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29/01/2020 | FRANCE | N°17/08695

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 29 janvier 2020, 17/08695


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 29 Janvier 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/08695 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TQO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/01258





APPELANTE



Madame [F] [I]

[Adresse 5]

[Localité 3]

née le [Date naissance 2]

1970



représentée par Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106 substitué par Me Lucie POUPARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106





INTIMEE



SAS LUX...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 Janvier 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/08695 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TQO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/01258

APPELANTE

Madame [F] [I]

[Adresse 5]

[Localité 3]

née le [Date naissance 2] 1970

représentée par Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106 substitué par Me Lucie POUPARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106

INTIMEE

SAS LUXOTTICA FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 334 70 5 3 32

représentée par Me Thomas LESTAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035 substitué par Me Marine BERTHET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 19 juillet 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [I] a été engagée par la société Luxottica France, à compter du 15 mars 2005, en qualité de coordinateur marque luxe chargé de la collection de lunettes Chanel pour la France. Le 1er janvier 2010, elle a signé un nouveau contrat de travail stipulant des fonctions de « directrice de la collection de lunettes Chanel ».

À la fin de l'année 2013, la société Luxottica France soutient avoir proposé à Mme [I] une promotion au poste de directeur marketing de la distribution des lunettes solaires, accepté par elle qui a commencé à occuper le poste dès le 3 mars 2014, que cette promotion a été formalisée à compter d'avril 2014 par la mention de de celui-ci sur ses bulletins de salaire et par l'envoi d'un message d'information adressée à l'ensemble des collaborateurs appartenant au groupe Luxottica.

Début 2014, Mme [I] a été remplacée par Mme [G] fonctions de directrice de la collection de lunettes Chanel.

Du 11 avril 2014 au 16 septembre 2014, elle a été en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre en date du 14 octobre 2014, elle a indiqué à la société qu'elle refusait le poste de directeur marketing de la distribution des lunettes solaires.

Le 17 novembre 2014, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 27 novembre 2014. Elle a été licenciée par lettre du 15 décembre 2015.

Le 2 février 2015, elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris lequel, par jugement du 15 juin 2017, a :

*condamné la société Luxottica France à verser à Madame [I] les sommes suivantes :

40.872 euros à titre de rappel de prime sur objectifs

4.087,20 euros à titre de congés payés afférents

1.203 euros à titre de remboursement de frais professionnels

85.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*fixé cette moyenne à la somme de 13.464,60 euros.

*débouté la salariée du surplus de ses demandes et lui a ordonné de restituer en état de fonctionnement au lendemain de la réception du présent jugement, l'ordinateur portable et a condamné la société aux entiers dépens.

Madame [I] a interjeté appel le 21 juin 2017.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 4 octobre 2018, elle demande de voir :

*infirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa rémunération mensuelle moyenne à la somme de 13.464,60 euros et, statuant à nouveau, fixer celle-ci à la somme de 44.454,04 euros compte tenu des rappels de salaire dus au titre des heures supplémentaires réalisées des mois d'avril à décembre 2013 à hauteur de 371.838,29 euros.

*confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Luxottica au paiement des sommes suivantes:

40.872 euros bruts à titre de rappels de prime sur objectifs au titre de l'année 2014 ;

4.087,20 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

1.203 euros nets en remboursement des frais professionnels au titre de l'abonnement de parking du troisième trimestre 2014

*infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes, et statuant à nouveau, condamner la société à lui verser les sommes suivantes:

1.144.119,94 euros bruts en paiement des heures supplémentaires ;

114.411,99 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

341.721,08 euros nets à titre de dommages-intérêts pour privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos ;

266.724,18 euros nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du Code du travail ;

50.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées légales maximales de travail quotidien ;

50.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées légales maximales de travail hebdomadaire ;

80.000 euros nets de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1152-1 du Code du travail et à défaut, sur le fondement de l'article L. 4121-1 du Code du travail ;

1.053.262 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance concernant les stocks options et les actions ;

20.000 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de percevoir au titre de la période du 10 avril 2007 au 31 décembre 2009 des sommes au titre du régime complémentaire Agirc.

562,73 euros nets à titre de remboursement de soins ;

5.000 euros nets à titre de dommages-intérêts concernant le manquement à l'obligation d'assurer la portabilité des garanties de santé et de prévoyance, conformément aux dispositions de l'article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale.

*ordonner à la société Luxottica de verser les cotisations retraite afférentes aux rémunérations versées à Madame [I] au titre de la période du 10 avril 2007 au 31 décembre 2009 à la caisse de retraite compétente.

