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28/01/2020 | FRANCE | N°18/04459

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 28 janvier 2020, 18/04459


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 28 JANVIER 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04459 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5L7W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/07236





APPELANTE



Madame [O] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS, toque : B440





INTIMÉE



SAS SIPARTECH

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Carole BESNARD BOELLE de la SE...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 28 JANVIER 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04459 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5L7W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/07236

APPELANTE

Madame [O] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS, toque : B440

INTIMÉE

SAS SIPARTECH

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Carole BESNARD BOELLE de la SELARL 3B2C, avocat au barreau de PARIS, toque : B0678

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Denis ARDISSON, président

Sylvie HYLAIRE, présidente

Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Denis ARDISSON, Président et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Sipartech a employé Madame [O] [C], née en 1979, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 octobre 2014 avec effet au 17 novembre 2014, en qualité d'assistante administrative polyvalente, statut ETAM, position 2.2, coefficient 310, pour un horaire hebdomadaire de 35 heures et une rémunération brute mensuelle de 2.750 €.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale Syntec.

La dernière rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [C] s'élevait à la somme de 2.813,92 €, incluant une prime de cooptation et une prime de vacances conventionnelle.

Par courrier en date du 22 janvier 2016 remis en mains propres contre décharge, la société Sipartech a notifié à Mme [C] un avertissement.

Mme [C] a été en arrêt maladie du 3 au 10 février 2016.

Par lettre datée du 11 février 2016, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 19 février 2016, et a été dispensée d'activité dans le même temps.

Mme [C] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée datée du 25 février 2016 ainsi rédigée :

« Nous avons relevé que vous commettiez des fautes dans l'exécution de votre contrat de travail.

Ces fautes nous ont amenés à vous adresser un premier avertissement le 22 janvier dernier notamment pour utilisation à des fins personnelles de bons de remises de fidélité du restaurant-vente à emporter « Planet Sushi » destinés à la société Sipartech.

Depuis lors, nous avons découvert que vous aviez persisté dans vos agissements. Le 3 février dernier, lors de l'ouverture du courrier de la société Sipartech, nous avons constaté que figuraient 6 tickets Kadeos de la société Edenred à la demande de Staples à votre attention vous remerciant d'une commande passée.

Or, cette commande a été passée pour les besoins de la société et c'est donc notre société qui aurait dû être bénéficiaire desdits chèques de remise.

Nous avons alors fait un inventaire des bons de livraisons associés à des commandes que vous aviez passées depuis votre arrivée chez Sipartech et avons pu constater que vous préfériez choisir des cadeaux que vous utilisiez pour la majorité personnellement au détriment de bons de réduction qui auraient pu être appliqués sur les futures commandes de Sipartech.

A titre d'exemple, vous vous êtes attribuée une plaque à induction, un clavier flexible, un seau rafraîchissant, une batterie externe, un sac à dos, un casque Grunding'

Ces actes répétés sont caractérisés comme un détournement d'argent constituant un délit et passible de sanctions pénales.

De plus, depuis votre arrivée au sein de Sipartech, il vous a été reproché à plusieurs reprises votre manque d'organisation, de rigueur, de respect des délais, de suivi des dossiers et plus récemment, vous n'adressiez plus votre reporting hebdomadaire à votre manager Madame [N] [G], et omettiez de faire une revue de presse quotidienne.

Ce manque de professionnalisme et votre manque de fiabilité dans votre production sont également de nature à remettre en cause notre collaboration. »

Mme [C] a contesté la rupture de son contrat de travail par lettre du 29 février 2016.

Mme [C] a été dispensée d'effectuer son préavis de deux mois qui lui été rémunéré aux échéances mensuelles.

A la date du licenciement, Mme [C] avait une ancienneté de un an et cinq mois.

