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06/02/2020 | FRANCE | N°18/04192

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 février 2020, 18/04192


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 06 FEVRIER 2020



(n° 2020/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04192 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5KTF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/02890



APPELANTE



Madame [N] [Z]

Demeurant [Adresse 1]

[Loc

alité 3]



Représentée par Me David TRUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0647



INTIMEE



La société AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Pascal...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 06 FEVRIER 2020

(n° 2020/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04192 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5KTF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/02890

APPELANTE

Madame [N] [Z]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me David TRUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0647

INTIMEE

La société AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale ARTAUD de la SELARL FRANAART, avocat au barreau de PARIS, toque : P0450

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Greffier : Madame Marine BRUNIE , lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente de chambre et par Madame Marine BRUNIE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [N] [Z] a été engagée par la société Air France à compter du 11 mars 1989 et occupait dans le dernier état de la relation contractuelle un emploi de technicien escale. Son contrat de travail a été suspendu à compter du 13 janvier 2009 pour maladie ne relevant pas du régime des risques professionnels. Elle a été placée en invalidité à compter du 30 décembre 2012.

Par courrier du 25 janvier 2011, la caisse de l'assurance retraite d'Île-de-France (ci-après la CRAMIF) a informé Mme [Z] qui a eu 60 ans le 14 décembre 2010, qu'à compter du 1er janvier 2011, elle lui attribuait une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail, prenant le relais de sa pension d'invalidité.

Par courrier du 4 février 2011 ayant pour objet 'votre cessation définitive de service suite à la notification d'inscription par la CRAM au registre des retraites', la société Air France indiquait à Mme [Z] ' Le 14 décembre 2010, vous avez eu 60 ans. Au vu de votre situation et conformément à ses dispositions, votre caisse d'assurance maladie vous a transmis une notification de retraite, vous attribuant une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail. En conséquence nous vous infirmons que depuis le 01 janvier 2011, vous ne faites plus partie des effectifs de la compagnie. Il vous sera versé une indemnité de départ à la retraite.'

Soutenant que la rupture des relations contractuelles s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 12 juin 2015 afin d'obtenir la condamnation de la société Air France à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat travail.

Par jugement du 13 février 2018 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section commerce, a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme [Z] a régulièrement relevé appel du jugement le 14 mars 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 juin 2018 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Air France à lui payer les sommes de :

* 34'485,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 65'000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 081,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 508,19 euros au titre des congés payés y afférents,

- condamner la société Air France à lui remettre des documents de fin de contrat : certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle emploi et bulletins de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification de l'arrêt,

- condamner la société Air France aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 août 2018 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Air France prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2019.

MOTIVATION :

Sur la rupture du contrat de travail :

Mme [Z] soutient que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que si elle ne conteste pas la conversion de sa pension d'invalidité en pension de retraite en application des dispositions des articles L. 341-15 et L. 341-16 du code de la sécurité sociale, cette conversion est sans incidence sur le contrat de travail et qu'il appartenait à l'employeur de s'assurer de sa volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ce qui n'a pas été le cas.

De son côté la société Air France s'oppose à la demande en faisant valoir que :

- la substitution de la pension de vieillesse à la pension d'invalidité a un caractère obligatoire et Mme [Z] qui n'exerçait pas d'activité professionnelle puisque son contrat de travail était suspendu lorsqu'elle a atteint l'âge de 60 ans ne peut valablement se prévaloir de l'exception prévue par l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale indiquant que la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande,

- elle n'a jamais considéré que Mme [Z] souhaitait faire valoir ses droits à la retraite et n'a fait que prendre en compte la décision de la CRAMIF de sorte que le départ à la retraite de Mme [Z] ne peut lui être imputé:

Aux termes de l'article L. 341-15 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité prend fin à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1. Elle est remplacée à partir de cet âge par la pension de vieillesse allouée en cas d'inaptitude au travail. Toutefois, l'article L341-16 du code de la sécurité sociale dispose que « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-15, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande.

L'assuré qui exerce une activité professionnelle et qui, à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, ne demande pas l'attribution de la pension de vieillesse substituée continue de bénéficier de sa pension d'invalidité jusqu'à la date pour laquelle il demande le bénéfice de sa pension de retraite et au plus tard jusqu'à l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8.