Au titre de la rupture du contrat de travail, la salariée demande à la cour d'une part de confirmer le en ce qu'il jugeait le licenciement de Madame [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'autre part, de l'infirmer en ce qu'il limitait le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 85.000 euros et, statuant à nouveau, condamner la société Luxottica au versement de la somme de 550.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin elle sollicite la cour afin qu'elle infirme le jugement en ce qu'il déboutait Madame [I] des demandes suivantes :

107.817,09 euros bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

10.781,70 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

86.157,44 euros nets à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement.

En tout état de cause, Madame [I] demande à la cour de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il condamnait la société la société Luxottica aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir et de la condamner à verser à Madame [I] la somme de 3.500 euros bruts à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, et de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal dans le cadre des dispositions des articles 1231-6 et suivants du Code civil et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts selon les termes de l'article 1343-2 du Code civil.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 6 décembre 2018, la société demande voir juger que le licenciement pour motif personnel de la salariée est parfaitement caractérisé et justifié, de juger qu'elle ne saurait prétendre au règlement des heures supplémentaires, de constater l'absence de tout harcèlement moral à l'égard de Madame [I].

En conséquence, la société de sollicite de voir infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la Société Luxottica à payer Madame [I] les sommes suivantes:

' 40.872 euros à titre de rappel de prime sur objectifs ;

' 4.087,20 euros à titre de congés payés afférents au rappel de prime sur objectifs;

' 1.203 euros à titre de remboursement de frais professionnels ;

' 85.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouté la société au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la société LUXOTTICA FRANCE aux dépens

La société Luxottica France demande de voir débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement

Mme [I] a été licenciée par lettre du 15 décembre 2014 motif pris d'un « brutal revirement ayant consisté à refuser la promotion que vous aviez pourtant pleinement acceptée en son temps » « votre brutal revirement traduit donc non-respect de vos engagements et à tout le moins, une légèreté et un défaut de loyauté en soi inacceptable de la part d'un cadre de votre niveau de responsabilités, sans compter les conséquences très préjudiciables en résultant' » « Cette attitude justifie à elle seule votre licenciement. Elle ne fait en outre de confirmer la désinvolture avec laquelle vous avez repris le travail pour quelques semaines à l'issue de votre arrêt de travail du 11 avril dernier' »

La salariée exerçait les fonctions de directrice de la collection de lunettes Chanel pour le compte de Luxottica France. Au début de l'année 2014, la société lui a annoncé qu'elle ne les accomplirait plus, étant remplacée par Mme [G].

Par courriel du 15 avril 2014, la société a annoncé au groupe les nouvelles fonctions de Mme [I], alors que celle-ci était en arrêt pour maladie. Elle a également modifié l'intitulé de son poste à compter d'avril 2014 sur ses bulletins de paye en l'absence de signature d'un avenant. Une modification de son contrat de travail lui a donc été imposée.

Par courriel du 14 octobre 2014, Mme [I] a refusé de conclure un contrat de travail de droit italien pour le compte du groupe Luxottica pour les fonctions de directeur marketing et distribution des lunettes solaires du groupe. En tout état de cause, aucun avenant au contrat de travail n'est produit et l'accord de la salariée sur une modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite du travail. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son ancienneté (près de 10 ans), sa rémunération (qui doit tenir compte des heures supplémentaires et de la prime variable accordées ci-après) et des circonstances de la rupture, il convient de lui allouer une somme de 150 000 euros à titre de et intérêts, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les primes sur objectifs au titre de l'année 2014

Le contrat de travail stipulait que la salariée percevrait « en outre une prime sur objectifs dans les conditions et selon les modalités qui seront fixées par l'annexe séparée, prime qui s'élève à 30 % de sa rémunération annuelle brute lorsque les objectifs sont atteints à 100 % et pouvant aller jusqu'à 150 % en cas de dépassement des objectifs ».

Or, au titre de l'année 2014, aucun objectif n'a été porté à la connaissance de la salariée et aucune prime ne lui a été versée alors qu'en 2013, elle avait réalisé 120 % de ses objectifs et perçu la rémunération variable correspondante.

Le conseil de prud'hommes a dès lors condamné à juste titre la société à payer à Mme [I] un rappel de prime au titre de 2014 et les congés payés afférents.

Sur la convention de forfait

L'article 5 du contrat de travail stipule que Mme [F] [I] appartient à la catégorie des cadres pour lesquels la conclusion d'un forfait annuel en jours est possible, en application de l'avenant numéro 1 à l'accord de réduction du temps de travail en vigueur au sein de la société, compte tenu de la nature de ses fonctions, du niveau de responsabilité qui est le sien, du degré d'autonomie dont elle dispose dans son emploi du temps.

