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22/01/2020 | FRANCE | N°18/15599

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 22 janvier 2020, 18/15599


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 4 - Chambre 5





ARRÊT DU 22 JANVIER 2020





(n° 8/2020, 14 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15599 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B547S





Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2017 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/11166




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APPELANTS





Madame D... V...


née le [...] à CHAZELLES SUR LYON - 42140


[...]


[...]





et





Monsieur G... I...


né le [...] à [...] - ALGÉRIE


[...]


[...]





Représentés par Me Stéphane FERTIER...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRÊT DU 22 JANVIER 2020

(n° 8/2020, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15599 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B547S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2017 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/11166

APPELANTS

Madame D... V...

née le [...] à CHAZELLES SUR LYON - 42140

[...]

[...]

et

Monsieur G... I...

né le [...] à [...] - ALGÉRIE

[...]

[...]

Représentés par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistés de Me Gilles de MAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C188

INTIMÉS

Monsieur H... U... Es qualité de liquidateur amiable de la société Agence H... U....

[...]

[...]

Non représenté, assigné en l'étude de l'huissier

Maître A... Q... agissant ès qualité de mandataire ad'hoc de la société [...] .

[...]

[...]

Représenté par Me Jean-Louis PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2556

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

ayant son siège [...]

[...]

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D146

SASU [...] représentée par Me A... Q..., son mandataire ad'hoc selon ordonnance du 4 juillet 2018 du tribunal de commerce de DRAGUIGNAN [...]

[...]

[...]

Représenté par Me Jean-Louis PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2556

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre

Mme Agnès TAPIN, Présidente de chambre exerçant les fonctions de Conseillère

Mme Valérie MORLET, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Vanessa ALCINDOR

ARRÊT :

- Défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, Greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er mars 2011 M. C... I... et Mme D... V... ont confié à la SARL [...] , assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (ci-après désignée la MAF), une mission de maîtrise d''uvre complète portant sur l'édification d'une maison individuelle et d'une piscine à La [...].

Après avoir établi les plans, la SARL Agence H... U... a déposé la demande de permis de construire lequel a été obtenu le 11 octobre 2011 (pièce n°2).

A la demande de la banque auprès de laquelle M. I... et Mme V... ont sollicité l'octroi d'un prêt pour financer leur opération, M. H... U... a le 4 avril 2012 établi une attestation évoquant dans certaines conditions l'éventualité de la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle.

Le 27 juin 2012 la SARL Les Entrepreneurs Du Bâtiment, ci-après dénommée LEDB, a établi un devis prévoyant l'édification de la maison et du bassin de la piscine moyennant le versement de la somme de 356.315,63 € HT., soit 426.153,50 € TTC. Ce devis a été accepté. Les parties ont convenu du commencement des travaux dans un délai de quinze jours à compter de la signature du contrat et ont fixé leur durée à huit mois, préparatifs de chantier compris, hors intempéries, soit une fin de travaux prévue le 27 février 2013.

M. I... et Mme V... ont versé à la SARL Les Entrepreneurs Du Bâtiment les sommes de 11.142,88 € (travaux préparatoires) et de 51.138,38 € (acomptes). Les travaux n'ont pas été achevés. Le 15 novembre 2012, M. I... a fait établir un procès-verbal de constat d'huissier décrivant le chantier à l'état d'abandon.

Le 12 juillet 2013 M. I... et Mme V... d'une part et la SARL BAXTER & PARTNERS d'autre part ont conclu un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan pour le prix de 423.982 € TTC. Les parties ont fixé le début des travaux à la date du 12 septembre 2013 et leur durée à huit mois (soit un achèvement prévu le 12 mai 2014). La SARL BAXTER & PARTNERS s'est engagée à fournir au maître d'ouvrage au plus tard à la date de l'ouverture du chantier une attestation nominative de la garantie de livraison à prix et délai convenus.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 13 septembre 2013, la SARL Agence H... U..., architecte, a résilié son contrat en invoquant la perte totale de confiance manifestée par M.I... et Mme V....

Par jugement du 17 septembre 2013, le tribunal de commerce a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL Les Entrepreneurs Du Bâtiment et désigné la SCP Moyrand - Bally en qualité de liquidateur.

Par ordonnance du 20 septembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a condamné l'entreprise LEDB à rembourser à M. I... et à Mme V... la somme de 54.487,18 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2013 représentant le trop-versé par eux par rapport aux travaux exécutés par celle-ci.

Par courrier du 11 octobre 2013, le conseil de M.I... et Mme V... a reproché à l'architecte la résiliation de son contrat qu'il a qualifiée de 'faute professionnelle'. Par courriel du 24 octobre 2013, la SARL Agence H... U... a confirmé sa démission (pièces n°20, 21 et 22)

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 20 avril 2014, reçue le lendemain, M.I... et Mme V... ont mis en demeure la société la SARL BAXTER & PARTNERS de leur faire parvenir l'attestation nominative de garantie de livraison en rappelant la lui avoir vainement demandé à plusieurs reprises (pièce n°24). Ils ont renouvelé cette demande par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juillet 2014, non réclamée (pièce 25).

