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04/12/2019 | FRANCE | N°17/10112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 04 décembre 2019, 17/10112


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 Décembre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/10112 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B33KJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° F04/02985





APPELANTE



Société ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localit

é 1]



représentée par Me Stéphane PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1367





INTIMEE



Madame [A] [Z] [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1958 à [...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 Décembre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/10112 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B33KJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° F04/02985

APPELANTE

Société ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphane PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1367

INTIMEE

Madame [A] [Z] [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 5] (ESPAGNE) [Localité 5]

représentée par Me Fabrice FEVRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 19 juillet 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Z] [J] a été embauchée par l'Association des Paralysés de France en qualité d'adjointe de direction, le 2 janvier 2002 par contrat à durée indéterminée.

Le 21 juin 2004, l'Association des Paralysés de France a notifié une mise à pied disciplinaire d'une durée d'une journée à Mme [Z] [J].

Le 20 juillet 2004, Mme [Z] [J] a saisi le Conseil des prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et l'annulation de la mise à pied disciplinaire.

Le 30 août 2004, après entretien préalable, l'Association des Paralysés de France a notifié une nouvelle mise à pied disciplinaire d'une durée d'une journée à Mme [Z] [J].

Par lettre du 2 février 2005, Mme [Z] [J] a fait l'objet d'un licenciement, après autorisation de l'inspecteur du travail par décision du 27 janvier 2005.

Le 24 mars 2005 Mme [Z] [J] a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a'n d'obtenir l'annulation de la décision rendue par l'inspection du travail, et le 25 mars 2005 a entrepris un recours hiérarchique devant le Ministre du travail.

Le conseil de prud'hommes a, par jugement avant dire droit du 16 mars 2006, sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure administrative.

Par décision définitive du 3 juillet 2014, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé l'autorisation de licenciement de Mme [Z] [J] pour non respect du caractère contradictoire de l'enquête diligentée par l'inspection du travail.

Le 17 septembre 2014, Mme [Z] [J] a demandé sa réintégration à l'Association des Paralysés de France, qui lui a indiqué qu'elle serait réintégrée sur le poste d'adjoint de la direction au sein de l'ESAT d'[Localité 3].

Le 4 novembre 2014, Mme [Z] [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que le poste proposé pour la réintégrer n'équivalait pas à celui qu'elle a occupé avant son licenciement .

Le 25 juillet 2015, Mme [Z] [J] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir le paiement de pertes de salaires. Il a été retenu qu'il n'y avait lieu à référé, faute d'urgence.

Mme [Z] [J] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par un arrêt du 15 septembre 2016, la cour d'appel de Paris a condamné l'Association des Paralysés de France au paiement de la somme de 24.469 € à titre prévisionnel.

Parallèlement, le 20 juin 2017, le conseil des prud'hommes de Bobigny, statuant en départage, a requalifié la prise d'acte de la salariée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'Association des Paralysés de France au versement des sommes suivantes :

-338.223 € au titre du préjudice subi dans le cadre de la perte de salaire du 4 juin 2005 au 4 novembre 2014,

-32.634 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-21.756 € au titre de l'indemnité de préavis,

-2.175,60 € au titre des congés payés sur préavis,

-65.268 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

-156,37 € au titre de la retenue sur salaire pour mise à pied disciplinaire du mois de juillet 2004

-15,63 € au titre des congés payés afférents à cette retenue sur salaire,

-146,31 € au titre de la retenue sur salaire pour mise à pied disciplinaire du mois de septembre 2004,

-14,63 €, au titre des congés payés afférents à cette retenue sur salaire,

-300 €, au titre des préjudices subis pour chaque mise à pied,

-1000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de change d'exercer ses droits acquis au titre du DIF,

-1500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'association, ayant constitué avocat, a interjeté appel du jugement suivant une déclaration d'appel transmise au greffe de la cour d'appel de Paris, le 18 juillet 2017.

Mme [Z] [J], ayant constitué avocat a aussi relevé appel du jugement suivant une déclaration d'appel transmise au même greffe, le 20 juillet 2017.

Par des écritures transmises le 6 février 2019 par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des faits et des moyens développés , l'Association des Paralysés de France conclut à l'infirmation du jugement. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

* sur la prise d'acte de la rupture du 4 novembre 2014 :

à titre principal

-juger que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission

à titre subsidiaire

-juger qu'une indemnité de licenciement a déjà été versée à Mme [Z] [J]

* sur les dommages-intérêts dans le cadre de la perte de salaire:

à titre principal :

-juger qu'elle a réintégré Mme [Z] [J] sur un poste équivalent;

-limiter l'indemnisation de celle-ci à la période allant du 4 février 2005 au 18 septembre 2014;

-relever que Mme [Z] [J] a perçu, au cours de la période considérée, des ressources à hauteur de 297.685 euros et par suite, la condamner au paiement d'une indemnité maximale d'un montant de 142.136,37 € allant du 4 février 2005 au 18 septembre 2014

à titre subsidiaire:

