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06/12/2019 | FRANCE | N°17/10809

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 06 décembre 2019, 17/10809


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Me Elise VAN BENEDEN

Me Sabine MAKOWSKI BIQUARD COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2019



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10809 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B37ME



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/01450





APPELANT



Monsieur [Z] [Q

]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Elise VAN BENEDEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0014





INTIMÉE



Association THE AMERICAN UNIVERSITY OF PARIS
...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Me Elise VAN BENEDEN

Me Sabine MAKOWSKI BIQUARD COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10809 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B37ME

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/01450

APPELANT

Monsieur [Z] [Q]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Elise VAN BENEDEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0014

INTIMÉE

Association THE AMERICAN UNIVERSITY OF PARIS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sabine MAKOWSKI BIQUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0608

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Monsieur François MELIN, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Anna TCHADJA-ADJE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige:

Suivant contrat à durée indéterminée du 1er août 2007, M. [Q] a été embauché par l'association The American University of Paris en qualité d'enseignant à temps complet, contrat soumis à la convention collective de l'enseignement privé hors contrat et à l'accord d'entreprise sur le statut des professeurs du 22 novembre 2013. Son salaire forfaitaire mensuel était fixé à 5000€ bruts. Il a en outre été nommé au poste de «'graduate progam director'» pour les années 2014-2015 et 2015-2016, fonction générant une prime de 2500€ réglée aux mois d'octobre, janvier, avril et juillet de chaque année.

Par courrier du 14 octobre 2015, M. [Q] a été mis à pied et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avant d'être licencié par courrier du 6 novembre 2015 pour cause réelle et sérieuse avec un préavis de trois mois, qu'il a été dispensé d'effectuer.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits pendant l'exécution du contrat, M. [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 9 février 2016 en paiement de diverses sommes.

Lors de l'audience de conciliation, l'employeur a réglé à M. [Q] la prime de directeur d'un montant de 2750€.

Par ordonnance du bureau de conciliation en formation de départage du 25 novembre 2016, le conseil a reconnu le droit du salarié au versement des primes d'orientation/advising et de suivi des mémoires pour un total de 3 865,60€ outre 386,56€ de congés payés.

Par jugement du 5 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a :

-fixé le salaire de M. [Q] à 5883,33€,

-confirmé l'ordonnance du 25 novembre 2016,

-jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné The American University of Paris au paiement des sommes suivantes:

*36 000€ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse; avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

*700€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

-débouté M. [Q] du surplus de ses demandes,

-débouté The American University of Paris de ses demandes reconventionnelles,

-condamné The American University of Paris aux dépens.

M. [Q] a régulièrement formé appel par déclaration du 31 juillet 2017 du jugement notifié le 12 juillet précédent.

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 mars 2018, M. [Q] demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 5 juillet 2017 en ce qu'il a condamné The American University of Paris au paiement de 3 865,60€, outre 386,56€ au titre des congés-payés et 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-réformer pour le surplus,

-condamner l'association au paiement des sommes suivantes, outre la remise sous astreinte de 50€ par jour de retard des documents sociaux conformes:

*70 110,45€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

*16 000€ à titre de dommages-intérêt pour licenciement vexatoire;

*38 283€ au titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 3 828,30€ au titre des congés-payés y afférents.

-fixer son salaire brut de référence à la somme de 7 790,05€,

-condamner l'association à lui verser :

*6536,83€ de rappel d'indemnité de préavis et 653,68€ de congés payés afférents,

*611,36€ de rappel d'indemnité de licenciement,

*8000€ d'indemnité de frais irrépétibles.

M. [Q] fait valoir que les rappels de salaire accordés par le premier juge doivent être confirmés, à savoir la prime de directeur qui n'est plus discutée, les primes d'orientation (advising) et de suivi de mémoires. Il soutient que l'orientation n'est pas une activité facultative et que la rémunération prévue est due que les étudiants aient ou non sollicité des conseils sur leur orientation, dès lors que l'enseignant doit se rendre disponible à des horaires fixes. Il précise avoir suivi les mémoires de deux étudiants, ce qui doit donner lieu à la rémunération prévue par l'accord d'entreprise. Il relève que seule sa mise à pied l'a empêché de poursuivre le suivi jusqu'à la soutenance et que l'accord d'entreprise ne prévoit aucune disposition en cas d'interruption.

Il observe que sa durée contractuelle de travail était de 35 heures par semaine; qu'aux termes de la convention collective, en qualité d'enseignant-chercheur ses missions comprenaient une durée annuelle de travail de 1 500 heures pour six cours; qu'il a également pris en charge des missions supplémentaires qui ont été rémunérées à travers un système de primes entre 2012 et 2015 et six cours supplémentaires, ce que l'employeur ne discute pas ; que l'accord d'entreprise du 22 novembre 2013 ne concerne que le dernier des cours assurés, les cinq autres l'ayant été sans paiement, ni base juridique.

