Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2019
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01313 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7EAW
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt du 18 Décembre 2018 - Cour de cassation - Arrêt n° 1838-F-D - Pourvoi n° Y 17-18.351
Arrêt du 20 Mars 2017 - Pôle 5 Chambre 10 -Cour d'appel de Paris- RG n°15/15733
Jugement du 23 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/08846
DEMANDERESSE A LA SAISINE
SASU BELAMBRA CLUBS
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 322 706 136
représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
assistée de Valentin AUTRET, avocat plaidant du barreau de Paris
DÉFENDERESSE A LA SAISINE
Organisme CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES (CANSSM)
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
assistée de Me Danièle CLAUS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261 substituant Me Jennifer CARREL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise BEL, Présidente de chambre
Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties :
La société Belambra Clubs s'est vue confier la gestion d'un centre de vacances propriété de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la CANSSM).
La CANSSM ayant informé la société Belambra Cubs que le marché prenait fin au mois de janvier 2014 et que le centre de vacances allait être vendu, la société Belambra Clubs a demandé à la CANSSM de prendre en charge les contrats de travail des salariés attachés au centre. Cette dernière ayant refusé, la société Belambra Clubs l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Paris par acte en date du 15 mai 2014,en réparation de son préjudice né du refus de reprendre les contrats de travail des salariés affectés au centre.
Par jugement en date du 23 juin 2015, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevable l'action de la société Belambra Clubs à l'encontre de la Caisse Autonome de la Sécurité Sociale dans les Mines, aux motifs du non-respect de la procédure de règlement amiable des différends préalable à la saisie du juge.
La société Belambra Clubs a relevé appel du jugement.
Par arrêt du 20 mars 2017, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement, déclaré recevable l'action de la société Belambra Clubs et débouté cette société de ses demandes, sur le fondement de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières aux termes desquelles il appartenait à la société Belambra Clubs de faire son affaire personnelle des procédures de licenciement ou de reclassement de son personnel imposées par la fermeture du centre de Menton, et en retenant que la fermeture du centre à l'expiration du marché public de droit privé de gestion dont la société était attributaire et la vente ultérieure de celui-ci font obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail en raison de ce que l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur, en sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer.
La société Belambra Clubs a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 18 décembre 2018, la Cour de cassation, au visa des articles L. 1224-1 du code du travail, et 1382 devenu 1240 du code civil a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mars 2017, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Belambra Clubs,
au motif que la cour d'appel de Paris, pour débouter la société de ses demandes en réparation de son préjudice né du refus de reprendre les contrats de travail des salariés affectés au centre, retient que la fermeture du centre à l'expiration du marché public de droit privé de gestion dont la société était attributaire et la vente ultérieure de celui-ci font obstacle à l'application de l'article L.1224-1 du code du travail en raison de ce que l'activité a cessé et n'a pas été reprise par l'acheteur, en sorte qu'aucun transfert n'a pu s'opérer;
qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la résiliation de la convention de gestion du centre de vacances, lequel constituait une entité économique autonome, empêchait la continuation de son l'exploitation par la CANSSM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Par déclaration au greffe en date du 10 janvier 2019, la société Belambra Clubs a saisi la cour d'appel de renvoi de Paris.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 17 octobre 2019 par la société Belambra Clubs aux fins de voir la cour :
Constater que l'action de Belambra Clubs a définitivement été jugée recevable ;
Sur l'exception d'incompétence / fin de non-recevoir soulevé in extremis par la Caisse:
Constater qu'en fondant son nouveau moyen sur l'article L. 1235-7-1 du Code du travail qui pose une règle de compétence, la Caisse soulève une exception de procédure ;
Constater que cette exception de procédure est soulevée tardivement et sans désigner la juridiction compétente ;