-la condamner au paiement de la somme de 297.685 euros pour la période allant du 4 février 2005 au 5 novembre 2014,

-la condamner au paiement d'une indemnité de 148.512,56 euros pour la période allant du 4 février 2005 au 5 novembre 2014

* débouter Mme [Z] [J]du surplus des demandes;

* condamner Mme [Z] [J] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon des conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 mai 2019, Mme [Z] [J] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné l'Association au paiement de diverses sommes; mais à son infirmation pour le surplus. Elle demande à la cour, statuant à nouveau de :

- au titre de l'exécution du contrat de travail, de la discrimination syndicale et du harcèlement moral subis :

-constater que l'Association des Paralysés de France l'a gravement discriminée en raison de son appartenance syndicale ;

-constater qu'elle a été l'objet d'un harcèlement moral au sein de l'Association des Paralysés de France

-en conséquence, condamner l'Association des Paralysés de France au paiement des sommes suivantes :

68.535,96 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale

25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi ;

- au titre de la demande de réintégration :

-de juger que l'annulation de son autorisation de licenciement lui donne droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période entre son licenciement et sa réintégration, et à défaut, jusqu'à sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail, et en conséquence au versement des sommes suivantes :

-29.795,03 € au titre des congés trimestriels, du 4 juin 2005 au 5 novembre 2014,

-578.099 € au titre des salaires et 57.809 € à titre de congés payés afférents,

- au titre de sa rupture du contrat de travail et de sa prise d'acte

-juger que l'Association des Paralysés de France a manqué à ses obligations légales en matière de réintégration

-juger que la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

-en conséquence, condamner l'Association des Paralysés de France à lui payer les sommes suivantes :

-5.316,80 € au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis après déduction du préavis payé pour le licenciement du 3 février 2005 ;

-531,68 € au titre des congés payés sur préavis ;

-53.998,34 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement après déduction de l'indemnité conventionnelle payée pour le licenciement du 3 février 2005 (ou subsidiairement

-2.859,66 € au titre de l'indemnité légale de licenciement) ;

-34.267,98 € au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur ;

-68.535,96 € au titre des dommages et intérêts par licenciement nul pour discrimination syndicale

* ordonner à l'Association des Paralysés de France de lui remettre les documents sociaux corrigés et conformes sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document

* condamner l'Association des Paralysés de France à lui verser la somme de :

-5.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance relative aux droits cumulés au titre du dif ;

-4.197, 04 € au titre de l'indemnité logement de janvier 2002 à juin 2005

-3.762, 44 € au titre des astreintes, pour les années 2004 et 2005,

-5.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des stipulations conventionnelles

-4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure c ivile

L'Association des Paralysés de France fait valoir que :

- la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [Z] [J] est injustifiée, dès lors qu'elle a respecté son obligation de réintégration,

- l'ancien poste de Mme [Z] [J] était pourvu et que le poste proposé était équivalent à celui qu'elle occupait avant son licenciement,

- subsidiairement, Mme [Z] [J] a déjà perçu une indemnité de licenciement, et en conséquence, lui octroyer une indemnité conventionnelle de licenciement reviendrait à lui attribuer deux indemnités ayant le même objet,

- le refus de Mme [Z] [J] de prendre le poste proposé doit produire les mêmes effets qu'une absence de demande de réintégration,

- Mme [Z] [J] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de la simple perte de sa rémunération, du fait des mises à pied disciplinaires de juin et aout 2014,

- l'absence de toute situation de harcèlement moral ou de discrimination syndicale.

En réponse aux moyens de l'Association des Paralysés de France, Mme [Z] [J] fait valoir que :

- l'indemnité compensatrice de perte de salaires de la période du 4 juin 2005 au 5 novembre 2014 lui est dûe, du fait de la nullité de son licenciement en raison de son caractère discriminatoire,

- sa prise d'acte de la rupture du contrat doit être requalifiée en licenciement nul, dès lors qu'elle est justifiée, que l'Association des Paralysés de France ne pouvait pas modifier son contrat de travail ou ses conditions de travail sans son accord, et que le refus de réintégration initiale de l'association reposait sur une discrimination syndicale,

- les mises à pied disciplinaires notifiées en juin et août 2004 doivent être annulées,

- elle est fondée à demander des dommages-intérêts du fait de harcèlement moral et la discrimination syndicale dont elle a fait objet,

- elle est également fondée à demander des dommages-intérêts pour défaut de droit individuel de formation.

L'ordonnance de clôture a été fixée le 3 septembre 2019.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire pour la période antérieure à la procédure de licenciement dont l'autorisation a été ultérieurement annulée;

L'article 5 du contrat de travail signé Madame [Z] le 22 janvier 2002 fait état de ce que conformément à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 et/ou à l'accord à PFE 1973 /77, la salariée bénéficie du statut de cadre, de l'indice 450 avec une reprise d'ancienneté de neuf années. Il est également prévu qu'elle doit percevoir des primes et des indemnités prévues par les dits accords soit une prime forfaitaire de 28 points, une prime de technicité de 12 %, une majoration ancienneté de 12 %, une prime de sujétion, une indemnité logement : 80 points minimum garantis, d'une prime d'assiduité dans les conditions de l'article 13.1de la convention collective.

