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31/01/2020 | FRANCE | N°16/02998

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 31 janvier 2020, 16/02998


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 31 Janvier 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/02998 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYHJS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny RG n° 15-00181





APPELANTE

SAS DISTRILAP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Franc

k DREMAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312



INTIMEE

CPAM [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 31 Janvier 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/02998 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYHJS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny RG n° 15-00181

APPELANTE

SAS DISTRILAP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312

INTIMEE

CPAM [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Adresse 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Pascal PEDRON, Présidente de chambre

M. Lionel LAFON, Conseiller

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et Mme Venusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la CPAM [Localité 1] d'un jugement rendu le 26 janvier 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la société Distrilap .

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [Z] [F], salarié de la société Distrilap (la société), a été victime le 21 août 2007 d'un accident du travail déclaré par l'employeur le 24 août 2007, étant blessé au pied droit suite au basculement du chariot qu'il déplaçait.

Après instruction, la CPAM [Localité 1] (la caisse) a le 27 septembre 2007 pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Le 22 octobre 2014 la société a saisi la Commission de Recours Amiable avant de porter le litige le 21 janvier 2015 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui, par jugement en date du 26 janvier 2016 , a déclaré son recours irrecevable pour cause de prescription.

La Société a interjeté appel le 26 février 2016 de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 février 2016.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son avocat, la société demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de:

-déclarer son recours recevable et non prescrit,

Au fond

-constater que la caisse ne l'a pas informée de la clôture de l'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier et de la date à laquelle elle prévoyait de rendre sa décision dans le dossier d'accident de M. [F].

-constater que la caisse n'a pas respecté son obligation d'information à son égard dans le cadre de l'instruction du dossier d'accident de M. [F].

-juger que la décision de prise en charge de l'accident du 21 aout 2007 de M. [F] est inopposable à son égard.

La société fait valoir pour l'essentiel que :

-la décision de prise en charge lui été adressée par la Caisse le 27 septembre 2007, tout comme au salarié, par pli simple et ne faisait nullement référence aux voies de recours ouvertes pour une contestation, alors que la forclusion de l'article R142-1 du code de la sécurité sociale ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention du délai de deux mois pour saisir la commission.

-la caisse ne pouvant pas en l'espèce invoquer une telle forclusion face à l'action exercée par l'employeur en contestation de la décision de prise en charge d'un accident du travail, a entendu invoquer une prescription qui n'est nullement prévue par les règles spéciales applicables en matière de sécurité sociale.

-or, sa contestation en inopposabilité n'est pas une action personnelle ou mobilière, seules envisagées par l'article 2224 du code civil, et elle n'a jamais été informée, par un quelconque moyen, de son droit à contester la décision de prise en charge , la caisse n'étant pas en mesure d'établir la date à laquelle l'employeur a eu connaissance de ce droit qui lui était ouvert : le délai de 5 ans prescrivant l'action ne la concerne pas et, en toutes hypothèses, n'a jamais commencé à courir.

-l'action en cause n'est pas soumise aux prescriptions de droit commun ou à celles énoncées par le Code de la Sécurité Sociale, et son droit à agir n'était donc nullement prescrit au 22 octobre 2014, date de la réclamation adressée à la Commission de Recours Amiable.

-la Cour de cassation a d'ailleurs statué de façon claire sur les arguties de l'organisme en écartant définitivement toute prescription quant à ce type de demande: (Cass. 2ème Civ.9 mai 2019 n°18-10909 et 29 mai 2019 n°18-13696 et18-12087).

-d'autre part, la caisse fait l'aveu de ce qu'elle n'est pas en mesure d'établir la régularité de l'instruction qu'elle a diligentée alors que c'est à elle que la charge de la preuve incombe : un délai d'archivage imposé à la caisse ne peut pas faire obstacle à la demande puisqu'aucune prescription n'est prévue en conséquence de ce texte, et l'article D 253-45 ne vise qu'un délai de conservation des pièces justificatives papier pour la gestion technique des dossiers.

-faute pour la caisse d'apporter la preuve d'une part, de l'envoi et d'autre part, de la réception du courrier de clôture de l'instruction, la caisse n'a pas respecté son obligation d'information lors de l'instruction du dossier d'accident en cause.

Par ses conclusions « d'intimée N°2 » écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son avocat, la caisse demande à la cour, de:

-au principal et au visa de la loi du 17 juin 2008 et de l'article 2224 du Code civil, confirmer le jugement déféré ayant jugé l'action en inopposabilité engagée par la société irrecevable pour cause de prescription.

-au subsidiaire et au visa des « articles 6 de la CESDH et D 253-44 et suivants du Code de la sécurité sociale », débouter la société de ses demandes.

