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13/01/2020 | FRANCE | N°18/01383

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 13 janvier 2020, 18/01383


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 JANVIER 2020



(n° 2020 / 4 , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01383 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B42PD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 16/01530





APPELANT



Monsieur [H], [C], [W] [O]

né le [Date

naissance 3] 1962 à [Localité 14] (57)

De nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]



représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 13 JANVIER 2020

(n° 2020 / 4 , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01383 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B42PD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 16/01530

APPELANT

Monsieur [H], [C], [W] [O]

né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 14] (57)

De nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 et plaidant par Me Michel BOHBOT, AARPI RADIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B 213

INTIMÉES

LA CPAM DES ARDENNES représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

défaillante

LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, représenté par son Directeur Général domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée et plaidant par Me Laure FLORENT de l'AARPI FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0549

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport et Mme Clarisse GRILLON, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Clarisse GRILLON, Conseillère

Mme Anne DUPUY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Laure POUPET, greffière présente lors du prononcé.

******

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 13 juillet 2012 à [Localité 8], M. [H] [O], né le [Date naissance 3] 1962 et alors âgé de 49 ans, a été victime d'un accident corporel de la circulation dans les circonstances suivantes : alors qu'il traversait la chaussée pour se rendre à son cabinet de chirurgie dentaire, il a été renversé par une motocyclette qui a pris la fuite.

Par ordonnance de référé du 9 septembre 2014, le docteur [Y] a été désigné en qualité d'expert pour examiner M. [O]. L'expert a clos son rapport le 12 juin 2015.

Par jugement du 30 novembre 2017 (instance n° 16/01530), le tribunal de grande instance de Créteil a :

dit que M. [H] [O] a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de l'accident dont il a été victime le 13 juillet 2012,

dit que le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est tenu d'indemniser M. [H] [O] à ce titre,

condamné le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer M. [O] une indemnisation totale de 518 340,01 €, se décomposant comme suit :

$gt; 13 756,92 € au titre des frais divers,

$gt; 460 231,49 € au titre des pertes de gains professionnels actuels,

$gt; 10 000 € au titre de l'incidence professionnelle,

$gt; 3 111,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

$gt; 7 000 € au titre des souffrances endurées,

$gt; 1 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

$gt; 19 740 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

$gt; 500 € au titre du préjudice esthétique permanent,

$gt; 3 000 € au titre du préjudice d'agrément,

rejeté toute autre demande formulée par M. [H] [O] au titre de son préjudice corporel,

rejeté la demande de sursis à statuer sur le poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuels formée par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

rejeté la demande d'expertise comptable formée par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

condamné le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [H] [O] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que chaque partie conservera la charge des dépens dont elle a fait l'avance.

Sur appel interjeté par déclaration du 8 janvier 2018, et selon dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2019, M. [H] [O] demande à la cour de :

confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu le droit à indemnisation intégrale des préjudices subis,

infirmer le jugement attaqué sur l'évaluation des préjudices et, statuant à nouveau à titre principal, condamner le FGAO à lui payer la somme de 4 326 926,33 €,

débouter le fonds de garantie de l'intégralité de ses demandes,

subsidiairement, sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle, désigner un expert-comptable avec mission de donner son avis sur l'existence et le montant des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle subis par M. [O] du fait de l'accident,

condamner le FGAO à lui payer une provision de 1 000 000 € à valoir sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle,

en tout état de cause,

condamner le fonds de garantie des assurances obligatoires à lui payer une somme de 30 000 € au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

déclarer l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes.

Selon dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2019, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à constater l'erreur commise concernant un déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % pendant 40 jours alors que l'expert n'avait pas retenu un tel préjudice,

en conséquence, dire et juger que M. [H] [O] sera indemnisé du préjudice découlant de l'accident de la circulation dont il a été victime le 13 juillet 2012 par l'allocation des sommes détaillées ci-après,

dire et juger qu'en l'état M. [H] [O] a déjà perçu la somme de 184 710,35 € qu'il conviendra de déduire,

ramener à de plus justes proportions l'indemnité qui pourrait être allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouter M. [H] [O] du surplus de ses demandes,

dire et juger que les dépens ne sont pas pris en charge par le fonds de garantie conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

La caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée le 21 mars 2018 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir par courrier du 2 février 2017 que le décompte définitif des prestations servies à M. [O] ou pour son compte s'est élevé à la somme de 15 702,48 € exclusivement à titre de prestations en nature.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 novembre 2019.

Sur demande de la cour, M. [O] a adressé en cours de délibéré ses avis d'impôt sur le revenu pour les années 2017 et 2018.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Les prétentions des parties peuvent être récapitulées comme suit :

jugement

demandes

offres

préjudices patrimoniaux

temporaires

- frais divers

13 756,92 €

17 825,08 €

13 756,92 €

- perte de gains professionnels

460 231,49 €

782 821,99 €

460 231,49 €

permanents

- frais d'entretien du jardin

99 376,56 €

0,00 €

- perte de gains prof. futurs

0,00 €

2 458 417,00 €

0,00 €

- incidence professionnelle

10 000,00 €

919 650,00 €

10 000,00 €

préjudices extra-patrimoniaux

temporaires

- déficit fonctionnel temporaire

3 111,60 €

4 235,70 €

3 015,60 €

- souffrances endurées

7 000,00 €

9 500,00 €

7 000,00 €

- préjudice esthétique temporaire

1 000,00 €

1 000,00 €

- préjudice sexuel temporaire

0,00 €

1 500,00 €

0,00 €

permanents

- déficit fonctionnel permanent

19 740,00 €

21 600,00 €

19 740,00 €

- préjudice esthétique permanent

500,00 €

2 000,00 €

500,00 €

- préjudice d'agrément

3 000,00 €

10 000,00 €

3 000,00 €

- totaux

518 340,01 €

4 326 926,33 €

518 244,01 €

Le docteur [Y], expert, a émis l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par M. [O] :

