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29/01/2020 | FRANCE | N°18/05875

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 29 janvier 2020, 18/05875


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 29 JANVIER 2020



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 18/05875 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5J7U



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016030491





APPELANTE



ARMA LEDER B.V. , société de droit étranger

Ayant son siège social : [Adresse 11]
r>[Localité 3] (PAYS BAS)

N° RSIN : 803583795

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Michel APELBAUM du Cab. APELBAUM & Assoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 29 JANVIER 2020

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 18/05875 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5J7U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016030491

APPELANTE

ARMA LEDER B.V. , société de droit étranger

Ayant son siège social : [Adresse 11]

[Localité 3] (PAYS BAS)

N° RSIN : 803583795

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel APELBAUM du Cab. APELBAUM & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E1826

Ayant pour avocat plaidant : Me Nathalie DAUPHIN, substituant Me Marloes MOHR, de la SELARL MOHR Avocats, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

- Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 12] (TURQUIE)

Demeurant : [Adresse 7]

[Localité 1]

- Madame [U] [L]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8] (TURQUIE)

Demeurant : [Adresse 7]

[Localité 1]

- SARL ARMA CUIR

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 384 710 257 (NICE)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

- SCP [F] FERRARI FUNEL, prise en la personne de Me [N] [F], ès qualités de liquidateur de la société ARMA CUIR, désigné à cette fonction par jugement du 28 octobre 2015

Exerçant ses fonctions : [Adresse 6]

[Localité 1]

Représentés par Me Antoine PINEAU-BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0260

Ayant pour avocat plaidant : Me Thibault POZZO DI BORGO DU Cab. TALLIANCE Avocats, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Dominique GILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Arma Leder BV, société de droit néerlandais créée en 1979, exerce l'activité de création et commercialisation de vêtements en peaux et fourrures pour hommes, femmes et enfants. Elle détenait 50 % du capital de la SARL Arma Cuir créée en 1992, qui commercialisait ses produits en France et était dirigée par M. [K].

Alors que la société Arma Cuir reprochait à la société Arma Leder BV de lui avoir fourni, à compter de 2004, des produits défectueux, et que celle-ci réclamait à la société Arma Cuir le paiement de factures pour un montant contesté de 2 128 440,77 euros, les parties ont signé, le 2 octobre 2013 et pour mettre fin au litige, un acte dénommé "protocole transactionnel" aux termes duquel, notamment :

- la société Arma Cuir s'est engagée à payer à Arma Leder la somme de 800 000 euros selon un échéancier de paiements et moyennant une garantie hypothécaire consentie par M. [K] avec l'accord de son épouse Mme [L] sur l'immeuble dont il était propriétaire à [Localité 10],

- la société Arma Leder s'est engagée à réserver à la société Arma Cuir l'exclusivité de la distribution en France, sous conditions du respect de l'engagement précité et du paiement des produits à livrer dans les délais convenus mais en acceptant une pénalité de 15 % en cas de non livraison ou de livraison défectueuse.

La garantie hypothécaire a été consentie par un acte authentique du 02 décembre 2013.

Par lettre recommandée du 26 novembre 2014, la société Arma Leder BV a mis en demeure la société Arma Cuir de lui payer l'intégralité de la créance restant due sur la somme de 800 000 euros, pour cause de non respect des mensualités prévues par l'accord du 2 octobre 2013, outre 200 127,35 euros correspondant à des factures échues et impayées depuis cette date.

La société Arma Cuir a été placée sous sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Nice du 12 février 2015.

Par jugement du 28 octobre 2015, cette même juridiction a ouvert la liquidation judiciaire de la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel, mandataires judiciaires étant désignée en qualité de liquidateur.

Par assignation du 8 septembre 2016, la SARL Arma Cuir, M. [F] ès qualités, M. [K] et Mme [L] son épouse, reprochent à Arma Leder de ne pas avoir consenti la distribution exclusive et d'avoir ainsi manqué à l'exécution du protocole du 2 octobre 2013, en commercialisant en outre directement ses produits en France.