La SAS Sipartech occupait lors de la rupture des relations contractuelles plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [C] a saisi le 22 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 31 mars 2017 a :

- débouté Mme [O] [C] de sa demande

- débouté la SAS Sipartech de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme [O] [C] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 22 mars 2018, Mme [C] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 20 novembre 2018, Mme [C] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 31 mars 2017 et, statuant à nouveau,

- condamner la société Sipartech à payer à Madame [O] [C] les sommes de :

* 15.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

*3.000 € nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société aux entiers dépens.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 23 août 2018, la société Sipartech demande à la cour de :

- dire et juger la société Sipartech recevable et bien fondée en ses explications et chefs de demandes,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 31 mars 2017 en l'ensemble de ses dispositions,

y statuant ,

- dire et juger que le licenciement de Madame [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire Mme [C] mal fondée en ses demandes,

en conséquence,

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme [C] à verser à la société Sipartech une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- le condamner aux entiers dépens

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions communiquées par les parties ainsi qu'au jugement déféré.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 09 octobre2019 et l'affaire plaidée le 28 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 22 janvier 2016

Par lettre du 22 janvier 2016, la société Sipartech a notifié à Mme [C] un avertissement, il lui a été reproché d'avoir :

- utilisé à son profit ou au profit de tiers des bons de remises de fidélité du restaurant Planet Sushi,

- offert des fleurs payées par Sipartech à un tiers,

- mis à la disposition des salariés le thé réservé aux seuls visiteurs,

- commandé des boites de mouchoirs.

La SAS Sipartech soutient que Mme [C], qui n'a jamais contesté l'avertissement du 22 janvier 2016, a reconnu les faits reprochés (pièce n°7, attestation M. [D] et pièce n°30, attestation Mme [M]) et n'a sollicité l'annulation de l'avertissement qu'en cause d'appel, invoquant seulement le principe « non bis in idem » pour ces griefs et de ceux de la lettre de licenciement. La société fait valoir la tardiveté de sa demande d'annulation et la réalité des faits. Elle soutient que les bons de commande portent, à l'exception d'un seul d'entre eux, pour des repas adressés et livrés à Mme [C] (pièce n°5). La société soutient, par ailleurs, que ces bons de remises correspondent à 10 % des commandes engagées précédemment par la société et que leur décompte pour Mme [C] l'ont privée de l'effectivité de remises pour les repas de services (pièce n°6). Sur les autres griefs, la société maintient les termes de la lettre d'avertissement sur l'offre de fleurs à des tiers ou des commandes de matériel pour d'autres salariés sur le compte de la société. La société Sipartech relève que Mme [C] ne conteste pas avoir donné des fleurs à d'autres services de la société. La SAS Sipartech soutient que les achats de thé et de mouchoirs étaient des achats privés mais effectués lors des commandes d'achats de matériel de la société.

Mme [C] soutient qu'elle a contesté oralement l'avertissement auprès du directeur administratif et financier, M. [J] [D], puis l'a critiqué devant le CPH sur le principe d'une double sanction, sans en demander l'annulation. Elle ajoute qu'elle pensait, à l'origine, disposer d'un délai de deux mois pour le contester formellement et que ses arrêts maladie puis son licenciement ne lui ont pas permis de faire.

Concernant l'usage personnel des bons « Planet Sushi », Mme [C] conteste avoir commis la moindre faute. Elle explique que ses fonctions lui imposaient d'être en contact direct avec les restaurateurs, que de nombreux salariés s'adressaient à elle pour commander, pour eux mêmes, des repas à livrer à l'entreprise pour le déjeuner, ce qui explique la présence de son nom sur plusieurs bons de commandes (Pièce adverse n°17), elle n'a, ainsi, pas été bénéficiaire des repas (Pièces adverses n°6 et 7) . Mme [C] fait valoir également que la société n'a subi aucune perte puisque chaque commande a entraîné une remise sur la commande suivante.

A propos des fleurs, Mme [C] soutient que l'employeur n'apporte aucune preuve de ce grief et indique qu'elle se rendait chaque semaine chez le fleuriste auprès duquel la société avait souscrit un abonnement pour la fourniture hebdomadaire de deux bouquets. Mme [C] fait valoir qu'une fois, les bouquets étant trop gros pour les vases situés à l'accueil, elle a enlevé le surplus de fleurs et les a portées au service comptabilité de l'entreprise.

En ce qui concerne le thé, Mme [C] conteste ce grief et soutient qu'il était déjà en libre-service à la disposition des salariés avant son arrivée dans la société, sans qu'elle ne reçoive jamais de directive pour modifier cet usage. Elle ajoute qu'après que Mme [G] lui ait indiqué que cela n'était pas normal, elle a pris acte de cette instruction et a réservé le thé pour les invités.