Il précise qu'en fait l'employeur proposait de mettre ces cours en «'réserve'» pour obtenir un semestre libre tout en étant payé ; qu'à compter de 2013, l'accord a prévu une possibilité de compensation de ces heures par la prise de congés différés. Il estime que ce système est illégal dès lors que l'employeur doit payer chaque heure effectuée sur le bulletin de paie correspondant ; que la mise en réserve d'heures de repos payées n'est possible que dans le cadre du compte épargne temps, encadré par l'article L 3152-2 du code du travail, qui prévoit des garanties qui n'ont pas été mises en oeuvre.

M. [Q] en déduit que la rémunération majorée des six cours supplémentaires lui est due, à hauteur de 1500 heures supplémentaires et non des 900 heures réglées par l'employeur. Il ajoute que l'employeur est irrecevable à invoquer la prescription et la répétition des sommes payées au seul motif de la prescription, qu'en tout état de cause, la prescription n'est pas acquise au 9 février 2013.

Ces sommes devant être réintégrées aux salaires perçus pour les douze derniers mois avant la rupture, M. [Q] soutient que lui reste dû un solde au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement . Il ajoute que le report des heures supplémentaires mis en place vise en réalité à s'affranchir du paiement des cotisations sociales, de sorte que l'élément intentionnel de la dissimulation de travail salarié est constitué et que l'indemnité forfaitaire lui est due.

Par ailleurs, M. [Q] fait valoir qu'à l'appui de son licenciement, l'employeur lui a fait grief de ne pas avoir modifié le contenu et l'organisation du BA 5040 alors que des étudiants se sont plaints de la difficulté de cet enseignement en 2014; qu'étant conscient de la difficulté du cours, il en a modifié l'organisation afin d'assurer un meilleur soutien aux étudiants. Concernant le cours BA 5010, il indique avoir également pris les mesure adaptées en révisant à la hausse le niveau de ce cours.

Il ajoute qu'il ne pouvait être licencié pour son activité de directeur de Master, fonction qui ne fait pas l'objet de son contrat de travail, mais d'une mission complémentaire formalisée pour un avenant.

Il précise que les professeurs ne peuvent pas modifier en profondeur les contenus des cours et que seule l'université dispose de ce pouvoir; qu'en tout état de cause, ces griefs ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, après huit ans d'ancienneté au sein de l'université en l'absence de passé disciplinaire et de remarque sur le niveau de ces cours avant l'entretien préalable, qu'une telle décision est disproportionnée.

Il soutient en outre qu'il n'a jamais adopté de comportement inapproprié avec ses étudiantes, qui au demeurant sont toutes majeures. Il relève que les deux attestations produites par l'employeur ne sont pas probantes en ce qu'elles ne font qu'indiquer qu'elles ont bien envoyé deux courriels à la présidente de l'université, sans attester de la véracité de leur contenu.

Il fait observer qu'il n'a pas pris spécialement de photos des étudiantes mais des participants à ce voyage lors de visites, sans opposition de ces personnes et ajoute que ce comportement ne peut constituer une faute.

Il estime que les propos rapportés et mal traduits de Mme [L] sont fallacieux et ne reproduisent que sa propre interprétation de son comportement ; que son témoignage a été contredit par celui de M. [K] dès octobre 2015, que l'université savait dès cette époque que son témoignage n'était pas crédible. En tout état de cause, il conteste avoir eu des gestes ou propos déplacés.

Il soutient enfin que son licenciement est en fait lié à sa mésentente avec Mme [F], directrice de l'université , suite à ses prises de position pour défendre trois collègues, quant à une différence injustifiée de rémunération, aux conditions financières du licenciement d'un enseignant âgé et le choix d'un enseignant en interne par rapport à un proche de la présidente.

Il soutient avoir subi un préjudice important ayant été dans l'impossibilité de retrouver un poste dans une université anglo-saxonne en France ou aux Etats Unis.

Il fait valoir que son licenciement a été prononcé dans des conditions vexatoires, au regard de sa réputation dans le monde universitaire, l'employeur lui ayant donné l'ordre de quitter l'établissement et de ne plus avoir de contact avec les élèves, et la rumeur d'un harcèlement sexuel s'étant répandue dans l'université ; qu'il est également irrégulier dans la mesure où la décision de le licencier avait été prise bien avant la tenue de l'entretien préalable.

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 mai 2019, The American University of Paris demande à la cour :

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

confirmé l'ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation par laquelle elle a été condamnée à payer à M. [Q] la somme de 3 865,60€ à titre de rappel de prime, outre 386,56€ au titre des congés-payés y afférent et 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

condamné l'association au paiement de 36 000€ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 700€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté ses demandes reconventionnelles.

-ordonner le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire,

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Q] du surplus de ses demandes,

-condamner M. [Q] à lui verser 8000€ d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-à titre subsidiaire, en cas d'infirmation de la décision sur les heures supplémentaires, condamner M. [Q] à lui rembourser la somme de 17225€ à titre de trop perçu de salaire, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation.

