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19/12/2019 | FRANCE | N°17/00682

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 décembre 2019, 17/00682


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



Arrêt du 19 décembre 2019



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00682 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2M72



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 14/00638





APPELANTE



Madame [P] [V] née [C]

Demeura

nt [Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Florence BRASSEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C2322





INTIMEE



La société LERICHE LOCATION

Sise [Adresse 2]

[Local...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

Arrêt du 19 décembre 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00682 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2M72

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 14/00638

APPELANTE

Madame [P] [V] née [C]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence BRASSEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C2322

INTIMEE

La société LERICHE LOCATION

Sise [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Géraldine GHENASSIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2070

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jacques RAYNAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre

M. Jacques RAYNAUD, Président de chambre

M. Stéphane MEYER, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Mme Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [P] [C] épouse [V] a été engagée à compter du 4 septembre 2006 par la SAS LERICHE LOCATION, en qualité d'agent d'opération de location, selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Le 1er février 2012, elle a été promue responsable commerciale, agent de maîtrise.

Les relations de travail sont régies par la convention collective des services de l'automobile.

Mme [P] [C] épouse [V] a été convoquée le 3 mars 2014 pour le 17 mars suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a fait en outre l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

La SAS LERICHE LOCATION lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 9 avril 2014.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [P] [C] épouse [V] a, le 10 mars 2014, saisi le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL qui par jugement du 8 décembre 2016 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- pris acte de la remise, lors de l'audience, de la somme de 287,75 euros au titre d'un reliquat de rappel de congés payés,

- dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS LERICHE LOCATION à verser à Mme [P] [C] épouse [V] les sommes de :

' 5 334,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 533,48 euros au titre des congés payés afférents,

' 3 734,38 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [P] [C] épouse [V] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS LERICHE LOCATION de sa demande reconventionnelle.

La SAS LERICHE LOCATION a régulièrement relevé appel de ce jugement le 10 janvier 2017.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2018 et l'affaire a été examinée au fond à l'audience de la cour du 10 janvier 2019.

Par arrêt du 7 février 2019, la cour a ordonné une mesure de médiation.

La médiation ayant échoué, l'affaire a été à nouveau évoquée à l'audience de la cour du 16 mai 2019.

Par conclusions d'appelante n°1 transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 7 avril 2017, la SAS LERICHE LOCATION demande à la cour de :

In limine litis,

- fixer le salaire de référence de Mme [P] [C] épouse [V] à la somme de 2 542 euros,

- lui donner acte du règlement le 10 juillet 2015 devant le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL de la somme de 287,77 euros au titre d'un reliquat de congés payés, selon décompte et bulletin de salaire correspondant et l'imputer,

- condamner Mme [P] [C] épouse [V] à lui payer la somme de 563,76 euros bruts avec intérêts à compter du 31 mars 2014, indûment perçue au titre du maintien de salaire du fait de sa mise à pied,

- confirmer partiellement le jugement déféré et débouter Mme [P] [C] épouse [V] de son appel tendant à voir son licenciement abusif et à la voir condamner à lui payer les sommes de :

' 9 379,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 937,98 euros au titre des congés payés afférents,

' 5 268,72 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 47 422,44 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive,

' 16 795,20 euros à titre d'arriéré de rémunération variable pour 2012 et 1 679,52 euros au titre des congés payés afférents,

' 18 090,48 euros à titre d'arriéré de rémunération variable pour 2013 et 1 869,05 euros au titre des congés payés afférents,

' 1 809,05 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

' 354,55 euros bruts à titre d'arriéré de maintien de salaire pour l'arrêt maladie du 10 février 2014 au 31 mars 2014,

- débouter Mme [P] [C] épouse [V] de toute demande de condamnation sous astreinte,

En outre,

- infirmer le jugement de tous les chefs de condamnation prononcés contre elle,

Et statuant à nouveau, de ;

- débouter Mme [P] [C] épouse [V] de toutes demandes, notamment de rappels de congés payés, rappel de salaire au titre des minima conventionnels ainsi que de tout rappel de salaires,

