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11/12/2019 | FRANCE | N°17/10254

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 11 décembre 2019, 17/10254


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 11 DECEMBRE 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10254 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B34GI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 13/01514





APPELANTE



SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicil

ié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03





INTIME



Monsieur [Y] [N]

[Adresse 1]

Représen...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 11 DECEMBRE 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10254 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B34GI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 13/01514

APPELANTE

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

INTIME

Monsieur [Y] [N]

[Adresse 1]

Représenté par Me Thierry RENARD de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

INTERVENANTE

Syndicat ALTER

[Adresse 2]

Représentée par Me Thierry RENARD de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne BERARD Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [N], commandant de bord, est salarié de la société Air France depuis le 14 décembre 1987.

Le 18 juillet 2012, un syndicat a décidé un arrêt de travail du 25 au 29 juillet 2012 pour le personnel navigant d'Air France.

M. [N] s'est déclaré gréviste pour la journée du 25 juillet 2012.

Il devait effectuer les 25, 26 et 27 juillet une rotation au départ de [Localité 2] à destination de [Localité 1].

L'employeur a procédé à une retenue sur salaire de 441,29€ pour la journée de grève du 25 juillet 2012 et pour les journées du 26 et du 27 juillet 2012 pour inexécution du contrat de travail.

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 15 avril 2013 et le syndicat Alter est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 15 juin 2017, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la SA Air France à lui verser la somme de 424,16€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la perte de salaire correspondant à la déprogrammation de son activité le lendemain de sa participation à la grève 25 juillet 2012, avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

- renvoyé en départage pour le surplus des demandes,

- réservé les dépens

Le 19 juillet 2017, la société Air France a régulièrement interjeté appel.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 septembre 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la société Air France demande à la cour d'infirmer le jugement rendu, et :

- de débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer les sommes suivantes :

- 147,09€ à titre de salaire indûment versé pour la période du 28 au 29 juillet 2012,

- 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 30 septembre 2019, auxquelles il est expressément fait référence, M. [N] et le syndicat Alter, intervenant volontaire, demandent de:

- confirmer le jugement,

- condamner la société Air France à verser à M. [N] la somme de 424,16€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la perte de salaire correspondant à la déprogrammation de son activité le lendemain de sa participation à la grève du 25 juillet 2012,

- condamner la société Air France à verser à M. [N] 2.000€ de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par les sanctions irrégulières et les retenues sur salaire abusives,

- juger recevable l'intervention du syndicat Alter,

- condamner la société Air France à verser au syndicat la somme de 2.000€ de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par la profession représentée par ledit syndicat,

- condamner la société Air France à verser à M. [N] et au syndicat Alter la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 14 octobre 2019.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat Alter

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

La société Air France ne reprenant pas dans le dispositif de ses écritures la demande qu'elle développe à ce titre, la cour n'en est dès lors pas saisie.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat renouvelée à hauteur d'appel, qui par ailleurs ne relève pas des dispositions de l'article 125 alinéa 1 du code de procédure civile.

Sur la demande d'indemnité au titre de la perte de salaire

Il est constant que M. [N], qui s'est déclaré gréviste pour la seule journée du 25 juillet 2012,a fait l'objet d'une retenue de salaire d'un 30ème pour la journée de grève, mais a également subi une retenue de deux 30èmes pour les deux journées suivantes où il n'était plus gréviste.

L'accord relatif à la 'stabilité planning du personnel navigant technique' du 17 février 2012 dispose que : 'le planning du personnel navigant technique est stable à compter du constat d'élaboration, en toutes circonstances et en toutes périodes, et ce sans exception.

Dans ces conditions, toute modification de planning après le constat d'élaboration doit faire l'objet d'un accord entre la compagnie et le navigant'.

Ce même accord précise que l'annulation d'une activité de la production Air France (activité vol ou sol) n'est pas considérée comme une modification de planning mais ne remet pas en cause la nécessité que toute nouvelle programmation à l'issue de l'annulation fasse l'objet d'un accord entre le navigant concerné et la compagnie.

