La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2020 | FRANCE | N°17/10405

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 janvier 2020, 17/10405


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 08 JANVIER 2020

(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10405 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35CY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 10/12405





APPELANTE



SCP ATALLAH [B] [G] [N] ET AUTRES

[Adresse 1]>
[Localité 3]



Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753





INTIMES



Monsieur [S] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Laure...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 08 JANVIER 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10405 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35CY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 10/12405

APPELANTE

SCP ATALLAH [B] [G] [N] ET AUTRES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

INTIMES

Monsieur [S] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Laure DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1574

SELARL NMW AVOCATS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laure DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1574

Madame [J] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Grégoire HALPERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0593

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Sandra ORUS, présidente de chambre

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 13 juillet 2017 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en départage dans le litige opposant Mme [J] [T] à la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres (SCP [C]), à la SELARL NMW avocats et à M. [S] [W], a :

Condamné la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres à payer à Mme [J] [T] :

à titre d'indemnité de préavis : 11 802 euros

à titre de congés payes afférents : 1 180,20 euros

à titre de 13ème mois sur préavis : 983,50 euros

à titre d'indemnité compensatrice de congés payés : 377,64 euros

à titre d'indemnité légale de licenciement : 1 811,28 euros

à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive : 25.500 euros

à titre de rappel de salaires du 1er août au 5 septembre 2010 : 16 884,50 euros

à titre de congés payes afférents : 688 euros

à titre de prorata de 13ème mois sur rappel de salaire : 573,70 euros

à titre de prorata du 13ème mois : 4 425,75 euros,

en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros;

Condamné la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres à payer à M. [W] et à la SELARL NMW avocats la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1 153 du code civil ;

«Ordonné la remise à Mme [J] [T] de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à pôle emploi, conformes aux dispositions du présent jugement ;

Dit n'y avoir lieu à garantie de M. [W] et de la SELARL NMW avocats des condamnations prononcées à l'encontre de la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres;

Débouté la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres, M. [W] et la SELARL NMW avocats de leurs demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive ;

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application cle1'article R 1454 28 du code du travail, s'agissant des sommes visées au 2° de l'article R 145444 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;

Ordonné l'exécution provisoire pour le surplus ;

Débouté Mme [J] [T] du surplus de ses demandes ;

Condamné la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 20 juillet 2017 par la SCP Atallah Colin Joslove [N] et autres de cette décision qui lui a été notifiée le 18 juillet précédent.

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel.

Aux termes de conclusions transmises le 16 février 2018 par voie électronique, la SCP Atallah [B] [G] [N] et autres demande à la cour de :

au visa de l'article L 1224-1 du code du travail,des articles 1147 et suivants anciens du code civil, de l'article 1869 ancien du code civil,de l'article 18 al.1 de la loi du 29 novembre 1966,de l'article 564 du code de procédure civile, de l'article 32-1 du code de procédure civile, de l'article 480 du code de procédure civile,

Dire |'appel de la SCP [C] recevable,

Dire et juger infondé le jugement de première instance rendu le 13 juillet 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris, notamment en ce qu'il a dit que les conditions d'application de l'article L 1224 1 du code du travail n'étaient pas remplies et rejeté la demande de la SCP Franklin d'appel en garantie de [S] [W] et NMW avocats solidairement, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En conséquence,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance, hormis en ce qu'elle n'a pas fait droit aux demandes de [J] [T] de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour non-respect de la procédure de licenciement ainsi qu'aux demandes reconventionnelles de [S] [W] et NMW avocats,

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

Tirer toutes conséquences de la non-communication par [S] [W] et NMW avocats des pièces suivantes sollicitées suivant sommation de communiquer n° 4 signifiée le 7 juillet 2014 (pièce 76) :

avis d'impôts 2010, sur les revenus de l'année 2009, de [S] [W],

avis d'impôts 2011, sur les revenus de l'année 2010, de [S] [W],

- les bilans, comptes de résultats et annexes des exercices 2011 et 2012 de la société 'NMW avocats', livre d'entrée et de sortie du personnel du 31 juillet 2010 au 4 mai 2011, dans le cadre de l'exercice individuel de la profession d'avocat par [S] [W],