- débouter Mme [P] [C] épouse [V] de sa demande de rectification matérielle,

- juger fondé le licenciement pour faute grave de Mme [P] [C] épouse [V],

- débouter Mme [P] [C] épouse [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [P] [C] épouse [V] à rembourser la somme de 9 049,06 euros versée en exécution du jugement au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la première présentation de la lettre du 21 décembre 2016,

Très subsidiairement,

- fixer le salaire de référence de Mme [P] [C] épouse [V] à la somme de 2 542 euros,

- juger Mme [P] [C] épouse [V] mal fondée en sa demande au titre de la mise à pied,

- débouter Mme [P] [C] épouse [V] de son appel et de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner Mme [P] [C] épouse [V] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions d'intimée et d'appelante à titre incident n°1 transmises au greffe et notifiées par le RPVA le 6 juin 2017, Mme [P] [C] épouse [V] demande à la cour de :

- rectifier l'erreur matérielle du jugement déféré en ce qu'il a :

Fait «droit à la demande de rappel du salaire au titre des minima conventionnels pour un montant brut de 2 461,60 euros et congés payés pour 246,16 euros rappelant que la demanderesse a prouvé en application de l'article 1315 du code civil que son coefficient était de 23», cette condamnation ayant manifestement été omis au dispositif et,

Y ajoutant,

- condamner la SAS LERICHE LOCATION à lui payer la somme de 2 461,60 euros au titre d'arriérés de minima conventionnels pour la période du 1er février 2012 au 9 avril 2014 et celle de 246,16 euros de congés payés afférents,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit la faute grave non justifiée,

- l'infirmer sur les autres chefs et statuant à nouveau de :

- condamner la SAS LERICHE LOCATION à lui payer les sommes de :

' 9 379,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 937,98 euros au titre des congés payés afférents,

' 5 268,72 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts,

' 47 422,44 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive,

En tout état de cause,

- condamner la SAS LERICHE LOCATION à lui payer les sommes de :

' 16 795,20 euros à titre d'arriéré de rémunération variable contractuelle pour l'exercice 2012,

' 1 679,52 euros au titre des congés payés afférents,

' 18 090,48 euros à titre d'arriéré de rémunération variable contractuelle pour l'exercice 2013,

' 1 869,05 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la SAS LERICHE LOCATION à lui payer les sommes de :

' 1 007,05 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

' 354,55 euros bruts à titre d'arriéré de maintien de salaire pour l'arrêt maladie du 10 février 2014 au 31 mars 2014,

- ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter de la notification de l'arrêt et jusqu'à parfaite remise,

- dire que les sommes dues seront majorées de l'intérêt au taux légal à compter de la date de saisine, avec capitalisation annuelle des intérêts,

- condamner la SAS LERICHE LOCATION au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur le coefficient

La SAS LERICHE LOCATION a le 28 mars 2012 fait parvenir à Mme [P] [C] épouse [V] un courriel auquel était jointe la lettre suivante :

'Ainsi que nous en avons parlé en entretien et à plusieurs reprises et étant toujours dans l'attente du document finalisé par l'avocate, je vous prie de trouver ci-dessous les différents termes de votre travail de commercial :

- Définition du poste : responsable commercial

- Statut : agent de maîtrise échelon 23

- Horaire hebdomadaire : 38 heures

- Rémunération composée d'un part fixe et d'une part variable sur 12 mois

- Rémunération fixe brute mensuelle : 2 200 euros

- Part variable brute :

' 3 % sur le CA encaissé, hors assurance, assistance, frais divers sur un objectif de 300k€ annuels/Votre marge de progression sera basée sur les réalisations 2011 de certains clients déjà en portefeuille dont vous serez en charge (liste jointe) ainsi que sur le gain d'une nouvelle clientèle.

' 4 % au-delà

' Véhicule société de fonction.

Pour vous aider dans ces nouvelles fonctions, nous avons convenu d'une formation commerciale, ainsi qu'un déplacement de 2 jours à l'agence VEO qui interviendront avant l'été...'.