-en tout état de cause, condamner la société à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse fait valoir en substance que :

-ce n'est que plus de sept ans après la décision de prise en charge que la société a saisi le tribunal, la demande de l'appelante étant prescrite comme n'ayant pas été engagée devant le tribunal avant le 19 juin 2013.

-la société a reconnu avoir été informée de la décision de prise en charge « par courrier en date du 27 septembre 2007 » ; dès lors la date exacte de réception est absolument indifférente car il n'existe aucun doute sur le fait que le courrier d'information a été reçu par l'employeur en 2007 ; le délai de prescription quinquennale a donc commencé à courir au 19 juin 2008, comme l'a déjà retenu à plusieurs reprises la cour d'appel de Paris ; la saisine de la commission de recours amiable le 29 septembre 2014 est intervenue après l'expiration du délai et n'a en toute hypothèse pas vocation à interrompre la prescription applicable à l'action en inopposabilité, puisque s'agissant d'un accident du travail survenu avant l'entrée en vigueur de la réforme issue du décret de 2009, la saisine de la commission n'était pas un préalable obligatoire à la saisine du tribunal par l'employeur (Cass. Civ. 2ème 20/12/2012, n°11-26621) et ne pouvait donc interrompre la prescription ; l'employeur n'était donc soumis à aucun délai de forclusion à l'époque de l'accident pour invoquer son inopposabilité, dans la mesure où la saisine de la commission n'était pas un préalable obligatoire.

-la forclusion n'est d'ailleurs pas exclusive de la prescription.

-si récemment la Cour de cassation a rejeté l'application de la prescription de droit commun aux actions en inopposabilité, la cour d'appel ne pourra, en application de sa propre jurisprudence en matière de prescription des actions en inopposabilité, que résister à cette position dissidente de la 2ème Chambre civile prise en formation restreinte et allant à l'encontre de la jurisprudence des autres chambres de « la Juridiction Suprême » ; en effet, il est de jurisprudence constante que la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil constitue la prescription de droit commun applicable à toutes les actions qui ne sont pas soumises à un délai de prescription spécial, prévu par une loi spéciale.

-l'action personnelle portant sur un droit personnel, a contrario de l'action réelle portant sur un droit issu d'une chose, est donc considérée comme l'action de droit commun à laquelle doit s'appliquer la prescription quinquennale de droit commun, si aucun autre texte spécial ne fixe un délai particulier, l'article 2224 du code civil s'appliquant ainsi à la contestation par l'employeur d'une expertise décidée par le CHSCT ou encore l'action paulienne qui ne portent pourtant pas sur un droit de créance.

-considérer que la procédure en inopposabilité intentée par l'employeur n'est pas une action au sens de l'article 2224 du code civil peut revenir à considérer qu'il ne s'agit pas d'une action personnelle ou mobilière, analyse pour le moins contestable, pour ne pas dire erronée.

-la conséquence de cette nouvelle jurisprudence tendrait à considérer que les actions en inopposabilité intentées par les employeurs en matière d'AT/MP seraient des actions réelles ou immobilières, ce qui n'est incontestablement pas le cas.

-si l'action paulienne est une action personnelle au sens de l'article 2224, rien ne justifie donc que ce ne soit pas le cas de l'action en inopposabilité intentée par l'employeur alors qu'elles entrainent les mêmes conséquences juridiques car l'acte en question perdure et contraint celui qui l'a accompli, mais le rend sans portée à l'égard de celui qui aura intenté l'action en inopposabilité, comme l'avait précisé l'avocat général à la Cour de cassation dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts des 9 et 29 mai dernier.

-la première interprétation de l'arrêt du 9 mai 2019 n'est donc manifestement pas satisfaisante et ne peut dès lors être retenue.

-la seconde interprétation de l'affirmation de principe résultant de cet arrêt reviendrait à faire abstraction de la dichotomie doctrinale mobilier/immobilier et personnel/réel et à considérer que la 2ème Chambre civile n'assimile pas les demandes d'inopposabilité à des actions ; s'il ne s'agit pas d'une action, de quoi s'agit-il '; question à laquelle la Cour de cassation a omis de répondre.

-La procédure en inopposabilité répond bien à la définition de l'article 30 du code de procédure civile définissant l'action ; la demande d'inopposabilité formulée par l'employeur constitue bien une action, à défaut de quoi la société serait dépourvue du droit de saisir un juge.

-si l'article 2224 du code civil n'est pas applicable, il sera indispensable d'expliquer pourquoi et ce notamment au regard du principe constitutionnel de sécurité juridique duquel découle la notion même de prescription, question à laquelle la cour de cassation n'a pas donné de réponse.

