La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2020 | FRANCE | N°18/02665

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 janvier 2020, 18/02665


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS








COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 5





ARRET DU 16 JANVIER 2020





(n° 2020/ , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02665 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DJW





Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/05348








APPELANT

E





Madame V... H... épouse R...


Demeurant [...]


[...]





Représentée par Me Ali SAIDJI, avocat au barreau de PARIS, toque : J076








INTIMEE





L'ASSOCIATION INTERCOMMUNALE DE PARENTS D'ENF...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 JANVIER 2020

(n° 2020/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02665 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DJW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/05348

APPELANTE

Madame V... H... épouse R...

Demeurant [...]

[...]

Représentée par Me Ali SAIDJI, avocat au barreau de PARIS, toque : J076

INTIMEE

L'ASSOCIATION INTERCOMMUNALE DE PARENTS D'ENFANTS INADAPTES (AIPEI)

Sise [...]

[...]

Représentée par Me Arnaud DOUMENGE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Greffier : Madame Marine BRUNIE , lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente de chambre et par Madame Marine BRUNIE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

L'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés (AIPEI) est une association à but non lucratif spécialisée dans la création et la gestion d'établissements localisés en Seine Saint Denis, destinés à l'accueil de personnes souffrant de handicap mental.

Une convention tripartite a été conclue le 5 octobre 1978 entre l'AIPEI, le ministère de l'Education nationale et le Préfet du département de Seine Saint-Denis permettant la mise à disposition de personnels de l'éducation nationale pour assurer l'enseignement et la formation professionnelle au sein des établissements de l'AIPEI.

Mme V... H... épouse R... (ci-après Mme R...), fonctionnaire de l'éducation nationale, a été affectée au sein de l'Institut médico pédagogique (IMP) Le Nid pour y exercer les fonctions de directrice d'établissement selon arrêtés ministériels des 8 juillet 1991 et 25 mai 1992.

Par courrier du 11 novembre 2002, le président de l'AIPEI a confié à Mme R... une mission complémentaire de directrice générale de l'association, parallèlement à ses fonctions de directrice de l'IMP Le Nid. Puis, à compter du 11 septembre 2012, elle s'est vu confier une mission complémentaire relative au remplacement du directeur de la Maison d'accueil spécialisée durant son absence, en contrepartie de laquelle il lui a été versé une indemnité de 300 points de la convention collective.

Dans le courant de l'année 2014, à l'issue d'opérations de contrôle, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France a adressé plusieurs injonctions à l'AIPEI lui demandant de remédier aux cumuls par Mme R... de ses fonctions de directrice de l'IMP Le Nid avec sa mission complémentaire de direction générale.

Lors de sa réunion du 17 janvier 2015, le conseil d'administration de l'AIPEI a voté la séparation des fonctions de direction de l'IMP et de direction générale de l'association.

Mme R... a présenté un arrêt de travail à compter du 17 juin 2015, prolongé jusqu'au 1er septembre 2015.

Par courrier du 22 juin 2015, le directeur académique des services de l'Education nationale de Seine-Saint-Denis a indiqué à Mme R... que l'ARS lui avait demandé de mettre fin à son affectation à la direction de l'IMP Le Nid et lui a confirmé son changement d'affectation en raison de la suppression du poste par courrier du 2 juillet 2015.

Par courrier recommandé du 28 juillet 2015, l'AIPEI écrivait à Mme R... avoir été avisée par le directeur académique adjoint qu'il lui avait notifié la fin de sa période d'affectation au sein de l'AIPEI à effet au 31 août 2015 au soir et que dés lors que la cessation de sa mise à disposition résultait d'une décision de son administration d'origine, son départ ne s'inscrirait pas dans le cadre d'un licenciement.