L'association the American University of Paris soutient en premier lieu que M. [Q] n'est pas fondé à réclamer les primes dont il se prévaut. S'agissant de la prime d'advising, elle fait valoir qu'elle constitue une prime pour aider les étudiants à planifier leur programme d'études , que M. [Q] ne justifie pas avoir effectué de conseil auprès des étudiants, ni auprès de quel nombre d'étudiants ce d'autant qu'il est justifié que le nombre d'étudiants inscrits n'était pas de 60 mais de 49. S'agissant de la prime de suivi des mémoires, elle expose qu'elle consiste en une prime pour avoir supervisé et noté les travaux des étudiants en maîtrise lors de la rédaction de leurs mémoires de fin d'études; que M. [Q] ne justifie pas non plus avoir effectué ces tâches, que les courriels échangés avec les étudiants ne suffisent pas à établir le suivi de l'ensemble de leurs travaux.

Concernant le rappel d'heures supplémentaires, l'association soutient qu'en application des dispositions de l'accord d'entreprise, les six cours supplémentaires qui ont été accomplis par M. [Q] de 2011 à 2015 ont donné lieu à 900 heures supplémentaires, qui ont été payées, chaque cours représentant 150 heures. Elle ajoute que ce quantum est suivi en interne et est mentionné sur les bulletins de paie et qu'elle a respecté le souhait de M. [Q] puisque par mail du 6 juin 2015, comme le permet l'article III-5 de l'accord, il a sollicité que les heures correspondant aux six cours supplémentaires soient réservées en vue d'une réduction de la charge d'enseignement sur une session ultérieure.

A titre subsidiaire, relevant que le salarié a contesté pour la première fois l'usage constant appliqué repris dans l'accord du 22 novembre 2013 s'agissant des cours supplémentaires, l'association soutient que les demandes relatives aux cours des périodes de l'automne 2011 et de l'automne 2012 sont prescrites. S'agissant des heures supplémentaires pour les périodes du printemps 2012 à du printemps 2015, elle relève que l'argumentation de M. [Q] entraîne l'application des dispositions conventionnelles de branche et de la prescription triennale. Elle en déduit que le salarié a bénéficié d'un trop perçu de 17225€.

Concernant l'indemnité pour travail dissimulé, l'association soutient que la demande au titre des heures supplémentaires n'étant pas justifiée, il ne peut faire état de travail dissimulé et qu'en tout état de cause, le salarié ne rapporte la preuve d'aucun élément intentionnel de la part de l'employeur.

Elle estime qu'il n'y a pas lieu de réintroduire les heures supplémentaires, pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis, que son montant est déterminé sur la base du dernier salaire d'activité et non sur la moyenne des douze derniers mois ; que les heures supplémentaires ne peuvent être réintroduites que dans le cas où elles auraient été accomplies si le salarié était resté en service pendant la durée de son préavis, que la prise en charge de cours complémentaires au printemps 2015 est donc sans incidence sur le montant du salaire pendant la durée du préavis.

Elle soutient que M. [Q] ne peut demander la réintégration d'heures supplémentaires au titre des cours du printemps 2015 dans le calcul de l'indemnité de licenciement, dès lors qu'il avait souhaité non un règlement de ces heures, mais une future réduction de sa charge d'enseignement, ce qui explique que les heures de récupération afférente à ces cours lui aient été payées à un taux majoré lors du solde de tout compte.

S'agissant du bien fondé du licenciement, l'association relève que M. [Q] était selon le descriptif du poste, responsable en liaison avec les affaires académiques de la programmation des cours et modules, qu'il ne peut prétendre qu'il ne pouvait être licencié pour une fonction supplémentaire de directeur de master.

Elle ajoute qu'au regard des exigences pour obtenir l'agrément du département d'éducation américain et du coût des études, la satisfaction des étudiants est essentielle dans l'université, de sorte qu'il a été mis en place une évaluation du corps professoral anonyme par les étudiants; que ces évaluations ont permis de mettre en avant l'insatisfaction des étudiants inscrits aux cours BA 5040 et BA 5010; que M. [Q] reconnaît la difficulté du cours BA 5040 mais a fait preuve d'une légèreté blâmable dès lors qu'il l'a organisé sur une période de 4 semaines et sans pré-requis exigés.

En ce qui concerne l'autre cours, elle relève que les éléments produits par l'appelant établissent l'absence de contrôle de sa part de la révision à la hausse du cours dont il fait état.

L'association soutient que l'appelant a eu un comportement inacceptable envers des étudiantes lors d'un voyage à Madagascar, ainsi qu'au retour ; que plusieurs attestations concordantes permettent de mettre en avant qu'il adoptait une attitude inappropriée et fautive envers ses étudiantes, que les explications fournies par l'appelant, pour certaines ayant évolué en cours de procédure sont dénuées de pertinence. L'association ajoute qu'il n'a pas été licencié pour des raisons de mésentente avec Mme [F] et qu'il ne démontre pas ses allégations sur ce point.

Elle précise que le licenciement n'a pas revêtu de caractère vexatoire, mais que l'université n'a eu le choix que de procéder en premier lieu à une mise à pied à titre conservatoire au regard de la gravité de éléments transmis par les étudiants.

Enfin, l'association fait valoir que le licenciement est parfaitement régulier dans la mesure où le licenciement n'a pas été décidé avant la tenue de l'entretien préalable, mais que M. [Q] se fonde sur un courriel dans lequel il a été demandé à un enseignant de prendre en charge un cours normalement enseigné par M. [Q], sans que cette demande puisse établir une décision de remplacement définitif, mais seulement la nécessité d'assurer la continuité de l'enseignement pendant la période de mise à pied.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures visées ci-dessus.

