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12/12/2019 | FRANCE | N°19/06158

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 décembre 2019, 19/06158


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2019



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06158 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7SA2



Décision déférée à la cour : jugement du 04 mars 2019 -tribunal de commerce d'AUXERRE - RG n° 2018000845 - appel sur la compétence



APPELANTE



SA DIGITAL AUDIO

Ayant son siège so

cial [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

SUISSE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Bérengère VA...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2019

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06158 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7SA2

Décision déférée à la cour : jugement du 04 mars 2019 -tribunal de commerce d'AUXERRE - RG n° 2018000845 - appel sur la compétence

APPELANTE

SA DIGITAL AUDIO

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

SUISSE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bérengère VAILLAU de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AUXERRE,

Ayant pour avocat plaidant Me Cécile ORTHLIEB, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE

SAS ANTHALYS

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

Ayant pour avocat Me Gaëlle CHIMAY, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 917 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre ,

Mme Christine SOUDRY, conseillère,

Mme Camille LIGNIERES, conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Mme Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Anthalys est une société de tôlerie fine et d'usinage de précision.

Le 30 juin 2016, la SA Digital Audio a passé commande auprès de la SAS Anthalys de deux lots de Logominis Frame.

Par courriel en date du 23 août 2016, la SA Digital audio a annulé la commande puis a finalement décidé de la maintenir tout en sollicitant que la livraison soit reportée au mois de mars 2017.

La SAS Anthalys a sollicité un report de la livraison au mois de septembre 2017 que la SA Digital Audio a accepté.

Les marchandises ont été livrées le 28 février 2018 et refusées par la SA Digital Audio.

Par acte d'huissier de justice du 15 juin 2018, la SAS Anthalys a assigné la SA Digital Audio devant le tribunal de commerce d'Auxerre aux fins de la voir condamner à payer les factures, et les frais d'expédition et de retour des marchandises.

Par jugement du 4 mars 2019, le tribunal de commerce d'Auxerre :

- s'est déclaré compétent,

- a condamné la SA Digital Audio à payer à la SAS Anthalys la somme de mille euros (1.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la SA Digital Audio aux entiers dépens,

- a liquidé les frais de Greffe à la somme de 73.24 euros.

Par déclaration du 28 mars 2019, la SA Digital Audio a interjeté appel de ce jugement et a été autorisée par le président de chambre délégué par la première présidente à assigner à jour fixe la SAS Anthalys devant la cour d'appel de Paris et a fait délivrer une assignation à celle-ci par acte d'huissier de justice du 12 juin 2019.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 18 septembre 2019, la SA Digital Audio demande à la cour de:

Vu le règlement UE n°1215/2012 du 20 décembre 2012,

Vu la convention de Lugano du 30 octobre 2007,

- réformer le jugement entrepris,

En conséquence,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le tribunal de commerce d'Auxerre est incompétent au profit du tribunal d'arrondissement de l'Est Vaudois (Suisse) ;

- condamner la société Anthalys à payer une somme de 2.000 euros à la société Digital Audio au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Anthalys aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 septembre 2019, la SAS Anthalys demande à la cour de :

Vu les observations qui précèdent,

Vu les pièces versées au débat,

Vu les dispositions des articles 1108 et 1134 et suivants du code civil, de l'article 6 du Règlement UE n°1215/2012 dit Bruxelles I Bis, des articles 2, 7 et 23 de la Convention de Lugano,

- déclarer la SA Digital Audio mal fondée en son appel ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'il pouvait statuer sur la compétence ;

- dire et juger que la SA Digital Audio est irrecevable en son exception d'incompétence et l'en débouter ;

- subsidiairement, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Auxerre en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige ;

- débouter la SA Digital Audio de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamner la SA Digital Audio à payer à la SAS Anthalys la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

- condamner la SA Digital Audio aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SA Digital Audio soutient que les dispositions des articles 5§1 et 7§1 du Règlement UE n°1215/2012 'Bruxelles I bis' du 20 décembre 2012 ne s'appliquent pas en ce que la Suisse, pays dans lequel elle est située, n'est pas signataire de cet accord et qu'il y a lieu d'appliquer l'article 23 de la Convention de Lugano qui s'interprète de façon autonome, sans référence au droit interne, que la preuve de l'intégration des conditions générales de vente incombe à celui qui s'en prévaut et la SAS Anthalys n'établit pas que la SA Digital Audio ait pu prendre connaissance des conditions générales de vente avant la conclusion du contrat, celles publiées sur internet n'étant pas datées.

La SAS Anthalys fait valoir la SA Digital Audio n'a pas soutenu in limine litis l'exception d'incompétence lors des plaidoiries devant le tribunal de commerce où la procédure est orale puisqu'elle a préalablement plaidé le fond du litige en premier, que les articles 5 et 7 du règlement Bruxelles I bis ne sont pas applicables au cas d'espèce dans la mesure où la Suisse ne fait pas partie de l'union européenne, que la convention de Lugano s'applique, notamment son article 23 qui admet la validité des clauses attributives de compétence, que l'article 18 des conditions générales de vente de la SAS Anthalys prévoit une clause attributive de compétence, que les conditions générales de vente sont entrées dans le champ contractuel à compter de l'envoi de l'accusé de réception de la commande.

Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence

Au titre de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions d'incompétence doivent être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, à peine d'irrecevabilité.

La SAS Anthalys se fondant sur les termes du jugement pour alléguer que l'exception d'incompétence n'a pas été invoquée in limine litis, il y a lieu de rappeler que le tribunal de commerce a mentionné dans les motifs de sa décision :

'Attendu que lors de l'audience de plaidoiries, il appartenait à la partie défenderesse, soulevant l'exception d'incompétence, de demander au Président d'audience, de plaider en premier et afin que le tribunal statue uniquement sur la compétence territoriale.

