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29/01/2020 | FRANCE | N°16/15221

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 janvier 2020, 16/15221


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 29 JANVIER 2020

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15221 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2FEM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 12/06470





APPELANT



Monsieur [D] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]r>


Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocate au barreau de PARIS, toque : K0111







INTIMÉE



SA HORTIS GR

[Adresse 4]

[Localité 1]- SUISSE



Représentée par Me Jean-Mic...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 29 JANVIER 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15221 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2FEM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 12/06470

APPELANT

Monsieur [D] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocate au barreau de PARIS, toque : K0111

INTIMÉE

SA HORTIS GR

[Adresse 4]

[Localité 1]- SUISSE

Représentée par Me Jean-Michel GONDINET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0544

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre,

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre,

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée,

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine VANHEE

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [U] a été engagé par la société de droit suisse Hortis GRC suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2007, en qualité de directeur.

L'employeur, qui employait au moins onze salariés, a mis fin au contrat de travail par lettre du 25 janvier 2012.

Contestant le bien-fondé de cette rupture et estimant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, M. [U] a saisi, le 4 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement rendu le 9 juillet 2014, statuant sur une exception soulevée par la société Hortis GRC, le conseil s'est déclaré territorialement compétent.

Par jugement rendu le 7 juin 2016, notifié le 17 novembre 2016, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a, au fond :

- débouté chacune des parties de toutes ses demandes,

- et condamné M. [U] à payer à la société Hortis GRC la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le 1er décembre 2016, M. [U] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions transmises le 8 novembre 2019 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, M. [U] demande à la cour de :

- déclarer l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée irrecevable,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes et l'a condamné en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre principal :

* dire la loi française applicable au litige,

* dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamner l'intimée à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux :

. 130 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

. 13 205 euros à titre d'indemnité de congés payés pour 2011,

. 1 700 euros en remboursement du loyer de mars 2012 acquitté pour son logement de fonction,

. 2 161,60 euros à titre de remboursement de frais pour janvier à mars 2012,

. 208 718 euros à titre de rappel de bonus pour 2011,

. 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la loi suisse serait retenue, condamner l'intimée à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux :

* 130 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

* 13 205 euros à titre d'indemnité de congés payés pour 2011,

* 1 700 euros en remboursement du loyer de mars 2012 sur son logement de fonction,

* 2 161,60 euros à titre de remboursement de frais pour janvier à mars 2012,

* 208 718 euros à titre de rappel de bonus pour 2011,

* 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre très subsidiaire, toujours dans l'hypothèse où la loi suisse serait retenue :

* constater l'aveu judiciaire de l'intimée dans ses conclusions de première instance,

* condamner l'intimée à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux :

. 58 240,63 euros à titre de rappel de bonus pour 2011,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

. 13 205 euros à titre d'indemnité de congés payés pour 2011,

. 1 700 euros en remboursement du loyer de mars 2012 sur son logement de fonction,

. 2 161,60 euros à titre de remboursement de frais pour janvier à mars 2012,

. 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en tout état de cause :

* débouter l'intimée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* et la condamner aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau.

Par conclusions transmises le 26 juillet 2018 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société Hortis GRC sollicite de la cour qu'elle :

- in limine litis :

* enjoigne à l'appelant de justifier de son domicile actuel,

* mette hors de cause la SARL Hortis France,

- à titre principal :

* infirme le jugement,

* constate l'absence de lien de subordination,

* dise que le contrat en date du 29 août 2007 ne constitue pas un contrat de travail,

* déclare les demandes de l'appelant devant la juridiction prud'homale irrecevables,

- à titre subsidiaire :

* confirme le jugement,

* dise le droit suisse seul applicable,

* rejette toutes les prétentions de l'appelant,

* constate la créance de ce dernier au titre du bonus 2011 pour la somme de 61 948 francs suisses et sa créance sur l'appelant pour la somme de 187 082 francs suisses,

- à titre reconventionnel :

* infirme partiellement le jugement,

* condamne l'appelant à lui payer les sommes suivantes :

. 125 000 francs suisses ou son équivalent en euros,

. 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

. 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamne l'appelant aux dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 13 novembre 2019 et l'affaire a été plaidée le 10 décembre 2019.