Aucun avenant n'a été régularisé postérieurement à ce courriel.

La SAS LERICHE LOCATION soutient que la mention du coefficient 23 résulte d'une erreur de plume et qu'en réalité Mme [P] [C] épouse [V] avait le statut d'agent de maîtrise, coefficient 20.

Selon l'article 3B.03 de la convention collective des services de l'automobile, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, les neuf échelons de la classification des salariés maîtrise se répartissent en deux catégories :

- les échelons 17, 20 et 23 sont les échelons de référence attribués aux qualifications de branche du RNQSA ;

- les échelons 18, 19, 21, 22, 24 et 25 sont les échelons majorés accessibles aux salariés maîtrise leur permettant de progresser dans un itinéraire professionnel, dans les conditions indiquées à l'article 3 B.02 c.

Il est précisé que :

- 'l'échelon 20 est l'échelon de référence du salarié maîtrise possédant une très large compétence dans sa spécialité et les techniques voisines le rendant apte à l'exécution de tâches complexes' et qu'il 'peut avoir la responsabilité technique d'encadrement d'un personnel de qualification moindre dont il organise et contrôle l'activité'.

- 'l'échelon 23 est l'échelon de référence du salarié maîtrise dont la compétence permet la résolution de problèmes présentant des aspects à la fois techniques, commerciaux et administratifs avec appréciation du coût des solutions. Autonomie importante dans la responsabilité de l'organisation du travail, souvent caractérisée par l'encadrement technique d'ouvriers et d'employés directement ou par l'intermédiaire de la maîtrise d'échelons inférieurs. Il est placé sous l'autorité d'un cadre ou du chef d'entreprise lui-même'.

Selon les dispositions de l'avenant au contrat de travail, l'entreprise a confié à Mme [P] [C] épouse [V] une mission de responsable commerciale avec une autonomie certaine dans l'organisation de son travail dès lors qu'il entrait dans ses missions, outre la gestion de clients anciens, la recherche d'une nouvelle clientèle ainsi que son développement, impliquant par conséquent une grande liberté dans l'exécution de sa prestation de travail.

Cette dernière indique sans être utilement contredite qu'elle établissait le suivi de ses actions sur le réseau informatique sans autre contrainte, et elle justifie de plus avoir été en charge, avec Mme [I], de la formation de Mme [X].

Mme [P] [C] épouse [V] communique en outre l'attestation de son prédécesseur, M. [R], ainsi que son contrat de travail, qui montrent que ce dernier avait effectivement été embauché en juillet 2010 par la SAS LERICHE LOCATION au poste de responsable commercial -échelon 23.

Il se déduit donc de l'ensemble de ces éléments que Mme [P] [C] épouse [V] a bien été engagée comme agent de maîtrise-échelon 23, et non pas à l'échelon 20, comme il est indiqué sur ses bulletins de paie à compter du mois janvier 2014, au moment même ou l'intéressée a expressément sollicité une régularisation tenant compte du 'nouvel échelon' dont elle bénéficiait.

Sur le rappel de rémunération fixe

Mme [P] [C] épouse [V] fait valoir que la SAS LERICHE LOCATION n'a pas respecté les minima prévus par la convention collective applicable et que lui reste dû à ce titre un arriéré d'un montant total de 2 461,60 euros bruts outre les congés payés afférents pour la période du 1er février 2012 au 9 avril 2014, date du licenciement.

Selon la SAS LERICHE LOCATION, Mme [P] [C] épouse [V] a perçu un salaire de base supérieur aux minima sociaux d'un montant de 3 089 euros même en appliquant l'échelon 23.

Elle fait observer que la salariée n'a pas pris en compte dans son calcul ses avantages en nature (véhicule de fonction et avantage nourriture) et que ses décomptes sont erronés, les augmentations n'étant pas appliquées à la bonne date.