-subsidiairement, si la cour considérait que l'action de la société n'est pas prescrite, il ne pourra qu'être constaté que celle-ci est tardive : ce n'est que plus de sept ans après la prise en charge que la société, qui avait été informée en 2007, a entendu remettre en cause le respect du contradictoire et l'opposabilité à son égard de l'accident dont M. [F] a été victime. Or, en vertu des dispositions de l'article D.253-44 du code de la sécurité sociale, la caisse n'est soumise qu'à un délai d'archivage de deux ans, ne disposant déjà plus des pièces du dossier lors de la saisine de la commission.

-alors que le délai de prescription en matière de droit de la sécurité sociale pour obtenir des prestations ou recouvrer des prestations indues est de deux ans pour toutes les autres parties (article L.431-2 du code de la sécurité sociale), expliquant le délai d'archivage prévu par le code, les employeurs bénéficient de la prescription quinquennale de droit commun, voire d'une imprescriptibilité de leur action si l'on adhère aux dernières positions de la cour de cassation ; cette contestation tardive crée une rupture de l'égalité des armes car lorsque les employeurs tardent, comme en l'espèce, à faire valoir leurs contestations, la caisse ne dispose plus des pièces nécessaires à sa défense. C'est le cas en l'espèce et ce d'autant plus que l'accident remonte à 2007, époque à laquelle la dématérialisation des pièces n'était pas encore d'actualité.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions visées par le greffe à l'audience du 14 novembre 2019 qu'elles ont soutenues oralement.

SUR CE, LA COUR

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de droit commun

L'article 2224 du code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l'exercer ».

L'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, à savoir celle antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, dispose en ses alinéa 3 et 4: « La décision motivée de la caisse est notifiée à la victime ou à ses ayants droit sous pli recommandé avec demande d'avis de réception. En cas de refus, le double de la notification est envoyé pour information à l'employeur.

Si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie, ou de la rechute n'est pas reconnu par la caisse, celle-ci indique à la victime dans la notification les voies de recours et les délais de recevabilité de sa contestation. »

L'article R.441-18 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, disposait : « Le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 142-6.

La forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole. »

Il résulte des dispositions combinées de ces textes que si la décision de la caisse primaire qui reconnaît le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute fait grief à l'employeur qui est recevable à en contester l'opposabilité ou le bien-fondé dans les conditions fixées par les articles R 142-18 et R 441-14 du code de la sécurité sociale applicables, le recours de l'employeur ne revêt pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil, comme l'a précisé la cour de cassation (Cass. Civ.2ème : 09 mai 2019 n°18-10909; 29 mai 2019 n° 18-11961, n°18-13696 , n°18-12087; et 10 octobre 2019 n°18-20555.

La circonstance que la prescription de droit commun ne soit pas applicable au recours en inopposabilité de l'employeur ne porte pas par elle-même atteinte au principe de sécurité juridique.

Par ailleurs, sous l'empire de la rédaction de l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale antérieure au décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, la décision concernant la prise en charge qui n'était adressée que « pour information » à l'employeur, n'acquérait pas de caractère définitif à son égard ou à son profit, et ce quand bien même cette décision aurait été notifiée par lettre recommandée avec mention des délais et voies de recours (Soc., 14 décembre 1989, Bull. n°715 ; Civ. 2ème, 22 septembre 2011, n°10-22.898).

En conséquence, jusqu'au 1er janvier 2010 , l'information donnée à l'employeur par une caisse de sécurité sociale sur sa décision de prise en charge d'un accident ou d'une maladie au titre de la législation professionnelle, de caractère administratif, ne constituait pas une notification, ou plus généralement un fait faisant courir contre l'employeur les délais de recours spécifiques (devant la commission ou le tribunal) de l'article R 441-18 du code de la sécurité sociale, ou d'une quelconque prescription de droit commun.

Ainsi, au regard des dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale, le recours en inopposabilité de la décision de prise en charge du 27 septembre 2007 mis en 'uvre par l'employeur n'est donc pas soumis à la prescription de droit commun, étant précisé qu'en tout état de cause, l'information donnée courant 2007 par la caisse à la société sur la décision de prise en charge, n'a en l'espèce fait courir à l'encontre de celle-ci aucun délai de recours, que ce soit celui de l'article R 441-18 du code de la sécurité sociale, ou un délai de prescription de droit commun.

Le jugement sera donc infirmé et la société déclaré recevable en son recours en inopposabilité.

