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12/12/2019 | FRANCE | N°18/14310

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 12 décembre 2019, 18/14310


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2019



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14310 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Y4J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2018 -Juge de l'expropriation de MELUN - RG n° 16/00083





APPELANTE



Société d'Economie Mixte LA SOCIETE AMENAGEMENT 7

7

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Frédéric-Pierre VOS de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205





INTIMÉES



Mme [H] [J]

[Adres...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14310 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Y4J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2018 -Juge de l'expropriation de MELUN - RG n° 16/00083

APPELANTE

Société d'Economie Mixte LA SOCIETE AMENAGEMENT 77

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric-Pierre VOS de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205

INTIMÉES

Mme [H] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Claudine SCOTTO D'APOLLONIA, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1941

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES TRESORERIE GENERALE DE SEINE ET MARNE- COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Madame [I] [A] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2019, en audience publique, rapport ayant été fait par Monsieur Hervé LOCU, conformément aux articles 785, 786 et 907 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Monsieur Hervé LOCU,président

- Monsieur Gilles MALFRE, conseiller

- Madame MONGIN Marie, conseillère

Greffier, lors des débats : Amédée TOUKO-TOMTA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, président de la chambre et par Mme Léna ETIENNE, Greffier, présent lors mise à disposition.

*****

Exposé':

Par arrêté du 28 juillet 2011, le préfet de la Seine-et-Marne a déclaré d'utilité publique les acquisitions foncières au profit de la société d'économie mixte (SEM) aménagement 77 (concessionnaire de la [Localité 1]) nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concertée (ZAC) [Localité 2]. La légalité de cette opération a été confirmée par un arrêt du Conseil d'État du 11 juillet 2016.

Est notamment concernée par l'opération Mme [J], propriétaire des parcelles cadastrées C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2], sises au [Adresse 4]. Celles-ci forment une unité foncière de forme rectangulaire, d'une superficie de 2 065 m², consistant en un terrain nu, en nature de bois taillis, libre de toute occupation.

Elles sont situées en zone 1AUa aux termes du plan local d'urbanisme de [Localité 1], modifié le 07 janvier 2015.

Faute d'accord sur l'indemnisation, la SEM aménagement 77 a saisi, par mémoire visé au greffe le 26 octobre 2016, le juge de l'expropriation de Melun.

Par jugement du 18 janvier 2018, après transport sur les lieux le 07 mars 2017, celui-ci a :

- fixé l'indemnité due par la SEM aménagement 77'à Mme [S]'la somme de 54 350 euros se décomposant comme suit :

- 48 500 euros au titre de l'indemnité principale ;

[485 m² x 100 euros].

- 5 850 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- condamné la SEM aménagement 77 verser'à'Mme [S]'la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront laissés la charge de l'autorité expropriante en application des dispositions de l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

Par jugement rectificatif du 12 avril 2018, celui-ci a :

- ordonné la rectification des motifs du jugement ;

- ordonné la rectification du dispositif du jugement comme suit et en conséquence a :

- fixé l'indemnité due par la SEM aménagement 77'à Mme [J]'la somme totale de 228 150 euros se décomposant comme suit :

- 206 500 euros au titre de l'indemnité principale ;

[2 065 m² x 100 euros]

- 21 650 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- condamné la SEM aménagement 77 verser'à'Mme [J]'la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront laissés la charge du trésor public.

La SEM aménagement 77 a interjeté appel de ces jugements le 28 mai 2018.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe, par la SEM aménagement 77, le 27 août 2018, notifiées le 03 septembre 2018 (AR du 12 septembre 2018), aux termes desquelles elle demande la cour :

- d'infirmer le jugement du 18 janvier 2018, tel que rectifié par le jugement du 12 avril 2018 ;

- en conséquence :

-'À titre principal':

Si la cour considère que les termes de comparaison produits sont pertinents :'

- et qu'elle considère que la situation privilégiée est déjà prise en compte par les termes de comparaison produits, de fixer l'indemnité d'expropriation à un montant total de 23 715 euros se décomposant comme suit :