Par conséquent, la gestion de son temps de travail s'effectuera en nombre de jours ou demi-journées de travail, ce nombre étant fixé à 215 jours par année complète d'activité'

Cependant, Mme [I] fait remarquer à bon droit que l'avenant du 22 décembre 2005 ne contient aucune disposition portant sur l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, l'organisation d'un entretien pour évoquer l'articulation entre l'activité professionnelle du salarié et sa vie personnelle ou encore sur le droit à la déconnexion.

Il s'ensuit que l'accord d'entreprise autorisant le recours par la société Luxottica au forfait annuel en jours est privé d'effet et que la convention individuelle de forfait est inopposable à la salariée.

Celle-ci est donc recevable à solliciter le paiement d'heures supplémentaires.

Sur les heures supplémentaires

La société soutient que les demandes de Mme [I] sont prescrites pour la période de février 2010 au 15 mars 2012.

À cette date, la prescription était quinquennale en vertu de la loi du 17 juin 2008.

L'article 21 de la loi relative à la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 a prévu que les dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail s'appliquaient aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de cette loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Mme [I] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 2 février 2015, sa demande est donc recevable à compter de février 2010.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [I] communique un décompte de ses heures, ses agendas Outlook journaliers et mensuels, ses relevés de compte Flying blue, des captures d'écran des courriels adressés par elle, des notes de frais et relevés de carte affaire.

De son côté, la société fait remarquer que l'agenda de la salariée indique des rendez-vous personnels au cours de la semaine du lundi au vendredi.

Par ailleurs, l'envoi ou la réception de messages électroniques tardifs ne permet pas d'établir que la salariée s'est tenue à la disposition de l'employeur pendant tout le temps écoulé entre la fin théorique de sa journée de travail et l'envoi ou la réception de ces messages.

Il convient également de tenir compte de temps de pause, de jours de RTT qui ont été pris dans le cadre du forfait qui se trouve privé d'effet.

Après examen des éléments produits de part et d'autre, la cour a la conviction que des heures supplémentaires ont été exécutées avec au moins l'accord implicite de l'employeur qui a été destinataire de courriels en dehors des heures de bureau.

Il sera donc alloué à Mme [I] un rappel d'heures supplémentaires dans la limite de 688 heures assorties d'une majoration de 25 % outre les congés payés afférents. Le montant des heures supplémentaires dues figure au dispositif.

Mme [I] n'ayant pas exécuté d'heures supplémentaires au-delà de la 39e heure et donc au-delà du contingent annuel de 220 heures, sera déboutée de sa demande en paiement de repos compensateurs. Il en sera de même de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des durées légales maximales de travail quotidien et hebdomadaire.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

La conclusion d'une convention de forfait privée d'effet ne prouve pas l'intention frauduleuse de l'employeur de se soustraire à ses obligations légales. Mme [I] sera déboutée de ce chef de demande.

Sur les frais de déplacement

La cour adopte les motifs du conseil de prud'hommes.

Sur la perte de chance de lever les stock-options

Mme [I] a perdu une chance de bénéficier des stock-options. Son préjudice eu égard aux éléments de la cause sera évalué, à la somme de 100 000 euros.

Sur la privation des droits relatifs à la portabilité de la prévoyance

Mme [X] soutient que :

'elle devait bénéficier de la portabilité de ces garanties de frais de santé pendant la durée de 9 mois dès lors qu'elle en faisait la demande auprès de l'employeur, ce qu'elle a fait par courriel du 19 mars 2015 ;

'toutefois, elle a reçu un courrier de l'organisme AG2R lui demandant de contacter son employeur afin de solliciter la portabilité de ses garanties de frais de santé de prévoyance après le 1er avril 2015, date de la rupture de son contrat de travail ;

'c'est la raison pour laquelle elle a adressé une lettre à la société le 20 octobre 2015 sollicitant la régularisation de son dossier mais n'a pas reçu de réponse ;

'dans ce contexte, le 30 décembre 2015, l'institution de prévoyance AG2R lui a adressé une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 562,73 euros nets ;

'la société Luxottica l'a informée par courriel du 6 janvier 2016 qu'au titre de la portabilité dont elle bénéficiait, la nouvelle mutuelle, AXA, avait été choisie par elle, sollicitant de la salariée qu'elle envoie ses documents afin de permettre son affiliation à AXA mais la société n'a pas régularisé la situation de la salariée au titre de la période précédente.