Madame [Z] fait valoir que tout au long de la collaboration de 2002 à 2005, elle a perçu un forfait de 232,80 euros par mois alors que la valeur du point a évolué entre le 1er janvier 2002 et le 1er février 2005.

Elle considère en conséquence être créancière d'une somme de 4197,04 euros au titre de cette indemnité de logement de janvier 2002 à juin 2005.

Elle produit un tableau détaillant des sommes qu'elle aurait dû percevoir en fonction de l'évolution de la valeur du point, déduction faite des sommes reçues.

L'employeur se limite à soutenir, qu'à défaut de démonstration juridique et en l'absence de tout élément pertinent, la demande de la salariée ne peut prospérer.

Il n'est pas utilement combattu que la valeur du point a évolué au cours de la période 2002-2005 que par suite, l'indemnité ne pouvait pas être fixe et forfaitaire en sorte que, à défaut de toute contestation pertinente sur les modalités de calcul, la cour fera droit à cette demande.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de l'astreinte ou des permanences,

L'article 3 du contrat travail signé le 22 janvier 2002 prévoit expressément que par roulement, Madame [Z] pourra être appelée à assurer des permanences dans l'établissement et à domicile sur demande de la directrice.

Selon les dispositions conventionnelles, il était spécifié que la fréquence des permanences ne peut excéder par salarié 10 nuits par mois ainsi qu'un dimanche et jour férié par mois, que les permanences à domicile peuvent se cumuler avec des permanences dans l'établissement dans la limite du maximum prévu pour les permanences à domicile.

Il ressort des plannings que Madame [Z], à l'instar de Mesdames [R], [T], [V], assurait des astreintes pour environ 43 heures par mois.

A compter de mars 2004, les heures d'astreintes qui lui étaient demandées se sont limitées à 32 heures par mois.

En 2005, Madame [Z] n'a plus été rémunérée pour des astreintes.

À la suite d'une réclamation en date du 22 avril 2005, l'employeur a régularisé le paiement d'une partie de ces astreintes, ce qui correspond à une reconnaissance d'une modification unilatérale de la rémunération qu 'il ne pouvait pas imposer à la salariée.

Une fois encore dans les écritures dont la cour est saisie, l'APF se limite à soutenir que sans démonstration juridique en l'absence d'élément pertinent, la demande ne peut pas prospérer.

Ainsi, n'est-il pas utilement contesté que la salariée s'est vu confier un volume horaire d'astreintes de l'ordre de 43 heures au cours des deux premières années de la collaboration à l'origine d'une rémunération que l'employeur ne pouvait pas modifier sans l'accord exprès de la salariée.

Il convient dans ces conditions de faire droit à la demande de rappel de salaire à ce titre d'un montant de 3762,44 euros au titre des astreintes pour la période 2004-2005.

Sur la demande d'annulation des mises à pied disciplinaires des 21 juin et 30 août 2004 ;

Par une lettre recommandée du 21 juin 2004, l'association a notifié à Madame [Z] [J] une mise à pied disciplinaire d'une journée en faisant état des griefs suivants :

« [']

- propos irrespectueux, non fondés, diffamatoires à l'encontre de la direction,

- erreurs multiples sur le plan technique et organisationnel,

- sérieuses carences sur le plan relationnel, éducatif vis-à-vis des équipes d'auxiliaires de vie.

D'une façon générale vous n'êtes pas à la hauteur de ce que nous sommes en droit d'attendre à l'APF d'un cadre de votre niveau ; vous vous positionnez dans une contestation systématique et insidieuse de votre hiérarchie ; vous ne pouvez justifier vos erreurs professionnelles et votre comportement agressif qu'en vous abritant derrière vos mandats syndicaux. Vous refusez de reconnaître vos carences et vos fautes professionnelles[...] vous ne rendez spontanément aucun compte, vous multipliez les critiques de tous ordres et vous n'êtes jamais force de proposition et vous ne faites rien pour améliorer le fonctionnement de l'établissement, vous fuyez tout dialogue, vous créez et entretenez un climat de suspicion et de menaces, vous ne supportez aucune remarque et encore moins de directives, vous vous dites sans cesse harcelée, victime de délit d'entrave, vous entretenez ainsi volontairement la plus totale confusion entre vos mandats syndicaux et vos responsabilités professionnelles en tentant de faire croire que le fait de détenir ces mandats vous place au-dessus de vos obligations professionnelles.

Par une lettre recommandée du 30 août 2004, la PF a notifié à la salariée une deuxième mise à pied disciplinaire en faisant état des reproches suivants :

« ['.]

Je déplore de votre part des erreurs multiples tant dans l'élaboration des plannings que dans la gestion des jours fériés et des fiches navette.

Les cycles de travail qu'il vous appartient de renseigner dans notre logiciel ne sont pas réalisés correctement.

Cette négligence entraîne des dysfonctionnements dans les services car très souvent on se retrouve tantôt en sureffectif tantôt en sous effectif.

