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08/01/2020 | FRANCE | N°17/10352

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 janvier 2020, 17/10352


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 08 JANVIER 2020

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10352 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B344H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 14/00571





APPELANTE



SAS RATHEAU

[Adresse 2]

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Représentée par Me Jérôme DOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2316







INTIMÉ



Monsieur [X] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me François THOMAS, avocat au ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 08 JANVIER 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10352 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B344H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 14/00571

APPELANTE

SAS RATHEAU

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jérôme DOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2316

INTIMÉ

Monsieur [X] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François THOMAS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 186

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Sandra ORUS, présidente de chambre

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 7 juillet 2017 par lequel le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant dans le litige opposant M. [X] [U] à la société Ratheau, a dit que le licenciement du salarié, prononcé par lettre en date du 6 août 2013, n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société Ratheau à verser à M. [X] [U] la somme de 28 935 euros, à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné M. [U] aux dépens et rejeté le surplus des demandes.

Vu l'appel interjeté le 20 juillet 2017 par la société Ratheau de cette décision.

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel.

Aux termes de conclusions transmises le 23 septembre 2019 par voie électronique, la société Ratheau demande à la cour de :

- A titre principal,

' Infirmer le jugement,

- En conséquence :

' Constater que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement ;

' Dire et juger que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' Débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, tant principales que subsidiaires ;

' Condamner M. [U] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner M. [U] aux entiers ;

- A titre subsidiaire

Si la cour devait confirmer le jugement de première instance :

' Fixer à de plus juste proportion l'indemnité de M. [U].

Aux termes de conclusions transmises le 23 septembre 2019 par voie électronique, M. [X] [U] demande à la cour, au visa des articles L.1132-1,L. 1226-2,L.1226-10 et L.1226-15 du code du travail, de :

-Dire que l'employeur ne justifie pas être valablement déchargé de l'obligation d'organiser les élections de délégués du personnel par la production d'un procès-verbal de carence qui vise la même date pour l'organisation du premier et du deuxième tour, sans préjudice des dates d'organisation des élections et de l'absence d'envoi aux organisations syndicales représentatives, en sorte que le licenciement intervenu sans consultation des dits délégués du personnel dont l'absence résulte manifestement de la faute de l'employeur est nécessairement irrégulier et justifie l'application de la sanction prévue à l'article L.1226-15 du code du travail à savoir douze mois de salaire minimum, laquelle sera cumulée avec celle résultant du non-respect des obligations de reclassement.

- En tout état de cause, dire et juger que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'avoir respecté les obligations de reclassement qui sont les siennes, d'une part en refusant toute possibilité de reprise à mi-temps thérapeutique pendant l'exécution du contrat de travail, d'autre part en ne prenant pas l'avis du médecin du travail sur les postes compatibles et enfin, en notifiant uniquement le 5 août 2013 aux entreprises du groupement une recherche de reclassement externe pour un licenciement intervenu dès le 6 août, et alors même que des postes de travail existaient dans l'entreprise et pouvaient être clairement proposés à M. [U],

- Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence,

Vu les pièces justifiant le préjudice matériel en termes d'emploi,

- Condamner la société Ratheau à payer à M. [U] la somme de 28 935 euros au titre de l'indemnité pour non-respect des obligations de reclassement et pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, les deux indemnités devant être cumulée.

Subsidiairement, dire et juger que le licenciement a été rendu inéluctable par le fait de

l'employeur qui s'est rendu coupable d'une discrimination interdite à raison de la prise en compte de l'état de santé du salarié pour refuser notamment toute reprise à temps partiel ou en mi-temps thérapeutique.

Dire en conséquence la rupture dénuée de cause

Condamner de plus fort la société Ratheau à payer à M. [U] la somme de 28 935 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Condamner la société au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamner la société Ratheau aux dépens

Vu l'ordonnance de clôture du 24 septembre 2019.

SUR CE, LA COUR :

M. [X] [U], engagé le 21 novembre 2005 suivant contrat à durée déterminée converti en contrat à durée indéterminée en qualité de magasinier chauffeur livreur par la société Ratheau, a été licencié pour inaptitude physique d'origine professionnelle par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 août 2013, motivée comme suit :

«(...)en date du 19 juillet 2012, il vous a été prescrit un arrêt de travail pour maladie professionnelle, faisant référence à une première constatation du 30 novembre 2011. En effet, en date du 21 juin 2012, nous avions reçu la notification de reconnaissance de l'origine professionnelle de votre maladie, suite à votre demande formulée en décembre 2011. Vous avez ensuite été prolongé jusqu'au 18 juin 2013, le dernier certificat notifiant une reprise le 19 juin 2013.