- blessures provoquées par l'accident : entorse grave du poignet gauche sans fracture, entorse grave de l'articulation trapézo-métacarpienne du pouce gauche avec fracture du trapèze non déplacée chez une victime droitière avec une tendance ambidextre ayant nécessité la pose d'une prothèse, état mixte anxieux et dépressif,

- décompensation du fait de l'accident d'une rhizarthrose qui est une arthrose entre le trapèze et la base du 1er métacarpien pré-existante à gauche qui était bien tolérée tant pour ses activités professionnelles que personnelles,

- apparition d'une tendinopathie de Quervain qui n'est pas une lésion imputable au traumatisme du 13 juillet 2012,

- réserve sur le rôle causal de l'accident sur l'apparition et l'évolution de la maladie de [X] développée dans la paume de main gauche en mai 2013 puis dans la paume de main droite chez un patient diabétique depuis 10 ans,

- déficit fonctionnel temporaire :

début de période

13/07/2012

taux déficit

fin de période

28/08/2012

47

jours

50%

fin de période

23/09/2012

26

jours

25%

fin de période

16/12/2012

84

jours

15%

fin de période

18/12/2012

2

jours

100%

fin de période

31/01/2013

44

jours

25%

fin de période

25/03/2013

53

jours

15%

fin de période

24/04/2013

30

jours

40%

fin de période

01/09/2013

130

jours

15%

fin de période

22/11/2013

82

jours

30%

fin de période

01/01/2014

40

jours

15%

- souffrances endurées (physiques, psychiques ou morales) : 3,5/7,

- préjudice esthétique temporaire du 13 juillet 2012 au 13 février 2013: 1/7,

- préjudice sexuel transitoire de 6 mois à dater du traumatisme,

- consolidation fixée au 1er janvier 2014 (à l'âge de 51 ans),

- nécessité d'un suivi psychiatrique d'un an à dater de la consolidation avec consultation gastrique mensuelle,

- incidence professionnelle : répercussions dans l'exercice de l'activité de chirurgien dentiste,

- déficit fonctionnel permanent : 12 % (8 % pour les séquelles à la main gauche et 4 % pour l'atteinte psychique),

- 33 % des séquelles sont en rapport avec l'accident (en raison de la pathologie préexistante),

- préjudice esthétique permanent : 0,5/7,

- préjudice d'agrément pour la pratique du tennis, du cyclisme et jardinage et gêne pour la pratique de la cuisine.

A titre liminaire, il sera observé que le tribunal a jugé que le droit de M. [O] à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une rhizarthrose préexistante gauche, sans manifestation externe jusqu'alors et qui a fait l'objet dune décompensation après l'accident.

Les parties ne contestent pas le jugement sur ce point.

Au vu de ces éléments et des pièces produites par les parties, le préjudice corporel de M. [O] sera indemnisé comme suit.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* frais divers

Les parties acquiescent aux indemnisations allouées en première instance au titre des honoraires de médecin conseil (13 052,92 €) et des frais de déplacement (704 €).

Elles s'opposent sur la demande d'indemnisation de frais d'entretien du jardin présentée par M. [O] à hauteur de 4 068,16 €, dont le FGAO demande le rejet en confirmation du jugement, le premier juge ayant considéré que M. [O] ne démontrait pas qu'il procédait lui-même à l'entretien de son jardin avant l'accident, ni qu'un autre membre de sa famille ne serait pas en mesure de procéder au dit entretien.

M. [O] justifie qu'il est propriétaire depuis 2011 d'une maison d'habitation avec un jardin d'une superficie de 900 m² et qu'il ne peut plus effectuer de travaux de jardinage en raison des séquelles de son poignet et de sa main gauches ainsi que l'a admis l'expert judiciaire, alors qu'il ressort des attestations des membres de sa famille et d'un ami qu'il s'occupait seul de la tonte du gazon, de la taille des arbustes et des plantations de son jardin d'agrément et d'un petit potager. Ces attestations sont corroborées par les témoignages de deux salariés de jardinerie qui déclarent que M. [O] a cessé à compter de son accident de venir se fournir chez eux en plantes et autres arbustes pour la création des massifs de son jardin qu'il dessinait et dont il s'occupait lui-même et qu'il aimait partager sa passion du jardinage.

L'expert a considéré qu'il ne pouvait plus pratiquer le jardinage.

M. [O] soutient à bon droit qu'il n'incombe pas à un autre membre de sa famille de supporter les conséquences de son incapacité à jardiner et justifie qu'il a fait appel à un prestataire de service à compter de juillet 2012. Ce préjudice est distinct de la perte du plaisir de jardiner indemnisée au titre du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d'agrément et il sera relevé qu'aucune réclamation n'est faite au titre de l'assistance par une tierce personne. Au vu des attestations produites par le prestataire de service, les frais d'entretien du jardin seront retenus pour le montant réclamé de 4 068,16 €.

Ce poste de préjudice s'élève donc à la somme de 17'825,08 €, en infirmation du jugement.

* perte de gains professionnels actuels

Le tribunal a rejeté la demande d'expertise comptable sollicitée par le FGAO et a considéré que M. [O], chirurgien dentiste exerçant à titre libéral, ne justifiait pas d'une perte de chiffre d'affaires au titre de l'activité d'implantologie non encore commencée en 2012. Il en a déduit qu'une éventuelle perte de chance de développer sa clientèle relevait de l'incidence professionnelle et a retenu un bénéfice annuel moyen de 406 885 € calculé sur les années 2009, 2010 et 2011. Considérant que M. [O] a été en arrêt de travail pendant 13 mois et a travaillé à mi-temps pendant 3 mois, il a fixé la perte de gains professionnels actuels à la somme de 460 231,49 € après imputation des indemnités journalières et des sommes au titre de l'incidence professionnelle versées par la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages-femmes (la CARCSDF).