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 décembre 2014, M.I... et Mme V... ont mis en demeure la société BAXTER & PARTNERS de reprendre le chantier sous le visa de l'article 7 du contrat en rappelant que l'attestation de garantie de livraison qu'ils lui ont demandée à plusieurs reprises ne leur a jamais été remise (pièce n°25). L'entreprise BAXTER & PARTNERS n'a ni repris le chantier, ni répondu à cette lettre.

En définitive, la SARL BAXTER & PARTNERS n'a jamais justifié de l'obtention d'une garantie de livraison mais M. I... et Mme V... lui ont versé la somme totale de 325.052,88 € TTC

Le 31 décembre 2014, la SAS Agence H... U... qui avait repris les activités de la SARL Agence H... U... a été dissoute à l'amiable par un procès-verbal de dissolution de cette date, notifié par extrait Kbis le 20 mai 2005. Elle a été radiée de l'ordre des architectes le 3 juillet 2015(Cf lettre de M. H... U... à l'expert, pièce 28).

M.I... et Mme V... ont fait établir un procès-verbal d'huissier le 26 février 2015 pour faire constater l'abandon du chantier et l'état d'avancement de celui-ci (pièce n°26). Les travaux n'ont pas été achevés.

Par jugement du 3 juin 2015, le tribunal de commerce de PARIS a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'encontre de la SARL BAXTER & PARTNERS et a désigné la SELARL [...] en qualité de liquidateur judiciaire. M. I... et Mme V... ont déclaré leur créance le 24 juillet 2015 pour un montant total de 900.000 € (cf pièce 30).

Par ordonnance du 12 juin 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. I... et Mme V..., a désigné M. M... en qualité d'expert (cf pièce 27)

Par lettre du 5 août 2015, la SELARL [...] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BAXTER & PARTNERS a résilié le contrat de cette entreprise avec M.I... et Mme V... (pièces n°30-1 et 30-2).

Par ordonnance du 29 janvier 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a déclaré l'ordonnance du 12 juin 2015 ayant désigné l'expert, commune à la SELARL [...] en la personne de Maître X... K... prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société BAXTER & PARTNERS. L'expertise a également été étendue au liquidateur amiable de la société [...] (pièces n°31,32 et 33).

Par ailleurs, par lettre du 5 novembre 2015, M.I... et Mme V... ont saisi le Conseil régional de l'ordre des architectes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en vue de recueillir son avis sur leur différend avec la société [...] (pièce n°34). Le Conseil régional de l'ordre des architectes a donné cet avis par lettre du 12 juillet 2016 (pièce n°35).

L'expert judiciaire, M. M..., a clos son rapport le 16 février 2017. Il a retenu que la SARL Les Entrepreneurs Du Bâtiment avait exécuté un quart des terrassements (coût : 3.750 € TTC) et la SARL BAXTER & PARTNERS les trois quarts des terrassements (coût : 11.250 € TTC), 70% du gros 'uvre (coût : 86.520 € TTC) et 20% des charpentes métalliques (coût : 28.800 € TTC).

Autorisés par ordonnance du 22 juin 2017, M. I... et Mme V... ont assigné à jour fixe la SASU Agence H... U... prise en la personne de son liquidateur amiable, la MAF et la SARL BAXTER & PARTNERS prise en la personne de son liquidateur judiciaire les 26 et 28 juin 2017.

Par lettre du 29 juin 2017, le liquidateur de la société BAXTER & PARTNERS a indiqué au conseil de M.I... et Mme V... que les opérations de liquidation judiciaire avaient été clôturées pour insuffisance d'actif par jugement du 18 mai 2017 et que ses fonctions étaient terminées. (Cf pièce n°57).

Par jugement du 20 octobre 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a :

- retenu la responsabilité contractuelle de la S.A.S.U. Agence H... U... à l'égard de M. I... et de Mme V... ;

- rejeté les demandes de dommages-intérêts présentées par M. I... et Mme V... ;

- laissé à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés ;

- condamné M. I... et Mme V... aux dépens, Maître W... étant admis à recouvrer directement ceux dont il aura fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante,

- dit que les dépens comprendront ceux exposés en référé et le coût des opérations d'expertise.

Par déclaration du 22 juin 2018, Mme V... et M. I... ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par Mme V... et M. I... ;

- débouté Mme V... et M. I... de leurs demandes de condamnation de la SASU [...] et de la Mutuelle des Architectes Français à leur verser les sommes de :

- 669.553,38 € au titre du surcoût des travaux ;

- 73.498,91 € au titre du relogement (décompte arrêté à mars 2017) ;

- 100.000 € au titre du trouble de jouissance et préjudice moral ;

- 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à la charge de Mme V... et M. I... les frais irrépétibles qu'ils ont engagés ;

- débouté Mme V... et M. I... de leur demande tendant à obtenir, à titre subsidiaire, s'il était fait droit à la demande de la Mutuelle des Architectes Français de voir limiter sa condamnation à la somme de 500.000 € hors actualisation au titre du plafond de garantie, dire que cette somme de 500.000 € sera majorée de l'actualisation prévue au contrat d'assurance au jour du paiement

- débouté Mme V... et M. I... de leurs demandes de condamnation de la SASU [...] et de la Mutuelle des Architectes Français aux entiers dépens,

- condamné Mme V... et M. I... aux dépens;

Et plus généralement de toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l'appelant selon les moyens qui seront développés dans les conclusions.