- 20 650 euros au titre de l'indemnité principale, soit :

- 10 700 euros pour la parcelle C [Cadastre 1] ;

[1 070 m² x 10 euros]

- 9 950 euros pour la parcelle C [Cadastre 2] ;

[995 m² x 10 euros]

- 3 065 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- et qu'elle considère que la situation privilégiée n'est pas déjà prise en compte par les termes de comparaison produits : de fixer l'indemnité d'expropriation un montant total de 28 258 euros se décomposant comme suit :

- 24 780 euros au titre de l'indemnité principale, soit :

- 12 840 euros pour la parcelle C [Cadastre 1] ;

[1 070 m² x 12 euros]

- 11 940 euros pour la parcelle C [Cadastre 2] ;

[995 m² x 12 euros]

- 3 478 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

-'À titre subsidiaire':

Si la Cour considère que les termes de comparaison produits ne sont pas pertinents et que le prix unitaire des parcelles expropriées correspondrait 10% du prix unitaire d'un terrain à bâtir, de fixer l'indemnité d'expropriation un montant total de 60 059 euros se décomposant comme suit :

- 53 690 euros au titre de l'indemnité principale soit :

- 27 820 euros pour la parcelle C [Cadastre 1] ;

[1 070 m² x 26 euros]

- 25 870 euros pour la parcelle C [Cadastre 2] ;

[995 m² x 26 euros]

- 6 369 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

- adressées au greffe, par Mme [J], le 11 décembre 2018, notifiées le 14 décembre 2018 (AR du 19 décembre 2018), aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 18 janvier 2018, tel que rectifié par le jugement du 12 avril 2018 ;

-de condamner la SEM aménagement 77 à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de laisser les dépens à la charge de l'expropriant ;

- adressées au greffe, par le commissaire du gouvernement, intimé et appelant incident, le 05 novembre 2018, notifiées le 09 novembre 2018 (AR des 12 et 13 novembre 2018), aux termes desquelles il demande la cour :'

- de déclarer la SEM aménagement 77 recevable et non déchue en son appel;

- de réformer le jugement ; en conséquence, de fixer l'indemnité due par la SEM aménagement 77 Mme [J] la somme totale de 23 715 euros, soit :

- 20 650 euros au titre de l'indemnité principale, soit :

[2 065 m² x 10 euros]

- 3 065 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

MOTIFS DE L'ARRÊT':'

La SEM aménagement 77 fait valoir que :

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une méthode d'évaluation consistant à retenir un pourcentage du prix unitaire du terrain bâtir pour pouvoir fixer le prix unitaire du terrain à l'usage effectif de terrain en nature de bois taillis ; en effet, ce n'est qu'à titre exceptionnel, en l'absence de termes de comparaison issus du marché libre ayant le même usage effectif, que le juge de l'expropriation peut retenir cette méthode ; par conséquent, compte tenu de l'existence de termes de comparaison issus du marché libre, il convient d'utiliser la méthode par comparaison afin d'évaluer les parcelles expropriées ;

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu la situation privilégiée des parcelles C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2] ; en effet, celles-ci ne sont pas desservies par les réseaux divers, qui sont d'ailleurs éloignés ; en outre, les parcelles ne sont pas desservies par des sentiers carrossables ; en tout état de cause, si la situation privilégiée des parcelles était reconnue par la Cour, il conviendrait de considérer que les termes de comparaison produits tiennent compte de la situation privilégiée des parcelles ;

À titre principal':