Soutenant que son affectation au sein de l'AIPEI s'analysait en un contrat de travail de droit privé et que celui-ci avait été rompu abusivement, Mme R... a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 8 décembre 2015 afin d'obtenir la condamnation de l'AIPEI à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 17 octobre 2017 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section encadrement, a débouté Mme R... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme R... a régulièrement relevé appel du jugement le 8 février 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 mars 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme R... prie la cour d'infirmer le jugement et de :

- condamner l'AIPEI à lui payer les sommes suivantes :

* 115'368 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 115'368 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 38'456 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances particulières du licenciement,

* 25'637 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 563,70 euros au titre des congés payés y afférents,

* 16'575 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 38'456 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 95'701,83 euros au titre de la liquidation du compte épargne temps,

* 3 643,10 euros à titre de réévaluation de l'indemnité de logement,

* 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes ayant la nature de salaire et du prononcé de l'arrêt à intervenir pour les sommes ayant une nature indemnitaire,

- condamner l'AIPEI sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir à remettre les documents suivants : reçu pour solde de tout compte rectifié, attestation Pôle emploi faisant mention de licenciement, bulletins de paie rectifiés du 1er septembre 2012 au 31 août 2015,

- condamner l'AIPEI aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Saidji & Moreau.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juin 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'AIPEI prie la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, débouter Mme R... de l'ensemble de ses demandes, la condamner au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et à titre subsidiaire, limiter la demande de liquidation du compte épargne temps à la somme de 32'962,72 euros brut.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 octobre 2019. L'affaire a été plaidée à l'audience du 21 novembre 2019 et mise en délibéré pour décision être rendue le 16 janvier 2020.

MOTIVATION :

Sur la nature des relations contractuelles entre Mme R... et l'AIPEI :

Mme R... conteste avoir été mise à disposition de l'AIPEI et soutient qu'en réalité, elle était liée à l'association par un contrat de droit privé. Elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée sur ce point, tandis que l'AIPEI conclut à la confirmation du jugement.

Sur la mise à disposition, Mme R... fait valoir que contrairement à ce que soutient l'AIPEI, elle n'a pas été mise à disposition de cette association aux motifs que :

- les arrêtés ministériels de 1991 et 1992 ne sont pas des arrêtés de mise à disposition puisqu'ils ne mentionnent pas ce terme mais ne concernent que son affectation au sein de l'association,

- il n'y a pas eu de convention entre son ministère d'origine et l'association pour une mise à disposition d'un fonctionnaire comme directeur d'établissement, la convention de 1978 communiquée par l'AIPEI ne lui étant pas applicable.

L'AIPEI de son côté fait valoir qu'il s'agissait bien d'une mise à disposition puisque Mme R... est demeurée dans son corps d'origine, qu'elle a d'ailleurs continué à être rémunérée par son administration et qu'il importe peu que les arrêtés ministériels ne fassent pas mention des termes 'mis à disposition' dans la mesure où elle ne les a pas contestés en temps utile, qu'elle a intégré l'AIPEI volontairement et qu'elle a elle-même reconnue être mise à disposition dans un courrier adressé au directeur académique.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 41 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984, 'la mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il vocation à intervenir. Elle ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil. Le fonctionnaire mis à disposition est soumis aux règles d'organisation et de fonctionnement du service où il sert, à l'exception des articles L. 1234-9, L. 1243-1 à L. 1243-4 et L. 1243-6 du code du travail, de toute disposition législative ou réglementaire ou de toute clause conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière'.

En l'espèce, la cour relève que comme le soutient Mme R..., il n'est justifié d'aucun arrêté de mise à disposition. Les arrêtés dont fait état l'AIPEI en date des 8 juillet 1991 et 25 mai 1992 sont intitulés arrêtés d'affectation et de mutation et non de mise à disposition et d'ailleurs dans ses différents courriers l'administration ne fait pas état de la mise à disposition de Mme R... mais de son affectation.

De plus, la convention du 5 octobre 1978 dont fait état l'AIPEI ne prévoit pas non plus la mise à disposition au sein de l'AIPEI d'un enseignant comme directeur d'établissement puisqu'il n'y est mentionné que la mise à disposition 'des personnels nécessaires pour assurer l'enseignement et la première formation professionnelle'.