Par conclusions d'appelant n°6 du 2 octobre 2019, Mme V... et M. I... demandent à la Cour en ces termes, au visa de l'article 564 du code de procédure civile et des articles 1101 et 1134 du code civil, de :

Vu notamment les articles 1382 et 1147 du code civil ancien, les articles L.232-1 et suivants et L.241-8 du code la construction et de l'habitation, l'article L.124-3 du code des assurances et les articles 145, 808 et 809 du code de procédure civile,

1. Sur la responsabilité de l'AGENCE [...]

- confirmer le jugement dont appel en ce que celui-ci a retenu la responsabilité contractuelle de l'AGENCE [...] ;

En tant que de besoin :

- dire et juger que l'[...] a commis une faute ayant consisté à faire réaliser les travaux de construction de la maison des concluants par une entreprise unique, la société LEDB, sans qu'ait été conclu le contrat de construction de maison individuelle obligatoire aux termes de la loi et ainsi qu'elle s'y était spécifiquement et expressément engagée et, en toute hypothèse, en confiant les travaux à LEDB, entreprise insolvable et en tout cas ne présentant pas de garanties suffisantes,

- dire et juger que cette faute suffit à engager la responsabilité de l'[...] ,

- subsidiairement, dire et juger que l'[...] a commis une seconde faute en laissant les travaux de la société BAXTER & PARTNERS démarrer avant que celle-ci ait fourni la garantie de livraison prévue dans le contrat de construction de maison individuelle, conformément à l'article 4 de ce contrat et à la loi et, en toute hypothèse, en résiliant son contrat le 13 septembre 2013 ;

2. Sur le préjudice et sur la condamnation des intimés

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions rejetant les demandes de Mme V... et de M. I...,

- dire et juger que Mme V... et M. I... apportent la preuve d'un préjudice s'élevant aux sommes ci-après mentionnées et du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes commises par l'AGENCE [...] ;

- condamner en conséquence l'AGENCE [...] et son assureur, la MAF, solidairement, subsidiairement in solidum, à payer à Mme V... et à M. I... en réparation du préjudice résultant de la ou des faute(s) de l'AGENCE [...] , les sommes ci-après, avec intérêts de droit à compter de l'assignation,

- 54.487,18 € TTC au titre du trop versé à LEDB,

- 615.066,20 € TTC au titre du surcoût des travaux,

- 132.512,19 € au titre des frais de relogement provisoire arrêtés à novembre 2019 (inclus),

- 100.000 € à titre de préjudice de jouissance et/ou de préjudice moral ;

Subsidiairement :

- condamner l'AGENCE [...] et la MAF solidairement, subsidiairement in solidum, à payer à Mme V... et à M. I... en réparation du préjudice résultant de la ou des faute(s) de l'AGENCE [...] , 95% des sommes ci-après, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, soit : 51.762,82 € + 584.312,89 € + 125.886,58 € + 95.000 € = 856.962,29 €,

- Si la condamnation de la MAF est limitée à la somme de 500.000 € hors actualisation au titre du plafond de garantie, dire que cette somme de 500.000 € sera majorée de l'actualisation prévue au contrat d'assurance au jour du paiement ;

3. Article 700 et dépens

- condamner l'AGENCE [...] et la MAF, solidairement ou in solidum, à payer à Mme V... et à M. I... la somme de 20.000 € à titre de remboursement de frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes, solidairement ou in solidum, au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment les frais de l'expertise ordonnée par l'ordonnance de référé du 15 juin 2015, ainsi que les frais et dépens de cette ordonnance et de l'ordonnance de référé du 29 janvier 2016 et seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d'intimée récapitulatives du 23 septembre 2019, la SASU Agence H... U..., prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q..., désigné par ordonnance du tribunal de commerce de DRAGUIGNAN, demande en ces termes à la Cour, au visa du rapport d'expertise de M. M... déposé le 16 février 2017, du jugement du 20 octobre 2017 et des pièces versées aux débats, de :

Au principal,

- dire l'appel incident de la SASU [...] autant recevable que bien fondé,

- constater qu'aucune faute commise par la SASU [...] ne saurait justifier sa condamnation sur un fondement contractuel ou quasi-délictuel,

- débouter les consorts V... I... de l'ensemble de leurs prétentions dirigées à l'encontre de la SASU [...] ;

Subsidiairement,

- condamner la MAF à relever et garantir la SASU [...] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre,

En outre :

- condamner les consorts V... I... à payer à la SASU [...] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maître PICHON, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 27 mai 2019, la MAF en sa qualité d'assureur de la SARL Agence H... U... demande à la Cour en ces termes de :

- dire l'appel de Mme V... et M. I... mal fondé,

En conséquence,

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS,

- dire l'appel incident de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS autant recevable que bien fondé,

Par voie de conséquence,

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société [...] ,

- débouter par voie de conséquence Mme V... et M. I... de leurs demandes à l'encontre de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS en l'absence de faute démontrée à l'encontre de la société [...] , d'un préjudice direct en résultant et du lien de causalité ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par Mme V... et M. I...,

A titre plus subsidiaire encore

- dire et juger que le préjudice s'analysant comme la perte d'une chance, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ne pourra être condamnée au-delà de 20% des sommes réclamées par Mme V... et M. I...,

- retenir à l'encontre de Mme V... et de M. I... une part de 50% dans la réalisation du sinistre,

