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17/01/2020 | FRANCE | N°16/14109

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 17 janvier 2020, 16/14109


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 17 Janvier 2020



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14109 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ63P



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juillet 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14/00228





APPELANTE

SAS THERABEL LUCIEN PHARMA

[Adresse 1]

[Adresse 2]


représentée par Me Rémi DHONNEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : J008







INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 17 Janvier 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14109 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ63P

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juillet 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14/00228

APPELANTE

SAS THERABEL LUCIEN PHARMA

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Rémi DHONNEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par M. [T] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Adresse 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Michel CHALACHIN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Michel CHALACHIN, président de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère,

M. Lionel LAFON, conseiller

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. L'arrêt mis à disposition initialement le 10 jznvier 2020 a été prorogé au 17 janvier 2020.

-signé par Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère (présidente empêchée) et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que le laboratoire Thérabel Lucien Pharma (ci-après le laboratoire) a fait l'objet d'un contrôle de l'assiette des contributions sur les dépenses de promotion des médicaments par l'URSSAF Ile-de-France concernant les exercices 2008, 2009 et 2010.

A l'issue de ce contrôle, une lettre d'observations lui a été adressée le 26 avril 2011 faisant état de plusieurs redressements pour un montant total de 2 537 786 euros.

Le laboratoire a contesté les redressements devant la commission de recours amiable, qui a rejeté ses demandes.

Il a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable et d'une opposition à la contrainte qui avait été délivrée à son encontre par l'URSSAF.

Par jugement du 29 juillet 2016, le tribunal a déclaré régulière la procédure de délivrance de la contrainte, rejeté l'exception de nullité de cet acte, déclaré valable la lettre d'observations du 26 avril 2011, confirmé le redressement pour les années 2008, 2009 et 2010, validé la contrainte délivrée le 17 mars 2014 à hauteur de la somme de 1 992 032 euros correspondant aux cotisations dues pour un montant de 1 661 611 euros et aux majorations de retard pour un montant de 330 421 euros, et débouté le laboratoire de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Celui-ci a interjeté appel de ce jugement le 7 novembre 2016 et s'est acquitté des contributions redressées, à l'exclusion des majorations de retard.

L'appelante fait déposer et soutenir oralement à l'audience par son conseil des conclusions invitant la cour à infirmer le jugement déféré et :

- annuler la contrainte et les majorations supplémentaires mises à sa charge à hauteur de 495 594 euros,

- laisser à la charge de l'URSSAF les frais de signification et d'exécution de la contrainte,

- prononcer le dégrèvement des sommes maintenues à sa charge, ainsi que les majorations supplémentaires,

- prononcer en conséquence le remboursement de toutes les sommes mise en recouvrement,

- assortir le remboursement de ces sommes des intérêts moratoires y afférents,

- condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

L'URSSAF fait déposer et soutenir oralement à l'audience par son représentant des conclusions par lesquelles elle demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle renonce au bénéfice du jugement favorable sur le principe de l'abattement d'assiette au titre des visites dites en officine, mais maintenir le chiffrage opéré, faute pour le laboratoire de justifier de ses calculs,

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

- confirmer le jugement en ce qu'il a validé la contrainte en son principe, mais en limiter le quantum à la somme de 330 421 euros de majorations de retard, les contributions ayant été soldées le 7 novembre 2016,

- condamner le laboratoire au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

MOTIFS

Sur la régularité formelle de la contrainte

Le laboratoire soutient en premier lieu que la saisine de la commission de recours amiable suspendait toute mesure de recouvrement forcé, l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale n'autorisant la délivrance d'une contrainte qu'au terme d'un délai d'un mois suivant une mise en demeure 'restée sans effet'.

Mais aucun texte n'impose à l'URSSAF de surseoir à la délivrance d'une contrainte en cas de saisine de la commission de recours amiable, et ce d'autant que cette saisine ne suspend pas le délai de prescription ; c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que l'URSSAF n'avait pas à attendre la décision de la commission de recours amiable pour délivrer la contrainte.

L'appelante invoque ensuite la nullité de la contrainte litigieuse en ce qu'elle ne lui permettrait pas de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

Mais, d'une part, la contrainte désignait la nature des contributions visées ('Laboratoires'), les sommes réclamées, en distinguant le montant des cotisations et le montant des majorations de retard, et les trois exercices visés par le contrôle, à savoir les années 2008, 2009 et 2010 ; d'autre part ce document faisait référence à la mise en demeure délivrée le 28 septembre 2011, laquelle comprenait un tableau parfaitement clair détaillant, pour chaque exercice concerné, les montants réclamés au titre des 'contributions sur les dépenses de promotion des médicaments' ; au vu de l'ensemble de ces éléments, le laboratoire ne peut prétendre avoir été mal informé quant à la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

L'appelante conteste en outre les conditions de signification de la contrainte.

Mais l'avis de signification en date du 8 avril 2014 mentionne que l'acte a été remis à M. [R] [A], directeur financier du laboratoire, 'qui a déclaré être habilité à l'effet de recevoir l'acte' ; un acte d'huissier faisant foi jusqu'à inscription de faux, il convient de considérer que la signification a bien été faite à personne, conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile, étant rappelé que l'huissier n'avait pas à vérifier l'exactitude de la déclaration faite par M. [A].

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande visant à voir déclarer nulle la contrainte délivrée au laboratoire.

Sur la régularité de la lettre d'observations

Contrairement à ce que soutient le laboratoire, la lettre d'observations du 26 avril 2011 respectait parfaitement les dispositions de l'article R.243-59 alinéa 5, dans sa réaction applicable en l'espèce, en ce qu'elle mentionnait l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, la date de la fin du contrôle, la nature, le mode de calcul et le montant des régularisations envisagées.