Constater subsidiairement que l'article L. 1224-1 du Code du travail et encore moins les relations entre deux employeurs successifs dans un litige indemnitaire ne relèvent de la compétence administrative ;
Constater subsidiairement que l'administration et les juridictions administratives n'ont jamais eu à connaître et n'ont jamais tranché aucune question en lien avec l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, encore moins dans les relations entre Belambra et la Caisse, et qu'en tout état de cause la Caisse n'était pas partie à ces décisions administratives qui ne peuvent donc avoir aucune espèce d'autorité de chose jugée dans le présent litige ;
En conséquence,
Dire et juger irrecevable, et au surplus mal fondée, l'exception d'incompétence,
Dire et juger subsidiairement irrecevable, et au surplus mal fondée, la fin de non-recevoir soulevée par la Caisse,
Sur le fond
Constater qu'il a été définitivement jugé par l'arrêt de la Cour de cassation dans son arrêt du 18 décembre 2018 que le « centre de vacances (') constituait une entité économique autonome», en effet le centre de vacances [IE] Latournerie constituait un ensemble organisé et durable de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ;
Constater que cette entité économique autonome appartenait et était exploitée par la CANSSM ;
Constater que Belambra Clubs intervenait dans l'exploitation de cette entité économique autonome uniquement au nom et pour le compte de la CANSSM, au titre d'un mandat de gestion, notamment à l'égard du personnel ; Belambra Clubs n'était ainsi que le mandataire de la CANSSM, au nom, pour le compte et dans l'intérêt de laquelle Belambra Clubs a toujours agi;
Constater qu'à la fin du mandat confié à Belambra Clubs, la CANSSM a repris le centre de vacances [IE] Latournerie dans des conditions qui n'empêchaient pas la continuation de son exploitation ;
En conséquence,
Dire et juger que la reprise par la CANSSM de son centre au terme du mandat de Belambra Clubs, a opéré un transfert au profit de la CANSSM des contrats de travail du personnel du centre de vacances [IE] Latournerie ;
Dire et juger que la CANSSM est l'unique employeur du personnel du centre de vacances [IE] Latournerie depuis la fin du contrat entre Belambra Clubs et la CANSSM le 10 janvier 2014 ;
Dire et juger que la CANSSM, seule et unique employeur du personnel du Centre depuis le 10 janvier 2014, est par conséquent tenue de tenir Belambra Clubs indemne de tous les frais, coûts et dommages supportés par Belambra Clubs au titre des salariés du Centre depuis cette date;
Dire et juger que le refus de la CANSSM de respecter ses obligations envers ses salariés a obligé Belambra Clubs à se substituer à elle et lui a ainsi causé préjudice ;
Condamner la CANSSM à rembourser à Belambra Clubs, au besoin à titre de dommages et intérêts, la somme de 1.449.517,70 euros (à parfaire), majorés des intérêts au taux légal depuis que chacun des montants qui la composent a été indument payé par Belambra Clubs, avec anatocisme ;
Condamner la CANSSM à garantir Belambra Clubs de tous les coûts et conséquences des procédures judiciaires engagées par les salariés du Centre
Condamner la CANSSM à payer à Belambra Clubs la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur le fond, l'appelante fait valoir essentiellement qu'il a été définitivement jugé par la Cour de cassation dans son arrêt du 18 décembre 2018 que le « centre de vacances, (') constituait une entité économique autonome », permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ; que cette entité économique autonome appartenait et était exploitée par la CANSSM ; et que la société Belambra Clubs intervenait dans l'exploitation de cette entité économique autonome uniquement au nom et pour le compte de la CANSSM, au titre d'un mandat de gestion, notamment à l'égard du personnel, de sorte que la société Belambra Clubs n'était ainsi que le mandataire de la CANSSM, au nom, pour le compte et dans l'intérêt de laquelle la société Belambra Clubs a toujours agi.
Ainsi, l'appelante soutient qu'à la fin du mandat qui lui avait été confié, la CANSSM a repris le centre de vacances dans des conditions qui n'empêchaient pas la continuation de son exploitation, l'appréciation du caractère ou non exploitable du centre de vacances se faisant au jour de l'expiration du marché de gestion et de sa restitution, la décision de vendre le centre ne constituant pas une impossibilité de continuer son exploitation. Le non-renouvellement ou la résiliation du contrat ou du marché de gestion et la décision de fermeture prise par le propriétaire ne constituent en effet pas un obstacle à la reconnaissance du transfert d'une entité économique autonome, et du personnel qui y est attaché, seul le cas où le gestionnaire aurait rendu un site inexploitable à son propriétaire faisant obstacle au transfert du personnel dont le gestionnaire devrait alors en assumer la charge. Elle indique qu'après la vente du centre son activité a continué sous la forme d'un établissement hôtelier.