Sur le caractère tardif du recours de la société

La caisse fait également valoir le caractère tardif de l'action de la société qui n'a remis en cause le respect du contradictoire et l'opposabilité à son égard de la prise en charge que plus de sept ans après cette dernière alors qu'en vertu des dispositions de l'article D 253-44 du code de la sécurité sociale, elle n'est soumise qu'à un délai d'archivage de deux ans, ne disposant déjà plus des pièces du dossier lors de la saisine de la commission.

L'article D253-44 du code de la sécurité sociale applicable dispose:

«Pour les gestions techniques, le délai de conservation des pièces justificatives papier est le suivant:

-six mois après le délai de prescription visé par l'article L. 244-3 pour l'encaissement des cotisations et majorations de retard,

-six mois après le délai de prescription pour les prestations visées aux articles L. 332-1 et L. 361-1. Pour les prestations accordées au titre des accidents du travail, le délai de conservation est fixé à six mois après le délai de prescription visé à l'article L. 431-2 sous réserve des dispositions relatives à la conservation de certaines pièces du dossier du bénéficiaire qui seront précisées dans une instruction particulière,

-six mois après le délai de prescription pour les prestations familiales visées à l'article L. 553-1 et les prestations gérées pour le compte de tiers,

-cinq ans après le décès du titulaire ou de son conjoint pour les prestations d'assurance vieillesse et invalidité.

Une instruction particulière précisera les modalités de conservation des pièces originales ainsi que la nature des supports à utiliser et notamment les microformes et l'archivage électronique, compte tenu de la nature des documents à archiver. Les titres de propriété ne peuvent être détruits ».

Cependant la caisse ne saurait se prévaloir de ce texte de gestion technique interne lui donnant la possibilité de ne pas conserver des pièces justificatives papier au delà d'un certain délai pour échapper de ce simple fait aux obligations probatoires auxquelles elle peut être soumise dès lors que, comme en l'espèce, les délais de recours contre ses décisions ne sont pas expirés ; il appartenait en conséquence à la caisse, en considération d'un recours encore possible, de conserver, en tout état de cause sous une forme ou une autre et au besoin papier, les pièces justificatives pouvant devoir être fournies en cas de contestation demeurant légalement possible.

Si la caisse vise également des délais de conservation différents selon les délais de prescription variant en fonction de ses interlocuteurs ou selon le type de prestations, elle n'articule, ni n'établit en quoi, notamment au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ces différents délais résultant des textes et justifiés par des considérations objectives institueraient tant de manière générale qu'au cas d'espèce une rupture d'égalité, notamment à son encontre.

Si elle se prévaut enfin d'une « rupture de l'égalité des armes face à des employeurs tardant, comme en l'espèce, à faire valoir leurs contestations à une époque où elle ne dispose plus des pièces nécessaires à sa défense », il apparaît cependant que la caisse ne saurait invoquer sa propre carence en la matière alors qu'il lui appartenait de prendre toute mesure utile pour conserver, les pièces justificatives pouvant devoir être fournies en cas de contestation demeurant légalement possible.

Dès lors, en présence d'une action, présentée par l'employeur comme étant liée à l'imputation sur son compte employeur des conséquences financières de la prise en charge de 2007 critiquée, mise en 'uvre au plus tard en 2015 dans un délai qui n'apparait pas déraisonnable au regard des pièces produites, le caractère tardif du recours en inopposabilité de cette dernière n'est pas établi en l'espèce.

La demande de la société ne saurait donc au cas d'espèce être rejetée comme tardive.

Sur l'obligation d'information de la caisse

La société avance n'avoir jamais été informée par la caisse de la clôture de l'information à l'issue de laquelle est intervenue la décision de prise en charge.

Faute pour la caisse, qui ne produit aucun élément et notamment aucun accusé de réception en la matière, de prouver, alors qu'une procédure d'instruction a été mise en 'uvre, qu'elle a envoyé à la société un courrier de clôture de l'instruction, l'obligation d'information mise à la charge de la caisse ne peut être considérée comme ayant été respectée par cette dernière.

Dès lors, la décision de prise en charge par la caisse de l'accident du travail dont M. [F] a été victime le 21 août 2007, doit être déclarée inopposable à l'employeur.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Declare l'appel recevable ;

Infirme le jugement déféré ;

ET statuant à nouveau:

Déclare la société Distrilap recevable en son recours en inopposabilité.

Juge inopposable à l'égard de la société Distrilap la décision de prise en charge par la CPAM [Localité 1] de l'accident du travail dont M. [F] a été victime le 21 août 2007.

Déboute la CPAM [Localité 1] de sa demande en frais irrépétibles.

Condamne la CPAM [Localité 1] aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 16/02998
Date de la décision : 31/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°16/02998 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-31;16.02998 ?
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