M. [O] fonde sa demande sur le rapport d'expertise extra-judiciaire et non contradictoire qu'il a fait établir par M. [F], inscrit sur la liste des experts judiciaires près les cours d'appel de Reims et Nancy, rapport clos le 27 septembre 2018 et actualisé le 20 juillet 2019.

Il fait valoir que la cour peut s'appuyer sur l'avis de cet expert puisque son rapport est soumis à la contradiction et ne constitue pas le seul justificatif de son préjudice. Il ajoute qu'il existe un consensus unanime en matière d'expertise comptable pour calculer la perte de revenus non pas à partir du bénéfice mais essentiellement à partir de la perte de marge sur coûts variables pour le calcul de laquelle le chiffre d'affaires n'est qu'un des paramètres exploités.

Il expose que M. [F] a chiffré sa perte de gains professionnels actuels à la somme de 782 821,99 € selon la méthode suivante :

1° - différence, pour chacun des exercices 2012 et 2013, entre les honoraires qu' il aurait perçus sans la survenance de l'accident et les honoraires effectivement perçus par lui, étant précisé que :

$gt; pour l'activité classique de dentisterie, il est retenu un montant annuel d'honoraires de 830 000 € correspondant aux honoraires annuels effectivement perçus en 2010 et 2011,

$gt; pour l'activité d'implantologie, il est retenu un montant annuel d'honoraires de 76 850 € correspondant à la moyenne des honoraires effectivement perçus de 2014 à 2017 (montant annuel compté pour moitié pour l'année 2012 - soit 38 425 € - compte tenu de la date prévue de commencement de cette activité au second semestre 2012, sans la survenance de l'accident), étant précisé :

- que le préjudice subi ne consiste pas en une perte de chance d'avoir pu exercer éventuellement cette activité complémentaire d'implantologie,

- mais qu'il consiste en un retard dans la perception d'honoraires attendus à partir du second semestre 2012, étant précisé que, d'une part, au moment de l'accident (13 juillet 2012), l'installation du bloc opératoire dédié à l'implantologie était en cours d'achèvement, et que, d'autre part, il avait suivi une formation spécialisée d'implantologie entre avril et décembre 2011,

2° - application, sur la différence entre les honoraires attendus et ceux effectivement perçus, du taux de marge sur coûts variables, conformément à la méthode usuelle en expertise comptable, fixé par l'expert à 76,77 % compte tenu d'un taux de charges variables évalué à 23,23 %,

3° - déduction, pour l'année 2013, d'une économie de charges de 30 412 €,

4° - imputation des indemnités journalières versées par la CARCSDF pour un montant de 28 692,01 €, sans tenir compte de la somme complémentaire de 2 728 € versée par cet organisme à titre, non pas d'indemnités journalières, mais de points de retraite attribués gratuitement, non imputables sur le poste de perte de gains professionnels actuels.

A titre subsidiaire, il sollicite une expertise comptable.

En réplique, le FGAO conclut à la confirmation de l'indemnité de 460 231,49 € allouée en première instance, en faisant valoir :

- que le rapport extra-judiciaire n'est pas contradictoire et doit être écarté aux motifs que la méthode de l'expert [F], fondée sur la prise en compte des chiffres d'affaires, ne saurait être retenue et qu'il se prononce sur des notions juridiques qui ne sont pas de sa compétence comme l'exclusion de toute notion de perte de chance d'exercer l'activité d'implantologie,

- qu'en premier lieu, le revenu de référence doit être déterminé selon les revenus imposables déclarés par M. [O], soit un montant annuel de 406 885 € correspondant à la moyenne des trois exercices 2009 à 2011 ayant précédé l'année de l'accident, ou un montant mensuel de 33 907 €,

- que l'expert extra-judiciaire [F] a noté que le développement de l'activité d'implantologie aurait nécessairement mis un frein à celle de dentisterie puisque le temps de travail de M. [O] ne saurait être décuplé, de sorte que le tribunal a exactement retenu qu'il ne rapporte pas la preuve d'une perte de chiffre d'affaires liée à l'activité d'implantologie,

- qu'en second lieu, le tribunal a retenu qu'à la suite de l'accident, M. [O] a été en arrêt de travail durant 13 mois et a repris son activité à mi-temps durant 3 mois, de sorte que la période indemnisable équivaut à 14,5 mois,

- que le préjudice doit être liquidé comme suit, après imputation des prestations versées par la CARCSDF pour un montant total de 31 420,01 € : (33 907 € x 14,5 mois) - 31 420,01 € = 460 231,49 €.

$gt; sur la prise en compte de l'expertise comptable non contradictoire effectuée à l'initiative de M. [O]

M. [O] chiffre son préjudice, au vu du rapport d'expertise comptable qu'il a fait réaliser en cours de procédure d'appel, en faisant valoir que le chiffrage est inférieur à celui de son expert-comptable produit en première instance, qu'il avait sollicité la mise en place d'une expertise comptable amiable dès le 22 novembre 2013 mais que le FGAO n'y avait pas répondu et qu'il n'a sollicité une expertise comptable en première instance qu'à titre subsidiaire et qu'il ne la réclame plus en cause d'appel.

Le FGAO fait valoir qu'après avoir refusé l'organisation d'une expertise comptable judiciaire en première instance, M. [O] produit devant la cour d'appel une expertise comptable établie de manière non contradictoire sur la base de laquelle il réclame la liquidation de son préjudice alors que lui-même a toujours montré sa volonté de discuter amiablement et contradictoirement.