Les termes de comparaison produits doivent être retenus ; en effet, ils sont comparables aux parcelles car ils portent sur des terrains de même nature, en friche et bois taillis, sur des terrains desservis par une ou plusieurs voies, ne comportant pas de réseaux suffisants pour desservir l'ensemble de la ZAC; en outre, si les conditions prévues par les dispositions de l'alinéa 1er'de l'article L 322-8 du code de l'expropriation ne sont pas remplies (45, 9% du foncier détenu), il est nécessaire de tenir compte des accords amiables intervenus comme des références pertinentes ; par ailleurs, les termes de comparaison ne sauraient être écartés parce qu'ils portent sur des ventes intervenues pendant la période de blocage de la procédure d'expropriation ; d'une part, cette circonstance n'implique pas que les ventes ont été passées dans le cadre d'un marché paralysé et celles-ci sont donc représentatives de la tendance générale du marché ; à cet égard, aucune disposition du code de l'expropriation n'empêche le juge de l'expropriation de prendre en considération des termes de comparaison relatifs à des terrains situés dans le périmètre de l'opération d'expropriation ; d'autre part, la contestation de la DUP devant les juridictions administratives est sans influence sur le calcul du montant de l'indemnité d'expropriation et n'a d'ailleurs pas pour conséquence de paralyser les opérations ; en tout état de cause, l'âge, la domiciliation et la profession du vendeur du terrain ne sont pas des considérations de nature à révéler que le prix de vente serait anormalement bas ;'

Dès lors, si la cour considère que les termes de comparaison tiennent compte de la situation privilégiée des parcelles, il convient de retenir la valeur unitaire de 10 euros/m² et de fixer l'indemnité totale à la somme de 23 715 euros.

Toutefois, si la Cour considère que la valeur de 10 euros/m² ne tient pas compte de la situation privilégiée des parcelles C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2], il convient de retenir la valeur unitaire de 12 euros/m² (application d'une plus-value de 20%) ; par conséquent, de fixer l'indemnité totale à la somme de 28 258 euros.

À titre subsidiaire':

Si la cour considère que la méthode d'évaluation par comparaison ne permet pas de tenir compte de la situation privilégiée des parcelles C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2], il convient de les évaluer en appliquant un abattement de 10% sur la valeur du terrain constructible ; compte tenu de la valeur moyenne des mutations de terrains à bâtir sur le secteur de 260 euros/m², il convient de retenir la valeur unitaire moyenne de 26 euros/m² [260 x 0,10] ; dès lors, l'indemnité totale d'expropriation s'élèverait à la somme de 60 059 euros.

Mme [J] répond que :

La SEM aménagement 77 bénéficie d'un marché captif depuis plus de 12 ans ; ainsi, le prix des accords amiables, au demeurant passés avec des personnes âgées, ne saurait refléter le prix d'un marché libre ;

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a appliqué la méthode par décote sur le prix du terrain à bâtir afin d'indemniser les parcelles expropriées ; en effet, contrairement à ce que soutient la SEM aménagement 77, il n'existe aucune contrainte sur le juge de l'expropriation dans le choix d'une des méthodes d'évaluation des terrains en situation privilégiée dès lors que sa décision d'écarter les termes de comparaison que les parties lui ont présentés est parfaitement motivée ; en l'espèce, tous les termes de comparaison ont été écartés car ils portaient sur des ventes anciennes, des terrains enclavés, de configuration irrégulière ou de trop grande superficie ; il en ressort que le juge de l'expropriation, qui a parfaitement motivé sa décision, a utilisé souverainement la méthode d'évaluation par abattement sur le prix du terrain à bâtir pour les parcelles qu'elle a considérées en situation privilégiée ;

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a reconnu la situation privilégiée des parcelles ; en effet, celles-ci sont desservies par des voies d'accès et sont inclues dans une zone urbaine en plein développement socio-économique et démographique ; outre la situation géographique privilégiée des parcelles, celles-ci se situent à proximité des réseaux ; ainsi, les parcelles bénéficient d'une situation hautement privilégiée contrairement à ce qu'allègue la SEM aménagement 77 ;

Les termes de comparaison proposés par la SEM aménagement 77 doivent être écartés; en effet, les six références produites portent sur des parcelles trop éloignées, non comparables et ne sont pas suffisamment précises pour permettre de se rapprocher de la valeur réelle des parcelles expropriées ;

La SEM aménagement 77 doit être condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le commissaire du gouvernement soutient que :