L'appelante fait donc valoir que la reprise a opéré un transfert au profit de la CANSSM des contrats de travail du personnel du centre de vacances, la CANSSM étant l'unique employeur du personnel du centre de vacances depuis la fin du contrat entre la société Belambra Clubs et la CANSSM le 10 janvier 2014, la caisse devant la tenir indemne de tous les frais, coûts et dommages qu'elle a supportés au titre des salariés depuis cette date.
Elle en conclut que le refus de la CANSSM de respecter ses obligations envers ses salariés a obligé la société Belambra Clubs à se substituer à elle et lui a ainsi causé préjudice qu'il convient d'indemniser.
Elle demande ainsi la condamnation de la CANSSM à lui rembourser tous les frais et coûts que celle-ci a d'ores et déjà supportés au titre des salariés depuis le 10 janvier 2014 à savoir le coût du portage salarial de ces salariés jusqu'à la mise en 'uvre d'un PSE qui s'est élevé à 390.496,96 euros, le coût des indemnités de licenciements qui s'est élevé à 913.269,06 euros, les frais payés au consultant en charge de la cellule de reclassement pour un montant de 17.164,80 euros, les frais d'avocat et une condamnation pour un montant de 24.856,49 euros, ainsi que la totalité des frais d'avocats exposés par elle à ce jour pour la mise en place du PSE et les procédures judiciaires d'un montant de 103.730,39 euros, soit la somme totale de 1.449.517,70 euros, majorée des intérêts au taux légal depuis que chacune des sommes ci-dessus a été indument payée par elle, avec anatocisme.
L'appelante conteste l'exception d'incompétence soulevée par la société CANSSM et présentée comme une fin non recevoir et fait valoir que cette dernière est irrecevable, infondée et erronée.
A ce titre, elle explique sur le fondement des articles 74 et 75 du code de procédure civile qu'un moyen fondé sur la compétence exclusive des juridictions administratives est une exception de procédure qui doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée in limine litis et en désignant la juridiction compétente, de sorte que ce moyen invoqué par la CANSSM est irrecevable en ce qu'il n'a pas été soulevé avant toute défense au fond ou fin de non recevoir et qu'il n'a pas désigné devant quelle juridiction la demande devait être portée.
Par ailleurs, l'appelante soutient que la CANSSM a visé à tort l'article 122 du code de procédure civile de sorte qu'elle a qualifié de manière erronée son moyen de fin de non recevoir dès lors que la compétence exclusive est une exception de procédure et non un moyen relatif au droit d'agir.
Enfin, elle soutient que l'argument de la CANSSM est infondé car si l'autorité administrative valide l'accord collectif, cette dernière n'a en revanche pas à s'assurer que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ont bien été respectées par l'employeur. Elle indique qu'elle n'a par ailleurs jamais entendu renoncer à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail qui est d'ordre public ce qui implique qu'il ne peut y être renoncé.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 15 octobre 2019 par la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines tendant à voir la cour:
A titre principal
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu l'article L.1235-7-1 du code du travail,
Vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 juin 2016,
Vu l'homologation par la DIRECCTE le 20 mai 2014 du document unilatéralement élaboré par la société Belambra Clubs fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi des salariés de [Localité 5]
Juger irrecevables les demandes d'indemnisation et de garantie sollicitées par la société Belambra Clubs à l'encontre de la CANSSM, en ce qu'elles sont fondées sur l'application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail,
En tout état de cause,
Juger que la société Belambra Clubs ayant agi en qualité d'employeur des salariés du Centre de [Localité 5] a renoncé à toute demande d'indemnisation fondée sur l'article L1224-1 du code du travail,
A titre subsidiaire
Vu le décret n°2012-434 du 30 mars 2012 relatif au régime minier de sécurité sociale,
Vu le décret n°2013-260 du 28 mars 2013 relatif au régime minier de sécurité sociale,
Juger que la poursuite de l'activité du centre de [Localité 5] par la CANSSM était impossible depuis le1er janvier 2014, date de transfert de l'activité de gestion de l'action sanitaire et sociale relative à la politique de vacances du régime minier à l'ANGDM,
Juger que l'absence de poursuite de l'activité de gestion du centre de vacances à l'identique exclut l'application de l'article L.1224-1 du code du travail,
En conséquence :
Débouter la société Belambra Clubs de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
Dire et juger que l'article 4.2 du cahier des clause particulières du marché public de gestion du centre de [Localité 5] imputant le coût des licenciements à la société Belambra Clubs, cette dernière est infondée à revendiquer un remboursement, en violation des dispositions contractuelles applicables,
La débouter de sa demande de prise en charge des couts allégués des licenciements par la CANSSM,
A titre encore plus subsidiaire,
Vu l'absence de justificatifs du quantum revendiqué par la société Belambra Clubs,
La débouter de l'intégralité de ses demandes.