Les demandeurs ont donc sollicité du tribunal de commerce de Paris de prononcer la mainlevée de l'hypothèque ainsi que la réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait des agissements d'Arma Leder qu'elles ont qualifiés de déloyaux et parasitaires.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 29 janvier 2018, a :

- prononcé la résolution du "protocole" aux torts d'Arma Leder et remis les parties en l'état antérieur à sa signature du protocole sans se prononcer sur les obligations respectives des parties avant la signature du protocole ;

- ordonné en conséquence la mainlevée de l'inscription hypothécaire consentie par M. [K] et Mme [L] au terme d'un acte reçu par M. [M], notaire associé à [Localité 10], le 2 décembre 2013,

- condamné Arma Leder à payer à M. [F], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Arma Cuir les sommes de :

* 50 100 euros en remboursement des sommes versées en exécution du protocole résolu ;

* 411 540,67 euros au titre du préjudice subi par Arma Cuir ;

* 15 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

- condamné Arma Leder aux dépens.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 18 juin 2018, la société Arma Leder BV, appelante, demande à la Cour de :

vu les articles 1103 et 1231-1 et suivants du code civil,

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

au principal :

- constater que la société Arma Cuir a manqué à ses obligations financières résultant du protocole d'accord du 02 octobre 2013 dès le mois d'avril 2014 ;

- constater qu'il n'est pas démontré que la société Arma Leder B.V. a violé l'exclusivité conférée à la société Arma Cuir pendant la courte période où celle-ci a été en règle avec ses obligations financières ;

- en conséquence,

- débouter la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel ès qualités, M. [K], Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes ;

- subsidiairement, si la Cour devait prononcer la résolution judiciaire du protocole :

- constater que les demandes d'indemnisation au titre des livraisons défectueuses ou des retards de livraisons sont prescrites et à tout le moins non justifiées ;

- en conséquence, débouter la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel ès qualités, M. [K], Mme [L] de leur demande de condamnation de la société Arma Leder B.V. au paiement de la somme de 1 528 440 euros ;

- débouter la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel ès qualités, M. [K], Mme [L], de leur demande de dommages et intérêts au titre des préjudices subis au titre des faits postérieurs au 02.10.2013 ;

- débouter la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel ès qualités, M. [K], Mme [L] de leur demande de condamnation de la société Arma Leder. au titre de la pénalité de 15% ;

- débouter la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel ès qualités, M. [K], Mme [L] de leur demande de condamnation de la société Arma Leder. au paiement de la somme de 500 000 euros aux fins de participer au règlement du passif de la liquidation judiciaire de la société Arma Cuir ;

- subsidiairement et reconventionnellement :

- dire et juger que la créance de la société Arma Leder soit 1 025 645,60 euros sera inscrite au passif de la société Arma Cuir ;

- en tout e tat de cause :

- condamner la société Arma Cuir, la SCP [F] Ferrari Funel ès qualités, M. [K], Mme [L] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Proce dure Civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 10 septembre 2018, la société Arma Cuir, Me [F] en sa qualités de liquidateur de la société Arma Cuir, M. [K] et Mme [L] demandent à la Cour de :

vu la transaction du 2 octobre 2013 ;

vu les articles 1134 et suivants, 1147 et 1184 du Code civil ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'inexécution contractuelle imputable à la société Arma Leder au titre du protocole transactionnel, savoir l'absence de signature au bénéfice de la société Arma Cuir du contrat de distribution exclusive qui e tait convenu, avec toutes les conséquences attachées à cette décision ;

- constater l'inexécution contractuelle imputable à la société Arma Leder au titre du protocole transactionnel conclu en date du 2 octobre 2013, savoir l'absence de signature au bénéfice de la société Arma Cuir du contrat de distribution exclusive qui était convenu ;

- prononcer la résolution de la transaction du 2 octobre 2013 aux torts exclusifs de la société Arma Leder ;

- prononcer la résolution ou subsidiairement la nullité (pour absence de cause) de la reconnaissance de dette valant caution hypothécaire signée le 2 décembre 2013 entre la société Arma Leder et la société Arma Cuir et Madame [U] [L] et M. [C] [K] par-devant Maître [V] [M], notaire ;

- ordonner la mainlevée de l'inscription hypothécaire ;

- les parties étant remises en leur état antérieur à la transaction du 2 octobre 2013, condamner la société Arma Leder à la somme de 1 528 440 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis par Arma Cuir pour la période antérieure à la signature du protocole résolu (au titre des défectuosités des produits livrés par Arma Leder à Arma Cuir), le jugement entrepris n'étant réformé que sur le montant des indemnisations ;

vu les articles 1134 et suivants, 1147 du Code civil,

vu subsidiairement les articles 1382 et suivants du Code civil,

- constater en outre que la société Arma Leder a contracté et travaillé directement avec les clients français qui auraient dû être ceux de la société Arma Cuir dans le cadre du contrat de distribution ;