- livre d'entrée et de sortie du personnel du 5 mai 2011 au 26 décembre 2013 de la SELARL NMW avocats,

l Sur le sort du contrat de travail de [J] [T]

1) A titre principal, sur le transfert automatique du contrat de travail

Constater l'existence de l'entité économique autonome du département de [S] [W] au sein de la SCP Franklin,

Constater la poursuite de 1'activité de cette entité économique autonome au sein de la nouvelle structure NMW avocats créée par [S] [W] (constituée à titre individuel puis sous forme de SELARL),

En conséquence,

Dire et juger que le contrat de travail de [J] [T] a été transféré au profit de la nouvelle structure créée par [S] [W], « NMW avocats» (constituée à titre individuel puis sous forme de SELARL), en application de l'article L.1224-1 du code du travail,

Dire et juger que la rupture du contrat de travail de [J] [T] n'est pas imputable à la SCP Franklin,

Débouter [J] [T] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

Dire et juger la rupture imputable à [S] [W] et la SELARL NMW avocats solidairement, le contrat de travail de [J] [T] ayant été transféré au profit de la nouvelle structure créée par [S] [W], « NMW avocats '',

En conséquence,

Condamner solidairement [S] [W] et la SELARL NMW avocats à payer à [J] [T] les sommes réclamées par elle dans le cadre de la présente procédure,

2) A titre subsidiaire, sur le caractère infondé des demandes chiffrées de [J] [T]

Constater le caractère infondé des demandes chiffrées de [J] [T] au titre d'un prétendu licenciement abusif et indemnité compensatrice de préavis, congés payés et 13ème mois y afférent infondées,

3 )A titre très subsidiaire, sur le transfert du contrat de [J] [T] par l'effet de la volonté des employeurs successifs et de [J] [T]

Dire et juger que la SCP Franklin, [S] [W] et [J] [T] ont entendu

faire une application conventionnelle de l'article L. 1224 1 du code du travail,

Dire et juger que le contrat de travail de [J] [T] a été transféré par l'effet de la volonté des parties au profit de la nouvelle structure créée par [S] [W], 'NMW avocats',

4) A titre infiniment subsidiaire, sur la garantie de [S] [W] de toutes

condamnations à l'encontre de la SCP Franklin

Dire et juger l'accord de portée limitée du 7 avril 2010 opposable à [S] [W] et à sa nouvelle structure 'NMW avocats'en ce qu'il a dit que le contrat de travail de [J] [T] devait être transféré dans la future structure d'exercice de [S] [W], à compter de son départ effectif,

En conséquence,

Condamner solidairement [S] [W] et la SELARL NMW avocats à garantir la SCP [C] de toute condamnation qui pourraient être prononcées à son encontre, en application des articles 1147 et suivants du code civil,

5) En toute hypothèse, sur le trop perçu par [J] [T] au titre du jugement de première instance

Dire et juger que la SCP Atallah [B] et autres a trop réglé à [J] [T] la somme de

4.426,86 euros, au titre des condamnations dues en application du jugement de première instance,

En conséquence,

Condamner [J] [T] à rembourser à la SCP Atallah [B] et autres le trop perçu, soit la somme de 4 426, 86 euros, au titre des sommes qui lui ont été réglées en application du jugement de première instance,

lI-Sur l'absence de harcèlement moral

Constater l'absence de tout harcèlement moral,

En conséquence,

Débouter [J] [T] de sa demande au titre d'un prétendu harcèlement moral

Débouter [J] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

II- Sur l'appel incident de [J] [T]

Dire nouvelle la demande de [J] [T] de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

En conséquence,

Déclarer irrecevable [J] [T] en sa demande de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, en application de l'article 564 du code de procédure civile,

IV-Sur la procédure abusive

Condamner [J] [T] à verser à la SCP Atallah [B] et autres 10.000 euros à titre de

dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de la procédure abusive diligentée par elle, en application de l'article 32-1 du code de Procédure Civile.

V Sur l'appel incident de [S] [W] et de la SELARL NMW avocats

Débouter [S] [W] et la SELARL NMW avocats de leur demande nouvelle en cause d'appel au titre d'une prétendue procédure abusive à leur égard.