MOTIFS

Sur les incidents de procédure

Sur la recevabilité des demandes devant la juridiction prud'homale

La société Hortis GRC invoque l'irrecevabilité des demandes présentées par M. [U] devant la juridiction prud'homale au motif de l'absence de lien de subordination entre les parties.

Ce faisant, et sous couvert d'une fin de non-recevoir, elle soulève une exception d'incompétence matérielle.

L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Or, l'intimée ne démontre ni avoir soulevé son exception d'incompétence matérielle avant toute défense au fond, dès la première instance, la note d'audience produite au débat faisant mention de ses interrogations sur la nature du contrat conclu entre les parties et non d'une exception de procédure dûment invoquée, ni avoir été dans l'impossibilité de l'invoquer avant toute défense au fond.

La cour ne peut, dès lors, que déclarer cette exception irrecevable, ce qui rend sans objet l'examen des développements proposés sur l'existence ou non d'un lien de subordination.

Sur la demande d'injonction

La société Hortis GRC demande la justification du domicile actuel de l'appelant mais elle n'a pas explicité le fondement de cette demande ni en droit ni en fait.

Il convient, dès lors, de l'en débouter.

Sur la demande de mise hors de cause de la société Hortis France

La société Hortis GRC sollicite la mise hors de cause de la société Hortis France en visant la mention de cette dernière dans les conclusions de l'appelant.

Néanmoins, une simple mention dans des écritures ne suffit pas à mettre en cause valablement une partie.

La cour considère, en l'absence d'autres éléments de procédure plus pertinents, que cette société n'est pas appelée en cause, ce qui conduit au rejet de la demande présentée en ce qui la concerne.

Sur la détermination du droit applicable à la rupture du contrat de travail

M. [U] soutient, en premier lieu, que la clause insérée dans le contrat de travail, qui stipule l'applicabilité du droit suisse, est nulle et inopposable dès lors, d'une part, que, contrairement aux exigences des article 48 du code de procédure civile et 116 du code civil suisse, elle n'est pas apparente, étant noyée sous l'intitulé 'frais de déplacements', et est équivoque, d'autre part, en violation de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction en vigueur, elle a été prévue en fraude de ses droits dans la mesure où il n'a jamais résidé ni travaillé en Suisse.

Il fait valoir, en second lieu, au visa de la Convention de Rome du 19 juin 1980, que le contrat de travail avait des liens plus étroits avec la France qu'avec la Suisse, dès lors qu'il résidait et travaillait en France pendant son exécution, et que la loi choisie dans le contrat de travail doit être écartée dès lors qu'elle le prive de la protection offerte par les dispositions impératives de la loi française, lesquelles prévoient, notamment, en matière de rupture du contrat de travail, un entretien préalable et la motivation de la lettre de licenciement, ce qui n'est pas le cas en droit suisse.

Il réplique, sur les moyens développés par l'intimée, que les accords dérogatoires invoqués ne sont pas applicables dans son cas d'espèce, l'un ayant été conclu postérieurement à la rupture de son contrat de travail, l'autre concernant un secteur d'activité sans lien avec celui de l'intimée, et que la preuve de statuts de salarié temporairement détaché et de salarié frontalier n'est pas rapportée.

La société Hortis GRC considère que la commune intention des parties était d'appliquer le droit suisse et de détacher temporairement le salarié en France, que le contrat de travail a fait expressément, dans des termes clairs et apparents, le choix du droit suisse, qu'aucune fraude aux droits du salarié, aguerri, n'est établie, que l'application du droit suisse n'avait pas pour effet de priver M. [U] de la protection assurée par les dispositions impératives du droit français à défaut de choix, et que les circonstances de l'espèce n'établissent pas que le contrat de travail présentait des liens plus étroits avec la France.

Elle invoque, par ailleurs, des accords dérogatoires à la Convention de Rome, l'accord de méthode conclu le 12 mars 2012 et la convention relative au centre européen pour la recherche nucléaire.