- dire que le préjudice au titre du coût des travaux pour terminer l'opération ne saurait excéder 225.177 €,

- les débouter de leur prétention au titre du trop versé à l'Entreprise LEDB (54.487,18 €),

- débouter Mme V... et M. I... de leur demande au titre des frais de logement provisoire faute de justifier du calcul de leur préjudice ;

A défaut,

- dire que la période d'indemnisation au titre des frais de logement ne saurait excéder la période entre mars 2013 et décembre 2014,

- débouter Mme V... et M. I... de leur demande au titre du préjudice de jouissance et moral ;

A défaut

- ramener les préjudices à de plus justes proportions,

- ramener l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions ;

En tout état de cause

- dire et juger que la garantie de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS se fera dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise ainsi qu'un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs de 500.000 € hors actualisation, tous deux opposables aux tiers lésés,

- dire et juger par voie de conséquence que toute condamnation à l'encontre de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ne saurait excéder ledit plafond au titre des dommages immatériels non consécutifs de 500.000 € hors actualisation,

- condamner solidairement Mme V... et M. I... à 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner aux entiers dépens que Maître Y... L... pourra recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2019.

La Cour se réfère pour plus ample exposé des demandes aux conclusions ainsi visées.

MOTIFS

1) Sur la responsabilité de la SARL Agence H... U... concernant le marché signé avec la société LEDB,

Considérant que M.I... et Mme V... recherchent la responsabilité contractuelle de la SARL Agence H... U..., aujourd'hui prise en la personne de son mandataire ad hoc, Maître A... Q..., en lui reprochant tout d'abord d'avoir fait réaliser les travaux de construction de leur maison par une entreprise unique, la société LEDB, sans qu'ait été conclu un contrat de construction de maison individuelle et d'avoir confié les travaux à une entreprise insolvable, en tout cas ne présentant pas de garanties suffisantes ;

Qu'en réponse, la SASU Agence H... U..., représentée par son mandataire ad hoc Maître A... Q... et son assureur, la MAF, contestent toute faute de l'architecte et concluent au débouté des demandes dirigées à leur encontre ; qu'ils soutiennent que l'attestation signée par l'architecte le 4 avril 2012 ne peut pas avoir de conséquences juridiques car l'architecte ne pouvait pas en tout état de cause contraindre la société LEDB à accepter un contrat CCMI en lieu et place d'un devis, qu'il ne pouvait pas s'engager juridiquement sur une obligation qui ne reposait que sur l'entreprise et que ce qu'ils qualifient de 'courrier' ne prévoit aucune sanction particulière en l'absence de CCMI puisqu'il est simplement évoqué de façon allusive la possibilité de la requalification juridique des marchés et la mise en jeu de la responsabilité de l'architecte, sans autre précision ;

Que subsidiairement, sur l'ensemble des griefs qui leur sont adressés, la SASU Agence H... U... demande la garantie de son assureur la MAF, et celui-ci conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par M.I... et Mme V... ; que subsidiairement, la MAF fait valoir que M.I... et Mme V... ont de leur côté commis une faute en effectuant leurs règlements sans garantie de livraison et contribué à la survenance de leur propre préjudice ; qu'elle demande à la Cour de retenir une part de responsabilité à leur encontre de 50% ;

Sur ce,

Considérant qu'en vertu de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce, il incombe à M.I... et Mme V... de prouver que leur architecte, tenu à leur égard d'une obligation de moyens, a commis une faute qui a contribué à leur préjudice ;

Qu'en l'espèce, aux termes de son contrat d'architecte signé le 1er mars 2011, la SARL Agence H... U... s'est engagée à assurer une mission de maîtrise d''uvre complète dans le cadre de la construction d'une maison individuelle pour M.I... et Mme V... mais sans recours au contrat de construction de maison individuelle ; qu'il ressort en effet de l'article 7.4 du contrat que le maître d'ouvrage devait examiner avec l'architecte les modalités de réalisation de l'ouvrage et choisir le mode de dévolution des marchés de travaux soit par corps d'état séparés soit par groupement d'entreprises ; qu'aucune autre possibilité n'était envisagée ; que par ailleurs, plusieurs autres clauses du contrat évoquent la réalisation des travaux par plusieurs entreprises, l'architecte étant notamment chargé d'assurer leur coordination (cf article 7.7) ;

Considérant que certes, le représentant de la SARL Agence H... U... a signé le 4 avril 2012 une attestation établie à la demande de la société de courtage en assurances VERIFIMMO, mandatée par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE auprès de laquelle M.I... et Mme V... ont sollicité l'octroi d'un prêt pour financer leur opération ; que sur le modèle établi par la banque et transmis par M.I... et Mme V..., il a ainsi écrit ;

- qu'il certifiait que l'opération donnerait lieu à un appel d'offres à la suite duquel ses clients auraient le libre choix entre les entreprises soumissionnaires lesquelles n'auraient de lien direct ou indirect ni entre elles ni avec lui,

- que 'dans le cas contraire', il devrait 'veiller à la mise en place d'un contrat de construction de maison individuelle conforme aux obligations prescrites par le code de la construction et de l'habitation'

- et que 'le non respect de cette obligation'' pourrait 'entraîner la requalification juridique des marchés et mettre en jeu' sa 'responsabilité' ;