En tout état de cause:

Débouter [J] [T], [S] [W] et la SELARL NMW avocats de l'ensemble de leurs demandes,

Condamner [J] [T], et à titre subsidiaire, [S] [W] et la SELARL NMW avocats solidairement, à verser à la SCP Atallah [B] et autres 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Condamner [J] [T], et à titre subsidiaire, solidairement [S] [W] et la SELARL NMW avocats, aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions transmises le 19 décembre 2017 par voie électronique, M. [W] et la SELARL NMW avocats demandent à la cour de :

au visa des articles L.1224-1 du code du travail, 1147 et suivants du code civil, 32-1 et 700 du code de procédure civile,

Dire et juger la SCP Atallah, [B], [I], [N] et associés, dite « SCP [C]», mal fondée en son appel ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- jugé que les conditions d'application de plein droit ou volontaire de l'article L.1224-1

du code du travail ne sont pas remplies ;

- jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [T] est intervenue aux torts exclusifs de la SCP Franklin ;

- condamné la SCP [C] à payer à M. [W] et à la SELARL NMW avocats la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à garantie de Monsieur [W] et de la SELARL NMW Avocats des condamnations prononcées à l'encontre de la SCP Franklin ;

Débouter la SCP Atallah, Colin, Marque, [N] et associés de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions visant M. [S] [W] et la SELARL NMW avocats,

Dire et juger M. [S] [W] et la SELARL NMW avocats recevables et bien fondés en leur appel incident ;

En conséquence,

Condamner la SCP Atallah, Colin, [I], [N] et associés à payer :

à M. [S] [W] , les sommes de :

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

* 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- à la SELARL NMW Avocats les sommes de :

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

* 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SCP Atallah, Colin, Marque, [N] et associés aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions transmises le 19 décembre 2017 par voie électronique, Mme [T] demande à la cour de :

Vu les articles L. 1224 1, L. 1234 9 et L.1152 1 du code du travail,

Vu les articles 515 et 700 du code de procédure civile,

Vu la convention collective nationale du personnel salarié des cabinets d°avocats,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour d*appel de Paris de recevoir Mme [T] de :

Dire et juger la SCP Atallah, Colin, [G], [I], [N] et autres mal fondée en son appel ;

Confirmer le jugement rendu le 13 juillet 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris

en ce qu'il a :

Condamné la SCP [C] à payer à Mme [T] :

Indemnité compensatrice de préavis : 11 802,00 euros

Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 180,20 euros

13ème mois sur préavis : 983,50 euros

Indemnité de licenciement : 1 811,28 euros

Dommages et intérêts pour rupture abusive : 25 500 euros

Rappel de salaire du 1er août au 5 septembre 2010 : 6 884,50 euros

Congés payés afférents afférents : 688,00 euros

Prorata 13ème mois sur rappel de salaire : 573,70 euros

Prorata 13ème mois : 4 425,75 euros

Article 700 CPC : 2 500,00 euros

Dit que ces sommes produiront intérêt aux taux légal conformément aux dispositions de l'artic1e 1153 du code civil ;

Débouté la SCP Franklin de leurs demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive ;

Condamné la SCP [C] aux dépens ;

Dire et juger Mme [T] recevable et bien fondée en son appel incident ;

Statuant à nouveau, il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Condamner la SCP Atallah, Colin, Joslove, [I], [N] et autres à régler à Mme [T] la somme de 426 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Condamner la SCP Atallah, Colin, Joslove, [I], [N] et autres à régler à Mme [T] la somme de 57 534,75 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement rendu le 13 juillet 2017 par le Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la SCP Atallah, Colin, [G], [I], [N] et autres à régler à Mme [T] la somme de 25 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Condamner la SCP Atallah, Colin, Joslove, [I], [N] et autres à régler à Mme [T] la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Condamner la SCP Atallah, Colin, Joslove, [I], [N] et autres à remettre à Mme [T] son certificat de travail, un solde de tout compte, l'attestation Pôle emploi modifiée, le tout sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard, à compter de huit jour suivant la réception de la décision ;

Condamner la SCP Atallah, Colin, Joslove, [I], [N] et autres à régler à Mme [T] la somme de 6 392,74 euros à titre de dommages et intérêts pour le non respect de la procédure de licenciement ;

Et en tout état de cause :

Déclarer irrecevables toutes les demandes, fins et prétentions de la SCP Atallah, Colin, [G], [I], [N] et autres ;

Dire et juger que l'ensemble de ces sommes porteront intérêt à taux légal avec capitalisation ;

Condamner la SCP Atallah, Colin, [G], [I], [N] et autres à payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 24 septembre 2019 et la fixation de l'affaire de l'audience du 28 octobre 2019.