L'intimé souligne à raison que cette expertise n'a pas été réalisée de manière contradictoire. Elle a cependant été régulièrement versée aux débats en cause d'appel et soumise à la discussion des parties et peut être prise en compte dès lors qu'elle est corroborée par d'autres éléments de preuve produits par l'appelant, notamment des factures de travaux, des commandes d'implants et ses déclarations d'impôt 2035 auxquelles sont annexées des comptes de résultat fiscaux.

$gt; sur la durée des arrêts de travail

Les parties s'accordent pour dire que pendant cette période de 18 mois, M. [O] a été en arrêt de travail :

- du 13/07/2012 au 23/09/2012

- du 20/10/2012 au 11/11/2012

- du 29/11/2012 au 30/04/2013 (période au cours de laquelle M. [O] a eu trois remplaçants trois fois par semaine)

- du 11/06/2013 au 30/06/2013

- du 11/07/2013 au 01/01/2014.

Ces arrêts de travail ont duré près de 15 mois et durant les périodes intercalaires soit pendant 94 jours, l'expert a relevé que M. [O] avait eu une activité réduite de 50 % par rapport à son activité habituelle.

$gt; sur l'activité d'implantologie

M. [O] soutient qu'il devait débuter une activité d'implantologie qui aurait considérablement augmenté ses revenus au second semestre 2012 sans en préciser la date. Pour en justifier, il produit, d'une part, une attestation de formation de 18 heures à l'université de [Localité 10] en mai 2011 et une attestation de "formation complète en chirurgie et prothèse implantaire" de 10 jours à [Localité 12] sur la période de mars à décembre 2011, ainsi que des factures de réalisation de plans et de travaux d'agencement du cabinet dentaire de juin et septembre 2012, d'installation d'une climatisation dans un bloc opératoire du 24 août 2012 et d'achat et installation de matériel dentaire à visée chirurgicale en date du 15 octobre 2012.

Si la réalité de l'aménagement d'un bloc chirurgical destiné à la pratique de l'implantologie n'est pas contestable, ces documents démontrent que l'activité ne pouvait commencer au début du second semestre 2012, comme soutenu, et ne permettent pas de fixer la date à laquelle ce bloc opératoire est devenu ou aurait dû devenir opérationnel, alors qu'il ressort des pièces produites que M. [O] avait souscrit un emprunt (ou crédit-bail) pour le financement de ces travaux et l'achat de matériel et de l'attestation produite en pièce n°180 que ce bloc opératoire n'a été inauguré qu'en mai 2014, étant rappelé que M. [O] n'a pu reprendre son activité qu'en janvier 2014.

A défaut de précisions supplémentaires, notamment sur la prise des premiers rendez-vous en vue de la pose d'implants, il est déduit des seuls documents produits que cette activité aurait raisonnablement pu commencer à compter du 1er janvier 2013. La perte de gains professionnels à ce titre doit être prise en compte à compter de cette date et jusqu'à la date de consolidation fixée au 1er janvier 2014, la perspective du gain à ce titre étant réelle puisque le démarrage de cette activité pour laquelle M. [O] s'était formé devait se faire dès l'achèvement des travaux relatifs au bloc opératoire et a seulement été retardée par la survenue de l'accident, et ne s'analyse pas en une perte de chance de percevoir des revenus supplémentaires comme l'a retenu à tort le premier juge.

$gt; sur le calcul de la perte de gains

Le calcul de la perte de revenus ne peut être effectué sur la seule base des revenus soumis à impôt de M. [O] avant l'accident, puisque, d'une part, elle ne permet pas de prendre en compte les revenus qu'il aurait tirés du développement de cette activité d'implantologie et que, d'autre part, les gains manqués, s'agissant de l'exercice d'une profession libérale, sont constitués de la perte d'honoraires de laquelle doivent être déduits les charges variables qui auraient dû être engagées (marge sur coûts variables) et les frais fixes éventuellement réduits du fait du dommage, comme l'a admis l'expert [F] interrogé par M. [O].

Les honoraires de M. [O] ont été de 682 418 € en 2009, 829 284 € en 2010 et 829 934 € en 2011. Il sera donc retenu un honoraire annuel moyen de référence de 780 545 € au titre de son activité de chirurgie dentaire classique.

S'agissant des honoraires provenant de l'activité d'implantologie, le cabinet Vaution, expert-comptable de M. [O], a extrait des recettes de l'année 2014 les recettes au titre de cette nouvelle activité débutée en mai pour un montant de 58 760 € qui rapportée sur 12 mois aurait pu atteindre la somme de 88 140 €. M. [O] calcule une moyenne annuelle de recette auxquelles il aurait pu prétendre dès 2013 sur les 4 exercices 2014, 2015, 2016 et 2017 à la somme de 76 850 € [(58 760 + 63 884 + 89 370 + 95 387) /4] laquelle sera retenue.

Les honoraires qu'il aurait dû percevoir s'élèvent donc à la somme de 859 395 €, dont il convient de déduire les honoraires effectivement perçus pour un montant de 151 896 € et les honoraires rétrocédés aux remplaçants pour un montant de 11 250 €, de sorte que la perte d'honoraires s'élève à la somme de 696 249 €.

S'agissant des charges variables à déduire, l'expert [F] a retenu de manière pertinente les marchandises achetées ainsi que les frais kilométriques, l'eau, l'électricité et le gaz, les frais de blanchissage et les frais postaux. Le pourcentage moyen de ces charges au titre des années 2009, 2010 et 2011 s'élève à 23,43 %, soit un taux de marge sur coûts variables de 76,57 % (100 - 23,43).