L'intimée soutient une fin de non recevoir tirée du rejet de la demande d'annulation de l'homologation du document unilatéral élaboré par la société Belambra Clubs fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi des salariés du centre de [Localité 5], sur le fondement de l'article L.1235-7-1 du code du travail. Elle estime que la société Belambra Clubs a renoncé par la mise en 'uvre, en qualité d'employeur de la procédure de licenciement collectif pour motif économique à toute demande indemnitaire découlant de l'application des dispositions de l'article L.1224-1 dès lors que la procédure mise en place a été homologuée par la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur par décision du 20 mai 2014, que la validité de la décision d'homologation du document a été contestée devant les tribunaux administratifs et que l'interdiction de tout litige distinct de celui relatif à la décision d'homologation l'empêche donc de revendiquer l'application de l'article L.1224-1 du code du travail à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.
L'intimée conteste toute exploitation du centre et par suite la qualité d'employeur des salariés affectés par la société Belambra Clubs à l'activité du centre de [Localité 5]. Elle rappelle que selon l'article 4.2 du cahier des clauses particulières le gestionnaire s'engage à assurer la bonne gestion du centre de vacances avec l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers composant l'installation. Elle expose que pendant la période de suspension de l'activité qui s'est prolongée plus d'une année, c'est VVF en sa qualité d'« employeur direct du personnel du centre [IE] Latournerie qui a pris attache avec la Direction Départementale du Travail pour conclure des dispositifs de chômage partiel, des conventions FNE de formation, pour la totalité des salariés travaillant pour le centre de vacances , et qu'il est incohérent que la société Belambra Clubs puisse aujourd'hui contester sa qualité d'employeur des salariés .
Elle ajoute que le transfert par décret de la gestion sanitaire et sociale du régime minier incluant la politique de vacances à l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits Miniers lui a interdit toute poursuite de l'activité par la CANSSM depuis le 1er janvier 2014 et que la décision de vente lui a été imposée, en sorte que l'article L. 1224-1 du Code du travail ne peut recevoir application.
Le reclassement des salariés constituait une obligation légale pour la société Belambra Clubs qui avait déjà été mise en 'uvre lors de la fermeture temporaire du centre
Le constat selon lequel l'article L.1224-1 est d'ordre public ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse y être dérogé conventionnellement. Elle en conclut que la société Belambra Clubs n'est pas fondée à solliciter que le coût allégué par elle des licenciements soit mis à sa charge en violation des dispositions contractuelles précitées.
La clôture a été fixée à l'audience par mention au dossier, avis étant verbalement donné aux conseils des parties.
Motifs
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées,
Sur la fin de non-recevoir tirée du rejet de la demande d'annulation de l'homologation du document unilatéral élaboré par la société Belambra Clubs fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi des salariés du centre de [Localité 5]:
L'intimée fonde la fin de non-recevoir qu'elle soutient sur les dispositions de l'article L.1235-7-1 du code du travail, selon lequel:
« L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.
Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4.
Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'Etat.»,
en ce que la société Belambra Clubs , en mettant en oeuvre en qualité d'employeur des licenciements économiques autorisés par une décision définitive, sans avoir invoqué l'application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail qu'elle revendique aujourd'hui et sans faire intervenir la CANSSM à la procédure administrative, a renoncé à toutes demandes indemnitaires découlant de l'application des dispositions de l'article L.1224-1 qui ont été définitivement écartées par l'arrêt du Conseil d'Etat et les dispositions de l'article L.1235-7-1 du code du travail.
L'appelante réplique que le moyen ressortit d'une exception de procédure, le texte visé donnant ' compétence exclusive aux juridictions administratives', et que l'intimée est dès lors irrecevable en cette exception pour ne pas l'avoir soulevé avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, et pour ne pas avoir désigné devant quelle juridiction la demande devait être portée en violation de l'article 75 du code de procédure civile; elle ajoute que le visa de l'article 122 du code de procédure civile est erroné, le moyen tiré de l'autorité de chose jugée des décisions des juridictions administratives qui ont eu à connaître du PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) étant inapplicable en l'espèce.