- constater que la société Arma Leder a livré, encaissé et travaillé directement avec les clients dont les commandes ont été prises par la société Arma Cuir ;

- en conséquence dire que la responsabilité de la société Arma Leder est engagée pour des faits postérieurs au manquement au titre de l'exécution du protocole ;

- condamner la société Arma Leder à régler la somme de 372 704 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis par la société Arma Cuir au titre des faits postérieurs au 2 octobre 2013, à savoir pour concurrence déloyale ;

- au surplus, condamner la société Arma Leder à régler la somme de 186 352 euros à titre de la pénalité de 15% due par la société Arma Leder en cas de non livraison ou de livraison de marchandises défectueuses ;

- condamner encore la société Arma Leder à la somme de 500 000 euros au titre de sa condamnation à participer au règlement du passif de la liquidation judiciaire de la société Arma Cuir ;

- en tout e tat de cause

- débouter la société Arma Leder de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Arma Leder à verser à la société Arma Cuir la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

A titre préliminaire, il sera rappelé que la liquidation judiciaire ayant entraîné le dessaisissement du débiteur, la société Arma Cuir ne peut agir que par la représentation de son liquidateur.

La société Arma Cuir ne peut donc pas figurer à l'instance autrement que représentée par son liquidateur.

Cela posé et en droit, pour obtenir la résiliation de la transaction pour inexécution des obligations de la société Arma Leder BV qu'elle renferme, les demandeurs, intimés sur le présent appel principal, et sous la réserve indiquée ci-dessus, doivent apporter la preuve que la société Arma Cuir a rempli ses propres obligations de paiement de sommes issues de ce même contrat.

Or, aux termes de la transaction du 02 octobre 2013, la société Arma Cuir , la société Arma Leder BV et M. [C] [K] ont essentiellement conclu les obligations suivantes.

La société Arma Cuir s'est reconnue débitrice envers la société Arma Leder BV d'une somme de 800 000 euros arrêtée à la date du 1er janvier 2013, a renoncé à une créance de 1 328 440,77 euros et s'est engagée à payer ladite somme de 800 000 euros dans les conditions suivantes :

- 100 000 euros la première année de la signature du protocole, par mensualités de 8 333,33 euros ;

- 150 000 euros la deuxième et la troisième année de la signature du protocole, en 24 échéances mensuelles de 12 500 euros ;

- 100 000 euros les quatrième, cinquième, sixième et septième années, par échéances mensuelles de 8 333,33 euros ;

- outre un intérêt de 5% l'an payable le 31 décembre de chaque année.

A titre de condition essentielle et déterminante, M. [K] s'est engagé à donner, d'accord avec son épouse, une garantie hypothécaire sur l'immeuble lui appartenant et ce "au plus tard dans les deux mois suivant la signature des présentes".

En outre, l'article 3 de l'acte de transaction contient la stipulation suivante :

"En contrepartie des engagements précités de la société Arma Cuir, la société Arma Leder BV s'engage à réserver l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire français à la société Arma Cuir, à condition toutefois que la société Arma Cuir (i) respecte les engagements financiers pris dans le cadre du présent accord et (ii) procède par ailleurs eu règlement des produits qui lui seront livrés dans les délais convenus entre les Parties.

Les Parties procéderont dans cette perspective à la signature d'un contrat de distribution exclusive dans un délai de trois mois à compter de la signature du présent protocole.

Les Parties conviennent que ce contrat sera conclu à des conditions normales de marché et selon les usages en vigueur, notamment en ce qui concerne les délais de règlement. Elles conviennent également d'ores et déjà d'insérer dans ce contrat de distribution exclusive une clause en stipulation de laquelle une pénalité de 15% sera appliquée en cas de non livraison ou de livraison de marchandises défectueuses par la société Arma Leder BV au bénéfice de la société Arma Cuir.

La société Arma Leder s'engage également à céder à M. [C] [K] les 15 000 parts sociales [...] qu'elle détient au capital de la société Arma Cuir pour le prix d'un euro.

L'acte de cession devra intervenir dans un délai de 3 mois à compter de la signature du présent protocole."