Concernant les boites de mouchoirs, Mme [C] soutient que c'est Mme [G] qui lui a demandé expressément de commander des boîtes de mouchoirs pour l'ensemble des collaborateurs, celles-ci étant visibles sur leurs bureaux, commandes listées sur le système interne de gestion des factures.

*****

La cour relève que le contrat de travail de Mme [C], d'assistante administrative polyvalente mentionnait en particulier, dans son article 2, les fonctions de « gestion des fournitures bureautiques et entretiens (commande, réception et distribution des fournitures) » de « gestion de la machine à café ( commandes, approvisionnement, relation avec le fournisseur) » et « gestion événementielle clients(ex : petits déjeuners clients dans nos locaux, organisation de déjeuners..) ou événements extérieurs ... gestion des événements de fin d'année (cadeaux clients, sélection des cartes de fin..) séminaires ... »

Sur l'ensemble des griefs, la cour relève que les attestations produites par la société sont celles de M. [D], directeur administratif et financier, présent lors de l'entretien disciplinaire et représentant de la société qui a remis l'avertissement en main propre à Mme [C] et, par ailleurs, signataire de la lettre de licenciement, celle de Mme [M], responsable juridique de la société et de Mme [Y], administratrice de vente senior, tous trois en poste de responsabilité dans l'entreprise et, pour deux d'entre eux ayant participé à la décision de sanction de Mme [C].

Sur le grief d'utilisation de bons « Planet Sushi », la cour relève, d'une part, qu'à une exception près les neuf factures, établies entre 20 avril et 30 décembre 2015, adressées à la société Sipartech, bénéficient d'une récompense de fidélité d'un montant forfaitaire de 15 € et, d'autre part, que la seule facture non adressée à Sipartech est à une adresse inconnue différente de celle de Mme [C].

Par ailleurs, la cour relève que la société ne justifie ni que les déjeuners relevant des fonctions de Mme [C] n'ont été pas bénéficiaires d'une récompense de fidélité, ni que les repas commandés ont bénéficié à Mme [C], la présence du nom de cette dernière sur les factures étant insuffisant à en justifier et les attestations des responsables de la société n'étant pas en mesure, à elles seules, à remettre en cause les déclarations de Mme [C], alors que la société ne pouvait ignorer ces commandes puisqu'en possession des factures émises, à une exception, depuis trois à huit mois.

Sur les griefs d'offre de fleurs à un tiers, en l'espèce à un autre service, d'utilisation de sachets de thé et de boites de mouchoirs par les personnels de la société, la cour relève que la société ne justifie pas la réalité d'une faute de Mme [C], alors que ces commandes ont été validées par les responsables de la société, Mme [G] et M. [D] et que leur mise à dispositioners des salariés de l'entreprise relevait d'un usage connu par la société.

Ainsi, la société Sipartech ne peut valablement soutenir que ces griefs constituent des motifs à sanctionner Mme [C], la cour annule l'avertissement du 22 janvier 2016.

Sur le licenciement :

Mme [C] soutient que son licenciement est abusif. Elle indique qu'elle n'a jamais reconnu les faits qui lui sont reprochés, que la société n'a subi aucune perte financière et que son employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire avec l'avertissement du 22 janvier 2016 et dépassé le délai de deux mois, de sorte qu'il ne peut se prévaloir de faits antérieurs au 11 décembre 2015 .

La SAS Sipartech soutient que le licenciement est bien-fondé et que l'avertissement et le licenciement sanctionnent des faits différents découvert les faits le 3 février 2016, soit postérieurement à l'avertissement du 22 janvier 2016, excluant ainsi l'application de la règle « non bis in idem » et de toute prescription.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige mentionne deux types de griefs :

- Des fautes professionnelles, à savoir : s'être fait livrer des tickets « Kadeos » et s'être attribué des cadeaux à usage strictement privatif.

- Une insuffisance professionnelle.

L'employeur ayant choisi de se placer, pour partie, sur le terrain d'un licenciement pour faute disciplinaire doit rapporter la preuve des faits allégués, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Sur les fautes professionnelles, la société soutient que, d'une part, Mme [C] s'est attribuée des cadeaux à usage strictement privatif (pièces n°16-1 et 16-2) et ne concernant pas la société, entraînant une perte financière et, d'autre part, que les tickets Kadeos (pièce n°15) ont été livrés, le 1er février 2016, à l'attention de Mme [C] à [Localité 5] et non à [Localité 4] avec la commande concernée (pièces n° 14-1 et 14-2 ), ce qui démontre l'intention de cette dernière de se les voir attribuer.