Que M.I... et Mme V... ne contestent pas que comme l'affirme l'architecte, un appel d'offres qui s'est révélé infructueux a été organisé ; que dès lors que c'est à la suite de ce dernier que la société LEDB a établi son devis le 27 juin 2012, la SARL Agence H... U... a rempli son engagement de lancer un appel d'offres ; qu'il ressort des termes mêmes de son attestation que la société Agence B... n'avait dès lors pas l'obligation de veiller à la mise en place d'un contrat de construction de maison individuelle ;

Qu'en revanche, par cette attestation qu'ils avaient par l'intermédiaire du courtier de leur banque fait signer le 4 avril 2012 à l'architecte, M.I... et Mme V... étaient informés dès le mois d'avril 2012 de l'existence du contrat de construction de maison individuelle ; qu'ils ont donc librement et en toute connaissance de cause écarté ce contrat et choisi de signer avec la société LEDB un devis détaillant la nature des travaux à réaliser et leur prix ; qu'ils ne sauraient dès lors en faire le reproche à l'architecte ;

Que ce devis ne comporte pas un engagement figé puisque il est écrit dans les conditions particulières que 'La société LEDB précise que le descriptif préliminaire ci-dessus est considéré comme indicatif des prestations demandées mais n'est pas exhaustif dans ses quantitatifs détaillés' ; que les prix y sont calculés au métré et non forfaitairement, ce qu'ils ont accepté ;

Qu'en le lisant avant de le signer, le maître d'ouvrage ne pouvait donc en tout cas pas ignorer qu'il s'engageait sur une réalisation de travaux avec une entreprise qui ne garantissait pas un prix final forfaitaire de la construction ;

Considérant en toute hypothèse qu en l'état des éléments dont elle pouvait alors disposer, la SARL Agence H... U... qui s'était personnellement engagée pour assurer sa mission de maîtrise d''uvre sans avoir recours à un contrat de construction de maison individuelle, n'avait pas en juin 2012 de motif légitime pour déconseiller de contracter avec la société LEDB par la voie couramment pratiquée dans le domaine de la construction du devis accepté ;

Qu'en effet, ce n'est que plus d'un an plus tard que le tribunal de commerce a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL Les Entrepreneurs Du Bâtiment par jugement du 17 septembre 2013 en fixant la date de cessation des paiements, dont les créanciers ne prennent souvent connaissance que bien plus tard, au 30 avril 2013 c'est à dire également de nombreux mois après la signature du devis le 27 juin 2012 ;

Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la SARL Agence H... U... n'a pas commis de faute en ne conseillant pas de signer un contrat de construction de maison individuelle au lieu d'un devis avec la société LEDB et n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle à ce titre ;

Qu'en conséquence, la demande de remboursement de la somme de 54 487,18 € TTC au titre de trop versé à la société LEDB formée par les appelants à l'encontre de la SARL Agence H... U... et de son assureur, la MAF est rejetée comme mal fondée ;

2) Sur la responsabilité de la SARL Agence H... U... concernant le contrat de construction de maison individuelle signé avec la société BAXTER & PARTNERS

Considérant que M.I... et Mme V... recherchent également la responsabilité contractuelle de la SARL Agence H... U... en faisant valoir que sa responsabilité serait engagée même si celui-ci n'avait pas commis de faute lors de la reprise du chantier par BAXTER PARTNERS ; qu'ils se fondent sur le fait que selon eux, sa faute commise à l'égard de l'entreprise LEDB serait suffisante pour engager sa responsabilité ; que cependant, la Cour ayant écarté cette faute, il convient de les débouter de ce moyen ;

Considérant que M.I... et Mme V... soutiennent en outre que l'architecte a commis une faute grave et caractérisée en ne veillant pas à ce que les travaux de la société BAXTER & PARTNERS ne débutent pas avant que celle-ci ait fourni la garantie de livraison prévue dans le contrat de construction de maison individuelle, conformément au contrat (article 4) et à la loi ;

Qu'en réponse, la SARL Agence H... U... et son assureur contestent encore toute faute de l'architecte en faisant valoir que la SARL Agence H... U... a résilié le contrat d'architecte le 13 septembre 2013 alors que la société BAXTER & PARTNERS devait fournir cette justification au plus tard le 12 septembre 2013 avant le début des travaux ; qu'ils ajoutent que les maîtres d'ouvrage appelants sont les artisans de leur propre préjudice puisqu'en l'absence de fourniture de la garantie d'achèvement par l'entreprise d'une part et compte tenu de la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre par l'architecte d'autre part, il leur appartenait dès le 13 septembre 2013 d'enjoindre à la société BAXTER & PARTNERS de cesser les travaux dans l'attente de la production du document ou de résilier le contrat ;

Sur ce,

Considérant qu'aucune déclaration réglementaire d'ouverture de chantier n'est produite aux débats ; qu'il n'est cependant pas contesté que la société BAXTER & PARTNERS a commencé ses travaux le 12 septembre 2013 et ce sans avoir préalablement fourni la garantie de livraison prévue dans le contrat de construction de maison individuelle signé le 12 juillet 2013,

Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 septembre 2013, envoyée le lendemain de l'expiration du délai imparti à la société BAXTER & PARTNERS pour fournir celle-ci, la SARL Agence H... U... a informé M.I... et Mme V... qu'il mettait fin à son contrat d'architecte ; qu'il n'est pas contesté que ces derniers ont effectivement reçu cette lettre, à laquelle leur conseil a répondu le 11 octobre 2013 ;