SUR CE, LA COUR :

Mme [J] [T] a été embauchée à compter du 1er avril 2009 par la SCP Franklin et associés suivant contrat à durée indéterminée en qualité juriste, statut cadre.

Un désaccord étant né entre les associés de la SCP et plus particulièrement entre M. [W], par ailleurs compagnon de Mme [T], et les autres membres, M. [W] a sollicité le 17 février 2010 l'organisation d'une assemblée générale extraordinaire avec pour ordre du jour la décision de poursuivre ou non le contrat de travail de Mme [T] et les conséquences de cette décision quant à sa situation d'associé.

La SCP a, par lettre du 23 mars 2010, rappelé à Mme [T] les obligations contractuelles lui incombant et lui a reproché ses absences répétées et injustifiées, son implication particulièrement faible dans son travail et son attitude discourtoise envers certains associés et l'a convoquée le 26 mars à 10 heures.

Un échange de courriels a eu lieu entre celle-ci et certains associés d'où il ressort que la salariée a le 24 mars demandé à obtenir les coordonnées de l'inspecteur du travail compétent pour le cabinet et devant la demande d'explication de l'employeur s'est dite totalement étrangère aux différends pouvant exister entre associés, ne pas non plus être en mesure d'arbitrer les instructions contraires et incompatibles reçues d'un des associés, M. [B], et de M. [W] et a refusé au prétexte d'un rendez-vous professionnel extérieur, de rencontrer M. [B] le 26 mars.

Une procédure de licenciement a été initiée par la SCP à l'encontre de Mme [T] par l'envoi le 29 mars 2010 d'une convocation à un entretien préalable fixé au 9 avril suivant, auquel il n'a pas été donné suite en raison de la régularisation le 7 avril 2010 entre les associés de la SCP d'une part et M. [W], autre associé, d'un accord dit de portée limitée prévoyant le départ de celui-ci au plus tard le 31 juillet suivant, la renonciation par la SCP de la poursuite de la procédure de licenciement de la salariée précitée sauf faute grave avec engagement de M. [W] de la reprendre dans «'sa future structure d'exercice à compter de sa date de départ effectif'».Il ressort des termes de cet accord que le retrait de l'association par M. [W] est motivé par la position des autres associés sur l'incompatibilité de sa relation privée entretenue par lui avec Mme [T] avec la poursuite de l'activité professionnelle de celle-ci au sein du cabinet.

La SCP a alors, par lettre du 15 juillet 2010, informé Mme [T] de la poursuite par un des associés, M. [W], de son activité au sein d'une entité extérieure et du transfert de son contrat de travail par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail à compter du 1er août 2010.

Mme [T], contestant la légalité de ce transfert, a tout d'abord par lettre du 23 août 2010 mis en demeure la SCP de lui confirmer qu'elle peut reprendre son poste pour ensuite prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la SCP [C] par lettre du 5 septembre 2010 motivée comme suit :

«'Je fais suite à mon courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 23 août dernier aux termes duquel je vous demandais de bien vouloir me confirmer, expressément et sous 48 heures, que je pouvais reprendre mon poste au sein du cabinet [C], faute de quoi je serais contrainte d'imputer la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.

Cette lettre est restée sans réponse et sans effet, et dès lors que vous avez cru devoir m'imposer unilatéralement et irrégulièrement le transfert de mon contrat de travail, je prends acte ce jour de la rupture de mon contrat de travail aux torts du cabinet [C] avec tous les effets attachés d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

J'ajoute que, pour les motifs énoncés dans mon précédent courrier, j'entends également saisie le conseil de prud'hommes de Paris pour les faits de harcèlement moral dont j'estime avoir été victime de la part de votre associé, [O] [B](...)'»