La perte de marge sur coût variables s'élève donc à la somme de 533 117,86 €.

L'expert mandaté par M. [O] a également déduit à juste titre l'économie de charges sociales après avoir calculé les charges théoriques à la somme de 99 246 € en tenant compte d'un décalage de paiement d'une année et en faisant la moyenne des charges payées en 2010, 2011 et 2012 dont il a déduit les charges effectivement payées en 2013 soit la somme de 68 834 € pour retenir une économie de 30 412 €.

La perte de gains professionnels actuels, après déduction de cette économie de charges et imputation des indemnités journalières versées par la CARCSDF pour un montant de 28 692,01 €, sans tenir compte de la somme complémentaire de 2 728 € versée par cet organisme à titre de points de retraite attribués gratuitement ainsi qu'il ressort de l'attestation produite, est fixée à la somme de 474 013,85 €, en infirmation du jugement.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

* frais d'entretien du jardin

M. [O] fait valoir :

- que le docteur [Y] a retenu qu'il présente, après consolidation, une perte de force notable tant de la force de serrage globale que surtout de la pince pouce index, ainsi qu'une limitation notable de la mobilité du pouce gauche et une limitation plus limitée de la mobilité du poignet gauche,

- que ces lésions rendent impossible l'entretien du jardin alors qu'il justifie par des attestations qu'il y procédait lui-même.

Il demande une indemnisation des dépenses qu'il a dû engager à ce titre à partir de 2014 à hauteur de 12 503 € pour les années 2014 à 2017 (2 800 + 2 661 + 2 545 + 4 497), d'un montant de 2 701,50 € pour l'année 2018 et d'un montant de 84 172,06 € pour la période future, correspondant à un coût annuel de 3 599,25 € capitalisé de manière viagère selon l'euro de rente d'un homme de 56 ans, avec application du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais le 28 novembre 2017, soit un montant total de 99 376,56 €.

Le FGAO conclut à la confirmation du rejet de ce chef de demande pour les motifs retenus par le tribunal, en ce que :

- d'une part, il n'est pas démontré que M. [O] procédait lui-même à l'entretien de son jardin avant l'accident ni qu'un autre membre de sa famille ne serait en mesure de procéder au dit entretien,

- d'autre part, la seule mention du jardinage figurant dans le rapport d'expertise médicale est rattachée aux répercussions de l'accident dans l'exercice des activités spécifiques sportives ou de loisirs de la victime qui relèvent donc du préjudice d'agrément.

La demande apparaît fondée en son principe pour les mêmes motifs que ceux retenus au titre des frais divers.

Elle est également justifiée pour la période de 2014 à 2017 au vu des pièces émanant du prestataire ayant effectué lesdits travaux de jardinage pour le montant réclamé de 12 503 €.

L'augmentation du coût des travaux pour l'année 2017 s'explique par la réalisation biennale de la taille des arbres (cyprès) devenue nécessaire, compte tenu de leur hauteur et de l'obligation de respecter le voisinage (pièce n° 178).

Cette dépense doit être intégrée au calcul de la dépense viagère annuelle à compter de la prochaine taille soit l'année 2019 selon le calcul suivant :

- dépense moyenne sur les années 2013 à 2016 : (2 800 + 2 800 + 2 661 + 2 545) /4 = 2 701,50 €,

- taille biennale : 1 795,50 € (4 497 - 2 701,50) soit 897,75 € par an,

- dépense annuelle à compter de 2019 : 2 701,50 + 897,75 = 3 599,25 €.

La dépense au titre de l'année 2018 sera retenue pour un montant de 2 701,50 € et celle à compter de 2019 capitalisée comme suit : 3 599,25 x 23,386* = 84 172,06 €.

* euro de rente viagère d'un homme 56 ans selon le barème Gazette du Palais de novembre 2017.

Ce poste de préjudice est donc fixé à la somme de 99 376,56 €, en infirmation du jugement.

* perte de gains professionnels futurs

Le tribunal a débouté M. [O] de sa demande en faisant valoir qu'il a repris son activité antérieure en janvier 2014 et y a ajouté celle d'implantologie et que ses revenus non commerciaux ont connu une augmentation au cours des années 2013, 2014 et 2015, de sorte qu'aucune perte de gains professionnels futurs n'est établie.

M. [O] fait valoir :

- que doit être indemnisée la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle il est confronté dans sa sphère professionnelle à la suite du dommage,

- que les gênes et douleurs persistant après la consolidation de son état ont rendu les gestes techniques plus difficiles et plus longs dans leur exécution et ont ralenti son activité professionnelle, de sorte qu'il n'a plus été capable, à temps équivalent, de traiter le même nombre de patients qu'avant l'accident,

- que l'augmentation de son temps de travail s'est faite au-delà de ses capacités physiques et a généré une recrudescence des douleurs sur le poignet blessé avec apparition d'un syndrome d'épuisement qui a conduit à un arrêt de travail de trois semaines en 2016,

- qu'ainsi, ses chiffres d'affaires et résultats réalisés à partir de 2014 ont été inférieurs à ceux de 2011, dernière année antérieure à l'accident, et se sont même effondrés,

- que conformément au rapport d'expertise de M. [F], sa perte de gains professionnels, pour une première période de 2014 à 2018, s'élève à 855 712 €, selon la même méthode d'évaluation que pour la perte de gains professionnels actuels, avec une revalorisation annuelle,

- que pour la période de 2019 à 2029, l'expert [F] a retenu une perte d'exploitation annuelle de 159 188 €, induisant un préjudice de 1 602 705 € par capitalisation temporaire de l'âge de 57 ans à celui de 67 ans (âge de départ prévisible en retraite), avec application du barème publié par la Gazette du Palais en novembre 2017 au taux de 0,50 %.

En réplique, le FGAO conclut à la confirmation du rejet de la demande pour absence de préjudice indemnisable, en faisant valoir :

- que M. [O] n'a subi aucune perte de patientèle,

- que le docteur [Y], expert médical, a indiqué que M. [O] avait repris son activité de chirurgien-dentiste depuis le 2 janvier 2014 et qu'à partir de septembre 2014, il travaillait sans discontinuité et sans semaine de vacances supplémentaire,

- que ses revenus ont augmenté au cours des années 2013, 2014 et 2015.

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle, du fait du dommage, après la consolidation de son état de santé.

Il appartient à la victime de rapporter la preuve d'une diminution de ses revenus et de son imputabilité aux séquelles de l'accident et à l'incapacité permamente qui en résulte.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. [O] justifie d'une perte de revenus depuis l'accident du 13 juillet 2012 puisque :

- ses honoraires et son résultat d'exploitation (correspondant au bénéfice déclaré) ont été les suivants :

2014

2015

2016

2017

2018

honoraires

610 948 €

755 283 €

676 602 €

626 677 €

528 245 €

résultat

238 758 € 

357 210 €

221 589 €

110 686 €

170 395 €

- alors qu'ils étaient pour la période antérieure à l'accident de :

2009

2010

2011

honoraires

682 418 €

829 284 €

829 934 €

résultat

359 640 € 

467 347 €

391 794 €

L'expert judiciaire [Y] a relevé une perte de force notable tant de la force de serrage globale à raison de 12 kp à gauche contre 28 à droite, que de la pince pouce index à raison de 6 kp à gauche contre 17 à droite, et a fixé le taux de déficit fonctionnel permanent à 12 %, dont 8 % pour les séquelles à la main gauche et 4 % pour l'atteinte psychique.

Il n'a retenu aucune inaptitude à l'exercice par M. [O] de son activité professionnelle mais une pénibilité accrue puisqu'il a conclu ainsi : "M. [O] a repris son activité de chirurgien dentiste depuis le 2 janvier 2014, activité qu'il exerce toujours à ce jour sans discontinuité. A partir de septembre 2014, il travaille sans discontinuité et sans semaine de vacances supplémentaires. Il a pu reprendre l'implantologie mais il nous dit qu'il est gêné dans l'exercice de sa profession avec une pénibilité accrue et la nécessité d'une aide plus importante de son assistante pour les gestes techniques. Il nous dit qu'il est plus lent ce qui retentit sur son activité professionnelle."

Pour justifier de sa lenteur d'exécution, M. [O] soutient qu'il n'a plus été capable, à temps équivalent, de traiter le même nombre de patients qu'avant l'accident, qu'il est systématiquement donné des rendez-vous d'au moins 30 minutes comme le montrent clairement les agendas papier produits aux débats, qu'il a désormais besoin en permanence de son assistante au fauteuil à ses côtés, qu'il est dans l'incapacité de tenir le rythme de travail antérieur et, a fortiori, de continuer à se former au même rythme qu'auparavant, qu'il ne peut prendre plus de 3 semaines de congé et qu'il a dû augmenter son temps de travail de deux heures par jour en moyenne les lundi, mardi, mercredi, vendredi en travaillant entre 12 h et 14 heures.

M. [O] ne donne aucune justification chiffrée d'une diminution du nombre de patients reçus par jour et les quelques pages de ses agendas produites de 2009 à 2019 ne démontrent pas que le nombre de ses patients ait baissé de manière significative ni que les rendez-vous soient passés d'un 1/4 d'heure à une 1/2 heure alors que certains rendez-vous avant l'accident pouvaient être notés pour une 1/2 heure et que d'autres rendez-vous après l'accident sont notés pour 1/4 d'heure. En outre, l'activité d'implantologie est de nature à justifier d'une durée plus longue des rendez-vous.

Par ailleurs, il apparaît que le premier rendez-vous a continué d'être pris à 9 heures et le dernier à 19 heures, ce qui n'est pas de nature à justifier l'allégation de ses enfants selon laquelle il rentrait vers 21h-21h30 à son domicile, qu'il a continué à ne pas travailler le jeudi toute la journée et à écourter son après-midi de travail le mardi, qu'il travaillait déjà entre midi et 14 heures le mardi avant l'accident et qu'il a continué à le faire après et que s'agissant des autres jours, la prise de rendez-vous pendant l'heure du déjeuner est restée marginale et s'est souvent accompagnée en contre-partie d'un arrêt plus tôt dans la journée.

Si l'expert [F] écrit (page 9 de son rapport) que M. [O] a été contraint de recourir à une aide plus importante et qu'à cet effet, un salarié a été employé, force est de constater que cette embauche n'est datée que de décembre 2017 et qu'elle concerne, selon lui, les tâches comptables et de secrétariat qu'il accomplissait personnellement jusque-là (rédaction des courriers, classement, préparation des pièces de comptabilité, etc), M. [O] ayant embauché son fils [P], étudiant à [Localité 13], comme secrétaire technique à partir du mois de novembre 2017 pour 67 heures par mois, en télé-travail la semaine et physiquement les week-end.

Contrairement à ses dires, la lecture des grands livres des comptes généraux pour l'année 2018 (pièce n° 194) démontre que M. [O] a pu dégager du temps pour se former puisqu'il a assisté dans l'année à divers congrès à [Localité 12], [Localité 11], [Localité 9] mais aussi au VietNam et au Mexique.

Les attestations des clients selon lequelles le délai pour obtenir un rendez-vous s'est allongé ne sont pas suffisantes à caractériser un allongement du temps des soins puisque ce délai peut aussi avoir pour cause la pénurie de chirurgiens dentistes à [Localité 8], l'expert [F] citant à cet égard une étude de l'observatoire des métiers dans les professions libérales de juillet 2012 décrivant une baisse de la densité des praticiens déjà amorcée en 2006, laquelle devrait s'amplifier si l'hypothèse la plus extrême d'une baisse de 45 % du nombres des chirurgiens dentistes pour la période 2006-2030 se confirmait.

M. [O] soutient encore que l'augmentation du temps de travail s'est faite très au-delà de ses capacités physiques et a généré une recrudescence des douleurs sur le poignet blessé avec des effets dévastateurs sur son état de santé général et l'apparition d'un syndrome d'épuisement qui a conduit à un arrêt de travail en 2016. Or la lecture des pièces produites (pièces n° 140 à 142) démontrent que l'arrêt de travail de trois semaines n'est pas caractéristique d'une situation d'épuisement et surtout qu'il est principalement dû à la réapparition de la tendinopathie de Quervain au niveau du poignet, dont l'expert a estimé qu'elle n'était pas imputable à l'accident.

Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence de la perte de résultat d'exploitation depuis 2016 puisque celle-ci peut relever en grande partie de choix stratégiques de M. [O] de nature à faire évoluer de façon significative son revenu disponible d'une année sur l'autre.

Dès lors, M. [O] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité direct, certain et exclusif, ou même seulement partiel, entre la perte annuelle d'honoraires subie depuis la consolidation et les séquelles de l'accident. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

* incidence professionnelle

Le tribunal a estimé qu'elle était caractérisée par une augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'il a indemnisée par l'octroi d'une somme de 10 000 € et a exclu toute perte de chance de développer l'activité d'implantologie puisque celle-ci s'est effectivement développée.

M. [O] demande une indemnisation globale de 919 650 € pour les quatre composantes suivantes de l'incidence professionnelle :

1° - perte de droits de retraite pour un montant de 105 537 €, selon une simulation établie par la caisse CARCDSF sur les bases :

$gt; d'un départ en retraite à l'âge de 67 ans,

$gt; d'une différence de revenus annuels de 400 000 € avant l'accident et de 110 687 € après l'accident,

2° - perte de revenus après retraite pour un montant de 636 752 € correspondant à la perte du bénéfice du cumul emploi-retraite, sur les bases du maintien d'un emploi à mi-temps exercé durant 8 ans, de 67 à 75 ans,

3° - frais financiers induits par la restructuration des emprunts bancaires personnels et professionnels de M. [O], imposée par sa baisse de revenus pour un montant de 27 361 €,

4° - pénibilité accrue, dégradation des conditions de travail et dévalorisation professionnelle en raison des séquelles, et notamment de la perte de force de la main gauche, pour un montant de 150 000 €.

En réplique, le FGAO qualifie la demande de M. [O] de "manifestement exorbitante" et conclut à la confirmation de l'indemnisation de 10 000 € allouée en première instance au titre de l'augmentation de la pénibilité dans l'emploi qu'occupait la victime avant l'accident.

L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à la nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, la perte de revenus imputables à l'accident pouvant avoir une incidence sur le montant de la pension auquel elle pourra prétendre au moment de sa prise de retraite.

La victime étant déboutée de sa demande au titre de sa perte de gains professionnels futurs ne peut réclamer de perte de droits de retraite ni de perte de revenus après retraite. Les frais financiers dont elle réclame le remboursement, à supposer qu'ils puissent être indemnisés au titre de l'incidence professionnelle, ne sont pas en lien de causalité directe et certaine avec les séquelles de l'accident et il ne peut être fait droit à la demande de remboursement les concernant.

M. [O] justifie seulement d'une pénibilité accrue dans l'exercice de sa profession, qui constitue une dégradation de ses conditions de travail et non une dévalorisation professionnelle.

Compte tenu des séquelles retenues par l'expert, de son âge à la consolidation (51 ans) et du fait qu'exerçant une profession libérale et n'ayant commencé à travailler qu'à 30 ans, il ne prendra pas sa retraite avant l'âge de 67 ans, cette pénibilité au travail sera indemnisée par l'octroi d'une somme de 100 000 €, en infirmation du jugement.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

* déficit fonctionnel temporaire

M. [O] sollicite, sur la base de 26 € par jour, la somme de 3 267,20 € au titre d'un déficit fonctionnel temporaire physique, selon les conclusions de l'expert [Y], et celle de 968,50 € au titre d'un déficit fonctionnel temporaire psychique selon les conclusions du médecin psychiatre [N] du 9 février 2014.

Le FGAO offre une indemnité de calculée sur la base de 24 € telle que retenue par les premiers juges. Il fait valoir :

- que le tribunal a commis une erreur en retenant un déficit fonctionnel partiel à 10 % pendant 40 jours alors que l'expert n'avait pas retenu un tel préjudice,

- que M. [O] ne saurait réclamer l'indemnisation d'une part, d'une gêne temporaire fonctionnelle et d'autre part, d'une gêne temporaire psychique sauf à solliciter une double indemnisation au titre d'un même poste de préjudice, ce qui est contraire au principe de la réparation intégrale.

Le FGAO rappelle à juste titre que le poste déficit fonctionnel temporaire regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l'origine de la gêne, mais également les troubles dans les conditions d'existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d'agrément temporaire, le préjudice sexuel temporaire, et ce, jusqu'à la consolidation.