Que pour motiver sa résiliation, la SARL Agence H... U... a invoqué une perte totale de confiance manifestée par le maître d'ouvrage, situation justifiant selon l'article 12.2 du contrat d'architecte, la résiliation du contrat ; qu'il a ajouté que M.I... et Mme V... la mettaient 'en cause devant l'entreprise entraînant une perte de crédibilité qui ne permettrait pas de faire son travail de DET' et a mentionné le défaut de paiement de sa note d'honoraires en invoquant 'l'augmentation de travail considérable du fait de la filouterie de l'entreprise LEDB' et en ajoutant qu'elle ne pouvait pas 'continuer à travailler indéfiniment gratuitement';

Qu'à compter de cette date du 13 septembre 2013 et en tout cas au maximum un mois plus tard puisque l'article 13 du contrat intitulé 'Résiliation' prévoit l'effectivité de cette résiliation un mois après cette lettre contenant déclaration d'user du bénéfice de cette clause, M.I... et Mme V... savaient que la SARL Agence H... U... avait cessé d'assurer sa mission de maîtrise d''uvre sur ce chantier ; que le courriel de la SARL Agence H... U... du 24 octobre 2013 confirmant sa démission ne pouvait leur laisser aucun doute ;

Considérant cependant que dans son courrier de résiliation comme dans ce dernier courriel, la SARL Agence H... U... n'a pas du tout mis en garde M.I... et Mme V..., maîtres d'ouvrage, sur le fait qu'en raison du défaut de fourniture de la garantie de livraison de la société BAXTER & PARTNERS, ils se trouvaient privés de cette garantie et ne leur a pas rappelé qu'en vertu de l'article L231-6 du code de la construction et de l'habitation, elle seule les couvrait à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus ;

Qu'il s'est ainsi abstenu de leur rappeler cet enjeu d'autant plus fondamental pour eux qu'ils avaient précédemment connu la défaillance antérieure de la société LEDB et que le montant du contrat de construction de maison individuelle signé avec la société BAXTER & PARTNERS était élevé (soit 423.982 € TTC) ; qu'il ne les a pas invités à cesser tous paiements à cette société ; que par son silence la SARL Agence H... U... a manqué à son devoir de conseil à l'égard des maîtres d'ouvrage et engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard ;

Que certes, ce manquement à son devoir de conseil ne peut avoir aucune incidence sur le premier règlement de la somme de 63 597,30 € TTC que M.I... et Mme V... ont effectué le jour de la signature du contrat de construction de maison individuelle conformément aux termes de ce dernier lequel laissait à la société BAXTER & PARTNERS un délai jusqu'au 12 septembre 2013 pour la fournir ;

Que cependant, s'ils avaient été expressément mis en garde sur le risque qu'ils prenaient en effectuant leurs paiements sans garantie de livraison, M.I... et Mme V... auraient peut-être eu la prudence de ne pas effectuer le moindre versement complémentaire postérieurement au 13 septembre 2013 à défaut d'avoir reçu de cette dernière la garantie de livraison prévue au contrat ;

Considérant que postérieurement à la signature du contrat, ils justifient néanmoins avoir payé à la société BAXTER & PARTNERS la somme totale de 325.052,88 € en lui versant successivement les sommes suivantes :

- 63.597,30 € le 8 octobre 2013

- 32.976,38 € le 15 novembre 2013

- 20.000,00 € en décembre 2013

- 12.976,38 € en décembre 2013

- 32.976,38 € en janvier 2014

- 32.976,38 € en février 2014

- 32.976,38 € en mars 2014

- 27.962,61 € en avril 2014

- 5.013,77 € en avril 2014 ;

Que la SARL Agence H... U... a donc commis une faute en ne les informant pas dans sa lettre de résiliation la teneur de cette garantie, en ce qu'elle pouvait leur permettre d'obtenir l'achèvement des travaux à défaut pour la société BAXTER & PARTNERS de le faire ;

Considérant néanmoins que les maîtres d'ouvrage ont accepté de prendre le risque d'effectuer le versement de la somme totale de 325.052,88 € tout en sachant pourtant très bien qu'ils ne bénéficiaient pas de cette garantie de livraison ; qu'il ressort de leur lettre adressée le 15 juillet 2014 à la société BASTER qu'ils avaient une parfaite connaissance du ' danger' que constituait pour eux l'absence de fourniture de la garantie de livraison dont ils ont écrit à la société BAXTER & PARTNERS qu'elle était 'la seule sécurité' pour eux ;

Qu'en persévérant dans leurs paiements tout en étant informés que la société BAXTER & PARTNERS ne respectait pas son obligation contractuelle de fournir la garantie de livraison exigée, M.I... et Mme V... ont par leur propre faute participé à leur propre préjudice ;

Qu'en définitive, dans la mesure où les fautes de l'architecte d'une part et du maître d'ouvrage d'autre part ont participé également à la survenance du préjudice de M.I... et Mme V..., il convient de partager les responsabilités par moitié entre eux en condamnant la SARL Agence H... U... à ne payer que la moitié du préjudice subi par eux en lien avec sa faute ;

- Sur la réparation du préjudice subi par M.I... et Mme V...