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a reconnu une situation privilégiée aux parcelles C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2] ; en effet, elles ne bénéficient pas de voie de desserte carrossables ; en outre, elles ne sont pas viabilisées ; par ailleurs, elles ne sont pas à proximité d'équipements et ne connaissent pas une situation géographique favorable, car elles sont à l'écart des zones d'habitation du [Localité 2] ;'

Les termes de comparaison produits ne sauraient être écartés compte tenu de l'âge ou de la qualité des vendeurs ; par ailleurs, les ventes consenties pendant la période de blocage de la procédure d'expropriation du fait des recours contre l'arrêté de la DUP constituent des références valables ;'

Il ressort des termes de comparaison produits une valeur unitaire moyenne de 10 euros/m² ; par conséquent, l'indemnité due par la SEM aménagement 77 Mme [J] doit s'élever la somme totale de 23 715 euros, soit :

- 20 650 euros au titre de l'indemnité principale, soit :

[2 065 m² x 10 euros]

- 3 065 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

SUR CE'

Sur la recevabilité des conclusions'et des pièces.

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 9 mars 2018':

«'À peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois compter de la déclaration d'appel.'

Á peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.'

L'intimé un appel incident ou un appel provoqué dispose, peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois compter de la notification qui en est faite pour conclure.'

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.'

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.'Le greffe notifie chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises ».''

En l'espèce,'les conclusions de la SEM aménagement 77 ont régulièrement été déposées au greffe le 27'aout 2018, celles du commissaire du gouvernement adressées le 5 novembre 2018 et celles de Mme [J] adressées le 11 Décembre 2018 dans les délais légaux sont recevables.'

Au fond

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être prive si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que «'nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité'».

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, «'les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain cause par l'expropriation'».

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 et L322-6 dudit code - leur usage effectif la date définie par ce texte.

L'appel principal de la SEM aménagent 77 porte sur la qualification juridique des parcelles, sur l'indemnité principale et, subsidiairement sur l'application de 90% d'abattement en cas de qualification de terrain à bâtir

Le commissaire du gouvernement appelant incident demande de confirmer la recevabilité de l'appel, et la fixation de l'indemnité totale de dépossession à verser à madame [H] [J] à la somme de 23'715 €.

Aucune contestation n'existe au titre de la superficie des deux parcelles concernées par la procédure soit'respectivement, 1070 m², et 995 m².

S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer au 7 janvier 2015 conformément aux articles L 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L 213-4 code de l'urbanisme.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant des données d'urbanisme,

- La parcelle cadastrée C n°[Cadastre 1] est d'une superficie de 1070 m2.

- La parcelle cadastrée C n°[Cadastre 2] est d'une superficie de 995 m2';

Elles se situent en Zone 1AUa du PLU au [Adresse 4].

La Zone 1AUa dit ouest des Rédars, au nord de la RD 934 et à l'ouest du [Localité 2] assure une urbanisation cohérente du secteur. La délivrance des autorisations d'occuper et d'utiliser le sol dépend de la réalisation des équipements internes nécessaires à la zone qui doit intervenir globalement dans le cadre d'une opération d'ensemble';

Le périmètre de la ZAC [Localité 2] correspond aux secteurs 1AUa, 1AUb et 1AUc.

La ZAC n'est pas contestée par les parties en cause d'appel.

Le jugement sera donc confirmé sur ces points.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance':

La parcelle cadastrée C n°[Cadastre 1] d'une surface de 1'070 m2 et C n° [Cadastre 2] de 995 m2, soit une superficie totale de 2065 m2, située au lieu-dit «'Les Rédars'» forme un terrain nu en nature de verger, friche, bois taillis'; libre de toute occupation, de forme rectangulaire'de 21 mètres de largeur et de 94 mètre de profondeur, elle est entourée de zones de nature identique et est desservie sur ses courtes façades de 20 mètres par [Adresse 5], qui est un chemin de terre carrossable, avec à environ 40 mètres, à l'Ouest, la zone industrielle et commerciale, et le «'Sentier des Badrons'». Ce chemin rural permet aussi de rejoindre à l'Est une zone urbaine très dense distante de 190 mètres pour déboucher à 100 autres mètres plus loin, sur l'avenue des Joncs, voie asphaltée, qui traverse la zone urbaine du Nord au Sud. Cette avenue conduit directement à la route départementale n°934 à moins de 200 mètres au Sud.