À cela, vous avez répondu que « cela n'était pas mon travail de rentrer les cycles » et que vous ne faisiez que reprendre ce qui avait été établi sous l'ancienne direction. Je vous rappelle que la gestion des plannings vous incombe et vous renvoie par conséquent à votre fiche de poste.

[...] L'argument de simple exécutante n'est pas acceptable et montre un manque de discernement de votre part et une fuite de vos responsabilités inadmissibles.[... ] Vous auriez dû au moins m'alerter sur les difficultés rencontrées. De plus, je constate que vous n'avez pas donné suite à ma proposition de complément de formation sur notre logiciel de gestion du temps Gesper.

[...] Deux responsables auxiliaires de vie m'ont fait part de leur inquiétude quant à la pérennité de leur poste. Vous avez dit à ces personnes, qu'en l'absence de consultation préalable du comité d'établissement sur la création de ces postes, ces derniers pouvaient être supprimés. Vous avez reconnu avoir tenu de tels propos tout en indiquant que les interrogations sur leur poste émanaient de ces dernières et que vous n'avez fait que répondre à leurs questions. De plus, en tant que chef de service, à aucun moment vous ne m'avez alertée sur cette situation.[...] je vous rappelle que vous n'avez pas à faire courir des rumeurs qui n'ont pour but que de créer un climat de suspicion et d'inquiétude donc de déstabilisation et qui d'autre part sont complètement infondées. Je constate de nouveau que vous n'hésitez pas à vous servir de vos différents mandats représentatifs pour maintenir une certaine pression à l'égard de certains salariés placés sous votre autorité ».

La cour observe que l' APF conclut à l'infirmation du jugement ayant accordé à la salariée un rappel de salaire au titre de ces mises à pied disciplinaires mais ne fournit aucune explication ni ne produit une quelconque élément pour établir la réalité des faits qu'elle a ainsi reproché à la salariée et de nature à justifier les sanctions prononcées.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a accordé les rappels de salaires pour ces deux journées de mise à pied disciplinaire.

De même, la cour confirmera le jugement ayant alloué à la salariée une somme de 300 € au total, soit 150 € pour chacune des sanctions annulées à titre de dommages-intérêts.

Sur la discrimination et le harcèlement;

Selon les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie àl'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Madame [Z] indique avoir subi des agissements répétés, attentatoires à sa dignité constituant un harcèlement moral à compter du moment où elle a exercé des fonctions syndicales et à raison de ses fonctions syndicales.

Elle expose avoir été amenée à dénoncer les effets très négatifs de la restructuration du foyer de [Localité 4] sur les conditions de travail des salariés et alors que cette restructuration n'avait pas été soumise au comité d'établissement, ni au CHSCT. Elle indique également avoir dénoncé en 2003 et 2004 des man'uvres, des irrégularités des entraves affectant les instances représentatives du personnel s'agissant notamment de la tenue des réunions du comité d'établissement, du CHSCT des délégués du personnel, y compris auprès de l'inspection du travail.

Dans ce contexte, elle invoque :

- la multiplication des procédures disciplinaires parfaitement injustifiées,

- la mise en 'uvre et la notification du licenciement en date du 2 février 2005, dont l'autorisation a ultérieurement été annulée. Elle précise que la procédure a été initiée le jour même où elle avait signé en sa qualité de secrétaire du comité d'établissement la question sur l'audit des comptes annuels 2003 de la résidence pour un déficit important et avait refusé de restituer les comptes et chéquiers du comité d'établissement au trésorier adjoint

- le changement de la serrure du bureau de la directrice en date du 19 septembre 2003 et le refus de lui confier la nouvelle clé et l'entrée de la salariée avant la restructuration du 23 septembre 2003,

- le déménagement à compter du 1er octobre 2003 de son bureau à côté de celui de la directrice au rez-de-chaussée, ce qui caractérisait un déplacement et un isolement qui lui ont été infligés à elle seule,

- la tentative de réduire de moitié le nombre de jours de congés trimestriels,

- l'exclusion progressive par la direction de toute information concertation au sein de l'équipe d'encadrement à laquelle elle appartenait ce qui est révélé par les notes du 20 février 2004, 21 juin 2004 et 13 août 2004,

- le retrait de toute responsabilité effective caractérisée par le blocage total de son accès à la gestion des plannings en réseau, l'interdiction de prendre un quelconque engagement en matière d'embauche, de fin de contrat de contrat de travail à durée déterminée sans l'accord express de l'employeur, le transfert de la plupart de ses fonctions à la seule chef de bureau, Madame [V],,

- l'absence de soutien de la directrice face aux accusations de harcèlement et d'incurie portées par le psychologue,

- les provocations de la direction lorsqu'elle tenait le bureau de vote à l'occasion des élections tenues les 28 avril et 12 mai 2004,

- l'absence de réponse de la direction à sa lettre du 11 juin 2004 faisant état du dénigrement systématique dont elle faisait l'objet,