Considérant qu'au titre du contrat signé avec la société BAXTER & PARTNERS, M.I... et Mme V... demandent à titre principal la condamnation des intimées à leur payer les sommes suivantes :

- 615.066,20 € TTC au titre du surcoût des travaux,

- 132.512,19 € au titre des frais de relogement provisoire arrêtés à novembre 2019 (inclus),

- 100.000 € à titre de préjudice de jouissance et/ou de préjudice moral ;

Considérant cependant que M.I... et Mme V... précisent dans leurs dernières écritures que selon acte sous seing privé du 23 juin 2019, ils ont conclu un compromis de vente de l'immeuble en l'état moyennant un prix de 385.000 € qu'ils versent aux débats (cf leur pièce n°73) ;

Qu'en réponse, la SARL Agence H... U... et son assureur font valoir que la mauvaise santé des entreprises ne peut leur être reprochée dans la mesure où elles étaient in bonis à la date de la signature de leurs contrats ; qu'ils invoquent l'absence de préjudice subi par M.I... et Mme V... en lien avec la faute de l'architecte ; qu'ils concluent au débouté :

- de la demande formée au titre des frais de logement provisoire (demande de 98.705,84 € entre mars 2013 et février 2018 inclus) en invoquant la résiliation du contrat d'architecte le 13 septembre 2013,

- de la demande de remboursement des loyers payés de mars 2013 jusqu'à juin 2019, en faisant valoir que ce remboursement devra être diminué a minima de 15% pour tenir compte du fait que M.I... et Mme V... auraient nécessairement été contraints de payer des charges relatives à l'entretien de la maison (hors les frais courants, gaz, électricité') s'ils avaient eu la jouissance de leur bien immobilier dans les délais convenus,

- que ce remboursement devra être diminué a minima de 15%, sauf à générer un enrichissement sans cause au profit de M.I... et Mme V...,

- qu'ils ne peuvent pas obtenir le remboursement de loyers qu'ils ne justifient pas avoir réglés,

- que le préjudice de jouissance se confond avec le remboursement de leur loyer puisque, s'il était fait droit à la prise en charge de leurs loyers, M.I... et Mme V... seraient logés gratuitement à partir de mars 2013, ce qui compense largement le trouble de jouissance invoqué.

- qu'il est difficile de différencier le préjudice moral du préjudice de jouissance qui ne font l'objet l'un et l'autre d'aucune précision ni justification de sorte que M.I... et Mme V... en seront déboutés,

- que subsidiairement, ce préjudice sera ramené à de plus justes proportions ;

Sur ce,

Considérant qu'il convient d'examiner chaque poste de demande de M.I... et Mme V... ;

Considérant qu'il ressort du compromis de vente qu'ils ont signé le 23 juin 2019 qu'il a été conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par l'acquéreur au plus tard le 30 septembre 2019 (P8) ; qu'à la demande des acquéreurs souhaitant obtenir un délai supplémentaire pour l'obtention de leur prêt, ils ont, par acte sous seing privé du 27 septembre 2019, accepté de signer un avenant de prorogation de délais, portant ceux-ci au 21 octobre 2019 pour l'obtention du crédit et au 9 décembre 2019 pour la réalisation de l'acte (cf leur pièce n°81) ;

Que dans la mesure où l'affaire a été plaidée à l'audience du 22 octobre 2019, postérieurement à l'expiration du délai prévu pour la réalisation de la condition suspensive, la Cour constate que M.I... et Mme V... ne prétendent pas et ne démontrent pas davantage que la condition suspensive n'a pas été remplie dans le délai ; qu'elle en déduit que la vente va bientôt être régularisée par acte notarié et qu'ils n'auront par conséquent pas à terminer les travaux de construction de leur maison ;

Considérant que M.I... et Mme V... ont vendu leur maison en cours de construction au prix de 385.000 € ;

Qu'il ressort de l'acte notarié du 17 janvier 2012 versé aux débats (pièce n°74) qu'ils avaient acheté le terrain nu au prix de 240.000 € ;

Que l'expert a pour sa part chiffré le montant des sommes qu'ils ont trop versées à la société BAXTER & PARTNERS par rapport à l'état d'avancement réel des travaux à la somme de 194.852 € (Cf P 11 du rapport) ; que dans la mesure où ils ne vont pas faire exécuter les travaux d'achèvement de leur maison qu'ils ont vendue, leur préjudice subi du fait de la non réalisation de leur construction n'excède pas la somme totale de 434.852€ (soit 240.000 € + 194.852 €) ;

Qu'après déduction du prix de vente de 385.000 €, ils subissent en réalité un préjudice financier de 49.852 € (soit 434.852 € - 385.000 € ) ;

Que compte tenu du partage de responsabilité opéré ci-dessus, la SARL Agence H... U... et son assureur la MAF sont condamnés à lui payer la somme de 24.926 € (soit 49.852 € /2)