Il importe peu que Mme R... ait continué à être rémunérée par son administration d'origine, ait employé elle-même le terme mis à disposition, le statut juridique ne dépendant pas de la volonté des parties ou n'ait pas contesté les arrêtés administratifs décidant son affectation, la cour n'étant pas compétente pour apprécier les relations de cette fonctionnaire avec son corps d'origine.

Par ailleurs, s'agissant de la mission de directrice générale confiée à Mme R... à partir de 2002 et de la mission supplémentaire ayant donné lieu à additif et au versement d'une indemnité par l'AIPEI, la cour relève qu'aucun arrêté de mise à disposition n'a été pris par l'administration pour ces missions, que l'accord de la salarié n'a pas été expressément recueilli, que ces fonctions ont été exercées en dehors de toute intervention du corps d'origine et qu'elles ont donné lieu à indemnisation à partir de 2012.

Il résulte de ce qui précède que les relation contractuelles entre Mme R... et l'AIPEI s'inscrivent dans le cadre d'un contrat de travail relevant du droit commun. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes présentées au titre de l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel d'heures supplémentaires :

Mme R... réclame en premier lieu la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 16'575 euros correspondant aux 210 heures supplémentaires qu'elle soutient avoir effectuées chaque année entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2015.

L'AIPEI s'oppose à la demande et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme R... sur ce point.

Au vu des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

A cette fin, Mme R... verse aux débats les pièces suivantes :

- des attestations de plusieurs salariées de l'AIPEI aux termes desquelles celle-ci indiquent avoir constaté que Mme R... ne ménageait pas sa peine, ne comptait pas ses heures et travaillait soit tôt le matin soit tard le le soir (Mme L...), avoir bénéficié de l'aide de Mme R... lors de leur prise de poste et l'avoir rencontrée après 19 heures ou le samedi matin (Mme K...), avoir pu constater qu'elle travaillait tard le soir (Mme I...) ou était souvent présente le soir à 20h30 lorsqu'elle même terminait son service (Mme M...),

- ainsi que des mails envoyés ou reçus tard le soir.

La cour relève que les attestations sont établies dans des termes généraux et sans précision de date, que l'une d'entre elles est relative à une période qui n'est pas concernée par la réclamation financière de Mme R... (Mme L...), et que la compilation de messages électroniques pour appréhender le temps effectif de travail qui aurait été accompli, en l'absence d'indication des horaires de travail applicable ces jours là, n'est pas non plus suffisamment précise pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

Il en résulte que Mme R... n'étaie pas suffisamment sa demande de sorte que celle-ci sera rejetée, de même que la demande présentée au titre du travail dissimulé, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur la liquidation du compte épargne temps :

Mme R... soutient que son compte épargne temps d'un montant de 95'701,83 euros représentant 353 jours de congés non pris et épargnés depuis l'année 2000 ne lui a pas été payé et soutient avoir été victime de discrimination puisque d'autres salariés ont pu bénéficier de leur compte épargne temps, contrairement à elle. Elle fait valoir qu'en tant que directrice, elle avait droit à 30 jours de congés annuels augmentés de 2, 4 puis 6 jours de congés annuels d'ancienneté à partir de 1996 outre 18 jours de congés trimestriels et 18 jours de congés RTT à partir de 2000.

Pour justifier sa demande, elle verse aux débats les pièces suivantes :

- les derniers bulletins de paie de trois autres salariés (pièce 18) comprenant tous l'indication du paiement d'une indemnité correspondant à leurs comptes épargne temps respectifs,

- une lettre du 1er mars 2015 contresignée le 25 mars 2015 par le président de l'AIPEI, validant ainsi sa demande d'abondement de son CET à hauteur de 27 jours de congés non pris sur la période du 1er juin 2014 au 31 mai 2015,

- un tableau émanant de l'AIPEI relatif au compte épargne temps de ses salariés arrêté à l'année 2013 qui fait apparaître pour elle un solde de 326 jours.