En date du 19 juin 2013, vous avez été examiné par le médecin du travail, le Docteur [W], dont les conclusions ont été les suivantes :

« inapte au poste, apte à un autre poste ('),

deuxième visite prévue le 3 juillet 2013 ».

Par la suite, il vous a été prescrit une prolongation d'arrêt du 20 juin au 2 juillet 2013. Vous avez été réexaminé par le Docteur [W] le 3 juillet 2013,dont les conclusions sont identiques à celles du 19 juin 2013 ci-dessus mentionnées.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité, à savoir : votre inaptitude à l'emploi de magasinier chauffeur VL, constatée par le médecin du travail en date du 3 juillet 2013 et l'absence de toute possibilité de reclassement au sein de l'entreprise compatible avec les suggestions du médecin du travail.

En effet, nous avons effectué une recherche de solution de reclassement visant les postes existants sur l'ensemble de l'entreprise, le 15 juillet 2013,dont nous vous avons fait parvenir le compte rendu : il s'avère que nous ne sommes pas en mesure de vous proposer un poste approprié à vos capacités.

Vous nous avez confirmé avoir pris connaissance de ce compte rendu.

Lors de cet entretien, auquel vous vous êtes présenté accompagné par Monsieur [H] [V], Conseiller du salarié, accrédité par la Préfecture de [Localité 1], vous nous avez remis une notification de décision de reconnaissance de travailleur handicapé. A cette occasion, Monsieur [V] a souligné la reconnaissance de l'origine professionnelle de votre maladie.

Nous avons également fait état de notre proposition pour un poste partiellement manuel et administratif, fin novembre 2012, adapté aux conclusions du Docteur [W], constatant une inaptitude partielle.

Néanmoins, cette solution n'avait pu être mise en place du fait d'une nouvelle prolongation, pendant laquelle vous avez subi une intervention chirurgicale, et s'en est suivi une inaptitude totale et non plus partielle, au poste ».

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 3 février 2014 , qui, statuant par jugement dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Selon l'article L.1226-10 du code du travail si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ;

Tout d'abord, l'employeur justifie l'absence de délégués du personnel par les différents procès-verbaux de carence dressés depuis 2002 et pour le dernier le 30 septembre 2014 constatant l'absence de candidature tant au premier tour qu'au second, malgré l'invitation faite aux différents syndicats par la société de participer à la conclusion d'un protocole d'accord préélectoral. Il est en outre justifié de la réception des procès-verbaux constatant cette carence par la Direcct. Le moyen du salarié sera donc écarté.

Ensuite, l'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté, la seule référence à l'avis du médecin du travail suivant lequel le reclassement du salarié dans l'entreprise aurait été recherché et se serait avéré impossible étant à elle seule impuissante à établir le respect par l'employeur de son obligation préalable de reclassement.

Il ressort d'un courrier du 1er février 2008, dont l'objet est de l'aveu même de la société Ratheau la centralisation des filiales, l'existence d'un groupe Ratheau à la suite de la reprise par la société Ratheau des sociétés Charles, Laresche et Collin constitué de plusieurs sociétés ou établissements situées non seulement à [Localité 5] et [Localité 11], mais également à [Localité 8], [Localité 10], [Localité 3], [Localité 7], [Localité 6], [Localité 4], [Localité 9] et. [Localité 2]. Le papier à entête de la société comporte aussi et au moins depuis 2010 la mention d'une société Rambert. Il convient de constater que la société employeur produit au débat le seul registre des entrées et sorties du personnel des entités de la société Ratheau-[Localité 5] et que M. [U] verse quant à lui ceux des établissements de [Localité 11] et [Localité 8]. A défaut d'éléments sur la structure des effectifs des entités autres que celles dont le registre est produit, l'employeur doit être considéré comme défaillant à démontrer qu'il a rempli l'obligation de reclassement lui incombant. Il ne peut pallier cette carence en produisant des recherches de reclassement, qu'il qualifie lui-même d'externes puisque à destination de sociétés appartenant au groupement Néboban auquel appartient le Groupe Ratheau, qui ne peuvent non plus être considérées comme sérieuses et loyales à défaut de toute précision donnée sur le salarié concerné, notamment ses compétences et ses capacités restantes.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement par l'employeur à l'obligation de reclassement et alloué à ce titre des dommages-intérêts exactement évalués en considération de la situation de M. [U].

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

Le jugement sera confirmé en sa disposition relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et infirmé sur les dépens.

La société appelante, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [U] une indemnité procédurale en appel de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative aux dépens ;

Y ajoutant :

Condamne la société Ratheau à rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à M. [U] depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Ratheau aux dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [X] [U] une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/10352
Date de la décision : 08/01/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/10352 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-08;17.10352 ?
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