La société Hortis GRC se prévaut de la qualité de salarié détaché temporairement de M. [U] sans démontrer, cependant, que les conditions y afférentes étaient remplies, notamment celles prévues par les articles L. 1261-3 et suivants puis R. 1263-1 et suivants du code du travail dans leur rédaction en vigueur en ce qui concerne le droit français, la cour relevant, notamment, qu'aucune des formalités préalables nécessaires, dont la déclaration, n'est justifiée.

Il n'est pas davantage justifié du statut de travailleur frontalier de M. [U].

Indépendamment de l'article 48 du code de procédure civile, qui n'a trait qu'aux questions de compétence territoriale et n'est donc pas applicable en l'espèce, la clause insérée dans le contrat de travail, au terme de laquelle les parties ont convenu de voir régir les rapports de travail découlant de leur contrat par les dispositions du code des obligations suisse ainsi que par la loi sur le service de l'emploi et la location de services, n'est ni nulle ni inopposable.

En effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, cette clause, figurant en conclusion de l'article 8 intitulé 'résumé des conditions générales', après l'énonciation de six sous-articles, dont le dernier est relatif aux frais de déplacements, est expresse et dénuée de toute ambiguïté.

Par ailleurs, ces éléments, pas plus que l'absence de résidence et d'exécution des prestations de travail en Suisse, telle qu'alléguée par l'appelant, ne caractérisent le dol permettant, en vertu de l'article 1116 du code civil, dans sa version en vigueur, d'annuler ladite clause.

Les accords dérogatoires invoqués par l'intimée ne sont pas applicables au cas d'espèce dès lors, comme l'a justement fait observer l'appelant, que l'accord de méthode conclu le 12 mars 2012 est postérieur à la rupture du contrat de travail ayant lié les parties et que la convention relative au centre européen pour la recherche nucléaire du 13 septembre 1965 est relative à un secteur d'activité spécifique sans lien avec le secteur d'activité de la société Hortis GRC.

La Convention de Rome du 19 juin 1980, seule applicable, dispose :

- à l'article 3 § 1, que le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat,

- à l'article 6 § 1, que, nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection qui lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article,

- à l'article 6 § 2, que, nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi :

a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou

b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.

Aux termes de l'article 6 & 1, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du § 2 du présent article.

Il résulte des dispositions de l'article 3 § 3 de la Convention de Rome que les dispositions impératives d'une loi sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat.

Il ne peut être dérogé par contrat aux dispositions de la loi française concernant l'entretien préalable au licenciement et l'obligation de motivation de la lettre de licenciement.

Le jugement rendu le 9 juillet 2014 par le conseil de prud'hommes, définitif, a constaté, outre la domiciliation et la résidence du salarié en France pendant l'exécution du contrat, que tous les clients démarchés par M. [U] se situaient en France et que la société Hortis GRC ne rapportait pas la preuve d'une exécution du contrat de travail sur le territoire suisse.

Les pièces produites dans la présente instance conduisent au même constat.

Il est donc retenu que le lieu d'exécution du contrat de travail est la France.

Il convient, dès lors, de rechercher si les dispositions impératives du droit français ne sont pas plus favorables que le droit suisse choisi par les parties dans le contrat de travail.

Le droit helvétique ne prévoyant ni entretien préalable à licenciement ni motivation écrite de la lettre de licenciement, comme cela est rappelé par l'intimée dans ses conclusions, il en résulte que M. [U] devait bénéficier de la protection des dispositions impératives de la loi française, plus favorables en matière de licenciement compte tenu des garanties procédurales offertes, notamment l'exigence d'un entretien préalable au licenciement et de motivation de la lettre de licenciement.

La cour décide donc d'appliquer le droit français à la rupture du contrat de travail, par infirmation du jugement.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [U] fait valoir que la lettre de résiliation qui lui a été notifiée est dépourvue de motif et que la rupture est injustifiée au fond.