- les graves atteintes à l'exercice de ses mandats par la mise au vote du comité d'établissement et au CHSCT de mesures de retrait de procuration et de suspension pure et simple de son mandat sanctionné par le tribunal de Grande instance de Bobigny le 24 janvier 2005,

- l'organisation d'une réunion irrégulière le 24 septembre 2004 afin de lui retirer la procuration dont elle bénéficiait sur les comptes du comité comme secrétaire, la décision irrégulière prise au cours d'une réunion du CHSCT du 30 septembre suivant de suspendre son mandat de secrétaire du CHSCT, cette décision ayant été suspendue par le président du tribunal de Grande instance de Bobigny par ordonnance de référé du 3 novembre 2004,

- la déconnexion de son ordinateur à la suite d'une effraction du 12 novembre 2004,

- la modification unilatérale des astreintes caractérisée par la baisse progressive et drastique des astreintes rémunérées.

Outre que les sanctions disciplinaires ont d'ores et déjà été jugées comme étant injustifiées, la salariée communique aux débats de nombreux documents ( notes, diverses lettres co-signées par de membres du CHSCT, du CE, compte-rendus de réunions, l'ordonnance de référé, les témoignages de Madame [I], de Madame [K] [U], de Madame [S], de Monsieur [X], de Madame [Y]) établissant matériellement de nombreux faits ainsi relevés, lesquels pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement et d'une discrimination pour le motif prohibé des fonctions syndicales de la salariée.

L'APF se limite à soutenir que les faits invoqués ne sont pas justifiés, que ne peut être qualifiée de harcèlement une situation de désaccords, de contrariété, de conflit au travail, que l'intention de nuire n'est pas démontrée, que l'altération de l'état de santé n'est pas justifiée et que l'inspectrice du travail avait retenu que l'enquête ne permettait pas d'établir un lien entre les mandats de la salariée et la demande qui lui avait été présentée.

Or, les tensions évoquées étaient directement en lien avec les positions prises par la salariée dans le cadre de ses mandats syndicaux et les actes posés comme la suspension irrégulière de ses fonctions, la déconnexion de son ordinateur, les sanctions injustifiées à quelques semaines d'intervalle sont autant d'agissements répétés portant atteinte aux conditions de travail de Madame [Z] [J] sans que l'APF justifie que ces agissements reposaient sur des éléments objectifs pertinents étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination prohibée.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Les préjudices résultant de ces agissements en lien avec un harcèlement et une discrimination syndicale seront réparés par l'allocation d'une somme de 1000 euros pour le harcèlement et de 2000 euros pour la discrimination syndicale.

Sur l'indemnité correspondant à la perte de rémunération entre l'éviction et la réintégration;

Madame [Z] [J] a quitté les effectifs le 3 juin 2005.

Suivant un arrêt de la cour administrative d'appel en date du 3 juillet 2014, l'autorisation de licencier a été annulée.

Le pourvoi devant le Conseil d'Etat a été déclaré non admis le 17 avril 2015.

Dès le 17 septembre 2014, Madame [Z] [J] a demandé à l'association de la réintégrer et de régler l'indemnité correspondant à la totalité de son préjudice pour la période allant de son éviction à la date de sa réintégration.

Outre qu'elle sollicite que soit retenue l'évolution de la valeur du point et des différents éléments de son salaire, conformément à la convention collective des établissements privés d'hospitalisation de soins de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, ainsi que la prise en compte de l'indemnité de logement, des indemnités d'astreinte et des congés payés trimestriels, Madame [Z] [J] soutient que l'indemnité à lui revenir pour la période allant de son éviction au 5 novembre 2014 doit correspondre aux rémunérations qu'elle aurait perçues sans déduction des revenus dont elle a bénéficié pendant cette période.

Au soutien de sa demande, elle fait valoir que le licenciement prononcé reposait sur un grief en lien avec l'exercice d'une liberté fondamentale garantie par la Constitution qu'a tout citoyen de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale, l'un des griefs invoqués étant de « s'être servie de sa position hiérarchique pour tenter d'obtenir une attestation auprès d'un salarié ». Elle soutient aussi que le versement de cette indemnité, qui correspond à la totalité des salaires qu'elle aurait perçus, sanctionne la méconnaissance par l'employeur de son obligation de fournir du travail, de verser un salaire et de respecter son action syndicale garantie par la Constitution.

L'article L. 2422-4 du code du travail, d'ailleurs invoqué par la salariée à l'appui de sa demande, s'applique lorsque le licenciement du salarié protégé est nul pour avoir été prononcé en vertu d'une autorisation ultérieurement annulée.

Le moyen tiré de la nullité de son licenciement fondée sur la violation d'une liberté fondamentale garantie par la Constitution qu'a tout citoyen de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale est inopérant dans le présent débat en ce qu'il n'entre pas dans le périmètre d'application des dispositions de l'article L. 2422-4.

En effet, selon l'article L. 2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.[...]Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

Il s'en déduit qu'un salarié protégé pour lequel l'autorisation de le licencier a été annulée et qui demande sa réintégration, peut prétendre au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé et sous déduction des revenus retirés d'une autre activité professionnelle et des revenus de remplacement qui lui ont été servis pendant la même période.

