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08/01/2020 | FRANCE | N°17/15019

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 08 janvier 2020, 17/15019


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 08 JANVIER 2020



(n° ,9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15019 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UVR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 16/00159



APPELANT



Monsieur [S] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5

]



Représenté par Me Hervé PARIENTE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 114



INTIMEE



SARL PUBLIMAG DECO

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

N° SIRET : 9...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 08 JANVIER 2020

(n° ,9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15019 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UVR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 16/00159

APPELANT

Monsieur [S] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5]

Représenté par Me Hervé PARIENTE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 114

INTIMEE

SARL PUBLIMAG DECO

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

N° SIRET : 971 200 555

Représentée par Me Isabelle BENAZETH, avocat au barreau de MELUN, toque : A0908

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bruno BLANC, Président

M. Olivier MANSION, Conseiller

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOS'' DU LITIGE :

La société PUBLIMAG DECO est soumise à la convention collective de la publicité; elle comprend plus de 11 salariés.

M. [S] [X], né en 1961, a été engagé le 13.04.1982 par la société SARL PUBLIMAG DECO par contrat verbal à durée indéterminée à temps complet, en qualité de peintre en lettres, coef 145.

La moyenne mensuelle des salaires de M. [X] s'établit à 2.615,81 €.

Le 21.11.2014 puis le 13.11.2015, la SARL PUBLIMAG DECO a mis en garde le salarié à la suite d'erreurs professionnelles.

Monsieur [S] [X] a adressé un courrier à son employeur le 22.01.2016 pour se plaindre de son comportement à son égard à la suite d'une altercation intervenue le jour même ; il a déposé une main courante au commissariat de police de [Localité 4] le 23.01.2016.

Un avertissement a été notifié à Monsieur [S] [X] le 25.01.2016 en raison de fautes professionnelles, sanction que le salarié a contestée le 27.01.2016.

Monsieur [S] [X] a été victime d'un accident sur son lieu de travail le 25.01.2016 et il a été mis en arrêt de travail qui a été prolongé jusqu'au 13.02.2016. La société a transmis à la CPAM 77 un certificat médical rectificatif mentionnant qu'il s'agissait d'un accident du travail, qu'elle a contesté. La CPAM n'a pas reconnu le caractère professionnel de l'accident du travail dans sa lettre du 02.05.2016.

Le 01.02.2016, M. [X] a été convoqué a un entretien préalable fixé au 12.02.2016, reporté au 18.02. 2016 avec mise à pied conservatoire. Il a été licencié par lettre en date du 24.02.2016 pour faute grave, rédigée en ces termes :

« Pendant votre arrêt de travail, j'ai découvert que vous avez effectué des travaux d'impression pour votre propre compte et celui de sociétés non clientes de la société SPMD pendant vos heures de travail.

Vous avez profité de mes absences pour effectuer certaines réalisations sans mon autorisation et sans m'en informer.

Non seulement vous avez pris sur votre temps de travail et utilisez du matériel de l'entreprise (très coûteux) mais vous avez tenté de cacher ces faits en les effaçant de votre ordinateur.

C'est pas hasard que j'en ai eu connaissance en accédant à la mémoire tampon de l'imprimante. Cela m'a permis de découvrir les fichiers que vous avez réalisé et imprimés aux frais de la société.

J'observe en outre que vos travaux personnels sont réalisés visiblement sans faute et de manière tout à fait correcte ce qui démontre que vous êtes parfaitement à même de réaliser les travaux demandés de manière satisfaisante.

Je ne peux que constater que lorsqu'il s'agit de réaliser des travaux pour le compte de votre employeur vous ne mettez pas en 'uvres vos compétences et laissez de manière récurrente des erreurs importantes sur les réalisations dont vous avez la responsabilité.

