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13/01/2020 | FRANCE | N°18/15898

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 13 janvier 2020, 18/15898


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 13 JANVIER 2020



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15898 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B554F (absorbant le RG n° 18/18753)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017008621





APPELANTES



SARL [I] nouvelle dénomination de

la SARL ALMANA

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 811 781 186

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit sièg...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 13 JANVIER 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15898 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B554F (absorbant le RG n° 18/18753)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017008621

APPELANTES

SARL [I] nouvelle dénomination de la SARL ALMANA

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 811 781 186

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Représentée par Me Sébastien VICQUENAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS CHRONOPOST

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Représentée par Me Anne-Sophie CANTREL, avocate au barreau de PARIS, toque : C1505

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Sarl [I], anciennement dénommée Almana, est spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques.

La Sas Chronopost intervient dans le domaine du transport de marchandises.

La société Chronopost a conclu le 17 août 2016 avec la société Almana un contrat de transport d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction. La société Chronopost est chargée du transport de colis, depuis leur prise en charge jusqu'à la destination convenue, selon des conditions tarifaires contractuelles.

Le 16 septembre 2016, monsieur [E] [N], gérant de la société Almana, a déposé plainte pour des faits d'escroquerie et d'usurpation d'identité, expliquant avoir reçu des factures pour des achats et des envois que sa société n'aurait jamais effectués.

Par courriels des 30 novembre, 02 et 09 décembre 2016, lettres recommandées des 02 et 28 décembre 2016, la société Chronopost a fait valoir ses demandes puis mis en demeure la société Almana de payer la somme de 42'967,29 euros.

Par acte d'huissier du 02 février 2017, la société Chronopost a assigné la société Almana devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 31 mai 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

-'condamné la société Almana, devenue [I], à verser à la société Chronopost la somme de 18'340,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation';

-'ordonné la capitalisation des intérêts';

-'condamné la société Almana, devenue [I], à verser à la société Chronopost la somme de 160'euros au titre des frais de recouvrement';

-'dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

-'condamné la société Almana, devenue [I], aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de taxe sur la valeur ajoutée.

Par déclaration du 26 juin 2018, la société [I] a interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration du 24 juillet 2018, la société Chronopost a également interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 21 mars 2019, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la jonction des deux affaires sous le numéro 18/15898.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2019, la société [I], anciennement dénommée Almana, demande à la cour de':

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1231, 1231-1 à 1231-7 du code civil, l'article 700 du code de procédure civile,'

-'juger que la société [I] a été victime de faits d'escroquerie, d'usurpation d'identité et de faux et usage de faux ;

-'juger que les services facturés par la société Chronopost, dont elle sollicite le recouvrement auprès de la société [I], ont été commandés par un tiers qui a escroqué la société Chronopost ;

-'juger que la société Chronopost devait vérifier la qualité et l'identité de son client lors de la conclusion du contrat de transport du 17 août 2016 et en cours d'exécution de ce contrat ;

-'juger que la société Chronopost a été particulièrement négligente en ne réalisant aucun contrôle et en ne relevant pas des anomalies évidentes qui lui auraient permis de constater qu'elle faisait l'objet d'une escroquerie ;

-'juger que la société Chronopost ne peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent, celle-ci ne pouvant légitimement croire dans les circonstances de l'espèce qu'elle traitait avec la société [I] ;

-'juger que la société [I] n'est pas débitrice des sommes réclamées par la société Chronopost dans le cadre de son action ;

-'infirmer le jugement du 31 mai 2018 en ce qu'il a condamné la société [I] à verser à la société Chronopost la somme de 18'340,18 euros avec intérêts au taux légal, ordonné la capitalisation des intérêts, condamné la société [I] à verser à la société Chronopost la somme de 160 euros au titre des frais de recouvrement et condamné la société [I] aux dépens ;

-'débouter la société Chronopost de sa demande d'infirmation du jugement du 31 mai 2018 ;

-'débouter la société Chronopost de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

-'condamner la société Chronopost au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2019, la société Chronopost demande à la cour de':