Le 29 septembre 2010, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes tendant principalement à voir requalifier sa prise d'acte en licenciement en cause réelle et sérieuse et reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et obtenir le paiement de sommes en rapport avec l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Parallèlement, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, saisi par la SCP et M. [W] en décembre 2010 d'une demande d'arbitrage sur les conséquences du départ de l'associé, a désigné un arbitre. La cour d'appel de Paris, saisie par M. [W] d'un recours formé à l'encontre de la sentence du bâtonnier du 28 septembre 2011, a par arrêt du 25 septembre 2013 notamment confirmé la condamnation prononcée de M. [W] à payer à la SCP 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à celle-ci du fait de la légèreté blâmable dans l'annonce de la non-reprise des contrats de travail des salariés non avocats qui lui étaient affectés, dont Mme [T], étant observé que l'arrêt est définitif sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail :

Les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, ont à bon droit considéré que les conditions de cet article n'étaient pas réunies en l'espèce à défaut d'existence au sein de la société civile professionnelle [C] qui constitue en raison de sa nature une seule et entière entité économique d'une entité économique autonome constituée par le département géré par M. [W] et pour l'activité duquel il avait notamment, au nom de la SCP, procédé à l'embauche de Mme [T] et ainsi d'un transfert de l'activité déployée dans le département à la suite du départ de M. [W] de cette SCP, et en ont justement déduit que le contrat de travail de Mme [T] n'a pas été transféré par l'effet des dispositions précitées. Il n'est pas davantage établi que Mme [T] a personnellement consenti aux termes de l'accord dit de portée limitée précité et ainsi a accepté le transfert de son contrat de travail par l'application, quel qu'en soit la nature, des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Sur le harcèlement moral :

Il y a lieu de constater que la demande de la SCP à la salariée de prendre ses dispositions pour permettre le déménagement de ses effets personnels au plus tard le 31 juillet 2010 est en lien avec l'application de l'accord de portée limitée et à l'engagement pris par M. [W] de reprendre le contrat de travail et que la procédure de licenciement a été abandonnée en raison de cet accord, ce que Mme [T] ne peut prétendre avoir ignoré, comme le fait que sa relation extra-professionnelle avec M. [W] a été une cause déterminante du différend né entre les associés de la SCP. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la demande formée au titre du harcèlement moral.

Sur la prise d'acte :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié de démontrer que les manquements imputés à son employeur sont établis, d'une gravité suffisante et empêchaient la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, s'il a été démontré ci-dessus que le contrat de travail de Mme [T] n'a pas été transféré par l'effet des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il ressort des pièces versées au débat que dès le 29 juillet 2010 Mme [T] a adressé aux associés un courriel leur demandant de transférer tous les mails reçus sur sa boîte professionnelle du cabinet [C] sur sa nouvelle adresse slugan arobase nmwavocats.com et d'informer chaque expéditeur d'un message à son adresse électronique du cabinet de son départ du cabinet à compter du 31 juillet 2010. Ces demandes ont d'ailleurs été accompagnées d'une interdiction pour le cabinet de consulter ses courriels et d'une proposition d'un accès sous son contrôle en cas de besoin pour les dossiers au cas par cas ou d'un rendez-vous global courant août pour permettre au cabinet cet accès. Il convient d'observer aussi que M. [W] a le même jour adressé un courriel strictement identique à la SCP et que tant l'adresse électronique donnée par Mme [T] que par M. [W] sont similaires et comportent le même nom de domaine, soit NMW, acronyme accolé au cabinet créé par M. [W], ce qui démontre une démarche et une volonté communes de Mme [T] et de M. [W] d'exercer leurs activités au sein de cette nouvelle structure en formation. Il y a lieu aussi de constater notamment que Mme [T] est présentée par un communiqué de presse du 24 novembre 2010 de NMW avocats comme créatrice avec M. [W] du cabinet NMW, ce qui est en contradiction avec une embauche de l'intéressée mentionnée sur la livre des entrées et sorties du personnel au 1er novembre 2012. Il est aussi produit au débat des courriers reçus par la SCP dès le mois de juillet 2010 de plusieurs clients demandant le transfert de leurs dossiers à M. [W] dès son départ à la fin du mois de juillet, un procès-verbal de constat d'huissier du 24 août 2010 à la requête d'une société NMW avocats, en cours de formation, représentée par M. [W], aussi l'attestation de M. [K], professeur titulaire du CNAM, relatant qu'il est devenu consultant pour le cabinet NMW à la demande de M. [W] dès la fin de l'année 2010 et enfin la situation de M. [W] au répertoire SIRENE mentionnant l'existence d'un établissement actif ayant pour activité principale les activités juridiques, révélant ainsi que ce dernier a commencé son activité sous une forme personnelle dès le 1er août 2010, puis à compter du 1er janvier 2011 sous la forme d'une SELARL comme le démontre le kbis de la SELARL NMW.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'aucun manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail ne peut être imputée à faute à la SCP [C].