La prétention soutenue pour la première fois en cause d'appel ne constituant pas une exception de procédure mais une fin de non-recevoir en ce qu'elle tend à voir déclarer irrecevable l'adversaire en ses demandes d'indemnisation, et la fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause conformément à l'article 123 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir soulevée est recevable.
Toutefois, l'intimée ne rapportant pas la preuve d'une identité d'objet, de cause et de parties au sens de l'article 480 du code de procédure civile entre la décision du conseil d'Etat du 29 juin 2016 et l'instance en cours, la prétention à l'autorité de chose jugée de cette décision, non fondée, est rejetée.
Sur le fond:
1. Sur le transfert de la gestion à l'ANGDM de l'action sanitaire et sociale du régime minier, comprenant le transfert des compétences relatives à la politique de vacances:
Pour prétendre à la réparation de son préjudice né du refus de reprendre les contrats de travail des salariés affectés au centre, l'appelante fait valoir qu' à la date de la fin du mandat de gestion du centre de vacances, celui-ci, qui constituait une entité économique autonome ainsi que la Cour de Cassation l'a définitivement énoncé, pouvait continuer à être exploité en sorte que les contrats de travail ont été transférés à la CANSSM, l'intimée soutenant en revanche que le transfert de la politique de vacances à l'ANGDM a interdit toute poursuite de l'activité par la Caisse nationale.
Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, d'ordre public, 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'
L'article L1224-1 précité prévoit un transfert des contrats de travail de plein droit lorsque les contrats sont attachés à l'entité économique autonome transférée.
Aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2018, le centre de vacances en cause constitue une entité économique autonome, une telle entité supposant que des moyens matériels, techniques et en personnel ont été spécifiquement affectés à la poursuite d'une finalité propre.
L'arrivée du terme du marché conclu entre les parties à la date du 10 janvier 2014 a conduit au retour de l'entité économique entre les mains de son propriétaire la CANSSM.
Il n'est pas démontré par l'intimée qui conteste le bénéfice du transfert des contrats de travail, que le transfert de la gestion à l'ANGDM de l'action sanitaire et sociale du régime minier comprenant le transfert des compétences relatives à la politique de vacances, selon décret du 30 mars 2012 (décret 2012-434 du 30 mars 2012) et du 28 mars 2013 (décret 2013-260 du 28 mars 2013) , constitue en lui-même une circonstance caractérisant une impossibilité de continuer l'exploitation du centre de vacances par la Caisse.
En effet, le transfert des contrats de travail est de plein droit et s'impose aux salariés et aux employeurs successifs, dès lors que l'article L1224-1 précité trouve à s'appliquer lorsque l'activité est poursuivie, et quelle que soit la volonté des parties, en l'espèce la décision de transférer la gestion de la politique de vacances et de vendre le centre [IE] Latournerie à [Localité 5].
En l'espèce la CANSSM a confié par mandat depuis 1974 la gestion du centre de vacances à la société Belambra Clubs anciennement dénommée VVF Vacances, en exécution d'un marché de droit privé, au terme duquel le 10 janvier 2014 la Caisse a reçu une entité en état d'être exploitée, comprenant les contrats de travail, les locaux et les moyens d'exploitation, ce que l'intimée ne conteste pas.
La vente du centre de vacances programmée par la Caisse courant 2014, selon un compte-rendu de réunion du 25 septembre 2013 de l'Instance de Coordination Stratégique de la CANSSM produit par l'intimée, est susceptible de constituer une modalité de poursuite de l'exploitation de l'entité économique, dès lors que l'activité exercée est soit poursuivie, soit reprise sous une autre direction.
Le fait qu'à la date du 10 janvier 2014 la Caisse n'a pas de fait exploité le centre de vacances et ne l'a cédé que plusieurs mois après l'expiration du contrat n'est pas susceptible de faire légitimement obstacle à l'application des dispositions d'ordre public du code du travail, seule l'absence de caractère exploitable de l'entité économique autonome pouvant constituer un tel obstacle au transfert des contrats de travail.