Attendu que la SAS Digital Audio, représentée par le cabinet DGK a laissé plaider, la SAS Anthalys, représentée par Me Chimay, sur la compétence et le fond.

Attendu que dans l'intérêt d'une bonne reddition de la justice et dans l'intérêt du

dossier, il appartient au tribunal de ne trancher que sur la question de la compétence.'

Il résulte des conclusions de la SAS Anthalys devant le tribunal de commerce que la SAS Digital Audio a invoqué à titre principal, l'incompétence du tribunal de commerce d'Auxerre, ce qui l'a amenée à répondre sur ce plan.

Si devant le tribunal de commerce, la procédure est orale, il n'appartenait cependant pas au défendeur de modifier l'ordre des plaidoiries tel qu'il avait été décidé par le président pour prendre la parole spontanément afin d'exposer l'exception d'incompétence avant que le demandeur n'expose ses demandes au fond.

Il ne résulte pas du jugement, la feuille d'audience n'étant pas produite, que lorsque la parole a été donnée à la SAS Digital Audio devant le tribunal de commerce, elle a exposé des défenses au fond avant l'exception d'incompétence. D'ailleurs, le tribunal ne tire aucune conséquence juridique des constatations qu'il a faites sur ce plan.

Cette demande doit être déclarée recevable.

Sur le bien fondé de la demande

Les parties demandent l'application de la convention de Lugano du fait que la Suisse n'est pas un état membre de l'union européenne.

En tout état de cause, les dispositions des articles 2 et 5 de la convention de Lugano prévoient des dispositions similaires au Règlement 'Bruxelles I bis'.

Il résulte de l'article 23 de la convention de Lugano que :

« 1. Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat lié par

la présente Convention, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat lié par

la présente convention pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un

rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont compétents.

Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention

attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre

elles ; ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage

dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est

largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les

parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

2. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement

la convention est considérée comme revêtant une forme écrite. ' ».

La Convention de Lugano s'applique sans référence aux dispositions propres à chaque état dont dépendent les parties.

En l'espèce, il y a lieu de se référer aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou s'agissant de relations commerciales internationales, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties.

La SAS Anthalys oppose à sa cocontractante l'existence de la clause attributive de compétence suivante incluse dans ses conditions générales de vente :

L'article 18 des conditions générales de vente de la SA ANTHALYS énonce que

« Les contrats sont régies par la législation française, les parties s'efforceront de régler à l'amiable tous les différends relatifs à l'interprétation et à l'exécution des présentes conditions générales de vente et des contrats.

Au cas où elles n'y parviendraient pas et à défaut de convention contraire, le tribunal du siège de la société ANTHALYS est seul compétent pour toutes les contestations même en cas d'appel en garantie ou de pluralité de défendeurs. »

La SA Digital Audio contestant avoir eu connaissance des conditions générales de vente de la société Anthalys, celle-ci verse aux débats l'accusé de réception de la commande émis le 7 juillet 2016 et aux termes duquel il est spécifié 'vous devez consulter les conditions générales de vente sur le site www.anthalys, l'acceptation de l'ACR vaut acceptation pure et simple desdites'.

Il en résulte que l'acceptation de l'accusé de réception de la commande vaut acceptation pure et simple des conditions générales de vente.

M. [H], par mail du 24 juin 2019 précise qu'il est l'auteur de la première mise en ligne des conditions générales de vente sur le site internet de la SAS Anthalys, que la version est restée inchangée mais qu'une version anglaise a été ajoutée en avril 2014. Il a précisé que la version actuelle du site est hébergée sur les serveurs d'Expert DSI dont il est le gérant et qu'aucune modification n'est intervenue depuis les concernant.

Le fait que M. [H] soit à l'origine de la mise en place des conditions générales de vente pour le compte de la SAS Anthalys, alors qu'il était salarié d'une autre société ne rend pas son témoignage sans portée, aucun élément ne le contredisant.

Les deux parties sont commerçantes et la SAS Anthalys produit des avis de réception de commande, des bons de livraison et des factures justifiant qu'elle entretient un courant d'affaires régulier avec la SA Digital Audio depuis juillet 2015 et que cette pratique était usuelle entre elles, les avis de réception de commande et les factures édités antérieurement faisant également mention que les conditions générales de vente de la SAS Anthalys étaient consultables sur son site internet dont l'adresse était précisée.

La SA Digital Audio, en acceptant l'accusé de réception de la commande émis le 7 juillet 2016, a été informée des conditions dans lesquelles elle pouvait prendre connaissance des conditions générales de vente de la SAS Anthalys ce qui les a fait entrer dans le champ contractuel, au vu de la mention figurant sur cet accusé de reception.

En conséquence, la clause d'attribution de compétence prévue aux conditions générales de vente de la SAS Anthalys s'applique conformément aux dispositions de l'article 23 de la convention de Lugano et le jugement sera confirmé en ce que le tribunal de commerce d'Auxerre s'est déclaré compétent sur le fondement de cette clause.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner la SA Digital Audio à verser à la SAS Anthalys la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la SA Digital Audio à verser à la SAS Anthalys la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

RENVOIE l'examen de l'affaire devant le tribunal de commerce d'Auxerre,

CONDAMNE la SA Digital Audio aux dépens d'appel.

Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT

Greffière Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/06158
Date de la décision : 12/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°19/06158 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-12;19.06158 ?
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