S'il n'est pas contestable que Mme [P] [C] épouse [V] a eu à sa disposition un véhicule pour l'exercice de ses missions, il n'est toutefois, ainsi que le relèvent à juste titre les premiers juges, nullement fait mention de cet avantage sur ses bulletins de paie avant son licenciement, pas plus au demeurant que sur la 'fiche individuelle détaillée par activité pour la période du 04/2013 au 03/2014" communiquée par l'employeur.

Le tableau établi par l'expert-comptable de la SAS LERICHE LOCATION versé aux débats (pièce n°5) sur lesquels apparaît une rubrique «AN Véhicule» est dépourvu de pertinence en ce qu'il ne permet pas de pallier l'absence de toute référence à un véhicule de fonction, pourtant prévu par l'avenant au contrat de travail, sur les bulletins de paie.

L'employeur ne peut pas, par conséquent, réintégrer dans ses calculs cet avantage qui n'apparaissait pas dans les bulletins de paie pour soutenir qu'il avait bien respecté les minima sociaux.

Au vu du décompte établi par cette dernière, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé, que Mme [P] [C] épouse [V] était fondée à solliciter sur la base du montant du salaire minimal conventionnel correspondant à l'échelon 23, une somme de 2 461,60 euros à titre de rappels de salaire outre les congés payés afférents, le jugement devant être rectifié sur ce point le conseil de prud'hommes ayant omis de reprendre la condamnation de la SAS LERICHE LOCATION au paiement de cette somme dans le dispositif.

Sur la demande relative à la rémunération variable

Mme [P] [C] épouse [V] sollicite le paiement de la rémunération variable telle que prévue par l'avenant à son contrat de travail du 1er février 2012 à savoir 3% sur la tranche de chiffre d'affaires de 300 000 euros annuel soit 9 000 euros par an ou 750 euros en cas de réalisation du chiffre outre 4 % supplémentaires sur la tranche de chiffre d'affaires au-delà de 400 000 euros.

La SAS LERICHE LOCATION expose que pour motiver l'intéressée elle lui a consenti une 'rémunération variable attractive sur la progression ou variation du chiffre d'affaires par rapport à l'existant confié', et qu'elle n'avait aucun intérêt à lui verser 'un variable sur du chiffre d'affaires récurrent déjà réalisé chaque année par la société', sans son concours.

Il résulte sans ambiguïté des termes mêmes de l'avenant au contrat de travail de Mme [P] [C] épouse [V] concernant la part variable brute de rémunération, que le pourcentage de 3% sur le chiffre d'affaires et 4 % au-delà de 300 000 euros annuels, doit être calculé sur une marge de progression tenant compte tout à la fois des réalisations 2011 de certains clients déjà en portefeuille, selon une liste jointe non communiquée, mais aussi du gain généré par la nouvelle clientèle créée et développée par elle.

La salariée est donc fondée à réclamer, au vu des justificatifs produits (chiffre d'affaires de 2011 de 415 000 euros et du tableau récapitulatif du chiffre d'affaires 2012 qui lui a été transmis en octobre 2013), les sommes suivantes :

- 16 795,20 euros au titre de la période travaillée du 1er février au 31 décembre 2012,

- 18 090,48 euros au titre de la période travaillée du 1er janvier au 31 décembre 2013,

soit une somme totale de 34 885,68 euros bruts outre 3 488,57 euros de congés payés afférents.

Il convient d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur l'arriéré d'indemnités de congés payés

Mme [P] [C] épouse [V] fait valoir que la SAS LERICHE LOCATION n'a pas respecté les dispositions de l'article L.3141-22 du code du travail.

La SAS LERICHE LOCATION réplique que cette demande se heurte pour partie à la prescription triennale en ce qui concerne l'année 2009-2010 et soutient de plus que les calculs de l'intéressée sont erronés.

Elle demande qu'il lui soit donné acte du règlement le 10 juillet 2015 devant le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL de la somme de 287,77 euros au titre d'un reliquat de congés payés.

L'examen des bulletins de paie de Mme [P] [C] épouse [V] montre que l'employeur ne lui a pas versé les montants des congés payés correspondant au dixième de son salaire brut en violation des dispositions de l'article L.3141-22 du code du travail.