La procédure a été clôturée le 15 mai 2019.

Par arrêt du 5 septembre 2019, la cour a :

-débouté M. [Q] de sa demande de voir écarter les conclusions transmises par l'intimée le 14 mai 2009,

-ordonné le rejet des débats des pièces 49,50 et 51 communiquées par l'Association The American University of Paris,

avant dire droit sur le fond,

-ordonné la réouverture des débats à l'audience du 16 octobre 2019 sans révocation de l'ordonnance de clôture afin que l'Association produise aux débats les accords d'entreprise des 23 février 2000 et l'avenant du 20 septembre 2002 et que les parties fassent toutes observations utiles sur leur application relative aux heures supplémentaires.

Par note en délibéré du 15 octobre 2019, M. [Q] relève que l'accord du 23 février 2000 relatif à la charge de travail des professeurs a pris fin le 31 juillet 2005, que celui relatif à la réduction et l'aménagement du temps de travail concerne les professeurs soumis à un forfait jours, ce qui n'était pas son cas et que l'avenant du 20 septembre 2002 ne le concerne pas puisqu'il ne fait pas partie du personnel administratif.

Par note en délibéré du 8 octobre 2019, l'association appelante a indiqué verser les accords demandés en indiquant qu'il ne concerne pas le corps enseignant dont fait partie M. [Q]. Elle a repris son argumentation antérieure sur le paiement des heures supplémentaires.

Motifs :

-Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat :

*Sur la prime d'orientation (advising) pour le cours de l'automne 2015:

L'accord d'entreprise du 22 novembre 2013 applicable à compter du 1er janvier 2014 prévoit en son annexe II au titre des primes versées pour les activités annexes des enseignants, une prime de 37,76€ par étudiant suivi et par semestre au titre du conseil aux étudiants (aide à la planification du programme d'études, choix des séries de cours chaque semestre pour compléter les cours obligatoires, recommandés et facultatifs pour obtenir son diplôme).

M. [Q] soutient que chaque professeur est rémunéré de ces heures pour la totalité des étudiants suivant son cours, cette activité étant obligatoire et impliquant de se rendre disponible pour les recevoir, tandis que l'association soutient que cette prime est fonction du nombre d'étudiants effectivement aidés.

Or, les bulletins de salaire de M. [Q] mentionnent le paiement de cette prime en octobre 2014 pour un montant de 1472,64€ et en mars 2015 pour un montant de 1434,88€, sans que ne soit indiqué un nombre d'étudiants concernés par ce conseil, soumis à la vérification de l'enseignant. Ces éléments confirment que, comme le soutient M. [Q], cette prime est versée chaque semestre indépendamment du nombre d'étudiants ayant de manière effective reçu un conseil d'orientation, dès lors que l'enseignant doit être présent pour délivrer ce conseil. En outre l'accord d'entreprise comme l'annexe II ne prévoient aucun dispositif de justification par l'enseignant du nombre d'étudiants ayant bénéficié de ce conseil et il ne résulte d'aucune pièce que M. [Q] ait eu à justifier après chaque semestre, d'un compte précis des étudiants ayant sollicité une aide à l'orientation. En conséquence, la somme de 2492,16€ doit être accordée à ce titre à M. [Q] ainsi que les congés payés afférents, l'intimée n'ayant pas communiqué en temps utile l'effectif des étudiants inscrits aux cours de l'automne 2015. En revanche, le conseil de prud'hommes ne pouvait pas confirmer l'ordonnance du 25 novembre 2016 n'étant pas la juridiction d'appel de cette formation.

*Sur la prime de suivi des mémoires :

L'annexe II de l'accord d'entreprise prévoit également une prime de 800€ accordée à l'enseignant en tant que directeur de mémoire. Cette activité telle que décrite dans l'annexe consiste à superviser et noter les travaux des étudiants en maîtrise pendant la rédaction de leurs mémoires de fin d'études et recouvre notamment des rencontres régulières, une aide à l'identification des sources d'information, des études personnelles sur le sujet du mémoire pour porter un regard critique sur les travaux de l'étudiant, le lecture de plusieurs projets de mémoire et des conseils d'amélioration à l'étudiant, la lecture et la notation du mémoire définitif, ainsi que la soutenance.

M. [Q] verse aux débats des échanges de mails avec deux étudiants (pièces 11 et 12) de juin à octobre 2015 pour l'un, M. [D] [I] et de septembre 2015 pour le second, Mme [C] [W]. Toutefois, les échanges avec cette dernière et notamment son courriel du 11 septembre démontrent que les travaux étaient au stade d'un projet de mémoire soumis aux recommandations de l'appelant, sans que ne soient fournis d'éléments sur l'état des recherches de l'étudiante ou du débat critique développé avec M. [Q]. Concernant l'autre étudiant, les échanges attestent de travaux plus avancés, sans qu'il soit établi que le mémoire ait été achevé et soutenu en 2015. Dès lors, M. [Q] ne peut prétendre au paiement de ces primes à hauteur de 800€ chacune, l'accord n'en prévoyant pas de paiement partiel de cette prime. Le jugement sera réformé sur ce point.