Les travaux en cause sont les suivants :

- Le 14 janvier 2016 à 12 h 31 (fichier jetm)

- Le 12 décembre 2015 à 11 h 54 ( fichier HAUT)

- Le 16 décembre 2015 à 9 h 58 (fichier AS)

- Le 21 octobre 2015 à 6 h 44 (fichier TABLEAU RESERVE )

- Le 8 septembre 2015 à 11 h 41 ( fichier Hammou ' 1)

- Le 14 août 2015 à 9 h 57 (fichier large-425391)

- Le 14 août 2015 à 9 h 29 (fichier table)

- Le 7 août 2015 à 13 h 31 (fichier anton- 5621(1)

Par ailleurs, un client m'a adressé un mail le 4 février 2016 pour m'informer que les mentions légales devant figurer sur les panneaux publicitaires pour le programme du groupe SPIRIT et SOGEPROM ont été « copiées ' collées » qui ne concernent que le site de [Localité 3] ont été reproduites sur l'ensemble des sites et ce jusqu'à SAINT AYGUFF.

Cela engendre des conséquences graves pour le client et par conséquent engage notre responsabilité.

Je précise que les « BAT » soumis à la cliente étaient conformes à la commande, sans erreur et ont validés par la cliente. C'est après la validation que les erreurs ont été faites lors de la production. »

Le 21.03.2016 le conseil des prud'hommes de Melun a été saisi par M. [X] en contestation de cette décision, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 22.11.2017 par M. [X] du jugement rendu le 27.09.2017 par le conseil de prud'hommes de Melun section activités diverses, qui a :

- Dit que la rupture était un licenciement pour faute grave,

- Débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné M. [X] à verser à la société PUBLIMAG DECO la somme de 400 € au titre de l'article 700 du CPC,

- Débouté la société PUBLIMAG DECO du surplus de ses demandes reconventionnelles,

- Mis les entiers dépens à la charge de M. [X].

Vu les conclusions transmises par RPVA le 19.03.2018 par M. [X] qui demande à la cour de :

- INFIRMER dans tous ses points le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en première instance. Ainsi statuant à nouveau, il est sollicité de la cour de :

A titre principal :

- Constater l'existence d'un harcèlement moral et par voie de conséquence prononcer la nullité du licenciement opéré à l'encontre de Mr [X].

A titre subsidiaire :

- Constater que le licenciement prononcé à l'encontre de Mr [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Constater à minima une exécution anormale du contrat de travail.

En conséquence :

- Condamner la société SPD au paiement à Mr [X] des sommes suivantes :

* 62.779,44 € à titre d'indemnité pour licenciement nul et ou dépourvu de cause réelle et sérieuse (24 mois),

* 3.6621,34 € à titre de dommages et intérêts spécifique du fait du harcèlement moral (14 mois),

* 5.231,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 523,16 € à titre de congés payés afférents,

* 32.959 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1.792,84 € au titre de la mise à pied conservatoire,

* 179,28 € au titre des congés payés afférents,

* 7.284,40 € brut au titre de la régularisation des primes « petit déplacement + exceptionnel » et/ou discrimination vis-à-vis de ses collègues de travail,

* 367,33 € brut au titre de la régularisation des heures supplémentaires,

* 36,73 € brut de congés payés y afférent sur la régularisation des heures supplémentaires (C. trav., art. L.3141-22).

* Article 700 du CPC : 2.500 €

Vu les conclusions transmises par RPVA le 25.04.2018 par la société PUBLIMAG DECO qui demande de :

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Monsieur [X] à verser à la société SPMD la somme de 5.000 euros à

titre de procédure abusive

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 29.10.2019 au visa de l'article 907 du code de procédure civil ;

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 12 novembre 2019, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

a) Sur les frais professionnels :

Monsieur [S] [X] sollicite le rappel de remboursements de petits déplacements en indiquant qu'ils correspondaient à la prise en charge des frais de transport du personnel tout en étant versés 'en guise de primes de paniers pour la majorité du personnel' ; mais il indique subir une discrimination vis à vis de ses collègues. La SARL PUBLIMAG DECO déclare que les primes de petits déplacements ne concernaient pas Monsieur [S] [X] qui était sédentaire, contrairement à son collègue, M. [P], qui se déplaçait sur les chantiers.