Le premier juge s'est reporté au procès-verbal de transport du 07 mars 2017.

S'agissant de la date laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance, initialement le 18 janvier 2018, mais rectifié pour erreur matérielle le 12 avril 2018 (jugement rectificatif).

A - Sur le bénéfice de la situation dite «'privilégié'» du terrain exproprié.

Au visa de l'article L'322-2 du code de l'expropriation, le premier juge a considéré que les parcelles en cause ne remplissent pas les trois conditions pour recevoir la qualification de terrain à bâtir,ce qui n'est pas contesté par les parties en appel.

Le premier juge a retenu leur situation privilégiée, ce que conteste la SEM et le commissaire du gouvernement.

Toutefois, les parcelles ne sont pas dénuées d'intérêts au regard de la présence de certains éléments d'équipements ou d'une situation géographique.

En effet, elles sont situées en zone 1AUa du Plan Local d'Urbanisme dans le secteur des Rédars. Cette zone est destinée à assurer une urbanisation cohérente du secteur dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble, à charge pour l'aménageur de réaliser les équipements propres internes à la zone. Elle est destinée à une dominante d'habitat.

Au cas particulier, les parcelles C n°[Cadastre 1] et C n°[Cadastre 2] sont certes desservies par un sentier accessible par des engins agricoles et difficilement praticable par des automobilistes. Elles sont entourées de parcelles de nature identique. De plus, les réseaux existants sont éloignés de leur situation géographique.

Il n'en demeure pas moins qu'elles sont à proximité immédiate du centre commerciale et du centre culturel, soit à 40 mètres de toutes commodités et de forte densité urbaines.

En conséquence, les parcelles C n°[Cadastre 1] et C n°[Cadastre 2] doivent donc être considérées comme bénéficiant d'une situation privilégiée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

B- Sur la méthode d'évaluation.

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée la situation des biens expropriés.

Aux termes de l'article L322-8 du code de l'expropriation, sous réserve de l'article L322-9, le juge tient compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration publique et les prends pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

La méthode privilégiée de détermination du prix de cession est celle de la comparaison, qui consiste à déterminer les données du marché immobilier local à l'aide de mutations de comparaison aussi nombreuses, récentes et sincères que possible, portant sur des biens présentant des caractéristiques aussi proches que possible du bien à estimer, et, à partir de là, en déduire la valeur du bien exproprié. La méthode retenue d'évaluation par comparaison, n'est pas contestée par les parties.

Les parties s'opposent sur le montant de l'indemnisation.

Le premier juge a fixé le montant de l'indemnisation à 100 € du m². L'exproprié demande la confirmation de ce montant. L'expropriant propose la somme de 10 € du m² et 12€ du m² à titre principal ou 26 € à titre subsidiaire. Le commissaire de gouvernement retient 10 € du m².

Compte tenu de ces éléments, il convient d'examiner les termes de référence proposés par les parties.

1)Les références des parties en présence.

a) Les références de la Société d'Économie Mixte AMÉNAGEMENT 77 pour la somme de 10 € ou 12 € par mètre carré'à titre principal :

Les parcelles cadastrées C[Cadastre 3] et C[Cadastre 4], en zonage PLU1 AUa dont la cession définitive est intervenue le 04/07/2013, d'une superficie de 2054 m² pour un prix de 10€/m².

La parcelle cadastrée C [Cadastre 5] en zonage PLU1 AUa dont la cession définitive est intervenue le 26/03/2014, d'une superficie de 575 m2 pour un prix de 10€/m2.