Dès lors, même si M. [N] devait accomplir une rotation sur 3 jours, du 25 au 27 juillet 2012, la décision d'Air-France d'annuler la fin de sa rotation ne constitue pas une 'modification de planning' comme il le soutient.

Aux termes de l'article L1114-3 du code des transports, 'Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter. Cette information n'est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève'.

Il n'est pas soutenu que M. [N] aurait manqué à cette obligation.

L'employeur argue par ailleurs vainement de ce que le salarié ne se tenait pas à sa disposition au motif qu'il aurait 'refusé le travail qui lui est demandé par l'employeur', dès lors que M. [N] n'a fait qu'user de son droit de grève pour la journée du 25 juillet et qu'elle ne justifie nullement lui avoir proposé pour les journées suivantes un planning d'activité.

Ne justifiant pas de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'affecter le salarié, la société Air France n'avait donc aucun motif légitime d'opérer une retenue sur salaire supérieure à celle correspondant au jour de grève de M. [N].

Dès lors que M. [N] a fait l'objet d'une retenue injustifiée, non de trois, mais de deux 30ème, la société Air France sera condamnée à lui verser une somme de 294,19€ en réparation du préjudice subi du fait de la perte de salaire.

Le jugement entrepris sera donc infirmé s'agissant du montant accordé.

En application de l'article 1231-7 du code civil, ces dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la décision du conseil de prud'hommes qui en avait reconnu le principe.

Sur la demande de remboursement formée par l'employeur

La société Air-France demande à M. [N] le remboursement du salaire qu'elle lui aurait indûment versé pour la période du 28 au 29 juillet 2012.

Sur la prescription soulevée par le salarié

En application de l'article L3245-1 du code du travail en sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi , 'l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat'.

Aux termes de l'article 21- V de la loi susvisée 'les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

La prescription des créances de l'employeur au titre des salaires versés en juillet 2012 n'était dès lors pas intervenue lorsque la société Air France a saisi le conseil de prud'hommes de cette demande reconventionnelle, soit au plus tard lors de l'audience du 23 février 2017 ayant donné lieu au jugement rendu le 15 juin 2017.

Sur le bien-fondé

La société Air France ne soutenant pas ne pas avoir été informée en temps utile par M. [N] qu'il se tenait à sa disposition plus de 24 heures avant sa reprise et ne démontrant pas qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de l'affecter, les salaires pour la période du 28 au 29 juillet 2012 étaient donc dûs.

La société Air France sera donc déboutée de sa demande de remboursement.

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur les autres demandes indemnitaires

M. [N] demande 2.000€ de dommages et intérêts en excipant du préjudice subi du fait de la sanction disciplinaire et des retenues sur salaire abusives.

Si M. [N] ne justifie d'aucune sanction disciplinaire, il apparaît en revanche que la retenue sur salaire qu'il a subie pour les journées des 26 et 27 juillet 2012, à la suite de l'exercice de son droit de grève le 25 juillet, était de nature à entraver pour l'avenir son droit de grève.

La société Air France sera donc condamnée à lui verser 1.000€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Etant établi que la retenue de salaire injustifiée effectuée par l'employeur était de nature à entraver pour l'avenir le droit de grève du salarié, le syndicat Alter est fondé à demander réparation du préjudice subi de ce chef par la profession qu'il représente.

La société Air France sera donc condamnée à lui verser une somme de 1.000€ de dommages et intérêts.

Il sera ajouté au jugement de ces chefs.

En application de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles

La société Air France sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [N] et du syndicat Alter et de condamner la société Air France à leur verser une somme globale de 1.500€ à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Air France à payer à M. [N] :

- une somme de 294,19€ au titre de la perte de salaire avec intérêt au taux légal à compter du 15 juin 2017,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Air France à payer à M. [N] :

- une somme de 1.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi par les retenues abusives, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société Air France à payer au syndicat Alter :

- une somme de 1.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la profession, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

DÉBOUTE la société Air France de sa demande de remboursement de salaire,

CONDAMNE la société Air France aux dépens ;

CONDAMNE la société Air France à payer à M. [N] et au syndicat Alter la somme globale de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Air France de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/10254
Date de la décision : 11/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/10254 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-11;17.10254 ?
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