La cour précise en cas de besoin qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions précitées.

Par ailleurs, la réparation qui n'est donc pas forfaitaire mais a pour base de calcul l'intégralité des salaires perdus et doit correspondre aux rémunérations que la salariée aurait perçues depuis son éviction jusqu'à la date de sa réintégration à l'exception des primes correspondant à des remboursements de frais ou assimilés .

Il sera évoqué à toutes fins que selon la Cour de justice des communautés européennes la notion de «rémunération» visée à l'article 141 CE comprend tous les avantages en espèces ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu'ils soient payés, serait-ce indirectement, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

En conséquence, c'est à bon droit que la salariée formule des demandes en tenant compte de l'évolution de la valeur du point et des différents éléments de son salaire, conformément à la convention collective des établissements privés d'hospitalisation de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, ainsi que la prise en compte de l'indemnité de logement, des indemnités d'astreinte qu'elle percevait et aurait continué à percevoir dans le cadre de l'exercice de ses missions contractuelles et des congés payés trimestriels prévus par la convention collective.

Les parties ne s'accordent pas sur les modalités de calcul, essentiellement en raison de la prise en compte de l'évolution de la valeur du point s'agissant de l'indemnité de logement et d'un volume horaire d'astreintes.

En l'absence d'éléments pertinents et précis pour contester utilement les modalités de calcul proposées par la salariée, la cour, faisant siennes lesdites modalités confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué à celle-ci, la somme de 338 223 € au titre de l'indemnité à lui revenir pour la période de son éviction en ce compris les congés trimestriels prévus par l'aticle 09.05.2 de la CCN 51.

Sur la demande au titre de la prise d'acte de la rupture;

La prise d'acte de la rupture à l'initiative du salarié ne constitue ni un licenciement ni une démission mais une rupture produisant les effets de l'un ou de l'autre selon que les griefs invoqués par le salarié à l'encontre de l'employeur étaient ou non justifiés.

Dans le cas d'espèce, la salariée expose que:

- en réponse à sa demande de réintégration réalisée dans le délai de deux mois après que l'arrêt de la cour d'appel administrative avait été définitif, l'APF l'a informée que le poste de directrice adjointe à Pantin était pourvu et qu'elle étudiait la situation.

- le poste était occupé par Madame [V] qui n'était pas un professionnel de catégorie 1 ou de niveau 1 et ce, en méconnaissance du décret n° 2007-221,

- elle a saisi l'inspection du travail pour voir constater que l'APF refusait de la réintégrer,

- l'inspection du travail a pris attache avec l' APF pour qu'elle régularise la situation et la réintègre sans délai.

- par lettre du 25 octobre 2014, l'APF lui a signifié, sans aucune concertation préalable qu'elle serait réintégrée sur une poste de directrice adjointe au sein de l'ESAT d'[Localité 3] et l'a convoquée pour un rendez vous prévu le 4 novembre 2014.

- elle a rappelé à l'APF, aux termes d'une lettre du 28 octobre 2014, que les métiers des cadres pour l'accueil des handicapés avec ou sans internat avaient toujours été séparés de ceux pour le travail des handicapés sans internat, que les foyers et les services d'accueil n'avaient aucune activité lucrative à l'inverse des ESAT et EA qui ont une activité commerciale en sorte que la proposition d'affectation ne constitue pas un emploi équivalent et impliquait un véritable changement de métier,

- elle a indiqué, dans la même correspondance, qu'elle pouvait être réintégrée sous la responsabilité de la directrice régionale à l'ESAT d'[Localité 3] si l'APF acceptait de la former pour devenir opérationnelle dans ce poste, et sollicitait son accord de principe sur ce point avant l'entretien prévu pour le 4 novembre 2014

- elle a aussi rappelé qu'elle restait dans l'attente du paiement des salaires qui lui étaient dus.

À défaut de toute réponse et en l'absence du paiement même partiel de l'indemnité qui lui était due en application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail, Madame [Z] [J] explique avoir pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, dans la mesure où le poste d'affectation à l'ESAT d'[Localité 3] impliquait une modification de la structure de sa rémunération avec perte des indemnités et astreintes d'internat qu'elle percevait lorsqu'elle travaillait au foyer et l'impossibilité d'exercer les mêmes mandats représentatifs.