Les parcelles cadastrées BH [Cadastre 6] et BH[Cadastre 7], en zonage PLU 1 AUb dont la cession définitive est intervenue le 22/04/2015, d'une superficie de 3371 m² pour un prix de 9,24€/m².

Les parcelles cadastrées BE[Cadastre 8], BE[Cadastre 9] et BA[Cadastre 10], en zonage PLU 1AUa, 1 AUb BA [Cadastre 10] dont la cession définitive est intervenue le 07/12/2016, d'une superficie de 4826 m² pour un prix de 9,88€/m².

Les parcelles cadastrées C [Cadastre 11], C[Cadastre 12], C[Cadastre 13], C[Cadastre 14] et C[Cadastre 15], en zonage PLU 1 AUa, dont la cession définitive est intervenue le 29/05/2017, d'une superficie de 3071 m² pour un prix de 9,66€/m².

Les parcelles cadastrées C [Cadastre 16], BE [Cadastre 17] et BH [Cadastre 18], en zonage PLU1 1AUb, 1 AUa, dont la cession définitive est intervenue le 04/10/2017, d'une superficie de 1094 m² pour un prix de 9,50€/m².

Il convient d'exclure toutes ces références puisque ces parcelles ne bénéficient pas de la situation privilégiée dévolues aux'parcelles C n°[Cadastre 1] et C n°[Cadastre 2].

b) Les Références de la Société d'économie mixte AMÉNAGEMENT 77 pour les 26€ par mètre carré à titre subsidiaire':

Par extraordinaire, la SEM 77 propose de retenir sur la base de valorisation de terrain à bâtir les ventes du':

-05/09/2013 n° 2013P08133 cadastrées BB [Cadastre 19] et BB [Cadastre 20] au [Adresse 6] de 731 m² dont le prix au m² est de 232,56€ en Zone PLU UD.

-31/01/2012 n° 2012P02250 cadastrées BC [Cadastre 21] au [Adresse 7] de 571 m² dont le prix au m² est de 297,72€ en Zone PLU UD.

-03/06/2015 n° 2015P06453 cadastrées BC [Cadastre 22] au [Adresse 8] de 637 m² dont le prix au m² est de 266,88€ en Zone PLU UD.

La moyenne de l'ensemble de ces trois termes de comparaison s'élève à la valeur unitaire de 265,72€ par mètre carré.

Nonobstant, le fait que cette moyenne s'applique aux terrains qui ont reçu la qualification de « terrain à bâtir » donc constructibles et, que le second des premiers termes de comparaison de plus de cinq ans doit etre écarté.

La moyenne est donc de 232,56 euros +266,88+499,44/2=249, 72 euros, mais il convient de retenir la moyenne plus favorable de 260 euros, avec un abattement usuel de 10% de la valeur pour fixer la valeur des parcelles dites «'en situation privilégiées'», soit 26 € par m².

c) Les références du commissaire du gouvernement.

Le commissaire du gouvernement propose de retenir pour le calcul de l'indemnité principale de déterminer par comparaison avec des mutations de terrains à bâtir dans l'environnement géographique de la parcelle litigieuse.

Les parcelles cadastrées C[Cadastre 3] et C [Cadastre 4] en zonage PLU 1AUa dont la cession définitive est intervenue le 04/07/2013, ayant pour date d'acquisition le 10/06/2013 et d'une superficie de 2054 m² pour un prix de 10€/m².

Les parcelles cadastrées BH [Cadastre 6] et BH[Cadastre 7], en zonage PLU 1AUb dont la cession définitive est intervenue le 22/04/2015, ayant pour date d'acquisition le 27/03/2015 d'une superficie de 3371 m² pour un prix de 9,24€/m².

Les parcelles cadastrées BE[Cadastre 8], BE[Cadastre 9] et BA[Cadastre 10], en zonage PLU 1AUa, 1 AUb, dont la cession définitive est intervenue le 07/12/2016, ayant pour date d'acquisition le 15/11/2016 d'une superficie de 4826 m² pour un prix de 9,88€/m², arrondi à 10 €/m².