Vu les articles 1103, 1231-1 et suivants et 1343-2 du code civil, l'article L. 441-6 du code de commerce,

-'juger recevable et bien fondée la société Chronopost en ses demandes';

-'confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré que la société Chronopost pouvait légitimement croire qu'elle traitait avec la société [I], condamné la société [I] sur le principe du paiement de la créance en principal, des frais de recouvrement et des dépens';

-'infirmer le jugement de première instance en toutes ses autres dispositions';

-'juger que la société Chronopost n'a pas fait preuve d'une quelconque négligence dans l'exécution de ses prestations';

-'juger que la créance de la société Chronopost s'élève à la somme de 42 967,29 euros au titre des factures impayées conformément à la date du relevé de compte du 2 décembre 2016';

-'débouter la société [I] de son appel incident';

-'condamner la société [I] à payer à la société Chronopost la somme en principal de 42 967,29 euros et non pas 18'340,18 euros, avec intérêts au taux de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de chaque échéance impayée jusqu'à leur paiement effectif';

-'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation';

-'condamner la société [I] à payer à la société Chronopost la somme de 240 euros et non pas 160 euros au titre des frais de recouvrement';

-'condamner la société [I] à payer la somme de 5'000 euros à la société Chronopost au titre de l'article 700 du code de procédure civile'et aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur l'existence d'un mandat apparent et le paiement des factures de la société Chronopost

La société [I] soutient qu'elle a été victime de faits d'escroquerie et d'usurpation d'identité, produisant l'ordonnance de renvoi de monsieur [V] [T] devant le tribunal correctionnel de Marseille en date du 16 avril 2019 pour des faits d'escroquerie, affaire dans laquelle elle est partie civile. La société Chronopost a conclu un contrat avec ce tiers puis exécuté des prestations de transport et facturé les services commandés en faisant preuve de négligence et en ne prenant aucune disposition pour clôturer le compte débiteur, alors que les commandes portaient sur des livraisons en Côte d'Ivoire, au Mali et au Sénégal sans lien avec l'activité de la société Almana. Almana n'a jamais procédé à un règlement et soutient que, pour se prévaloir de la théorie du mandat apparent, le tiers doit avoir vérifié la délégation de pouvoir du préposé et sa capacité à accomplir des actes juridiques, ces diligences n'ayant pas été mises en 'uvre. Elle n'a été véritablement été informée de la situation qu'en décembre 2016, à réception des courriers de la société Chronopost notifiant la fermeture du compte. Almana conclut que le mandat apparent s'apprécie au jour de l'acte.

La société Chronopost souligne que les faits d'escroquerie et d'usurpation d'identité n'ont pas fait l'objet d'une décision définitive et, dans l'hypothèse où ces infractions seraient caractérisées, [I] pourrait bénéficier de la réparation de son préjudice. Chronopost fait valoir qu'elle n'a pas fait preuve de négligence et considère que la société [I] a commis une faute en ne l'informant pas de son dépôt de plainte du 16 septembre 2016. Chronopost se prévaut de l'existence d'un mandat apparent au nom duquel elle pouvait légitimement croire qu'elle traitait avec [I]. Le nom du véritable gérant apparaissait sur le faux extrait Kbis ainsi que l'adresse courriel à son nom. Une première facture de 94,15 euros ayant été reçue par le gérant de la société [I] dès le mois de septembre 2016, il a été négligent pour n'avoir pas alerté la société Chronopost. Chronopost soutient, sur le fondement de l'article 1103 du code civil, que les services facturés à la société [I] lui étaient opposables et, sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce, que les frais de recouvrement doivent être calculés sur la base des six factures non acquittées.