Concernant ces griefs disciplinaires, Mme [C] soutient qu'elle n'a jamais reçu elle-même les tickets « Kadeos », ne les a jamais eu en main, ni eu l'occasion de les adresser à M. [H], responsable de l'agence d' [Localité 4] et qu'elle commandait les chèques cadeaux en toute transparence avec les personnes concernées et la direction. Mme [C] fait valoir, en outre, qu'elle privilégiait les réductions pour de nouvelles commandes ou choisissait des cadeaux utiles à la société, Mme [G] validant toutes les commandes de fournitures et contrôlant le choix des cadeaux, dont la société profite encore aujourd'hui.

Sur la prescription des faits antérieurs au 11 décembre 2015

La cour relève que pour justifier le grief d'attribution de cadeaux, la société produit une liste de quinze cadeaux accompagnées de douze factures établies, pour plusieurs fournisseurs de Sipartech, entre le 3 décembre 2014 et le 21 janvier 2015, liste réalisée le 5 février 2015 par le directeur administratif et financier, M. [D], signataire de la lettre de licenciement ; que ces factures, qui mentionnent les cadeaux offert par le prestataire, reçues quelques jours après ont été validées et enregistrées pour paiement par la société Sipartech ; qu'ainsi, à l'exception de la facture du 19 janvier 2016, la société a eu connaissance des cadeaux offerts par les prestataires au delà des deux mois de la prescription des faits fautifs.

Ainsi, la cour dit prescrits les griefs d'attribution de cadeaux justifiés par les factures produites et antérieures au 11 décembre 2015.

Sur le principe « non bis in idem »

La cour relève que les griefs de l'avertissement du 22 janvier 2016 ont concerné l'attribution de bons de réduction sur des repas «Planet Shushi », de sachets de thé, de boites de mouchoirs et des fleurs, alors que celui, non couvert par la prescription car constaté le 1e r février 2016, est l'attribution de ticket « Kadéos » ; ainsi, si le grief est identique, il concerne des faits différents et postérieurs à la première sanction ; qu'il n'y a donc pas lieu de retenir une double sanction.

Sur la réalité d'un fait fautif constituant une violation des obligations du contrat de travail

La cour relève que la commande du 19 janvier 2016, réalisée sur les informations de M. [S] [H], responsable de l'agence d'[Localité 4], comporte, outre les fournitures, la mention d'une « promo ajoutée. Votre ticket Kadéos » , que le lieu de livraison est [Localité 4] et la personne à contacter M. [H], que Mme [C] est mentionnée à l'adresse de la facturation, [Adresse 6], que les bons « kadéos » anonymes ont été adressés par le prestataire, le 29 janvier 2016, à l'adresse de facturation et reçus le 1er février 2016, pendant l'arrêt maladie de Mme [C] ; qu'ainsi Mme [C] n'a jamais eu en sa possession les dits bons.

La cour relève que la société ne peut valablement soutenir que Mme [C] a voulu s'attribuer les bons « Kadeos »et ce grief ne sera pas retenu comme justifiant d'une violation de ses obligations contractuelles qui rendait impossible la continuation du contrat de travail.

*****

Sur l'insuffisance professionnelle, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

« De plus, depuis votre arrivée au sein de Sipartech, il vous a été reproché à plusieurs reprises votre manque d'organisation, de rigueur, de respect des délais, de suivi des dossiers et plus récemment vous n'adressiez plus votre « reporting » hebdomadaire à votre manager Madame [N] [G], et omettiez de faire une revue de presse quotidienne. Ce manque de professionnalisme et votre manque de fiabilité dans votre production sont également de nature à remettre en cause notre collaboration. »

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle doit être étayée par de faits précis, vérifiables et établis.

Mme [C] soutient qu'après son licenciement ses missions ont été réparties entre trois salariés, signe d'une surcharge de travail (pièce n° 2, contrat de travail, pièces adverses n°17- 1 et 2, 19, 21 à 29, ) sur son poste et fait valoir que son bureau était placé face à l'entrée de la société devant laquelle tout le monde passait. Elle soutient que compte tenu de sa charge de travail elle a été contrainte de faire des choix en fonction des urgences et priorités, qu'elle n'avait parfois pas assez d'expérience ou pas de formation pour effectuer seule les tâches confiées, ou que les accusations portées à son égard sont sans fondement, devant être au téléphone car assurant, au surplus, le standard de l'entreprise.