*Sur la demande d'heures supplémentaires:

Les parties s'accordent sur le fait que M. [Q] ayant le statut d'enseignant-chercheur travaillant à temps plein, ce qui représente 1500 heures de travail par an dans l'entreprise, a pris en charge six cours complémentaires et a donc effectué des heures supplémentaires à la demande de son employeur. Sur la base du tableau dressé par l'appelant (pièce 10) auquel l'Association se réfère elle-même en page 16 de ses écritures, il apparaît que ces cours ont été effectués non à l'automne 2011, mais au printemps et à l'automne 2012 pour deux cours et demi, au printemps et à l'automne 2013 pour deux cours et demi et au printemps 2015 pour un cours. Il n'est pas discuté que le cours du printemps couvre la période l'année de janvier à mai et celui d'automne celle de septembre à décembre.

Le bulletin paie du mois de février 2016 de M. [Q] porte paiement de 900 heures au titre de ces cours supplémentaires, montant qu'il discute.

Il apparaît que l'Association a opéré un décompte de ces heures supplémentaires sur la base des dispositions de l'accord d'entreprise sur le statut des professeurs signé le 22 novembre 2013, applicable au 1er janvier 2014. Cet accord prévoit, en ce qui concerne l'organisation du temps de travail pour les enseignants chercheurs, 225 heures de face à face pédagogique, 900 heures d'activité induites et 375 heures de travaux de recherche. En cas d'accomplissement par un enseignement chercheur d'une série de cours supplémentaires (article III.5), il dispose que le temps de face à face pédagogique est assorti d'un temps de travail induit de 4heures par heure de face à face pédagogique (900) et que le quart des heures de travail induit ainsi accomplies est compensé par une diminution à due concurrence du temps de travail consacré aux activités de recherche au cours de l'année considérée. Il prévoit également que ce temps de travail supplémentaire ( face à face pédagogique et trois quarts des heures de travail induit) est, soit réglé en heures supplémentaires, soit sous forme d'une réduction de la charge d'enseignement pendant une session ultérieure à due concurrence du nombre d'heures de travail réalisé.

Or, M. [Q] observe à juste titre que cet accord n'est applicable qu'au dernier cours du printemps 2015. Si l'Association indique que cet accord n'a fait qu'entériner un usage constant dans l'entreprise, notamment quant à la possibilité de compenser ces heures par une réduction du temps d'enseignement pendant le semestres ultérieurs, elle n'en justifie pas. Elle ne produit en effet aucune pièce démontrant l'application de ce mode de calcul des heures supplémentaires et de compensation par une réduction de charge d'enseignement à d'autres enseignants chercheurs en charge de cours supplémentaires, ni ne produit d'éléments relatifs au suivi des cours et heures supplémentaires de M. [Q] antérieurs au 1er janvier 2014.

Dans ces conditions, l'indemnisation des heures supplémentaires au titre des cours dispensés antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du 22 novembre 2013 doit être calculée conformément aux dispositions de la convention collective applicable.

L'association ne peut utilement opposer à l'appelant la prescription de trois ans de l'article L3245-1 du code du travail en matière de paiement de salaire. En effet, pour l'automne 2011, M. [Q] ne présente aucune demande en paiement. La loi du 14 juin 2013 a en effet réduit le délai de prescription de cinq à trois ans. La prescription s'agissant des cours du printemps 2012 au printemps 2013 était donc en cours lors de la publication de cette loi, de sorte qu'en application de l'article 2222 du code civil, le nouveau délai de trois ans s'est appliqué à compter du jour de son entrée en vigueur, le 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder celle prévue par la loi antérieure. M. [Q] a saisi le conseil de prud'hommes le 9 février 2016 soit dans le délai de trois ans de l'entrée en vigueur de la loi et sa demande paiement ne concerne pas de salaires antérieurs au 9 février 2011.

En application de la convention collective qui prévoit la répartition du temps de travail de l'enseignant uniquement entre le face à face pédagogique et les activités induites, les heures supplémentaires pour les cinq premiers cours représentent donc 250 heures par cours, soit 1250 heures au total. S'agissant du cours de 2015, soumis au régime de l'accord d'entreprise, il représente 150 heures supplémentaires. M. [Q] ne peut invoquer l'exécution de services pour compenser la déduction prévue par l'article III.5 de l'accord qui ne prévoit aucune possibilité de ce type. Les nombre d'heures à payer est en conséquence de 1400 heures.

Le taux horaire de base de M. [Q], calculé conformément à l'article 7.6 de la convention collective représente la somme de 33,29€, soit un taux majoré de 41,63€ appliqué par l'employeur. Lui est donc due en paiement de ces heures supplémentaires, une somme de 58282€. Il apparaît que M. [Q] a perçu en février 2016 la somme de 37467€, laissant un solde à la charge de l'association intimée de 20815€, outre une somme de 2081,50 €de congés payés afférents. Le jugement sera réformé en ce sens.