Ceci étant exposé,

Il convient de rappeler que le contrat «'MyChrono PME'» produit par l'intimée est revêtu de la signature de monsieur [V] [T] en date du 18 août 2016, se désignant «'gestionnaire de commandes'», avec la mention «'bon pour accord'» et un cachet de la société Almana. Il a pour objet l'engagement de Chronopost, pour une durée d'un an renouvelable, d'acheminer des colis selon un tarif joint en annexe. La déclaration d'engagement annexée mentionne le numéro Siret de la société Almana, le nom exact de son gérant, son adresse et ses coordonnées téléphoniques et de messagerie, outre un engagement sur l'honneur «'d'avoir la capacité juridique d'engager la société'». Les coordonnées bancaires sont aux noms de la société Almana et de [V] [T] en tant que «'responsable commercial'». La facturation mensuelle est adressée à «'Almana [Adresse 2] 9 France'» avec un règlement à 30 jours.

En premier lieu, si les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, la société Almana ne justifie pas que la société Chronopost ait été négligente lors de la conclusion du contrat.

La société Almana a été la victime d'une escroquerie de la part de monsieur [V] [T], connu pour des faits d'usurpation d'identité et d'usage de faux au préjudice de nombreuses autres victimes, ce que Chronopost ne peut démentir au soutien de sa demande de mandat apparent.

Toutefois, Almana ne peut reprocher à la société Chronopost un défaut de diligences qu'elle n'a pas entreprises de son côté, ni en protégeant ses propres données personnelles, ni en l'informant au plus tôt des faits d'escroquerie dont elle estimait être la victime. En effet, si la société Almana a déposé plainte pour des faits d'escroquerie le 16 septembre 2016, au vu notamment d'une facture de 94,15 euros adressée par la société Chronopost le 14 septembre 2016, elle n'en a pas pour autant informé cette dernière, malgré la réception successive de factures les 30 septembre et 31 octobre 2016 et de demandes d'explication les 30 novembre et 02 décembre 2016, avant le 02 février 2017.

De fait, l'acceptation des informations fournies au jour du contrat a été légitime de la part de Chronopost. Compte-tenu de ses activités de transporteur de colis, les circonstances ont autorisé la société Chronopost à ne pas vérifier l'exactitude des pouvoirs de [V] [T] qui lui étaient déclarés sur l'honneur, au visa de données ayant l'apparence de la sincérité.

Il en résulte que la société Chronopost a pu valablement considérer que la société Almana était engagée par l'ensemble des documents contractuels sur le fondement du mandat apparent.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

En second lieu, la société Chronopost échoue à faire valoir qu'elle est créancière de la totalité des factures adressées à Almana, dans la mesure où elle a engagé sa propre responsabilité dans la poursuite des prestations litigieuses.

Si la société Chronopost demande le paiement total des prestations de livraison, sans faire valoir qu'elle a été la victime d'un consentement vicié intentionnellement, la cour relève qu'elle n'a pas mis en 'uvre la clause résolutoire prévue à l'article 12 du contrat, malgré l'absence de paiement des factures entre les mois de septembre et de décembre 2016. Chronopost a ainsi adressé des rappels par courriels des 30 novembre, 02 et 09 décembre 2016, puis une mise en demeure par lettres recommandées des 02 et 28 décembre 2016, alors que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, elle a fait preuve de négligence en poursuivant l'exécution de prestations impayées, restées sans réponse depuis le mois de septembre 2016. La fermeture du compte de la société Almana aurait prémuni les deux sociétés Chronopost et Almana d'une part significative des conséquences des man'uvres et mensonges de monsieur [V] [T]

De son côté, la société Almana n'a pas contribué à réduire la méconnaissance de la société Chronopost en refusant de l'informer de son dépôt de plainte le 16 septembre 2016 et en n'accusant pas réception de ses courriers et mises en demeure.

Il en résulte que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la date du 30 novembre 2016 pour arrêter les comptes entre les parties, au vu de leurs négligences respectives, et condamner la société Almana, devenue [I], à verser à la société Chronopost la somme de 18'340,18 euros, outre la somme de 160'euros au titre des frais de recouvrement de quatre factures.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef, de même en ce qu'il a établi les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et la capitalisation des intérêts.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE la société [I], anciennement dénommée Almana à payer à la société Chronopost la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [I], anciennement dénommée Almana aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/15898
Date de la décision : 13/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°18/15898 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-13;18.15898 ?
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