Par acte authentique du 2 décembre 2013, M. [C] [K] et Mme [L] son épouse se sont volontairement portés caution hypothécaire de la société Arma Cuir pour sûreté des engagements financiers de celle-ci à l'égard de la société Arma Leder tels qu'ils résultent de la transaction déjà analysée.

A cette occasion, M. [K] a, en sa qualité de gérant de la société Arma Cuir, ratifié la transaction déclarant que la société était complètement remplie de ses droits par l'effet de la transaction.

Par acte sous seing privé daté du 23 décembre 2013 et enregistré le 14 janvier 2014, l'acte de cession de parts sociales mentionné ci-dessus a été signé entre la société Arma Leder BV d'une part et M. [C] [K] d'autre part.

S'agissant du contrat de distribution exclusive, dont il avait été prévu par la clause déjà citée de la transaction que, comme l'acte de cession de parts sociales, il serait signé dans les trois mois, il est constant qu'il n'a jamais été signé.

S'agissant du paiement des mensualités, la société Arma Cuir , à qui incombe la charge de la preuve, est radicalement défaillante pour préciser les paiements qu'elle a effectués à ce titre, puisqu'elle se borne à produire, pour tout justificatif, un extrait de son compte général fournisseur Arma Leder.

Cependant, si elle affirme qu'en 2013 elle n'a pas seulement payé 16 700 euros au titre de la transaction, au moyen qu'elle a payé à son fournisseur une somme globale de 198 503,19 euros et, encore, en 2014 une somme de 317 889,65 euros, ce qui est à chaque fois le total annuel des mouvements sur le compte, il apparaît qu'aucune des lignes de ce compte fournisseur n'est susceptible d'avoir enregistré le paiement d'une des mensualités, ainsi que le démontrent tant le libellé que les montants des opérations, lesquelles se rattachent essentiellement à des factures fournisseur (au crédit) et à des virements bancaires présumés en paiement de factures ou à des avoirs (au débit).

En revanche, la société Arma Leder BV produit un décompte des sommes perçues au titre de l'exécution du protocole pour le remboursement de la somme de 800 000 euros.

Il y apparaît, ce qui sera retenu par la Cour, que le 27 décembre 2013 a été versée une somme de 16 700 euros correspondant à deux mensualités (soit octobre-novembre et novembre-décembre), ce qui a été suivi de quatre autres mensualités d'un montant de 8 350 euros chacune, la dernière ayant été payée le 8 mai 2014,correspondant à la mensualité de mars-avril 2014 ; le solde dû en capital après cette dernière mensualité était donc de 800 000 - [16 700 - (4 x 8 350)] = 749 900 euros.

S'agissant du contrat d'exclusivité, la Cour considère, d'une part, que l'acte de transaction demeure imprécis sur les obligations des parties afin de parvenir à la signature d'un tel contrat dans un délai de 3 mois à compter du 2 octobre 2013, date de la signature de l'acte et que, d'autre part, rien n'indique en l'espèce que la société Arma Cuir se soit davantage souciée que la société Arma Leder BV de la formalisation du contrat de distribution exclusive par un acte distinct de la transaction.

A cet égard, la société Arma Cuir affirme, sans le prouver, qu'elle a procédé à des demandes répétées après la signature de la transaction, pour que la société Arma Leder BV lui consente un contrat d'exclusivité.

Cependant, au contraire, alors que cette affirmation de la société Arma Cuir ne s'accompagne d'aucune précision de pièce, il ne résulte pas des éléments de preuve produits aux débats, en particulier pas les lettres ou les courriels, que la société Arma Cuir ait jamais invité la société Arma Leder BV à lui soumettre une proposition de contrat d'exclusivité après que la transaction a été signée.

Il ne peut davantage être retenu que la société Arma Leder BV avait, aux termes de l'acte de transaction, souscrit l'obligation de rédiger une offre de contrat d'exclusivité.

Il s'en déduit que la seule circonstance que la société Arma Leder BV n'ait pas proposé à la signature de la société Arma Cuir le contrat de distribution exclusive prévu par la transaction ne peut s'analyser comme son manquement aux obligations de ce contrat, de nature à permettre de lui en imputer la résolution.