Selon l'article L. 3245-1 du Code du travail, tel que modifié par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (cinq ans antérieurement).

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, cette prescription étant antérieure.

Cette même loi, applicable à compter du 17 juin 2013, précise que ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure et que, lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.

S'agissant de l'indemnité de congés payés, le point de départ de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle la salariée aurait pu prendre ses congés payés.

Lorsque la prescription quinquennale a commencé à courir antérieurement à la date de promulgation de la loi, les nouveaux délais de prescription s'appliquent à compter de la date de promulgation, sans que le délai total de prescription ne puisse excéder 5 ans.

Mme [P] [C] épouse [V] a saisi le conseil de prud'hommes le 10 mars 2014.

Le point de départ de la prescription relative aux congés payés acquis par la salariée en juin 2009, a par conséquent commencé à courir à compter du 31 mai 2010, à l'issue de la période de référence du 1er juin 2009 au 31 mai 2010.

Cette dernière peut prétendre à un rappel de congés payés calculé sur la base des salaires qu'elle a perçus à compter du mois de juin 2009 jusqu'au 31 mai 2013 représentant, selon le tableau détaillé qu'elle a établi, non contredit par les pièces versées par l'employeur, une somme totale de 1 007,05 euros bruts dont il convient de déduire la somme de 287,77 euros versée à ce titre par l'employeur lors de l'audience devant le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL, soit un solde de 719,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur le maintien de salaire

Mme [P] [C] épouse [V] a fait l'objet d'un arrêt pour cause de maladie du 10 février 2014 jusqu'à son licenciement.

Elle justifie avoir perçu :

- du 10 au 28 février, au titre des indemnités journalières une somme de 750,60 euros, et de l'employeur la somme de 677,55 euros de sorte qu'il lui reste dû la somme de 145,19 euros comme elle le sollicite, après déduction du complément versé par l'employeur,

- du 1er au 31 mars, au titre des indemnités journalières une somme de 1 292,70 euros et de l'employeur la somme de 698 euros alors qu'elle aurait dû percevoir :

2 200 euros - 1 292,70 euros - 698 €, soit un solde en sa défaveur de 209,30 euros.

Il convient infirmer le jugement déféré et de lui allouer la somme de 354,55 euros bruts au titre d'arriérés de maintien de salaire au titre de l'arrêt pour cause de maladie du 10 février au 31 mars 2014.

Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la SAS LERICHE LOCATION reproche à Mme [P] [C] épouse [V] de :

- détenir à son domicile un tirage papier du portefeuille de la société, sans justification professionnelle faute d'être autorisée à travailler à domicile,

- avoir remis le 3 février 2014 un véhicule de marque Renault Traffic à un nouveau client, la société DBR malgré l'impossibilité d'obtenir le paiement du dépôt de garantie de 1 250 euros et de la location de 804 euros pourtant obligatoire et préalable à la remise du véhicule,

- avoir établi plusieurs contrats de location et devis en violation manifeste des grilles tarifaires en vigueur dans l'entreprise,

- avoir refusé de rendre compte de son activité,

- avoir obtenu de mauvais résultats commerciaux,

l'ensemble de ces faits constituant une faute grave rendant impossible son maintien même temporaire dans l'entreprise.

- Sur le premier grief :

Il est établi que le 2 décembre 2013, Mme [N] a adressé à Mme [P] [C] épouse [V] la 'liste des clients ayant loué cette année' afin qu'elle indique ceux pour lesquels elle avait eu une démarche commerciale ou un contact direct.

Outre le fait que cette transmission n'est assortie d'aucune réserve concernant son caractère confidentiel, rien ne permet de constater que la salariée ait détenu cette liste à son domicile et encore moins qu'elle ait manqué à son obligation de loyauté concernant le contenu des informations dont elle était en possession;

Le premier grief n'est pas fondé.