La société Hortis GRC se réfère au seul droit suisse, lequel ne prévoit ni entretien préalable ni de motifs écrits de rupture, sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

En l'absence d'énonciation des motifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de résiliation du contrat de travail est ainsi rédigée :

'Conformément à notre entretien, nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de mettre un terme à votre contrat de travail daté du 29 août 2007.

En respectant le délai légal de préavis qui vous est dû et conformément aux règles en vigueur, vous recevrez votre solde de tout compte le 31 mars 2012, sachant qu'à cette date vous aurez soldé votre droit à congés. Dès cette date vous serez libre de tout engagement vis-à-vis d'Hortis, sauf en ce qui concerne le secret de nos affaires et celles de nos clients, auquel vous restez lié pour une période de deux ans'.

Cette lettre n'énonçant aucun motif de rupture, il en résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est donc infirmé en son appréciation sur ce point.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté du salarié, soit 4 ans et près de 5 mois, de son âge lors de la rupture du contrat de travail, soit 51 ans, du salaire mensuel brut de base, auquel se réfère l'appelant, qui lui a été versé au cours des six derniers mois, soit 70 000 francs suisses, des circonstances de la rupture et des conséquences qu'elle a eues à son égard, telles qu'elles résultent du seul justificatif produit, relatif à son inscription à Pôle emploi le 12 avril 2012, la cour alloue à M. [U] la somme de 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable, il y a lieu d'ordonner à l'employeur fautif le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [U] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités éventuellement versées.

M. [U] ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité qui précède, et qui tient compte des circonstances de la rupture du contrat de travail et de ses conséquences, il convient de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et de confirmer le jugement sur ce point.

Aux termes de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 3141-22 à L. 3141-25. L'indemnité compensatrice est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

En l'espèce, les bulletins de paie produits font mention d'un solde de congés de 246,60 heures en janvier 2012.

Aucun document ne fait apparaître un paiement à ce titre ni une modification de ce droit avant rupture.

Compte tenu des éléments d'appréciation versés au débat, il y a lieu d'allouer à M. [U] la somme de 13 205 euros à titre d'indemnité de congés payés pour 2011, octroyée dans la limite de ses prétentions, et non contestée.

Le jugement déféré est donc infirmé en son rejet sur ce point.

M. [U] formule, dans les motifs de ses écritures, une demande au titre de son treizième mois qu'il n'a pas reprise, cependant, dans le dispositif, qui, seul, saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.

M. [U] sollicite le remboursement du loyer dont il a dû s'acquitter en mars 2012 pour son logement de fonction alors que celui-ci devait être pris en charge par l'employeur jusqu'au terme de son contrat de travail. Il réclame, par ailleurs, le remboursement de frais professionnels pour la période du premier trimestre 2012.

La société Hortis GRC, qui a résilié le contrat de bail afférent au logement de fonction du salarié à effet au 1er mars 2012, oppose une exception d'inexécution du contrat de travail par M. [U] dont, cependant, elle ne rapporte pas la preuve.

Il y a donc lieu d'allouer à M. [U] la somme de 1 700 euros en remboursement du loyer de mars 2012 acquitté pour son logement de fonction, qui aurait dû être pris en charge par l'employeur jusqu'au terme du préavis, par infirmation du jugement qui a rejeté cette demande sans explication.

En ce qui concerne le remboursement de frais professionnels pour le premier trimestre 2012, l'intimée rappelle à juste titre qu'une indemnité forfaitaire de 1 500 francs suisses par mois était prévue dans le contrat, la cour constatant que l'appelant ne fait aucune démonstration de la réalité de frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur au-delà du montant forfaitaire ainsi stipulé, l'ensemble des justificatifs produits étant datés de 2011.

M. [U] est donc débouté de sa demande de remboursement de frais pour janvier à mars 2012, les premiers juges ayant rejeté cette demande sans s'en expliquer.

Sur le rappel de bonus

M. [U] soutient qu'il n'a pas perçu le bonus qui lui était dû au titre de l'exercice 2011 et invoque, sur les modalités de calcul de ce bonus, des modifications de son contrat de travail. Il oppose, par ailleurs, la prescription triennale à la demande de répétition de salaire formulée par l'intimée pour faire état d'une compensation avec sa créance.