Au contraire, sans que les parties aient renoncé à la clause d'exclusivité, qui constitue bien une condition essentielle de la transaction litigieuse, les circonstances de l'espèce commandent de dire que la société Arma Leder BV et la société Arma Cuir ont été d'accord pour se passer de la formalisation du contrat de distribution exclusive par un contrat écrit distinct de la transaction.

C'est ce qui explique qu'elle ont continué leurs relations d'affaires dans le cadre de la transaction, la société Arma Cuir ayant continué de s'acquitter des mensualités de paiement mises à sa charge après que le cautionnement hypothécaire a été donné, acquittant des mensualités d'un montant conforme à celui stipulé, jusqu'au mois de mai 2014.

Il découle de ce qui précède que pour prononcer la résolution de la transaction aux torts de la société Arma Leder BV, la Cour devrait pouvoir retenir que l'obligation d'exclusivité a été violée par le fournisseur, tandis que la société Arma Cuir n'était pas encore en défaut de paiement s'agissant des mensualités stipulées et des factures échues après le 2 octobre 2013.

Or, par échange de courriel des 21 et 22 juillet 2014, la société Arma Cuir a reconnu devoir à cette date à la société Arma Leder BV un montant de 218 435,40 euros de factures en retard.

Si la société Arma Cuir affirme qu'elle a arrêté d'honorer les mensualités à cause de la violation par la société Arma Leder BV de l'obligation d'exclusivité, elle reconnaît également que la société Arma Leder BV s'était engagée à lui payer une commission de 22% sur les livraisons que le fournisseur effectuait directement auprès de ses clients, et invoque en ce sens sa pièce n°14, qui est une lettre que la société Arma Leder BV lui a adressée, datée du 2 septembre 2014.

Or, non seulement cette lettre du 2 septembre 2014 confirme qu'à cette date la dette initiale de 800 000 euros avait été ramenée à 749 900 euros par le paiement des mensualités ci-dessus, mais les circonstances de l'espèce et les moyens soutenus par la société Arma Cuir démontrent également qu'il n'y avait pas de désaccord sur ce point et que les parties s'étaient même entendues pour que les commissions de 22% ci-dessus soient déduites de la somme de 749 900 euros restant due par la société Arma Cuir.

Il est donc démontré que, avant le mois de septembre 2014, la société Arma Cuir était très en retard tant dans le paiement des mensualités litigieuses que dans le règlement des factures échues postérieurement à la transaction.

Or, il n'est pas démontré que la société Arma Leder BV a commencé avant cette date à s'adresser directement aux clients de la société Arma Cuir en leur demandant de ne plus passer par Arma Cuir.

La copie de lettre en ce sens, produite par la société Arma Cuir, n'est pas datée et occulte le nom du destinataire (pièce n°4).

Les lettres des clients Génération Cuir, Paul Ajamian [Localité 9], Sofacuir, produites par la société Arma Cuir mentionnent d'ailleurs que la société Arma Leder BV ne leur a fait cette demande qu'à l'occasion de livraisons en septembre 2014.

Par ailleurs rien ne permet de retenir que la société Arma Leder BV, après la signature de la transaction, aurait procédé à des livraisons défectueuses, à des non-livraisons qui ne seraient pas justifiées par des défauts de paiement préalables, ni qu'elle se serait fautivement abstenue de procéder à des livraisons après cette date.

Il résulte de ce qui précède que la société Arma Cuir a la première commis des manquements aux obligations essentielles de la transaction, de sorte que la résolution de celle-ci ne peut être prononcée aux torts de la société Arma Leder BV.

Dès lors, la société Arma Leder BV ne saurait être déclarée responsable d'actes de concurrence déloyale pour avoir décidé de traiter en direct avec les clients de la société Arma Cuir, après la défaillance de celle-ci.

Par conséquent le jugement doit être réformé.

Les intimés, par conséquent, doivent être déboutés de toutes leurs demandes.

Sur la demande reconventionnelle de la société Arma Leder BV

S'agissant de la demande reconventionnelle de la société Arma Leder BV, il est établi que celle-ci a déclaré sa créance au mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde, que l'administrateur a indiqué qu'il allait proposer au juge commissaire de la rejeter en l'état du jugement entrepris, mais que, par lettre du 20 avril 2018, la société Arma Leder BV a demandé, eu égard au présent appel, le sursis à statuer dans l'attente du présent arrêt, sollicitant l'admission de la créance à titre provisoire.