*Sur l'indemnité de travail dissimulé :

Par application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2 du code du travail relatif à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur celui-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Cette infraction n'est toutefois établie qu'autant qu'est démontrée une intention frauduleuse

de l'employeur ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, le calcul opéré par l'association sur la base de l'accord négocié en 2013, ne pouvant certes être appliqué à l'ensemble des cours en cause, ne permet pas de caractériser de sa part une volonté assumée de fraude au regard des obligations de l'employeur en matière de cotisations sociales que lui impute l'appelant. En conséquence, Mme [Q] sera débouté de cette demande et le jugement confirmé de ce chef.

L'association The American University of Paris sera tenue de remettre à M. [Q] les bulletins de paie conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu de prononcer l'astreinte.

-Sur le licenciement :

*Sur le bien fondé du licenciement:

Par application de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motif invoqués par l'employeur , forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement notifiée à M. [Q] le 6 novembre 2015, lui reproche d'une part, en sa qualité de directeur du programme du 'Master of arts in the management of cross-cultural and sustainable business', de ne pas avoir réagi aux plaintes et commentaires négatifs des étudiants à l'automne 2014 concernant deux cours, BA 5010 et BA 5040, manquant ainsi à son obligation de veiller à la qualité du programme, à sa bonne exécution et à la satisfaction des étudiants essentiels à l'activité et l'image de l'université et d'autre part, d'avoir adopté un comportement qui n'était pas conforme à celui attendu d'un enseignant à l'égard des étudiantes lors d'un voyage d'étude et d'un stage à l'automne 2015 en immersion dans un centre de conférence en banlieue parisienne.

Si M. [Q] soutient que son licenciement trouve son origine dans un conflit avec la directrice Mme [F], en raison de ses prises de position lors de décisions prises à l'égard d'autres enseignants et de la volonté de celle-ci de confier des postes à des proches, de sorte que la décision était prise avant l'entretien préalable, les pièces qu'il produit aux débats sont insuffisantes pour confirmer cette opinion.

En effet, il apparaît que son intervention au soutien d'une demande d'augmentation de salaire de Mme [R] est intervenue en 2011 et les pièces produites par l'intimée attestent que la démission de celle-ci en janvier 2013 était également liée au déménagement de son mari. Un délégué syndical atteste en des termes très généraux que M. [Q] s'était prononcé contre certains licenciements. Par ailleurs, la présidente a effectivement présenté par mail à M. [Q] un enseignant souhaitant intégrer l'établissement en avril 2014, cependant, ses échanges avec l'appelant montrent qu'elle lui a laissé la décision finale et il n'est pas justifié que l'absence de recrutement de cette personne ait donné lieu à des remarques de la part de la présidente. En outre l'université établit que l'enseignant désigné par l'appelant comme l'ayant remplacé, M. [M], intervenait déjà régulièrement dans l'établissement sans que des liens de proximité avec la présidente ne soient caractérisés, qu'il en est de même de Mme [Y] recrutée en 2008 et que si l'université a effectivement contacté un enseignant M. [A] pour reprendre un cours assuré par l'appelant, le mail en question du 19 octobre 2015 époque où M. [Q] était mis à pied, est imprécis sur les conditions d'intervention de cet enseignant.

Concernant le grief tenant à un manquement à l'obligation de veiller à la qualité du programme, à sa bonne exécution et à la satisfaction des étudiants en sa qualité de directeur de programme, il apparaît que cette fonction a été confiée à M. [Q] par avenant en 2014, qu'elle comporte des obligations dont atteste la fiche de poste produite aux débats et entraîne une rémunération complémentaire ; qu'elle est donc soumise au pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur qui est donc fondé à sanctionner les manquements imputables au salarié à ce titre.

M. [Q], en sa qualité de directeur de programme, était donc responsable de la conception du programme et en cas de besoin de son évolution selon notamment les compétences des professeurs, d'assurer que les syllabi soient conformes aux exigences de l'établissement et les pratiques d'évaluations conformes aux recommandations des meilleures pratiques de Middle States, de créer des objectifs d'acquis suivis des ajustements en rapport avec les résultats de l'évaluation des étudiants.

L'employeur justifie d'évaluations défavorables de la part d'étudiants à l'automne 2014 à l'égard du cours BA 5040 dispensé par M. [G], considéré comme trop difficile et du cours BA 5010 dispensé par M. [B] considéré comme trop facile. Toutefois, M. [Q] verse également aux débats de nombreuses évaluations très positives de ces deux cours, même si la difficulté du premier est parfois relevée, tant concernant leur contenu que la méthode d'enseignement. Sur ce point, le cours de M. [G] est décrit comme clair, bien organisé, utile pour acquérir des connaissances. Il n'apparaît pas que les évaluations défavorables invoquées par l'association représentaient une proportion significative au regard des appréciations défavorables habituellement portées sur les cours, ce d'autant que l'employeur ne justifie d'aucune remarque adressée à M. [Q] relativement au respect de ses obligations suite à leur réception, alors que ce dernier justifie qu'il avait été désigné en mai 2014 comme l'enseignant de l'année de l'université.