La société Hortis GRC fait valoir qu'aucun bonus n'est dû au salarié, en faisant application du seul contrat de travail, aucun avenant n'étant valablement intervenu, en tenant compte de l'inexécution du contrat par ce dernier pendant 5 mois et en tirant les conséquences d'une compensation avec sa créance à ce titre.

Le contrat de travail de M. [U] stipule un bonus correspondant à 2/3, soit 66,66 %, du chiffre d'affaires généré par la facturation 'de son travail' au sein de l'entreprise, sous déduction du montant de 148 000 francs suisses.

Aucun avenant signé par les parties n'a modifié ce mode de calcul, la prise en compte, en sus, en 2009, de 30 % du chiffre d'affaires issus du travail de deux collaborateurs du salarié et les échanges de courriels produits au débat, datés de juin 2011, soit alors qu'une cession de l'entreprise était en cours, discordants sur la date d'application des accords invoqués, ne valant pas modification en bonne et due forme du contrat de travail.

La société Hortis GRC a communiqué un tableau, non contredit, des chiffres d'affaires atteints entre 2009 et 2011 à la suite des prestations réalisées par M. [U], dont il ressort une somme totale de 374 164 francs suisses pour l'année 2011, cette communication permettant d'écarter les développements de l'intimée sur la mauvaise qualité des prestations du salarié, qui n'a pas empêché de générer du chiffre d'affaires et dont il n'est pas établi qu'elle a entraîné, pour l'employeur, des dommages.

En exécution du contrat de travail ayant lié les parties, il est donc dû à M. [U] la somme de 101 442,66 francs suisses, soit 94 439,06 euros, à titre de rappel de bonus pour 2011, par infirmation du jugement de première instance, qui a rejeté la demande sans explication, étant précisé que la demande de compensation formulée par l'intimée se heurte à la prescription prévue par l'article L. 3145-1 du code du travail dès lors qu'à compter de la fin du contrat de travail, soit le 31 mars 2012, l'employeur pouvait agir en répétition des salaires qu'il estimait avoir indûment versés au salarié, ce qu'il n'a pas fait dans les trois ans qui ont suivi, sa demande ayant été présentée pour la première fois à l'audience du 7 juin 2016.

Sur les demandes reconventionnelles

La société Hortis GRC réclame l'indemnisation du préjudice étant résulté, selon elle, de l'inexécution du contrat de travail par le salarié entre novembre 2011 et mars 2012.

Cette demande ayant pour effet de contourner la prescription susvisée sur la répétition des salaires versés au salarié, elle ne peut être accueillie.

Le jugement déféré est donc confirmé en son rejet.

La société Hortis GRC sollicite, par ailleurs, des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Néanmoins, la majorité des demandes de l'appelant ayant été accueillie et aucun abus n'étant caractérisé en l'espèce, il y a lieu de rejeter cette demande et de confirmer, en cela, le jugement de première instance.

Sur les autres demandes

Il est rappelé que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012, date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et que les autres créances portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La société Hortis GRC succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.

La demande qu'elle a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée et la condamnation prononcée en première instance à son profit sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est infirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société de droit suisse Hortis GRC, ainsi que les demandes d'injonction et de mise hors de cause formulées par cette dernière ;

Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral, ainsi que de remboursement de frais professionnels pour le premier trimestre 2012, aux demandes reconventionnelles, ainsi qu'aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Déclare le droit français seul applicable au litige ;

Dit que le licenciement de M. [U] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société de droit suisse Hortis GRC à payer à M. [U] les sommes suivantes :

- 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 13 205 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés pour 2011,

- 1 700 euros en remboursement du loyer de mars 2012 acquitté pour son logement de fonction,

- 94 439,06 euros bruts à titre de rappel de bonus pour 2011 ;

Dit que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012 et que les autres créances portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société de droit suisse Hortis GRC le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [U] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités éventuellement versées ;

Condamne la société de droit suisse Hortis GRC aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau, et à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/15221
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/15221 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;16.15221 ?
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