Pour ce qui concerne plus précisément les documents consultés, la liste dressée par les inspecteurs ne comportait pas de 'cases à cocher' comme le prétend le laboratoire, mais un simple symbole typographique précédant chaque pièce citée ; les inspecteurs ont particulièrement consulté la comptabilité générale de l'entreprise, qui leur a permis de vérifier les dépenses de promotion sur lesquelles portaient leurs observations.

Par ailleurs, comme l'a justement rappelé le tribunal, le nom de chaque salarié concerné par les observations ne faisait pas partie des mentions exigées par le texte précité.

Enfin, si dans les motifs de ses conclusions, le laboratoire évoque une 'exception d'illégalité des décisions administratives issues de la lettre d'observations du 26 avril 2011, de la réponse aux observations du 15 juin 2011, de la décision de la commission de recours amiable du 6 novembre 2013 et de la circulaire du 23 novembre 2013', cette exception n'est pas reprise dans le dispositif de ses écritures ; or, aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, applicable à la procédure écrite comme à la procédure orale puisqu'il figure dans les 'dispositions communes', la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel ; le conseil du laboratoire ayant, lors de sa plaidoirie, fait expressément référence à ses écritures, la cour n'a pas à statuer sur cette exception d'illégalité.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la lettre d'observations était parfaitement valable.

Sur le fond

Le tribunal a justement rappelé que l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce, fixait ainsi l'assiette de la contribution due par les laboratoires en vertu de l'article L.245-1 du même code : 'les rémunérations de toutes natures, y compris l'épargne salariale ainsi que les charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique, qu'elles soient ou non salariées de l'entreprise et qu'elles interviennent en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer auprès de professionnels de santé régis par les dispositions du titre Ier du livre 1er de la quatrième partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé'.

L'appelante soutient que ce texte ne lui interdisait pas d'exclure de l'assiette de la contribution les rémunérations des visiteurs médicaux exerçant une activité non promotionnelle, à savoir les visites auprès de non prescripteurs (que l'URSSAF désigne par 'visites en officine') et les périodes de formation ; elle souhaite également voir exclure de l'assiette les sommes versées aux visiteurs médicaux au titre de l'intéressement et de la participation, lesquelles ne seraient pas incluses dans la notion 'd'épargne salariale'.

Concernant les visites auprès des non prescripteurs, l'URSSAF reconnaît que, compte tenu de la jurisprudence récente en la matière, les rémunérations des visiteurs médicaux doivent être exclues de l'assiette de la contribution dans cette hypothèse ; toutefois, elle demande le maintien du redressement pour les années 2008 à 2010 au motif que le laboratoire n'a pas justifié de la façon dont avait été calculé l'abattement revendiqué par celui-ci ; dans la mesure où il appartient à celui qui invoque le bénéfice d'une réduction d'assiette d'établir la façon dont elle a été calculée, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a validé ce chef de redressement.

Concernant les périodes de formation des visiteurs médicaux, la rédaction de l'article L.245-2 précité, qui vise les 'rémunérations de toutes natures', et a donc une portée générale, interdit d'exclure de l'assiette de la contribution des activités particulières telles que la formation ; le tribunal a d'ailleurs rappelé à juste titre que les périodes de formation permettaient aux visiteurs médicaux de mettre à jour leur connaissance des produits commercialisés, de découvrir les nouveaux produits et de parfaire leur technique de promotion des médicaments, et ainsi d'améliorer leurs performances commerciales ; le jugement doit donc être confirmé en ce qu''il a validé ce chef de redressement.

Enfin, concernant l'intéressement et la participation, le laboratoire ne peut fonder sa tentative d'exonération sur la seule façon dont est intitulé le livre III de la 3ème partie du code du travail, à savoir : 'Dividendes du travail : intéressement, participation et épargne salariale', en soutenant que l'intéressement et la participation seraient des notions distinctes de l'épargne salariale et devraient donc échapper aux dispositions de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale ; en réalité, si le titre Ier du livre III en question concerne l'intéressement et le titre II la participation aux résultats de l'entreprise, le titre III concerne quant à lui les 'plans d'épargne salariale', et non l'épargne salariale dans son sens général ; en visant 'l'épargne salariale', le rédacteur de l'article L.245-2 n'avait visiblement pas pour objectif d'exclure l'intéressement et la participation, lesquels entrent bien dans la définition de l'épargne salariale telle qu'elle est mentionnée sur le site internet 'service.public.fr', à savoir : 'L'épargne salariale est un système d'épargne collectif mis en place au sein de certaines entreprises. Le principe consiste à verser à chaque salarié une prime liée à la performance de l'entreprise (intéressement) ou représentant une quote-part de ses bénéfices (participation). Les sommes attribuées peuvent, au choix du salarié, lui être versées directement ou être déposées sur un plan d'épargne salariale' ; c'est donc à juste titre que ce chef de redressement a également été validé par le tribunal.

En résumé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé la contrainte en son principe, mais le quantum sera limité à la somme de 330 421 euros correspondant aux majorations de retard, les contributions elles-mêmes ayant été réglées par l'appelante le 7 novembre 2016.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le laboratoire qui succombe sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande de débouter l'URSSAF de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à limiter le quantum restant dû par la SAS Thérabel Lucien Pharma à la somme de 330 421 euros correspondant aux majorations de retard,

Y ajoutant,

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Thérabel Lucien Pharma aux dépens de la procédure d'appel.

La Greffière,Pour le Président empêché,

La conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 16/14109
Date de la décision : 17/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°16/14109 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-17;16.14109 ?
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