L'association répond que :

- le paiement de l'indemnité à revenir à la salariée exigeait la réunion de documents nécessaires au calcul de celle-ci, et spécialement les justificatifs des éventuels revenus de remplacement que la salariée avait pu percevoir pendant cette période d'éviction

- le délai de trois mois, en ce compris un mois sur les congés d'été, était court pour procéder au calcul et au versement d'une somme importante,

- elle a respecté l'obligation de réintégration de la salariée en l'affectant sur un poste d'adjointe de direction de l'ESAT d'[Localité 3], proche de son domicile

- sans prendre le temps d'échanger sur le poste proposé, Madame [Z] [J] lui a adressé deux lettres les 30 octobre 2014 et 4 novembre 2014 la première pour lui indiquer que le poste proposé ne constituait pas un poste équivalent, la seconde pour prendre acte de la rupture du contrat de travail,

-lorsqu'est née son obligation de réintégrer la salariée, le poste d'adjoint de direction du foyer de [Localité 4] était pourvu, peu important l'identité des personnes dans ledit poste,

- Madame [V] a obtenu le poste de responsable d'unité d'intervention sociale en 2011 et a donné entière satisfaction en qualité d'adjointe de direction, n'avait aucune obligation d'accepter une modification de son contrat de travail pour que le poste occupé par elle soit libéré,

- le poste proposé à Madame [Z] [J] était un poste équivalent dès lors que le poste proposé était situé au même niveau de rémunération, observation étant faite que le contrat de travail renvoyait aux stipulations conventionnelles s'agissant des indemnités et primes prévues par la convention collective, que les indemnités et primes n'ont jamais été contractualisées,

- les instances représentatives avaient été renouvelées plusieurs fois de sorte que Madame [Z] [J] ne pouvait en aucun cas être réintégrée dans son mandat.

L'association ajoute qu'un rendez vous avait été proposé à la salariée le 4 novembre 2014 pour échanger sur la proposition du poste, que celle-ci a pris acte de la rupture et ainsi empêché tout échange constructif.

Il est patent que dans le cas où l'emploi précédemment occupé par le salarié n'est plus vacant, la réintégration peut avoir lieu dans un emploi équivalent situé dans le même secteur géographique et comportant:

le même niveau de rémunération;

la même qualification;

les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial;

les mêmes possibilités d'exercice du mandat représentatif.

Le premier juge a relevé pertinemment que le poste proposé visait à assurer la responsabilité des activités de production et du projet individualisé des usagers ce qui n'était pas le cas du poste précédemment occupé au foyer de [Localité 4] qui était une structure éducative d'accueil, en sorte que le périmètre des responsabilités et d'encadrement du poste proposé étaient moindres et n'offraient pas les mêmes possibilités de perspectives de carrière ni les mêmes opportunités d'exercice d'un mandat représentatif.

Au surplus dès lors que les sujétions de ce poste à [Localité 3] étaient différentes, la rémunération de la salariée devait s'en trouver impactée.

Il s'en déduit que le poste proposé n'était pas un poste équivalent à celui que la salariée avait occupé précédemment.

Par ailleurs, alors que la salariée avait manifesté l'intention d'être réintégrée dès le 17 septembre 2014 et avait sollicité le versement de l'indemnité qui lui était due, et alors même que des comptes étaient à faire pour déduire les revenus de remplacement obtenus pendant la période d'éviction, force est de constater qu'aucun acompte n'avait été effectué, nonobstant l'absence de communication des documents justifiant des revenus de remplacement.

La prise d'acte de la rupture aux torts de l' APF était donc justifiée .

Sur les conséquences de la prise d'acte ;

L'indemnité de préavis de quatre mois sera arrêtée à la somme de 23 181,, 48 euros pour tenir compte des articles 15.02.2.1de l'avenant 2014-01 et 1 et 2.2 de l'avenant 2014-02 entrée en vigueur le 1er novembre 2014, soit antérieurement à la prise d'acte du 5 novembre 2014.

Compte tenu de la somme déjà versée par l'employeur en 2005, le reliquat restant dû à ce titre sera arrêté à la somme de 5316,80 euros à laquelle il conviendra d'ajouter celle de 531,68 euros au titre des congés payés afférents.

L'APF expose avoir versé une indemnité de licenciement d'un montant de 14 537,62 euros en 2005 calculé conformément aux dispositions de l'article 15. 02. 3 de la convention collective applicable selon lequel le cadre licencié qui compte plus de deux ans d'ancienneté ininterrompue(en qualité de cadre ou de non cadre) au service de la même entreprise a droit, en cas de licenciement pour faute grave, à une indemnité distincte du préavis et égale à un demi mois par année de service, en qualité de non-cadre, l'indemnité perçue à ce titre ne pouvant dépasser six mois de salaire ; un mois par année de service en qualité de cadre, l'indemnité perçue à titre de non-cadre et à titre de cadre ne pouvant dépasser au total 12 mois de salaire étant précisé que le salaire servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est le salaire moyen des trois derniers mois.

L'APF estime en conséquence s'être acquittée du paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

A titre subsidiaire, elle estime qu'un complément d'indemnité conventionnelle pourrait être alloué à la salariée à hauteur de 8706,18 euros pour la période d'éviction. Elle indique en effet que lors de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le 5 novembre 2014, les dispositions conventionnelles n'étaient plus en vigueur pour avoir été dénoncées par la SNALE et la FEHAP.

Il n'est pas utilement contesté par la salariée que ces dispositions n'étaient plus applicables au moment de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le 5 novmebre 2014 en sorte que l'indemnité de licenciement sera arrêtée à la somme de 17 397,28 euros et qu'il reste dû à ce titre la somme de 2859,66 euros.

