par lesquelles Monsieur [Z] [W] demande à la cour de :
- DIRE nul le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [W] pour cause de harcèlement moral,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 13.782, 48 € à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 55.129, 92 € à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 1.125, 60 € à titre de perte de chance de bénéficier d'un droit individuel de formation,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à délivrer à M. [W] l'ensemble des documents propres à la rupture de son contrat de travail (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) et de ses bulletins de paie en conformité avec la décision à intervenir et sous astreinte de 20 euros par jours de retard,
- CONDAMNER la société SAPIMAC à devoir verser à Monsieur [W] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions, transmises par RPVA le 05 novembre 2019par lesquelles la société SAPIMAC demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement déféré,
Y faisant droit,
- DIRE & JUGER que le licenciement de Monsieur [W] est bien fondé ;
- DIRE & JUGER que la société SAPIMAC n'a pas manqué à ses obligations d'employeur ;
- DÉBOUTER Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER Monsieur [W] à la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 novembre 2019 ;
A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 12 Février 2020 par mise à dispositions au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :
La cour rappelle que le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte au droit et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il peut donc être constitué indépendamment de toute intention de nuire. Les agissements visés ne peuvent toutefois résulter ni de contraintes de gestion ni d'un exercice normal par l'employeur de son pouvoir de direction. Ils doivent être la conséquence d'éléments identifiables portant atteinte à la dignité de la personne et créant un environnement intimidant, hostile ou humiliant.
S'il appartient à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral lorsque survient un litige relatif à l'application de ces textes, le salarié doit cependant établir au préalable des faits qui permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Lorsqu'il établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Dans la négative, les prétentions du salarié doivent être rejetées.
L'article L.1152-4 du code du travail fait par ailleurs peser sur l'employeur - tenu à une obligation générale de sécurité envers ses salariés - la responsabilité de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
En application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail ' toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou acte contraire est nul'.
En l'espèce, la cour relève que les deux attestations de Madame [N] et Monsieur [L] ne détaillent aucun fait particulier et font des observations de principe sur le ressenti du comportement de l'employeur. Force est de constater qu'aucun fait précis matériellement établi n'est imputé à l'employeur à l'exception d'un erreur dans les l'établissement des bulletins de paie de décembre 2013 et janvier 2014 qui ont été rectifiées dès la réclamation faite en février 2014.
Par ailleurs l'avertissement délivré en septembre 2013 n'a pas été contesté.
Force est de constater que l'appelant échoue dans son obligation d'établir l'existence de fiats laissant présumer un harcèlement moral.
Sur le licenciement pour inaptitude :
L'article L.1226-10 du code du travail prévoit que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, au besoin en sollicitant ses propositions à ce sujet.
Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté .
Les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans l'entreprise dans laquelle travaille le salarié devenu inapte mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent la mutation de tout ou partie du personnel;
En cas de contestation du bien fondé du licenciement par le salarié, l'employeur doit donc notamment démontrer qu'il a procédé à des recherches loyales et effectives - c'est-à-dire concrètes, actives et personnalisées - de reclassement, et rapporter la preuve de l'impossibilité dont il se prévaut .
L'employeur doit notamment justifier avoir effectivement procédé à une recherche de reclassement postérieurement à la seconde visite de reprise et à l'avis définitif d'inaptitude, tenté - en tant que de besoin - de mettre en oeuvre des mesures telles que des transformations de poste de travail ou, à défaut, avoir recherché un emploi comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial;.
Par ailleurs, lorsqu'il appartient à un groupe, il doit justifier du périmètre de reclassement et de l'impossibilité de reclasser le salarié tant dans l'entreprise que dans ce groupe. Il doit ainsi rapporter la preuve de l'impossibilité d'effectuer le reclassement parmi les entreprises du groupe 'dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel'.
Le licenciement a été prononcé sur le fondement d'un inaptitude non professionnelle. La société ne fait pas partie d'un groupe et Monsieur [Z] [W] a refusé la proposition de reclassement faite par l'employeur, le médecin ayant estimé que l'appelant n'était pas apte à l'occuper. Dans ces conditions, l'employeur était fondé à procéder à un licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement .
Par ailleurs, l'appelant ne justifie d'aucun préjudice liée à la perte de chance de bénéficier de son droit individuel à la formation.
Le jugement sera donc confirmé.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition, par décision contradictoire :
Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [Z] [W] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [Z] [W] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT