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08/01/2020 | FRANCE | N°18/07802

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 08 janvier 2020, 18/07802


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 08 JANVIER 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 18/07802 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QHJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2018 - Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2016J00670





APPELANTE



SARL A.D.S.

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Loca

lité 1]

N° SIRET : 438 197 733 ([Localité 4])

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELE...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 08 JANVIER 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 18/07802 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QHJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2018 - Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2016J00670

APPELANTE

SARL A.D.S.

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Localité 1]

N° SIRET : 438 197 733 ([Localité 4])

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Ayant pour avocat plaidant : Me Alexia ROUX, avocat au barreau de LYON, toque : 2045

INTIMÉE

SASU JULBO

Ayant son siège social : Zone Artisanale

[Adresse 6]

[Localité 2]

N° SIRET : 645 950 197 ([Localité 5])

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Delphine TARRIOTTE, avocat au barreau de LYON, toque : 1898, substituant Me Marie DUVERGNE, avocat au barreau de LYON, toque : 667

PARTIE INTERVENANTE

SARL A.D.S., anciennement dénommée SYLVEA, venant aux droits et intérêts de la société A.D.S. (N° SIRET : 438 197 733 - [Localité 4]), en suite d'une transmission universelle de patrimoine

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Localité 1]

N° SIRET : 797 456 167 ([Localité 4])

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Ayant pour avocat plaidant : Me Alexia ROUX, avocat au barreau de LYON, toque : 2045

Intervenant volontaire

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement rendu le 19 février 2018 par le tribunal de commerce de Lyon qui a :

- dit, compte tenu de la durée des relations commerciales, les 20 mois de préavis proposé comme suffisants,

- débouté la société A.D.S de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions des parties,

- dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- dit qu'il n'y avait pas lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés A.D.S et Julbo aux dépens ;

Vu l'appel relevé par la société A.D.S ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante notifiées le 30 septembre 2019 et prises au nom de la société A.D.S, anciennement dénommée Sylvea, par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L 442-6-1 5° du code de commerce, de :

- lui donner acte de qu'elle vient aux droits de la société A.D.S,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé suffisant le préavis de 20 mois accordé par la société Julbo, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts à raison d'un délai de préavis trop court et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que la responsabilité délictuelle de la société Julbo est engagée en application de l'article L 442-6-1 5° du code de commerce et la condamner à lui payer la somme de 600.807 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Julbo de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts à titre reconventionnel et débouter la sociét Julbo de sa demande en paiement de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel,

- en tout état de cause :

* débouter la société Julbo de l'intégralité de ses demandes,

* condamner la société Julbo aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions conclusions n° 1 auxquelles sont jointes les pièces 1 à 65, seules régulièrement transmises par le RPVA notifiées le 27 septembre 2018 par lesquelles la société Julbo qui demande à la cour, au visa des articles L 442-6-1 5° du code de commerce ainsi que de l'article 32-1 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société A.D.S de l'ensemble de ses demandes,

- le réformer en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes reconventionnelles et condamner la société A.D.S à lui payer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive ainsi que la somme de 10.000 E au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société A.D.S à lui payer la somme de 10.000 € pour procédure abusive ainsi que la somme de 10.000 E au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société A.D.S aux entiers dépens ;

SUR CE LA COUR

Il convient de donner acte à la société A.D.S., anciennement dénommée Sylvea, de ce qu'elle vient aux droits de la société A.D.S ensuite de la fusion absorption par la société Sylvae de sa filiale A.D.S à la date du 1er janvier 2019, la société Sylvae étant désormais dénommée A.D.S.

La société Julbo, qui a pour activité notamment la fabrication de lunettes de vue et de lunettes de soleil, sous-traitait à la société A.D.S, spécialisée dans la fabrication de lunettes et de produits lunetiers, la fabrication de montures de lunettes.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 2014, la société Julbo a informé la société A.D.S de sa décision de mettre fin à leur collaboration à compter du 15 juillet 2015, en faisant état de désaccords persistants sur les conditions de leurs relations et de la livraison très partielle de la collection Life lui causant un préjudice en terme de chiffre d'affaires et d'image.

Des discussions ont ensuite eu lieu entre les parties mais n'ont pas abouti à un accord.

La société A.D.S, par lettre de son conseil du 18 mai 2015, a soutenu qu'un préavis de 3 ans aurait dû lui être accordé; elle s'est plainte que la société Julbo ne maintenait pas la relation commerciale aux conditions antérieures en visant, en particulier, l'annulation d'une commande en septembre 2014 et la reprise de machines et moules l'empêchant de réaliser correctement son travail.

La société Julbo, par lettre de son conseil du 16 juin 2015, a fait valoir que le préavis de 14 mois était suffisant pour permettre à la société A.D.S de se réorganiser et que celle-ci avait refusé sa proposition de prolonger leurs relations ; puis par lettre du 7 décembre, elle a ajouté que le préavis avait été respecté et que, concernant les factures non payées, il s'agissait de factures contestées pour lesquelles elle réitérait sa demande d'échanges avec la société A.D.S.

Le 11 avril 2016, la société A.D.S a fait assigner la société Julbo devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de dommages-intérêts aux motifs qu'un préavis de 24 mois aurait dû lui être accordé et que le préavis de 14 mois n'avait été que partiellement respecté; le tribunal, par le jugement déféré, l'a déboutée de toutes ses demandes et a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Julbo pour procédure abusive.

La société A.D.S, appelante, expose :

- que le fonds de commerce de fabrication de lunettes a été créé par M. [K] [N], le sigle A.D.S signifiant 'Application [K] Sérigraphie' et qu'il a été racheté par Mrs [Z] et [E] en 2001,

- que suite au rachat du fonds de commerce, les relations nouées avec la société Julbo en 1995 ont perduré jusqu'en 2014,

- que les lunettes étaient fabriquées avec des éléments fournis par la société Julbo, à savoir la matière première, les moules et les outillages permettant de fabriquer la face, les branches et différents accessoires, tels que embouts, logos et autres, elle -même ne fournissant que la main d'oeuvre qualifiée et son savoir-faire,

- qu'elle réalisait 90 % de son chiffre d'affaires avec la société Julbo et que l'existence du marché de sous-traitance la privait de la possibilité de travailler avec des concurrents directs de cette société,

- qu'à partir de 2013, la société Julbo a choisi de dé-localiser une partie de sa production de lunettes solaires en Roumanie et a décidé de lui confier à elle la production de lunettes d'optique nécessitant une finition plus importante et une main d'oeuvre qualifiée,

- qu'à partir de 2014, elle a rencontré des difficultés avec son donneur d'ordre telles que des commandes émises sans fourniture de pièce étalon ou sans l'ensemble des moules et outillages nécessaires à leur production, une annulation de commande pour un montant de 128.156 euros HT, un non paiement de factures,

- que le 13 mars 2014, la société Julbo lui a adressé un bon de commande portant en particulier sur des lunettes Life mais que, précédemment, en février 2014, elle lui avait repris les moules et outillages nécessaires à cette production, qu'elle lui a ensuite restitué mais a annulé la commande le 12 septembre 2014,

- que le 23 février 2015, la société Julbo a repris les moules permettant la fabrication des gammes optiques Tango, Beebop et Loola, ne lui laissant que les moules nez rigide et de surmoulage, que le 9 mars 2015 elle lui a passé commande de lunettes optiques pour enfants portant sur ces gammes mais qu'elle ne lui a pas restitué les moules nécessaires à la production, lui occasionnant un manque à gagner de 45.561,20 euros HT.

L'appelante soutient encore que la relation commerciale établie remonte à 1995 et non à 2011 comme retenu par le tribunal et qu'un préavis de 24 mois aurait dû lui être accordé compte tenu des circonstances de l'espèce, à savoir :

- 20 ans de relations commerciales,

- le fait qu'elle réalisait près de 90 % de son chiffre d'affaires avec la société Julbo, ce qui la plaçait dans une très grande dépendance économique,

- la relation de sous-traitance avec un acteur majeur du marché de la lunette entraînant de ce fait une quasi exclusivité imposée,

- les investissements réalisés dans ses outillages à hauteur de 235.506 euros entre 2011 et 2013, pour les besoins de la production Julbo.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais refusé la prolongation des relations pendant 6 mois proposée par la société Julbo et, en tout état de cause, que les conditions commerciales imposées par la société Julbo n'étaient pas conformes aux conditions antérieures et se révélaient non rentables pour elle, s'agissant d'une réduction drastique des volumes sur la fabrication des lunettes et de l'arrêt de la sous-traitance des présentoirs et du marquage publicitaire.

Elle conteste avoir commis des manquements à ses obligations, soulignant que l'octroi d'un préavis même insuffisant par la société Julbo exclut de facto l'existence de manquements graves de sa part.

En réparation de son préjudice, la société A.D.S demande la somme de 600.807,40 euros calculée comme suit : moyenne annuelle de marge brute sur les 3 dernières années :

720.968,87 euros, soit une moyenne mensuelle de 60.080,74 euros multipliée par 10 mois de préavis supplémentaire.

Pour conclure à la confirmation du jugement, la société Julbo allègue que plusieurs éléments justifient la rupture de la relation et l'absence de brutalité dans cette rupture.

Elle invoque en premier lieu les manquements de la société A.D.S, soutenant n'avoir eu d'autre choix que de mettre fin à la relation commerciale, tout en accordant un préavis alors qu'elle n'y était pas obligée au regard des manquements répétés de sa cocontractante; elle fait valoir en ce sens :

- qu'à partir de 2013, elle a constaté des défauts sur les produits livrés de plus en plus nombreux,

- que sur la seule année 2014, le nombre de rebuts total est de 2.113 à rapprocher des 41.094 pièces livrées pendant 16 semaines,

- qu'à ce jour elle stocke 6 palettes de rebuts, ce qui représente près de 6.000 produits invendables et immobilisés, ces rebuts portant sur des défauts esthétiques, notamment une mauvaise application de la peinture,

- que la gamme Life, commandée en novembre 2013, n'a été livrée qu'à la mi-avril 2014 alors que la société A.D.S disposait de stocks de pièces semi-finies, à savoir des pièces moulées, en quantité suffisante pour terminer les commandes en cours,

- que la société A.D.S ne respectait pas ses engagements en terme de délais ni de qualité et lui adressait des factures comportant de nombreuses erreurs.

L'intimée prétend ensuite que le préavis accordé de 14 mois était suffisant pour les motifs ci-après :

- la relation n'a pas été suivie, stable et établie avant 2001 et le préavis accordé est amplement suffisant pour une relation de 14 années,

- elle a proposé à la société A.D.S d'augmenter le préavis de 6 mois, ce que celle-ci a refusé,

- elle est fabricante de lunettes, qui sont commercialisées par des opticiens, et entretenait avec la société A.D.S une relation avec un sous-traitant et non une relation avec un distributeur,

- elle n'a jamais imposé d'exclusivité à la société A.D.S qui pouvait fabriquer des produits pour ses concurrents et développer une autre clientèle, ce qu'elle n'a pas fait,

- les investissements réalisés par la société A.D.S, à savoir un robot de peinture et une presse à injecter, correspondent à des équipements standards pour la fabrication plastique.

L'intimée ajoute qu'elle a respecté le préavis de 14 mois et que c'est la société A.D.S qui a refusé des commandes, a décidé unilatéralement de cesser la fabrication d'une gamme de produits qui lui avait été confiée et n'a pas respecté ses engagements en termes de délais de livraison.

***

La cour constate, d'une part que le litige porte sur le caractère brutal ou non de la rupture de la relation commerciale, d'autre part que la société A.D.S ne demande pas une indemnisation qui serait fondée sur une inexécution partielle du préavis de 14 mois accordé, mais seulement un allongement du préavis de 10 mois pour aboutir à 24 mois.

Il convient de relever que la société Julbo n'aurait pas manqué de rompre la relation commerciale sans préavis si la société A.D.S avait commis des fautes suffisamment graves dans l'exécution de ses obligations ; au contraire, elle lui a accordé un préavis de 14 mois et ne formule aucune demande de dommages-intérêts dans le cadre de la présente instance ; en tout état de cause, les quelques défauts constatés en 2013 et début 2014 ne constituent pas des manquements graves ; par ailleurs la société Julbo ne peut valablement reprocher à la société A.D.S un retard dans la livraison de la gamme Life, commandée en novembre 2013 et le 13 mars 2014, sans précision de délais de livraison, alors qu'elle avait repris les moules nécessaires à la fabrication en février 2014.

Un préavis était ainsi dû à la société A.D.S. ; celle-ci justifie de l'ancienneté de la relation commerciale établie depuis 1995 par une attestation de M. [K] [N] qui précise que, propriétaire de l'entreprise A.D.S jusqu'au 31 mars 2001, il a eu la société Julbo comme cliente depuis 1995 jusqu'à la date de cession de son entreprise ; de plus, Mme [L] atteste qu'elle a été employée de la société Julbo de janvier 1998 à mars 2018, qu'elle a collaboré avec la société A.D.S par l'intermédiaire de M. [K] [N] jusqu'en avril 2001 puis avec M. [Z] par la suite et que la société A.D.S était l'un des fournisseurs principaux pour la fabrication et le conditionnement des produits Julbo ; s'il apparaît qu'une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail a été signée entre la société Julbo et Mme [L], dont le contenu n'est pas révélé, cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause la véracité des faits relatés par Mme [L] ; ainsi la relation commerciale établie, initialement nouée avec M. [K] [N] en 1995, s'est poursuivie en 2001 après la cession du fonds de commerce.

La société A.D.S ne démontre pas avoir réalisé des investissements spécialement dédiés à la réalisation des produits de son donneur d'ordre.

Cependant, si aucune clause d'exclusivité ne lui était imposée, la société A.D.S, qui fabriquait des montures pour son donneur d'ordre, acteur majeur sur le marché de la lunette, à l'aide de moules et outillages mis à sa disposition par celui-ci, ne pouvait avoir que de grandes difficultés à diversifier sa clientèle auprès d'entreprises concurrentes.

Contrairement à ce qu'elle affirme, la société Julbo n'a pas proposé à la société A.D.S une prolongation du délai de préavis de 6 mois ; en effet, une telle prolongation aurait impliqué un maintien des conditions commerciales antérieures ; or il apparaît que par courriel du 24 mars 2015 et ses pièces jointes, la société Julbo a proposé de prolonger de 6 mois leur collaboration dans certaines conditions, notamment une charge moyenne de 3.500 pièces par semaine, au lieu de 4.700 avant la rupture, et l'arrêt de la fabrication de présentoirs ainsi que d'un marquage publicitaire; il n'est pas contesté que ces deux dernières activités avaient généré les chiffres d'affaires respectifs de 78.296 euros et de 43.687 euros en 2013, le reste du chiffre d'affaires 2013, soit 922.432 euros, étant constitué par la production de lunette; dès lors, la société Julbo est mal fondée à reprocher à la société A.D.S d'avoir refusé sa proposition ; le tribunal ne pouvait donc retenir l'existence d'un préavis de 20 mois.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Julbo aurait dû accorder à la société A.D.S un préavis de 18 mois, nécessaire pour lui permettre de ré-organiser son activité ; l'insuffisance de préavis est donc de 4 mois.

La société Julbo conteste le préjudice invoqué en faisant valoir que le taux de marge brute dans le domaine de la plasturgie est inférieur à 10 % ; mais la société A.D.S justifie, par la production de ses comptes sociaux et par attestation de son expert-comptable, avoir réalisé une marge brute moyenne de 720.968,87 euros par an sur les trois dernières années 2012, 2013 et 2014, soit une marge brute moyenne de 60.080,74 euros ; en conséquence, la société Julbo devra lui payer la somme de 240.323 euros, à titre de dommages-intérêts.

La société A.D.S n'ayant pas agi avec une légèreté blâmable, la société Julbo doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société Julbo qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel ; vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il ya lieu d'allouer la somme de 8.000 euros à l'appelante et de rejeter la demande de l'intimée ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DONNE acte à la société A.D.S, anciennement dénommée Sylvae, de ce qu'elle vient aux droits de la société A.D.S. ;

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Julbo de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Julbo à payer à la société A.D.S :

- la somme de 240.323 euros, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale établie,

- la somme de 8.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société Julbo aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président

Cécile PENG Marie-Laure DALLERY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/07802
Date de la décision : 08/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°18/07802 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-08;18.07802 ?
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