Considérant que M.I... et Mme V... demandent le remboursement de leurs frais de relogement provisoire ; que l'expert les a retenus pour un montant de 70.677 € arrêtés au 29 novembre 2016 ; que ces frais ont néanmoins continué à courir postérieurement à cette date de sorte qu'ils demandent leur remboursement jusqu'au mois de novembre 2019 inclus ; qu'ils produisent aux débats leurs quittances de loyer à l'exception de celles des mois d'octobre 2014, juillet 2015 et septembre 2015 ; que cependant, les quittances de novembre 2014 (suivant celle manquante d'octobre), d'août 2015 (suivant celle manquante de juillet) et celle d'octobre 2015 (suivant celle manquante de septembre 2015) ne mentionnent pas la présence d'un arriéré ; qu'il convient d'en déduire que les loyers correspondant aux quittances manquantes ont été payés ; qu'ils justifient par ailleurs que les débits ponctuellement ajoutés en complément des loyers ne correspondent pas à des arriérés de loyers impayés ;

Qu'au vu des pièces produites, il convient d'admettre que M.I... et Mme V... ont du fait de la non réalisation de leur construction supporté des frais de logement un montant total de 132.512,19 € jusqu'au mois de novembre 2019 inclus ;

Que cependant, comme le soutient la MAF, même s'ils avaient vécu chez eux, ils auraient supporté des charges ; qu'il convient de décompter celles-ci à hauteur de 15% soit 19.876,83 € ce qui réduit le montant des frais de relogement à prendre en considération à la somme de 112.635,36 € (soit 132.512,19 € - 19.876,83 €) ;

Que compte tenu du partage de responsabilité opéré, il convient de condamner la SARL Agence H... U... et son assureur la MAF à payer à M.I... et Mme V..., au titre des frais de relogement, la somme de 56.317,68 € (soit 112.635,36 €/2) ;

Considérant que M.I... et Mme V... demandent en outre indemnisation de leur préjudice de jouissance et moral à hauteur de 100.000 € qu'ils font valoir que leur maison devait être livrée le 27 février 2013 et qu'ils n'ont pas pu en profiter ;

Qu'en réplique, la SARL Agence H... U... et son assureur s'opposent à cette demande en soutenant notamment que le préjudice de jouissance se confond avec le remboursement de leur loyer puisqu'avec la prise en charge de leurs loyers, M.I... et Mme V... ont été logés gratuitement à partir de mars 2013, ce qui compense largement le trouble de jouissance invoqué ; qu'ils ajoutent qu'il est difficile de différencier le préjudice moral du préjudice de jouissance qui ne font l'objet l'un et l'autre d'aucune précision ni justification ;

Sur ce, considérant que les frais de logement de M.I... et Mme V... ayant été pris en compte, leur préjudice de jouissance se limite au fait de ne pas avoir pu occuper pendant plus de cinq ans la maison qu'ils avaient choisie de faire construire ; qu'il convient à ce titre de le réparer en le fixant à la somme totale de 10.000 € ; que compte tenu du partage de responsabilité opéré, la SARL Agence H... U... et son assureur sont condamnés à payer à M.I... et Mme V... la somme de 5.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Qu'en revanche, à défaut de fournir le moindre élément pour le caractériser, M.I... et Mme V... ne justifient nullement avoir subi un préjudice moral et seront déboutés de ce chef de demande ;

- Sur la garantie de la MAF

Considérant que comme elle l'indique, la garantie de la MAF se fera dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise ainsi qu'un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs de 500.000 € hors actualisation, tous deux opposables aux tiers lésés s'agissant d'une garantie facultative ; qu'il convient de relever que ce plafond n'est pas atteint en l'espèce ;

- Sur les demandes accessoires

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en allouant à M.I... et Mme V... la somme de 5.000 € ;

Considérant que les deux parties succombant en leurs prétentions, il convient de faire masse des dépens et de les partager par moitié entre elles ;

Par ces motifs,

la Cour,

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. C... I... et Mme D... V... de leur demande tendant à voir déclarer la SARL Agence H... U... prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q..., responsable de la non construction de leur maison suite au devis qu'ils ont signé avec la société LEDB ;

- Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit que la SARL Agence H... U..., prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q..., a commis une faute en résiliant son contrat sans mettre en garde M. C... I... et Mme D... V... sur les risques découlant de l'absence de fourniture par la société BAXTER & PARTNERS de sa garantie de livraison ;

- Dit que M. C... I... et Mme D... V... ont contribué à leur propre préjudice en effectuant de multiples règlements auprès de la société BAXTER & PARTNERS tout en sachant qu'elle ne leur avait pas fourni sa garantie de livraison ;

- Déclare la SARL Agence H... U..., prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q..., responsable pour moitié du préjudice subi par M. C... I... et Mme D... V... du fait de l'inachèvement travaux de la construction de leur maison individuelle entreprise par la société BAXTER & PARTNERS ;

- Condamne in solidum la SARL Agence H... U..., prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q... et son assureur la MAF, dans les limites et conditions de la police, à payer à M. C... I... et Mme D... V... les sommes suivantes :

- 24.926 € au titre de leurs frais du fait de la non réalisation de leur construction,

- 56.317,68 € au titre de leurs frais de relogement,

- 5.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance ;

- Condamne en outre in solidum la SARL Agence H... U... prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q... et la MAF dans les limites et conditions de la police à payer à M. C... I... et Mme D... V... la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Fait masse des entiers dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre d'une part M. C... I... et Mme D... V... et d'autre part la SARL Agence H... U... prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître A... Q... et la MAF in solidum ;

- Autorise le recouvrement des dépens par les avocats de la cause dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/15599
Date de la décision : 22/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°18/15599 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-22;18.15599 ?
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