- Sur le deuxième grief :

La réalité de l'incident de paiement rencontré avec la société DBR, client de Mme [P] [C] épouse [V], concernant une camionnette Renault, immatriculée [Immatriculation 5] est avérée, la SAS LERICHE LOCATION communiquant le procès-verbal de la plainte déposée le 27 février 2014, date à laquelle le solde de la location n'avait pas encore été réglée et le véhicule restitué.

Le gérant de la société DBR confirme effectivement le fait que 'l'empreinte CB' laissée à Mme [P] [C] épouse [V] a été rejetée mais qu'il n'a jamais entendu se soustraire au paiement de la location qu'il a acquittée par l'envoi d'un chèque encaissé, selon l'extrait de compte communiqué par l'employeur le 7 mars 2014.

Le problème rencontré concernant l'encaissement par carte bancaire, dont rien ne permet de constater qu'il soit imputable à Mme [P] [C] épouse [V] laquelle au demeurant n'est pas utilement contredite lorsqu'elle indique ne faire la facturation qu'occasionnellement en cas d'absence de l'agent de comptoir, de même que le retard apporté au paiement du montant de la location, ne sauraient constituer au regard du caractère isolé de cet incident de paiement et de la durée de la relation contractuelle un grave manquement contractuel de la part de la salariée et encore moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

- Sur le troisième grief :

Sont visés dans la lettre de licenciement comme ayant donné lieu à une violation de la grille tarifaire par [P] [C] épouse [V] les contrats ou devis concernant les entreprises DBR, SMAC, EMULITHE, OPTIC BTP, EVARISTE PROSPECTIVE, FRANCE TRAVAUX, LABER, EIFFAGE TP IDF, JEAN LEFEVRE, SODEXO, LAPLACE, THÉÂTRE DE L'ETREINTE.

S'il existe effectivement des différences de tarif entre le prix facturé par Mme [P] [C] épouse [V] et les conditions tarifaires en vigueur produites par la SAS LERICHE LOCATION, pour autant cette dernière n'apporte pas la preuve que la grille de tarifs établie selon la catégorie du véhicule voire la nature de l'entreprise cliente (association- collectivité ou entreprise commerciale) revêtait un caractère impératif, que la responsable commerciale ne pouvait en aucun cas y déroger, qu'elle n'avait par conséquent aucun pouvoir de négociation ni ne pouvait proposer des remises commerciales, la cour relevant que la société intimée n'a pas émis de protestation lorsqu'elle a reçu la lettre de contestation de son licenciement de la salariée lui rappelant que de nombreuses remises commerciales étaient accordées.

Ce troisième grief n'est pas fondé.

- Sur le quatrième grief :

L'unique rappel à l'ordre versé aux débats par la SAS LERICHE LOCATION, en date du 12 novembre, concernant l'obligation de renseigner le 'programme de visite' auquel la salariée a donné suite dès le lendemain ne suffit pas à lui seul à démontrer que la salariée refusait de rendre compte de son activité et que lui ont été réclamés en vain les documents visés dans la lettre de licenciement, tels que des rapports de visites, des fiches clients, des statistiques, voire des données concernant sa stratégie commerciale.

Il y a lieu de rejeter ce grief.

- Sur les mauvais résultats de Mme [P] [C] épouse [V] :

La SAS LERICHE LOCATION n'apporte pas la preuve de ce que les résultats commerciaux de Mme [P] [C] épouse [V] étaient mauvais ainsi qu'il lui en est fait grief.

Elle ne communique pas notamment les résultats de son successeur, lesquels auraient été de nature à mettre en évidence l'insuffisance reprochée.

La SAS LERICHE LOCATION échoue à démontrer la réalité de faits constitutifs d'une faute grave imputable à Mme [P] [C] épouse [V] ou d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient d'infirmer le jugement déféré sur ce point et de dire abusif le licenciement.

Compte tenu des montants de rémunération fixe et de rémunération variable précédemment retenus, Mme [P] [C] épouse [V] est fondée en ses demandes concernant :

- l'indemnité compensatrice de préavis de trois mois prévue par la convention collective pour les agents de maîtrise coefficient 23, soit 9 379,89 euros outre, 937,98 euros de congés payés afférents,

- l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit 5 268,72 euros.