Il n'est pas contesté que l'activité en cause a été ultérieurement reprise par un établissement hôtelier en octobre 2015, lequel a maintenu, selon les productions de l'appelante, l'activité d'accueil et de logement de vacanciers dans l'établissement, ainsi que les prestations associées, ce qui confirme ainsi que l'activité pouvait continuer à être exploitée.
Il n'est pas démontré que la décision de transfert de la politique de vacances à l'ANGDM s'opposait au caractère exploitable de l'entité autonome, la caisse n'établissant pas n'avoir pas reçu le 10 janvier 2014 une entité autonome exploitable, ne justifiant d'aucune interpellation du demandeur à ce titre au terme du mandat , et bénéficiant ulté rieurement du produit de la vente du centre.
Il en résulte que la cessation de la convention de gestion et la décision de transfert de la politique de vacances à l'ANGDM n'empêchaient pas la continuation de l'exploitation par la Caisse à la date du retour de l'entité dans les mains de cette dernière.
2. Sur la prise en charge contractuelle des conséquences des licenciements :
Selon l'article L. 1224-2 du code du travail, en cas de transfert d'entreprise, le nouvel employeur est tenu de toutes les obligations qui incombaient à l'ancien à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, sauf si la cession intervient dans le cadre d'une procédure collective ou si la substitution d'employeur est intervenue sans qu'il y ait eu de convention, et que le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.
L'intimée n'établit pas que les dispositions de l'article 4.2 du Cahier des clauses particulières relatives aux obligations du gestionnaire pendant l'exécution du contrat de gestion, trouvent à s'appliquer pour régler les conséquences de l'arrivée du terme du contrat, de sorte qu'elle soutient vainement sur le fondement contractuel qu'il incombe à l'appelante de supporter les conséquences salariales postérieurement au contrat.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments l'infirmation du jugement dont appel.
3. Sur la demande d'indemnisation:
Le refus opposé par la CANSSM à la société Belambra Clubs de prendre en charge le transfert des contrats de travail à compter du 12 janvier 2014 conformément aux dispositions du code du travail applicables, présente un caractère fautif, dont l'appelante établit par les frais divers salariaux qu'elle a exposés qu'il lui a occasionné un préjudice qu'il convient de réparer intégralement.
En conséquence la CANSSM sera condamnée à payer à la société Belambra Clubs à titre de dommages et intérêts les sommes, non sérieusement contestées et réclamées par l'appelante qui en justifie par la production des bulletins de salaires des salariés concernés, de factures, s'élevant à 1.449.517,70 euros, ce montant étant assorti des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l'article 1231-7 du code civil.
Il est fait droit à la demande d'application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil s'agissant des intérêts échus, dus au moins pour une année entière.
L'intimée sera en outre condamnée à garantir la société Belambra de tous les coûts et conséquences des procédures judiciaires engagées par les salariés du centre de vacances, mesdames et messieurs [X] [V], [Y] [K], [L] [TI], [D] [R], [O] [W], [C] [S], [C] [TI], [P] [I], [U] [H], [G] [B], [J] [E], [F] [BK], [HB] [WS], [FY] [T], [NG] [M], [PM] [A], [ZN] [JH], [WE] [N], [MD] [Z], [CN] [BD] et [BA] [AE].
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 mars 2017,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2018, lequel CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Belambra clubs, l'arrêt rendu le 20 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,
Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée du rejet de la demande d'annulation de l'homologation du document unilatéral élaboré par la société Belambra Clubs fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi des salariés du centre de [Localité 5] ;
La rejette ;
Infirme le jugement dont appel,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) à payer à la société BELAMBRA CLUBS à titre de dommages et intérêts la somme de 1.449.517,70 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt;
Condamne la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) à garantir la société BELAMBRA CLUBS de tous les coûts et conséquences des procédures judiciaires engagées par les salariés du Centre, mesdames et messieurs [X] [V], [Y] [K], [L] [TI], [D] [R], [O] [W], [C] [S], [C] [TI], [P] [I], [U] [H], [G] [B], [J] [E], [F] [BK], [HB] [WS], [FY] [T], [NG] [M], [PM] [A], [ZN] [JH], [WE] [N], [MD] [Z], [CN] [BD] et [BA] [AE] ;
Condamne la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) à payer à Belambra Clubs la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toute demande autre ou plus ample ;
Condamne la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) aux entiers dépens.
Le greffier Le président