Ce poste de préjudice sera évalué, au vu des conclusions expertales, à la somme de 3 141,25 € € sur la base de 25 € comme suit :

dates

25,00 €

/ jour

13/07/2012

taux déficit

total

28/08/2012

47

jours

50%

587,50 €

23/09/2012

26

jours

25%

162,50 €

16/12/2012

84

jours

15%

315,00 €

18/12/2012

2

jours

100%

50,00 €

31/01/2013

44

jours

25%

275,00 €

25/03/2013

53

jours

15%

198,75 €

24/04/2013

30

jours

40%

300,00 €

01/09/2013

130

jours

15%

487,50 €

22/11/2013

82

jours

30%

615,00 €

01/01/2014

40

jours

15%

150,00 €

3 141,25 €

* souffrances endurées

L'expert les a évaluées au degré 3,5/7.

Ces souffrances tant physiques que morales correspondent aux blessures initiales, à la pose d'une prothèse trapézo-métacarpienne du pouce de la main gauche le 17 décembre 2012 dont l'évolution n'a pas été favorable, aux trois séjours en centre de rééducation fonctionnelle, aux séances de kinésithérapie, aux accès inflammatoires associés à un oedème articulaire, au long épisode de diarrhées (près de deux années) dues au traitement prescrit par le médecin psychiatre, à l'infiltration cortisonique du 2 septembre 2013 et à l'état anxieux et dépressif.

L'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 9 000 €.

* préjudice esthétique temporaire

L'expert l'a évalué au degré 1/7 pendant six mois à compter de la date de l'accident.

M. [O] ne reprend pas cette demande ni dans son argumentation ni dans le dispositif de ses conclusions.

Toutefois, le FGAO conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 1 000 € à ce titre et il sera fait droit à cette demande.

* préjudice sexuel temporaire

M. [O] sollicite la somme de 1 500 € à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, sans aucune argumentation.

L'expert a retenu l'existence d'un tel préjudice à titre temporaire pendant six mois.

Cependant, le premier juste a jugé à bon droit que ce poste de préjudice a fait l'objet d'une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire, lequel inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, et englobe donc tant le préjudice temporaire d'agrément que le préjudice sexuel temporaire.

Le rejet de cette demande est confirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

* déficit fonctionnel permanent

L'expert l'a évalué au taux de 12 % en retenant les lésions physiques de la main pour 8 % et les lésions psychiques pour 4 %.

La victime étant âgée de 51 ans au jour de sa consolidation, l'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 19 740 € en confirmation du jugement.

* préjudice esthétique permanent

L'expert l'a évalué au degré 0,5/7 en retenant une cicatrice linéaire arcifome de

3,5 cm au dos du premier métacarpien, fine et peu visible.

L'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 1 000 €, en infirmation du jugement.

* préjudice d'agrément

M. [O] soutient qu'il ne peut plus s'adonner aux activités sportives qu'il pratiquait très régulièrement avant l'accident (VTT-vélo, tennis, ski), ni aux activités de loisirs qui étaient les siennes, à savoir le jardinage et la cuisine. Il réclame la somme de 10 000 € à ce titre.

Le FGAO conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué la somme de 3 000 € à ce titre.

Ce poste de préjudice tend à réparer l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, mais également la limitation de la pratique antérieure. Il appartient à la victime qui invoque l'existence d'un préjudice d'agrément de justifier de la pratique spécifique et régulière, avant l'accident, d'une activité sportive ou de loisir devenue impossible ou difficilement praticable depuis le fait dommageable.

L'expert judiciaire a retenu préjudice d'agrément pour la pratique du tennis, du cyclisme et du jardinage et une gêne pour la pratique de la cuisine.

Les nombreuses attestations produites aux débats démontrent que M. [O] pratiquait le tennis et le vélo et qu'il aimait cuisiner lorsqu'il recevait ses amis, lesquels attestent qu'il s'adonnait à ce loisir avec talent. Il est également justifié qu'il se passionnait pour le jardinage. Il n'est pas justifié d'une impossibilité de pratiquer le ski.

Ce poste de préjudice sera plus justement évalué à la somme de 8 000 €, en infirmation du jugement.

En résumé, le préjudice de M. [O] s'établit comme suit :

- frais divers

17 825,08 €

- perte de gains professionnels

474 013,85 €

- frais d'entretien du jardin

99 376,56 €

- incidence professionnelle

100 000,00 €

- déficit fonctionnel temporaire

3 141,25 €

- souffrances endurées

9 000,00 €

- préjudice esthétique temporaire

1 000,00 €

- déficit fonctionnel permanent

19 740,00 €

- préjudice esthétique permanent

1 000,00 €

- préjudice d'agrément

8 000,00 €

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La décision n'est pas contestée au titre des dépens de première instance et ceux d'appel doivent incomber à l'Etat.

La demande en cause d'appel de M. [O] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera accueillie en son principe et pour un montant de 4 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

dit que M. [H] [O] a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de l'accident dont il a été victime le 13 juillet 2012,

rejeté la demande formulée par M. [H] [O] au titre du préjudice sexuel temporaire et de la perte de gains professionels futurs,

rejeté la demande de sursis à statuer sur le poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuels formée par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

rejeté la demande d'expertise comptable formée par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

condamné le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [H] [O] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que chaque partie conservera la charge des dépens dont elle a fait l'avance,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Fixe comme suit les indemnités en réparation du préjudice corporel de M. [H] [O], provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :

- frais divers

17 825,08 €

- perte de gains professionnels

474 013,85 €

- frais d'entretien du jardin

99 376,56 €

- incidence professionnelle

100 000,00 €

- déficit fonctionnel temporaire

3 141,25 €

- souffrances endurées

9 000,00 €

- préjudice esthétique temporaire

1 000,00 €

- déficit fonctionnel permanent

19 740,00 €

- préjudice esthétique permanent

1 000,00 €

- préjudice d'agrément

8 000,00 €

Déclare le présent arrêt opposable au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes,

Condamne l'Etat aux dépens,

Condamne le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [H] [O] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/01383
Date de la décision : 13/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°18/01383 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-13;18.01383 ?
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