En application du principe 'à travail égal, salaire égal', si rien ne distingue objectivement deux salariés'''même travail, même ancienneté, même formation, même qualification'''ils doivent percevoir le même salaire. Ainsi comme c'est le cas en droit du travail, les décisions de l'employeur en matière salariale ne peuvent être discrétionnaires': elles doivent, en cas de contestation, reposer sur des éléments objectifs et vérifiables.

Le régime de la preuve en matière d'inégalité de rémunération est le même que celui prévu à l'article L.'1134-1 du Code du travail en matière de discrimination'et s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.'

En l'espèce, la convention collective de la publicité ne prévoit pas de primes spécifiques de petits déplacements qui étaient néanmoins versées au salarié puisque les bulletins de salaire de Monsieur [S] [X] mentionnent le versement mensuel de primes 'Indemnité petits déplacements'. Le salarié verse aux débats le bulletin de paie de son collègue, Monsieur [U] [P], de janvier 2015 qui mentionne également le versement de cette indemnité pour un montant identique sans pour autant faire figurer le versement de primes distinctes.

A défaut d'autres documents, le salarié ne donne pas d'éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération à l'égard de ses collègues de travail.

La demande n'est pas justifiée ; elle sera rejetée et le jugement confirmé.

b) Sur la prime exceptionnelle :

Monsieur [S] [X] observe que son collègue, Monsieur [U] [P] a perçu en janvier 2015 la somme de 1.000 € à titre de 'acompte/prime' et en réclame le paiement.

La SARL PUBLIMAG DECO déclare qu'il s'agit d'une prime exceptionnelle versée à ce salarié, en fonction des résultats et de la qualité du travail, alors que Monsieur [S] [X] a reçu des avertissements.

Eu égard à la réponse apportée par l'employeur, la prime en question est une prime de nature contractuelle résultant d'un usage interne qui a donc un caractère obligatoire pour lui, au même titre que le salaire pour autant que la SARL PUBLIMAG DECO définissent les conditions d'attribution de cette prime afin d'en assurer un versement égalitaire, et justifie du versement de la prime à M. [P], ce qui n'est pas le cas.

Or il est constant que le salarié n'a pas reçu d'avertissement en 2014 et qu'il conteste les critiques de son employeur relatives à la qualité de son travail.

En l'état, Monsieur [S] [X] donne des éléments de nature à caractériser une inégalité de rémunération sans que l'employeur justifie du bien fondé de l'absence de versement de la prime litigieuse.

La SARL PUBLIMAG DECO sera condamnée au versement de 1.000 € sur ce fondement, le jugement sera infirmé.

c) Sur le rappel d'heures supplémentaires :

Selon l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, le salarié doit donc étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

A l'appui de ses prétentions, Monsieur [S] [X] produit une note de service relative aux horaires collectifs de l'entreprise en usage à compter du 02.03.2015 qui fixe la durée du travail à 35 heures hebdomadaires, un relevé manuscrit mentionnant les heures de travail réalisées de janvier à avril, juin, et juillet, de septembre à decembre 2014, février et octobre, novembre, décembre 2015, janvier 2016, outre des bulletins de paie sur lesquels est mentionné un horaire de base mensuel de 151h67 ; le contrat de travail signé en avril 1982 n'est pas produit.

Il réclame le paiement d'heures supplémentaires pour :

- novembre 2014 : ses notes manuscrites font état de 10 h à 125%, le bulletin de paie ne porte pas trace d'heures supplémentaires ;

- janvier 2016 : 7 heures puis 3 heures supplémentaires sont mentionnées, mais pas sur le bulletin de paie ;

étant précisé que les autres bulletins de salaire comportent régulièrement des heures supplémentaires.

De son côté, la SARL PUBLIMAG DECO ne donne aucun élément en réponse si ce n'est que le salarié n'en n'avait pas avisé son employeur.

Il convient de faire droit à cette demande et d'infirmer le jugement rendu.

d) Sur le harcèlement moral :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral. Le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c'est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement.

Si la preuve est libre en matière prud'homale, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral est tenu d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

Monsieur [S] [X] fait valoir que, s'il a été recruté en qualité de peintre en lettres en 1982, ses fonctions ont considérablement évolué depuis en raison de l'évolution des techniques employées, sans qu'il bénéficie de formations pouvant lui permettre en 34 ans de s'adapter aux nouvelles exigences de son métier.