La société Luxottica réplique que :

'la lettre de licenciement et le certificat médical mentionnent l'existence du dispositif de portabilité des garanties complémentaires santé prévoyance ainsi que le courriel du 19 mars 2005 de la société ; elle a donc respecté les dispositions légales en vigueur en informant la salariée de ses droits ;

'l'ancien prestataire AG2R a eu des problèmes administratifs de gestion des dossiers et a adressé à certains salariés et anciens salariés - dont Mme [I] - bénéficiant de la portabilité des refus de de prise en charge alors que leurs dossiers étaient à jour et que les cotisations avaient été réglées ;

'que toutefois tout est rapidement rentré dans l'ordre, l'AG2R ayant reconnu son erreur et remboursé à Mme [I] la somme de 5562,73 euros.

La société justifie avoir remboursement cette somme. La demande de remboursement de la salariée n'est donc pas fondée. En outre, elle ne peut prétendre à des dommages et intérêts aucune faute ne pouvant être reprochée à la société Luxottica.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [I] soutient à juste titre qu'elle a été dépossédée de ses fonctions et s'est vu attribuer une prétendue promotion qu'elle n'a pas acceptée. En outre, ses fonctions contractuelles lui ont été retirées pendant son arrêt pour maladie. La société ne peut sérieusement soutenir que celle-ci a expressément accepté une promotion au poste de Global Channels marketing director alors qu'elle ne produit aucun avenant au contrat de travail ni n'allègue aucun motif justifiant sa décision.

Les agissements de harcèlement moral invoqués par la salariée sont donc établis ainsi que leurs conséquences sur sa santé, comme le révèlent les pièces médicales produites (compte rendu de l'examen médical du docteur [M] de juin 2014 et attestations du Docteur [V] faisant état de la dégradation de la santé de la salariée).

Le préjudice de de Mme [I] sera réparé par une somme de 8000 euros.

Sur la privation des droits à la retraite au titre de titre de la période du 10 avril 2007 au 31 décembre 2009

Mme [I] soutient que :

'la société lui a imposé un contrat de travail de droit italien du 10 avril 2007 au 31 décembre 2009 sans pour autant mettre un terme au contrat de travail conclu le 15 mars 2005 et sans qu'aucun transfert conventionnel n'intervienne ;

'elle a été soumise au droit du travail italien et n'a pas bénéficié du régime de retraite complémentaire français et de sécurité sociale alors qu'il n'était pas mis fin à son contrat de travail en France et que l'employeur aurait dû verser les cotisations patronales et salariales à l'Agirc.

La société réplique que :

'elle n'a pas imposé à Mme [I] de contrat de travail de droit italien, celle-ci ayant accepté de signer le 29 mars 2007, en connaissance de cause et de son plein gré, un contrat de travail avec la société Luxottica group, société mère du groupe Luxottica soumise au droit italien ;

'que Mme [I] ne démontre par aucun élément que son consentement aurait été vicié et qur son action est prescrite dans la mesure où le contrat de travail a été signé le 29 mars 2007, soit il y a plus de 5 ans ;

'en tout état de cause, l'article 52, paragraphe 1, du règlement communautaire numéro 883/04 prévoit des règles de coordination matière de retraite dès lors que les personnes ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'au moins deux états et que ce dispositif permet de prendre en compte des périodes de travail accomplies dans un autre État membre de l'Union européenne comme si elles avaient été effectuées en France.

Mme [I] a signé un contrat de travail de droit italien le 29 mars 2007, et compte tenu des dispositions communautaires européennes en matière de retraite, elle bénéficie d'un droit à la retraite pour la période concernée. Elle a été juste à juste titre été déboutée de cette cette demande et de ses demandes subséquentes par le conseil de prud'hommes.

Il est équitable d'accorder à Mme [I] une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf :

'en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour perte de chance concernant les stocks options et des actions, et au titre d'un harcèlement moral ;

'sur le montant de la rémunération mensuelle moyenne et des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Luxottica France à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

-76 340,48 euros bruts à titre d'heures supplémentaires

-7 634,04 euros bruts à titre de congés payés afférents

-100 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour perte de chance concernant les stocks options et les actions

-8000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

-29 505,18 euros bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis

-2950,51 euros bruts au titre des congés payés afférents

-7845,50 euros nets à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement

-150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-3000 euros en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, et les sommes à titre indemnitaire à compter du jugement ;

Ordonne à la société Luxottica France de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [I] dans la limite de 3 mois ;

Ordonne la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343'2 du Code civil ;

Condamne la société Luxottica aux dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/08695
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/08695 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;17.08695 ?
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