L'APF sera condamnée au paiement de cette somme.

Il est avéré que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est consécutive aux manquements graves de l'employeur à l'obligation qui lui était faite de réintégrer une salariée qui bénéficiait d'un statut protégé à la suite de l'annulation de l'autorisation de la licencier, sinon au poste qu'elle occupait auparavant, à tout le moins, dans un poste équivalent.

L'employeur ne fournit aucune explication en réponse à l'objection de la salariée alléguant que la réintégration au sein de la structure proposée ne lui permettrait plus d'exercer des mandats représentatifs équivalents à celui qu'elle exerçait lors de son éviction en sorte qu'il ne justifie pas que sa proposition reposait sur des éléments pertinents et objectifs étrangers à l'appartenance syndicale de la salariée, d'autant qu'il ne produit aucun élément pour justifier qu'il n'avait pas d'autres postes équivalents à celui qu'elle avait occupé à proposer à la salariée.

La rupture doit dans ce contexte avoir les effets d'un licenciement nul.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Madame [Z] [J] la somme de 34 267,98 euros.

Sur la demande d' indemnité pour violation du statut protecteur,

Selon l'article 2422-2 du code du travail, le membre à la délégation du personnel au comité social et économique ou le représentant de proximité ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique interentreprises dont la décision d'autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si l'institution n'a pas été renouvelée.

Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise de la protection prévue à l'article L. 2411-5 du code du travail.

Ces dispositions légales sont en cohérence avec l'article 5 de la n° 135 de l'Organisation internationale du Travail, qui dispose que 'le délégué syndical, (...) réintégré dans l'entreprise après l'annulation de l'autorisation donnée en vue de son licenciement, sans avoir pu retrouver son mandat (....), bénéficie de la protection complémentaire de six mois suivant sa réintégration'.

Il sera fait droit à la demande de Madame [Z] [J] relativement au paiement de l'indemnité pour violation du statut protecteur à hauteur de la somme de 34 267,98 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des stipulations 03.01.6 et 05.03.2 de la CNN 51;

L'article 03.01.6 de la CNN 51 prévoit qu'outre les attributions traditionnelles et les fonctions supplétives prévues par les dispositions légales et réglementaires, les délégués du personnel sont informés des licenciement pour motifs disciplinaires avant exécution de la décision.

Toutefois aucun formalise n'est imposé et dans le cas présent, l'employeur justifie par l'attestation de Monsieur [O] [B] en date du 16 décembre 2018 que lors de la réunion des délégués du 31 mai 2005, la direction les a informés de l'autorisation donnée par l'inspection du travail pour le licenciement de l'adjointe de direction.

Il n'y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à la demande présentée par la salariée à ce titre.

Par ailleurs, il n'est pas établi que l'association a prononcé les deux mises à pied disciplinaires dans le but de respecter les exigences conventionnelles selon lesquelles aucun licenciement ne pouvait être prononcé, hors faute grave si le salarié n'avait pas fait l'objet d'au moins une sanction telle qu'un avertissement ou d'une mise à pied.

Dans ces conditions, la demande formulée à ce titre ne sera pas accueillie.

Sur le DIF,

C'est vainement que l'employeur soutient que la salarié n'établit pas le préjudice allégué consécutive ment au non respect des dispositions relatives dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de solliciter une formation dans les limites du DIF.

Toutefois en l'état des éléments d'appréciation dont dispose la cour, une somme de 150 euros sera allouée à la salariée à ce titre.

Le jugement déféré sera réformé.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

L' APF, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Madame [Z] [J] une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui accorder une nouvelle indemnité de 1500 euros pour les frais engagés dans le cadre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture était justifiée par les manquements de l'employeur et alloué à Madame [Z] [J] les sommes suivantes;

-338.223 € au titre du préjudice subi dans le cadre de la perte de salaire du 4 juin 2005 au 4 novembre 2014,

-156,37 € au titre de la retenue sur salaire pour mise à pied disciplinaire du mois de juillet 2004, outre 15,63 € au titre des congés payés afférents,

-146,31 € au titre de la retenue sur salaire pour mise à pied disciplinaire du mois de septembre 2004, outre14,63 €, au titre des congés payés afférents ,

-300 € au total au titre des préjudices subis pour les deux sanctions disciplinaires annulées,

-1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l' APF à verser à Madame [Z] [J] les sommes suivantes:

-4.197, 04 € au titre de l'indemnité logement de janvier 2002 à juin 2005

-3.762, 44 € au titre des astreintes, pour les années 2004 et 2005,

-2.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale

-1.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi

-5.316,80 € au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis après déduction du préavis payé pour le licenciement du 3 février 2005, outre 531,68 € au titre des congés payés sur préavis ;

-2.859,66 € au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement ;

-34.267,98 € au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur ;

-34.267,98 € au titre des dommages et intérêts par licenciement nul,

-150 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance relative aux droits cumulés au titre du dif ;

-1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions posées par l'article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne l'APF aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/10112
Date de la décision : 04/12/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/10112 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-04;17.10112 ?
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