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point. La prise d'acte doit être en conséquence considérée comme produisant les effets d'une démision au 5 septembre 2010 et la salariée déboutée de l'intégralité de ses prétentions en rapport avec la rupture, soit l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur ce préavis, le 13ème mois sur ce préavis, l'indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour rupture abusive, mais aussi les sommes en rapport avec l'exécution du contrat de travail entre le 1er août et le 5 septembre 2010, Mme [T] ayant de son propre fait cessé de fournir du travail au profit de la SCP durant cette période.

Sur le non-respect de la procédure de licenciement :

La demande formée subsidiairement par Mme [T] de réparation du préjudice subi par le non-respect de la procédure de licenciement sera jugée recevable en l'état des dispositions alors en vigueur ne prohibant pas les demandes nouvelles en appel, mais sera rejetée, Mme [T] ayant seule pris l'initiative de rompre le contrat de travail par sa prise d'acte et la procédure de licenciement engagée par l'employeur en mars 2010 n'ayant pas été menée à son terme.

Sur le prorata de 13ème mois et l'indemnité compensatrice de congés payés :

Le jugement entrepris, qui a alloué différentes sommes à ces titres à la salariée, ne fait l'objet d'aucune contestation utile de la part des parties. Il convient de constater qu'elles sont relatives à la période d'emploi de Mme [T] au sein de l'entreprise et correspondent à ses droits. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ces points.

Sur la garantie de M. [W] :

Les seules sommes allouées à Mme [T] sont en rapport avec la période d'exécution du contrat du travail au sein de la SCP [C] et non avec la rupture, si bien que la garantie de M. [W] ne peut être recherchée et la demande formée par la SCP rejetée.

Sur les autres dispositions :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à garantie de M. [W] et de la SELARL NMW, débouté la SCP [C] de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive, dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec capitalisation et mis les dépens à la charge de la SCP Franklin.

L'exercice par la SCP Franklin de son droit de faire appel ne peut dans les circonstances de l'espèce et la solution apportée aux différents points en litige être tenu pour abusive, si bien que Mme [T], M. [W] et la SELARL NMW seront déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il sera fait droit à la demande de la salariée pour la seule remise d'un bulletin de salaire conforme au présent arrêt, sans que la nécessité d'une astreinte ne soit démontrée, si bien que le jugement sera infirmé en cette mesure.

Mme [T], qui succombe au principal, conservera la charge des dépens d'appel.

La solution apportée aux différents points en litige commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCP [C] Atallah [B] [G] [N] et autres à verser à Mme [J] [T] la somme de 377,64 euros d'indemnité compensatrice de congés payés et de 4 425,75 euros de prorata du 13ème mois avec intérêts au taux légal et capitalisation, à remettre à Mme [T] un bulletin de salaire rectifié, débouté Mme [T] de sa demande relative au harcèlement moral, la SCP de sa demande de garantie formée à l'encontre de M. [W] et de la SELARL NMW et les parties de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et mis les dépens à la charge de la SCP Franklin ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [J] [T] le 5 septembre 2010 produit les effets d'une démission ;

En conséquence, déboute Mme [T] de ses demandes relatives à la rupture ainsi que celle de non-respect de la procédure de licenciement ;

Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [J] [T] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/10405
Date de la décision : 08/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/10405 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-08;17.10405 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award