Dans ce cas, ses droits à l'assurance vieillesse sont ultérieurement liquidés dans les conditions prévues aux articles L. 351-1 et L. 351-8. » .

Il est constant qu'en l'espèce, Mme [Z] dont le contrat de travail était suspendu n'exerçait pas d'activité professionnelle au sens de l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale et ne pouvait donc se soustraire au caractère obligatoire du bénéfice de la pension de vieillesse.

Cependant, comme le soutient à bon droit Mme [Z], la substitution de la pension de vieillesse à la pension d'invalidité intervenue d'office en vertu de l'article L. 341 ' 15 du code de la sécurité sociale n'a en elle-même aucun effet sur le contrat de travail.

Dés lors, que Mme [Z] n'avait pas manifesté une intention claire et non équivoque de départ à la retraite, ce qui est reconnu par la société Air France dans ses écritures, celle-ci ne pouvait valablement notifier à la salarié qui n'avait pas atteint l'âge de 70 ans, qu'elle ne faisait plus partie de ses effectifs.

La cour dira donc que le courrier de notification à Mme [Z] de ce qu'elle ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise à compter du 1er janvier 2011 consacrant la rupture de la relation de travail s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En premier lieu, Mme [Z] réclame la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 34 485,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement en soutenant que la somme de 8 761,31 euros qu'elle a perçue au titre de l'indemnité de départ à la retraite ne suffit pas à la remplir de ses droits puisqu'elle aurait dû percevoir une somme totale de 43 247,97 euros.

Eu égard à la solution du litige, c'est vainement que la société Air France s'oppose à la demande en faisant valoir que la mise à la retraite de Mme [Z] n'était pas de son fait puisque la cour a retenu que la rupture des relations de travail s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera par conséquent fait droit à la demande en application de l'article 3.4 de la convention d'entreprise Air France que Mme [Z] reproduit dans ses écritures sans critique par la société Air France sur la base d'une ancienneté de 21 ans et 9 mois et d'un salaire de référence de 2 540,95 euros. La société Air France sera par conséquent condamnée à payer à Mme [Z] une somme de 34 485,66 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.

En second lieu, Mme [Z] réclame la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 5 081,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 508,19 euros au titre des congés payés y afférents. La société Air France s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [Z] ne pouvait effectuer son préavis et la cour, observant que le contrat de travail était suspendu pour maladie ne relevant pas du régime des risques professionnels et que Mme [Z] ne pouvait exécuter son préavis la déboutera de ce chef de demande. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

En troisième lieu Mme [Z] réclame la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 65 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant essentiellement valoir qu'elle a été imposée sur le montant de l'indemnité de départ à la retraite et été privée de la possibilité de bénéficier d'un plan de départ volontaire qui aurait été plus avantageux pour elle.

Employée depuis plus de deux ans dans une entreprise comprenant au moins onze salariés Mme [Z] doit être indemnisée en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d'une somme qui ne peut être inférieure à ses salaires des six derniers mois. Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise (21 ans) son âge au moment du licenciement (60 ans) aux circonstances du licenciement, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement (aucun élément financier) son préjudice sera pleinement et suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 20 000 euros. La société Air France sera condamnée au paiement de cette somme et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autre demandes :

La société Air France sera condamnée à remettre à Mme [Z] les documents de fin de contrat et un bulletin de paie récapitulatif sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Il sera d'office fait application de l'article L. 1235-4 du code du travail et la société Air France devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [Z] dans la limite de trois mois.

La société Air france sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra indemniser Mme [Z] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toute ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [N] [Z] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférent,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Air France à payer à Mme [N] [Z] les sommes de :

- 34 485,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Air France à remettre à Mme [N] [Z] les documents de fin de contrat et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,

Condamne la société Air France à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [N] [Z] depuis son licenciement dans la limite de 3 mois,

Déboute Mme [N] [Z] du surplus de ses demandes,

Condamne la société Air France à payer à Mme [N] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Air France aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/04192
Date de la décision : 06/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°18/04192 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-06;18.04192 ?
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