De son côté, l'AIPEI conclut au débouté et à la confirmation du jugement, en faisant valoir que :

- le nombre de jours revendiqué est disproportionné au regard des dispositions conventionnelles en vigueur puisque l'article 17 de l'accord du 1er avril 1999 limite les jours que le salarié peut affecter sur son CET et que les jours de congés supplémentaires conventionnels ne peuvent plus l'abonder depuis un avenant n° 2 du 25 février 2009,

- l'article 7 du décret du 16 septembre 1985 prévoit que lorsque l'organisme d'accueil est l'un de ceux mentionnés à l'article 42, 4° de la loi du 11 janvier 1984, comme l'AIPEI, les décisions relatives aux congés annuels sont prises par l'administration d'origine,

- L'ARS a précisé à l'AIPEI par e-mail du 25 juin 2015 que depuis 2009 aucune provision n'est acceptée concernant le CET de Mme R... et que celle-ci a continué à abonder son compte, décidant sciemment de passer outre,

- le montant réclamé par Mme R... est infondé puisque d'une part les droits correspondants à 353 jours s'élèvent à 76'551,58 euros brut et non 94'829,28 euros brut comme elle le réclame et que d'autre part elle a intégré abusivement des jours sur son CET de sorte que seuls 152 jours pourraient éventuellement être pris en compte.

La cour observe que Mme R... soutient à juste titre que l'article 17 de l'accord du 1er avril 1999 invoqué par l'AIPEI ne lui est pas applicable puisqu'elle n'était pas soumise à un horaire préalablement défini par l'employeur et l'AIPEI ne rapporte pas la preuve du contraire. Par ailleurs, la cour a retenu l'existence d'un contrat de travail de droit privé liant les parties de sorte que les arguments de l'AIPEI relatifs à l'autorisation de l'administration d'origine sont inopérants. De plus, l'AIPEI ne justifie pas de ce que la décision de l'ARS de ne plus financer l'approvisionnement du compte de Mme R... a été portée à la connaissance de celle-ci. Enfin, l'AIPEI ne rapporte pas la preuve que les jours d'absence de Mme R... ont été abusivement utilisés pour abonder son compte et le décompte des jours conventionnels d'ancienneté d'autres salariés a continué à être utilisé après 2009 pour abonder leur CET ainsi que le démontre la salariée, l'AIPEI ne pouvant valablement justifier cette inégalité de traitement par rapport à la situation de Mme R... par le fait que ces salariés disposaient de moins de jours qu'elle.

Il en résulte que l'AIPEI sera condamnée à payer à Mme R... la somme de 76 551,58 euros brut au titre des 353 jours de son compte épargne temps et le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'indemnité de logement :

Mme R... réclame la condamnation de l'AIPEI à lui verser une somme de 3 643,10 euros pour les années 2012 à 2015 au titre de la réévaluation de l'indemnité de logement en faisant valoir que malgré l'augmentation de l'indice de la construction, celle-ci n'a pas été réévaluée.

De son côté, l'AIPEI s'oppose vainement à la demande en faisant valoir que par le passé elle n'a pas réclamé à Mme R... un montant de 3 652 euros que celle-ci lui devait au titre de la régularisation de l'indemnité de logement, qu'en outre Mme R... perçoit une indemnité de résidence versée par son administration d'origine et différentes sommes au titre de sa mission de direction générale qu'elle n'a pas déclarées à son administration de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande d'autant qu'elle a volontairement sous employé le Nid pour masquer ses agissements, tous arguments inopérants dès lors que qu'il résulte du tableau établi par le commissaire aux comptes et non contredit par l'AIPEI qu'au titre des années 2012 à 2015, il est dû en faveur de Mme R... une somme de 3 643,10 euros au titre de la réévaluation de l'indemnité de logement. L'AIPEI sera condamnée à verser cette somme à l'appelante et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