Le jugement est infirmé en ce qui concerne le montant des sommes allouées à ce titre.

Mme [P] [C] épouse [V] justifie avoir subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail une perte de salaire correspondant à l'écart entre l'allocation d'aide au retour à l'emploi et le salaire qu'elle percevait ainsi qu'un préjudice moral et de santé, constaté non seulement par son médecin traitant qui lui a prescrit des arrêts de maladie motivés par un 'syndrome dépressif' et une 'souffrance au travail', mais aussi par un médecin du service de pneumologie et pathologie professionnelle de l'hôpital de [Localité 6] qui lui a délivré un certificat médical de souffrance au travail.

Il y a lieu, au vu de ces éléments, de condamner la SAS LERICHE LOCATION à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

Sur les intérêts et la capitalisation

Les sommes allouées de nature salariale seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la convocation de la SAS LERICHE LOCATION devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les sommes à caractère indemnitaire le seront à compter de cet arrêt.

Il y a lieu en outre d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, sollicitée par Mme [P] [C] épouse [V].

Sur la remise des documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y a lieu d'y faire droit dans les termes du dispositif, Mme [P] [C] épouse [V] étant déboutée de sa demande d'astreinte qu'aucune circonstance particulière ne justifie.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à Mme [P] [C] épouse [V] la somme de 1 000 euros et de lui allouer la somme de 1 500 euros sur le même fondement au titre des sommes exposées en cause d'appel.

Sur les dépens

La SAS LERICHE LOCATION qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Rectifie le jugement déféré en ce qu'il a omis de reprendre dans son dispositif la condamnation de la SAS LERICHE LOCATION au paiement d'un rappel de salaire au titre des minima conventionnels ainsi que des congés payés afférents et dit que le jugement rendu le 8 décembre 2016 par le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL doit être complété ainsi qu'il suit :

' Condamne la SAS LERICHE LOCATION à payer à Mme [P] [C] épouse [V] la somme de 2 461,60 euros bruts à titre de rappels de salaire au titre des minima conventionnels et de 246,16 euros au titre des congés payés afférents',

Confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [P] [C] épouse [V] non fondée par une faute grave et en ce qu'il a condamné la SAS LERICHE LOCATION à payer à Mme [P] [C] épouse [V] la somme de 2 461,60 euros bruts à titre de rappels de salaire au titre des minima conventionnels et de 246,16 euros au titre des congés payés afférents,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :

Condamne la SAS LERICHE LOCATION à payer à Mme [P] [C] épouse [V] les sommes de :

- 34 885,68 euros bruts au titre de sa rémunération variable, soit 7 795,20 euros pour la période travaillée du 1er février au 31 décembre 2012 et 18 090,48 euros pour la période travaillée du 1er janvier au 31 décembre 2013,

- 3 488,57 euros de congés payés afférents.

- 719,28 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés

- 354,55 euros bruts à titre d'arriéré de maintien de salaire pour la période du 10 février au 31 mars 2014

Dit le licenciement de Mme [P] [C] épouse [V] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS LERICHE LOCATION à payer à Mme [P] [C] épouse [V] les sommes de :

- 9 379,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 937,98 euros de congés payés afférents,

- 5 268,72 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

Dit que les sommes allouées seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS LERICHE LOCATION de la convocation de devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes en ce qui concerne les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt en ce qui concerne les sommes à caractère indemnitaire avec capitalisation des intérêts,

Ordonne à la SAS LERICHE LOCATION de remettre à Mme [P] [C] épouse [V] un bulletin de salaire et une attestation destinée au Pôle emploi rectifiés,

Déboute Mme [P] [C] épouse [V] du surplus de ses demandes,

Condamne la SAS LERICHE LOCATION à payer à Mme [P] [C] épouse [V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS LERICHE LOCATION aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/00682
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°17/00682 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;17.00682 ?
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