Il résulte par ailleurs des échanges entre M. [Q] et M. [G] (pièces 27 et 31 ) produits par l'appelant comme des échanges avec Mme [E] (director, academic ressource center)en septembre 2015 (pièce 17-1) que conscient de la difficulté du cours de M. [G], son périmètre avait été réduit, qu'avait été prévu pendant une semaine avant son début effectif, un cours optionnel relatif aux fondamentaux de la finance, qu'enfin une étudiante, première en classe de finance et désirant enseigner avait été recrutée pour assurer des cours de soutien, organisation qui avait été validée par l'établissement. M. [Q] justifie également par un échange avec M. [B] que son cours avait été réorganisé avec un élévation du niveau.

Ces éléments attestent que l'appelant avait pris en compte les évaluations défavorables de certains étudiants. Si l'association verse aux débats des courriels adressés par Mme [S] [T], Mme [N] [O] et Mme [H] [U] à la présidente, se plaignant du programme géré par l'appelant, il apparaît les deux premiers datent du 14 octobre 2015, jour même de l'engagement de la procédure de licenciement contre M. [Q], tandis que celui de Mme [U] ne porte aucune date d'envoi effectivement vérifiable. Faute de produire l'ensemble des évaluations des étudiants pour ce semestre, ces opinions ne peuvent être considérées comme significatives de l'appréciation des cours dispensés.

Ce grief n'est donc pas établi.

Concernant le comportement non-conforme à ce qui est attendu d'un enseignant à l'égard des étudiantes, l'association vise dans la lettre de licenciement des faits survenus lors d'un voyage d'étude à Madagascar en été 2015, à savoir :

-prise de nombreuses photos des étudiantes sans leur consentement,

-une soirée très arrosée dans un bar avec des étudiantes au terme de laquelle lors du retour vers le logement M. [Q] a proposé à une étudiante de 'Venir finir la bouteille de vodka, comme ça on n'aura pas besoin de maillot de bain pour notre bain de minuit',

-au retour de ce même voyage, à l'aéroport, avoir demandé à une étudiante de venir la voir dans son bureau en précisant 'je ne suis pas un homme qui court après les filles, habituellement ce sont les filles qui me courent après.'

-lors d'un parcours en immersion dans un centre de conférences de la banlieue parisienne(château [Localité 4]), à l'occasion d'une soirée à nouveau très arrosée, d'avoir enlacé une étudiante et de lui avoir demandé si son petit copain français la traitait bien, en précisant que 'les français ne sont pas fidèles' mais que'si vous voulez changer de petit copain ça ne sera pas difficile pour vous'.

L'association fonde sur les témoignages de Mme [L] et de Mme [J] présentes lors du voyage d'étude. M. [Q] formule des réserves sur leur valeur probante.

Mme [L] a rédigé une attestation le 28 mars 2017, conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile dans laquelle elle précise que le document joint est bien le courriel adressé à la directrice le 12 octobre 2015, ayant également signé chaque page de ce courriel. M. [Q] ne produit aucun élément de nature à établir une modification du contenu de ce document dont l'envoi est attesté par un extrait de sa boîte mail de l'étudiante. Il en est de même concernant celui adressé par Mme [J] le 9 octobre 2015.

Les deux étudiantes indiquent que M. [Q] a pris de nombreuses photographies. Toutefois, Mme [L] précise que M. [Q] lui a montré les photos d'une personne prénommée [X] en gros plan, en lui indiquant qu'il prenait des photos d'étudiants dont il se sentait proche, ainsi que des photos de groupe sur lesquelles elle figurait. Elle n'indique cependant pas que les étudiantes se soient opposées à la prise de ces photos. Mme [J] ajoute que les photos étaient prises à une certaine distance et si elle fait néanmoins état de ce que Mme [L] aurait constaté que des photos d'elle étaient prises alors qu'elle se trouvait sur la plage, force est de constater que cette allégation n'est pas confirmée par Mme [L] dans son courrier. M. [Q] relève à juste titre que la prise de photos lors de ce type de voyage est habituelle et l'exemple qu'il verse aux débats (pièce 28) révèle une photo de groupe des étudiantes lors d'une activité avec la population. Aucun comportement inadapté à l'attitude attendue d'un enseignant ne peut lui être reproché sur ce point.

Mme [L] atteste des propos rapportés plus hauts, tenus à son égard par l'appelant tant lors d'un retour d'une soirée arrosée pendant le voyage le 20 août, qu'à l'aéroport en France. Comme le relève M. [Q], Mme [J] n'a pas assisté aux propos évoqués par Mme [L] lors du retour à l'aéroport, néanmoins elle précise que Mme [L] était restée seule avec M. [Q] , elle-même s'étant absentée avec une autre étudiante et qu'à son retour, Mme [L] était pale et semblait stupéfaite, description de nature à accréditer les propos rapportés par cette dernière.

M. [Q] ne peut utilement invoquer le témoignage de M. [K] datant de 2018 soit de nombreux mois après les faits, qui avec son épouse étaient cuisiniers pendant le voyage à Madagascar, dès lors que celui-ci atteste uniquement en des termes très généraux que le voyage s'est très bien passé et que l'appelant n'a jamais eu de comportement déplacé, visant uniquement son comportement à son égard, ce qui ne permet pas d'en déduire que les faits rapportés par les étudiantes lors de la soirée du 20 août et à l'aéroport d'[Localité 3] sont faux.