La rupture des relations de travail sans notification d'un courrier de licenciement exposant les motifs de celui-ci, s'analyse nécessairement comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la cour infirmera donc le jugement en ce qu'il a débouté Mme R... des demandes qu'elle présentait en conséquence.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Travaillant depuis plus de 2 ans dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, Mme R... doit être indemnisée en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement à hauteur d'une somme qui ne peut être inférieure à ses salaires des 6 derniers mois en application de l'article L. 1235 -3 du code du travail dans sa version applicable au litige. Eu égard à son ancienneté, son âge au moment du licenciement, au montant de sa rémunération des 6 derniers mois (38 456 euros), aux circonstances de la rupture, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure à celle-ci (rémunération de fonctionnaire puis retraite), l'AIPEI sera condamnée à lui payer une somme de 40 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice et le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

L'AIPEI sera condamnée à verser à Mme R... la somme de 25'637 euros correspondant au délai congé de 4 mois auquel celle-ci pouvait prétendre en application de l'article 9 de l'annexe 6 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1986 applicable à la relation de travail. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

En application de l'article 10 de la même annexe 6, eu égard à son ancienneté et à son salaire de référence que la cour évalue à 6 409 euros, il est dû à Mme R... une indemnité conventionnelle de licenciement de 115'368 euros. L'AIPEI sera condamnée à lui payer cette somme et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct :

Invoquant le caractère vexatoire du licenciement, Mme R... sollicite la condamnation de l'AIPEI à lui payer une somme de 38'456 euros de dommages-intérêts mais sa demande sera rejetée à défaut pour elle de justifier du caractère vexatoire de la rupture et ce d'autant qu'elle était en arrêt de travail jusqu'au 1er septembre 2015.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal sont dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation s'agissant des condamnations de nature salariale et à compter du présent arrêt s'agissant des condamnations de nature indemnitaire.

L'AIPEI devra remettre à Mme R... un reçu pour solde de tout compte, des bulletins de salaire pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015 et une attestation Pôle emploi rectifiés conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte. La demande en ce sens sera rejetée.

Il sera fait d'office application de l'article L. 1235-4 du code du travail et l'AIPEI devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme R... dans la limite de 3 mois,

L'AIPEI sera condamnée aux entiers dépens de l'instance et la SCP Saidji et Moreau sera autorisée à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile. L'AIPEI devra également indemniser Mme R... des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en première instance à hauteur de la somme de 1500 euros et en cause d'appel à hauteur de la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme V... H... épouse R... de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la relation contractuelle entre Mme V... H... épouse R... et l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés s'analyse comme un contrat de travail relevant du droit commun,

Condamne l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés à payer à Mme V... H... épouse R... les sommes suivantes :

- 40'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 115'368 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 25'637 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 563,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 76'551,58 euros brut au titre de la liquidation du compte épargne temps,

- 3 643,10 euros au titre de l'indemnité de logement,

Dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation s'agissant des condamnations de nature salariale et à compter du présent arrêt s'agissant des condamnations de nature indemnitaire,

Ordonne à l'Association intercommunale des parents d'enfants inadaptés de remettre à Mme V... H... épouse R... un reçu pour solde de tout compte, des bulletins de salaire pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015 et une attestation Pôle emploi rectifiés conformes à la présente décision,

Condamne l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme V... H... épouse R... dans la limite de 3 mois,

Déboute Mme V... H... épouse R... du surplus de ses demandes,

Condamne l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés à payer à MmeV... H... épouse R... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 1 500 euros pour les frais exposés par elle en première instance et de 1 500 euros pour les frais exposés devant la cour,

Condamne l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés aux entiers dépens et autorise la SCP Saidji et Moreau à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/02665
Date de la décision : 16/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°18/02665 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-16;18.02665 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award