Les parcelles cadastrées C [Cadastre 11], C[Cadastre 12], C[Cadastre 13], C[Cadastre 14] et C[Cadastre 15], en zonage PLU 1 AUa, dont la cession définitive est intervenue le 29/05/2017, ayant pour date d'acquisition le 28/04/2017 d'une superficie de 3071 m² pour un prix de 9,66€/m².

Le prix moyen de ces quatre références est de 10 €/m² sans décote.

Le commissaire du gouvernement écarte cependant la notion de situation privilégiée pour les parcelles C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2].

En conséquence, il convient d'exclure les références du commissaire du gouvernement en ce que ça ne retient pas la situation privilégiée des parcelles en cause d'appel et ces références n'étant pas comparables.

d) Madame [J]:

Elle ne produit aucune référence. En revanche, elle souligne que certains points relatifs aux réseaux, à la desserte et la situation géographique de l'unité foncière composant les parcelles C n° [Cadastre 1] et C n° [Cadastre 2].

Ainsi, l'unité foncière se situe au milieu de la ZAC. Celle-ci est desservie par les réseaux d'eau potable, de téléphone et d'assainissement d'eaux usées et pluviales, tous de capacité suffisante et de proximité immédiate à environ 40 mètres.

[Adresse 5], permet de rejoindre à, environ 40 mètres, une vaste étendue asphaltée constituée de parking, de zone industrielle, commerciale, artisanale centrale de la commune de SAINT-THIBAULT-VIGNES et de voies les reliant, dont la sortie débouche quelques dizaines de plus loin en plein centre-ville sur la Route Départementale n°418.

La [Localité 1], a connu un essor démographique considérable fulgurant en 25 ans, passant de 1400 habitants en 1980 à 6500 en 2005.

La desserte immédiate par des voies de circulation constitue donc, pour ces terrains, un atout considérable qui lui confère une plus-value importante en raison des facilités d'accès pour les transports et la main-d''uvre.

Sur l'indemnité principale des parcelles :

À partir de la valeur retenue de 26 euros/m²:

Parcelle C n° [Cadastre 1]': 26 € x 1 070 m² = 27'820 €

Parcelle C n° [Cadastre 2]': 26 € x 995 m² = 25'870 €

Soit une indemnité principale de': 53'690 €

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur l'indemnité de remploi des parcelles:

L'article R 322-5 du Code l'expropriation dispose que «'L'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l'indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l'acquisition de bien de remplacement''».

Les taux s'établissent ainsi':

- 20% pour la fraction de l'indemnité principale inférieur à 5'000 €:1 000 euros

- 15% pour la fraction de l'indemnité principale comprise entre 5'001€ et 15'000 €:1 500

- 10% pour le surplus:(53 690-2 500)=5 119 euros soit un total de 2500+5119=7 619 euros

soit un total de 53 690+7 619 euros=613 309 euros.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement de première instance en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L' équité commande de confirmer le jugement qui a condamné la SEM 77 à verser à Mme [J] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L' équité commande de débouter Mme [J] de sa demande sur ce fondement en cause d'appel.

Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont la charge de l'expropriant conformément l'article L 312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Madame [J] perdant le procès en appel sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

DÉCLARE recevables les conclusions des parties.

INFIRME partiellement le jugement

Statuant à nouveau

FIXE à la somme totale de soixante et un mille cinquante-sept euros - 61 309 euros l'indemnité de dépossession devant revenir à Madame [H] [J], par la société d'économie mixte et d'aménagement 77 pour l'expropriation des parcelles cadastrées section C n°[Cadastre 1] et C n°[Cadastre 2] sise la commune de [Localité 1].

Se décomposant comme suit':

-Indemnité principale': 53'690 euros.

-Indemnité de remploi': 7 619 euros.

CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

DÉBOUTE Madame [H] [J] de sa demande au titre de l'article 700 code de procédure civile.

CONDAMNE Madame [H] [J] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/14310
Date de la décision : 12/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°18/14310 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-12;18.14310 ?
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