Mme [V], atteste de la remise en main propre à la directrice du courrier dans lequel elle relate les faits qui se sont déroulés lors du week end au chateau Saint Just. Comme le relève l'appelant, elle n'indique pas qu'il l'a enlacée comme le mentionne la lettre, mais a seulement entouré ses épaules de son bras, en lui proposant de mieux faire connaissance et en évoquant le comportement de son ami à son égard et l'infidélité des français. Elle précise toutefois clairement que ce comportement l'a mise mal à l'aise.

M. [Q] ne produit pour sa part aucun élément hormis ses dénégations, de nature à remettre en cause la réalité de la tenue des propos et du comportement qui lui sont imputés.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le comportement adopté par M. [Q] et ses propos rapportés par les étudiantes, touchant à leur intimité, à leur vie amoureuse, voire créant une ambiguïté de nature sexuelle dans ses relations avec elles, les mettant mal à l'aise, ne correspondent pas à l'attitude normalement attendue d'un enseignant, notamment dans un contexte d'éloignement de la sphère familiale et amicale que caractérisent un voyage d'étude comme le suivi d'études à l'étranger et ce nonobstant la majorité des étudiantes en cause. Ils présentent un caractère fautif et constituent dès lors une cause réelle et sérieuse de licenciement. M. [Q] sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant réformé de ce chef.

*Sur la demande de rappel au titre des indemnités de rupture :

M. [Q] soutient que les heures supplémentaires au titre de ces cours doivent être réintroduites aux salaires perçus sur les douze derniers mois avant la rupture du contrat pour déterminer son salaire de référence et calculer l'indemnité compensatrice ce préavis et celle de licenciement, ce qui met en évidence un solde en sa faveur.

Concernant l'indemnité compensatrice de préavis, M. [Q] a été dispensé de son exécution qui s'est déroulé du 9 novembre 2015 au 9 février 2016. Conformément à l'article L 1234-5 du code du travail, l'inexécution du préavis ne doit pas entraîner de diminution de salaires ni des avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis. Dans ce cadre, sont uniquement prises en compte les heures supplémentaires que le salarié aurait accomplies s'il avait continuer à travailler jusqu'à sa sortie des effectifs ou celles qui constituent un élément stable et constant de sa rémunération sur laquelle le salarié peut compter. Or, en l'espèce comme le relève l'association, il ne résulte d'aucune pièce que M. [Q] devait accomplir des heures supplémentaires pendant la période de préavis notamment au titre de cours supplémentaires et la réalisation d'heures supplémentaires ne constituait pas un élément stable et constant de sa rémunération, comme en atteste l'absence d'heures supplémentaires exécutées en 2014. En conséquence, M. [Q] a été rempli de ses droits. Il sera débouté de sa demande et le jugement confirmé.

L'indemnité légale de licenciement conformément à l'article R1234-4 du code de travail est calculée sur la base de la rémunération la plus avantageuse entre les douze ou les trois derniers mois précédant la rupture du contrat. Doivent en conséquence être réintroduites dans le montant du salaire des douze derniers mois, base choisie par le salarié, les heures supplémentaires qui ont été effectuées pendant cette période, soit une somme de 6242,99€. La rémunération des douze derniers mois est alors égale à 91107,16€ et le salaire mensuel de 7592,26€. L'indemnité de licenciement due à M. [Q] pour une ancienneté de 8 ans et trois mois est en conséquence à 12527,22€ et non de 11857,72€ versée par l'association. Le solde limité à 611,36€ par le salarié lui est en conséquence dû et sera mis à la charge de l'intimée.

*Sur le caractère vexatoire du licenciement:

Au regard de la nature des faits dénoncés par les étudiantes, la mise à pied de M. [Q] décidée par l'intimée pendant le procédure de licenciement ne présente pas un caractère excessif, ni fautif. L'appelant fait état de rumeurs ayant circulé dans l'établissement relatives à des faits de sa part de détournement ou de harcèlement sexuel, sans que ces rumeurs ne soient démontrées ni surtout que leur origine puisse être imputée à son employeur. En conséquence, cette demande ne peut être accueillie.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes à ce titre seront rejetés.

M. [Q] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

-alloué à M. [Q] la somme de 2492,16€ outre 249,21€ au titre de la prime d'orientation,

-débouté M. [Q] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, de solde d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité pour licenciement vexatoire,

-débouté l'association The American University of Paris de sa demande de frais irrépétibles,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Q] de sa demande au titre de la prime de suivi de mémoires,

Condamne l'association The American University of Paris à verser à M. [Q] les sommes suivantes:

* 20815€ de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 2081,50€ de congés payés afférents,

*611,36€ de solde d'indemnité de licenciement,

*2492,16€ outre 249,21€ de congés payés au titre de la prime d'orientation,

Déclare le licenciement de M. [Q] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [Q] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation au bureau de conciliation, que les autres sommes portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,

Dit que l'association The American University of Paris sera tenue de remettre à M. [Q] les bulletins de paie conforme à la présente décision,

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,

Condamne l'association The American University of Paris aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/10809
Date de la décision : 06/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°17/10809 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-06;17.10809 ?
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