Il relève les propos agressifs et vexatoires émanant de Monsieur [Y], repreneur de l'entreprise, et il produit des attestations en ce sens :

- M. [D], salarié de l'entreprise et délégué du personnel, qui a quitté l'entreprise en 2016, déclare que Monsieur [S] [X] était dépassé par les nouvelles techniques et les logiciels en 3D en 2015 et que M. [Y] l'injuriait : il lui disait régulièrement 'tu es aussi con que fabien' ;

- M. [N] confirme avoir été témoin à plusieurs reprises de propos agressifs et dévalorisants de M [Y] à l'encontre de Monsieur [S] [X] devant le personnel ;

- M. G. [P], son collègue, qui constate qu'il a subi de nombreuses vexations et humiliations devant les autres ;

- les deux enfants de Monsieur [S] [X] ont également été embauchés temporairement dans l'entreprise et attestent des humiliations qu'il y a subi.

Enfin, Monsieur [S] [X] a versé aux débats le courriel de son employeur en date du 22.01.2016 qui lui était destiné relatif à des travaux SPIRIT selon lequel : '[S], c'est quoi cette merde !!!!' ; de même que le courrier du 27.01.2016, dans lequel il conteste l'avertissement de son employeur en lui rappelant les conditions de son embauche et les exigences de son poste actuel, en l'absence de toute formation.

En dernier lieu lors de l'entretien préalable, M. [Y] a reconnu le comportement violent qu'il avait eu à l'égard du salarié le 22.01.2016 en disant : 'oui je regrette ce geste mais j'assume ce geste', dont Monsieur [S] [X] s'est plaint par un courrier du même jour mais également en déposant une main courante, et qui a été suivi d'un arrêt de travail prolongé à la demande du médecin du travail qui l'a examiné dans le cadre d'une préreprise le 28.01.2016.

Ces éléments précis et concordants sont matériellement établis et peuvent laisser présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral.

En réponse, la SARL PUBLIMAG DECO estime que les conditions pour établir le harcèlement moral ne sont pas réunies ; elle affirme que le salarié n'a pas été agressé physiquement alors que M. [Y] a reconnu son geste lors de l'entretien préalable ; elle conteste les témoignages de membres de sa famille ayant travaillé pour l'entreprise alors que ces témoignages sont confortés par des salariés et le courriel de M. [Y] et qu'ils établissent des humiliations répétées.

Dans ces conditions les éléments constitutifs d'un harcèlement moral sont démontrés. La SARL PUBLIMAG DECO sera condamnée en réparation du préjudice à verser la somme de 5.000 €. En conséquence le jugement rendu sera infirmé.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

Toute rupture intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et 2 est nulle.

Par suite, en présence d'un harcèlement moral établi, il convient de dire que le licenciement de Monsieur [S] [X] est nul et le jugement en cause sera infirmé.

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de M. [X], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la société PUBLIMAG DECO sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 60.000 € ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ; ce, outre les indemnités de rupture et le rappel de mise à pied ainsi qu'il est précisé au dispositif.

Il serait inéquitable que M. [X] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société PUBLIMAG DECO qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition et contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 27.09.2017 par le conseil de prud'hommes de Melun section activités diverses en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre des frais professionnels ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que Monsieur [S] [X] a subi un harcèlement moral et que le licenciement prononcé à son encontre est nul ;

Condamne en conséquence la société PUBLIMAG DECO à payer à M. [X] les sommes de :

- 60.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 5.231,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 523,16 € à titre de congés payés afférents,

- 32.959 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1.792, 84 € au titre de la mise à pied conservatoire, outre 179,28 € au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral ;

- 1.000 € au titre de la prime exceptionnelle ;

- 367,33 € au titre de la majoration des heures supplémentaires outre 36,73 € pour congés payés afférents ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PUBLIMAG DECO à payer à M. [X] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;

Condamne la société PUBLIMAG DECO aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/15019
Date de la décision : 08/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°17/15019 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-08;17.15019 ?
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