La SAS Sipartech soutient que, au vu de son « CV » (pièce n°18), Mme [C], était supposée avoir les compétences nécessaires pour effectuer toutes les missions confiées en tant qu'assistante administrative polyvalente, mais qu'elle n'effectuait plus certaines missions depuis des semaines, comme le « reporting » hebdomadaire (pièces n°19 et 20) et une revue de presse quotidienne (pièces n°24 à 26) manquant ainsi d'organisation, de rigueur et de respect des délais et de suivi des dossiers (pièces n° 21 à 23). La société fait valoir qu'elle a rappelé le 25 août 2015 (pièces n°28 et 29) Mme [C] à ses obligations (pièce n°3) L'employeur précise que le bureau de Mme [C] était un espace clos et non une borne d'accueil, excluant toute idée de bureau de passage, la salariée n'ayant en outre jamais fait part à son employeur d'une quelconque surcharge. La société conteste avoir attribué les fonctions de Mme [C] à plusieurs salariés (pièces n° 34 et 36 à 38, attestation Mme [G], courriels à destination de la société « Penelope »).

*****

En l'espèce, les fonctions de Mme [C] étaient diverses et variées, définies ainsi par son contrat de travail :

« Mademoiselle [O] [C] sera en charge sans que cette liste soit limitative :

- Saisie et suivi des frais généraux et commandes frais généraux dans l'ERP

- Gestion des fournitures bureautiques et entretiens (passation de commandes, réception, distribution des fournitures)

- Gestion de la machine à café (commandes, approvisionnement, relation avec le fournisseur)

- Gestion de la relation des tiers sur services généraux

- Gestion du parc automobile (études. sinistres, relations assureurs, loueurs, garages, lavages...)

- Gestion des sinistres en général (dégâts des eaux -...)

- Organisation du standard téléphonique, réception des visiteurs,

- Traitement du courrier et des colis

- Gestion événementielle clients (ex petit déjeuners clients dans nos locaux, organisation de déjeuners...) ou événements extérieurs...gestion des événements de 'n d'année (cadeaux clients, sélection des cartes de 'n d'année...) séminaires....

- Gestion des déplacements collaborateurs (études comparatives et réservations d'hôtels, locations de voitures, billets trains, avions...)

- Assistance auprès de l'administration des ventes (mise en place des envois de courrier et campagnes de facturation, mise à jour documentation générale (affichette, liste téléphonique, création ou évolution de « templates » utilisés par les collaborateurs...) ».

La cour relève que si les fonctions de Mme [C], concernant les fonctions d'accueil de visiteurs, le standard téléphonique, la gestion des courriels, des salles de réunion et du courrier ont été sous traitées à la société « Penelope » dès mars 2017, la société Sipartech ne justifie pas de l'attribution des autres fonctions à un ou une salariée en particulier, des fonctions commandes, gestions des factures, gestion presse, qui feront l'objet, postérieurement, à la d'une mise en place de procédures particulières.

La cour relève, aussi, que suite à des remarques respectivement en date des 10 décembre 2015 et 19 janvier 2016, Mme [C] a repris, immédiatement, l'édition de son « reporting » hebdomadaire et de la revue de presse ; que la société ne justifie d'aucun autre manquement entre ces reprises et la procédure de licenciement ; que les faits du 25 août 2015 qui ont fait l'objet d'une remarque écrite ne peuvent conduire à justifier la rupture du contrat de travail six mois plus tard.

Ainsi, sans statuer sur les autres moyens des parties, la société Sipartech ne peut valablement soutenir que le travail de Mme [C] a été entaché d'insuffisance professionnelle et la cour infirme le jugement entrepris et dit le licenciement de Mme [C] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C], de son âge, de son ancienneté de dix sept mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-5 du code du travail.

Sur les autres demandes

La SAS Sipartech, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [C] [O] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ces dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement du 22 janvier 2016,

DIT que le licenciement de Madame [C] [O] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Sipartech à payer à Madame [C] [O] les sommes suivantes :

- 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 2.000 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la Sas Sipartech aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/04459
Date de la décision : 28/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/04459 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-28;18.04459 ?
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