Dès lors que la créance était sérieusement contestée, la Cour est demeurée compétente pour la fixer et nulle irrecevabilité n'est encourue de ce chef.

Compte tenu de la solution du présent litige, la créance sur la société Arma Cuir de 1 025 645,60 euros dont se prévaut la société Arma Leder BV est constituée :

- par le solde dû sur la reconnaissance de dette notariée du 2 décembre 2013 ;

- pour 200127,35 euros au titre de factures impayées.

Cette créance est conforme à la mise en demeure adressée par lettre recommandée le 26 novembre 2014 à la société Arma Cuir par le conseil de la société Arma Leder BV, reçue par le destinataire.

A l'appui de sa demande, la société Arma Cuir produit tout d'abord :

- le décompte de créance pour le remboursement de la somme en principal de 800 000 euros, intégrant les intérêts et frais, lequel n'est pas utilement contesté, de sorte que la créance est justifiée à hauteur de la somme de 825 518,25 euros ;

- une liste de factures de marchandises impayées et d'avoirs commençant au 3 octobre 2013, pour un montant total de 245 019,35 euros, avec un récapitulatif de factures de la société Arma Cuir à l'adresse de la société Arma Leder BV s'agissant des commissions, pour un montant de 44 892 euros.

A ce dernier titre, si la société Arma Cuir affirme que la société Arma Leder BV n'a pas tenu compte de toutes les commissions qui lui sont dues et si elle produit (pièce n°13) des bordereaux d'expédition par la société Arma Leder BV à destination de clients français pour des opérations non recensées par la société Arma Leder BV dans sa mise en demeure, elle ne justifie pas pour autant les avoir facturées à la société Arma Leder BV, à qui elle ne peut donc valablement reprocher de ne pas les avoir déduites de sa dette, la Cour devant dire en outre que ces pièces sont insuffisantes pour prouver qu'il s'agit de créances certaines, liquides et exigibles.

La société Arma Cuir produit des factures de pénalités qu'elle a émises pour des livraisons en retard ou non effectuées, à dater du 31 décembre 2013, ces factures étant reprises dans les pièces justificatives de la mise en demeure, avec la mention du fournisseur selon laquelle il refuse les pénalités à cause des factures de marchandises déjà échues et demeurées impayées.

Compte tenu de la circonstance déjà retenue selon laquelle de nombreuses factures étaient impayées à leur échéance par la société Arma Cuir, la Cour considère que la société Arma Leder BV a valablement mis en oeuvre l'exception d'inexécution, de sorte que les factures de pénalité ne sont pas dues par le fournisseur.

L'existence des factures impayées de marchandises dont la société Arma Leder BV réclame paiement n'étant pas contestée, la société Arma Cuir explique néanmoins ne pas avoir été livré pour certaines d'entre-elles (sa pièce n°15).

Faute de preuve des livraisons correspondantes, il y a lieu de déduire de la somme réclamée par le fournisseur au titre des factures impayées :

- 64 647,45 euros, correspondant à une facture F1409561 du 16 septembre 2014.

La facture Extra Show Room du 6 février 2014 pour la somme de 11 553,50 euros n'est pas réclamée par le fournisseur.

En conséquence, la créance de la société Arma Leder BV dans la liquidation judiciaire de la société Arma Cuir sera fixée, au titre des factures impayées, à la somme de 180 371,90 euros (245 019,35 - 64 647,45 = 180 371,90), outre la somme de 825 518,25 euros, soit un total de 1 005 890,15 euros (825 518,25 + 180 371,90 = 1 005 890,15).

Sur les frais et dépens

La SCP [F] Funel ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Arma Cuir, M. [K] et Mme [L], qui succombent en leurs demandes, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Cependant, en équité, il n'y a pas lieu de les condamner à payer à la société Arma Leder BV une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

RÉFORME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la SCP [F] Funel ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Arma Cuir, M. [K] et Mme [L] de leur demande de résolution de la transaction aux torts exclusifs de la société Arma Leder BV, et, par conséquent, de toutes leurs demandes,

FIXE la créance de la société Arma Leder BV dans la liquidation judiciaire de la société Arma Cuir à la somme de 1 005 890,15 euros,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE in solidum la société Arma Cuir, la SCP [F] Funel ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Arma Cuir, M. [K] et Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel,

DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Cécile PENG Marie-Laure DALLERY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/05875
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°18/05875 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;18.05875 ?
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