Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRÊT DU 02 DÉCEMBRE 2019
(n° 2019/ 208 , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/04948 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYGRK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/12568
APPELANTE
MAAF ASSURANCES, Entreprise régie par le code des assurances prise en qualité de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Immatriculée au RCS de Niort sous le numéro : 542 07 3 5 80
représentée par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253
INTIMÉS
Monsieur [X] [P]
Né le [Date naissance 4] 1986
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Madame [L] [P]
Née le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Monsieur [J] [P]
Né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 11] (ITALIE)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentés par Me Guillaume FOURRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E2096, avocat postulant, et assisté de Me Stéphane DAUSQUE, membre de la SELARL CORNAUD LAURENT DARY DAUSQUE YHUEL LE GARREC, avocats associés au barreau de LORIENT, avocat plaidant.
CPAM DU MORBIHAN, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295
TORO ASSICURAZIONI
[Adresse 12]
[Adresse 12] (ITALIE)
représentée par Me Jean-Marie COSTE FLORET de la SCP SOULIE & COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267, et plaidant par Me Laurence GONZALEZ, SCP SOULIE & COSTE-FLORET, toque P 267
GENERALI BUSINESS SOLUTIONS, agissant en qualité de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la société TORO ASSICURAZIONI, dont le siège social est sis
[Adresse 13].
[Adresse 13]
[Adresse 13] (ITALIE)
représentée par Me Jean-Marie COSTE FLORET de la SCP SOULIE &COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267 et plaidant par Me Laurence GONZALEZ, SCP SOULIE & COSTE-FLORET, toque P 0267
LA MSA DU MORBIHAN
[Adresse 2]
[Localité 7]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport et de Mme Clarisse GRILLON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente
Mme Clarisse GRILLON, Conseillère
Mme Anne DUPUY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Laure POUPET, greffière présente lors du prononcé.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 31 août 1998, le jeune [X] [P], né le [Date naissance 4]1986 et alors âgé de 11 ans, a été victime en Italie d'un accident corporel de la circulation alors qu'il était passager d'une automobile immatriculée en France, conduite par M. [Z] [A] et assurée par la société MAAF assurances, laquelle a été percutée à l'arrière par un poids lourd italien assuré par la société Toro Assicurazioni.
[X] [P] a subi un important traumatisme crânien ainsi qu'un traumatisme pulmonaire.
Il a été expertisé extra-judiciairement par les docteurs [U] et [B] qui ont clos leur rapport le 5 mai 2010 en fixant la date de consolidation de la victime au 26 septembre 2008 (à l'âge de 21 ans).
Par arrêt du 26 mars 2018, la présente cour d'appel a :
confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 15 décembre 2015 en ce qu'il a :
- condamné la société Toro Assicurazioni et la société Generali Business Solutions in solidum à payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux à compter du jour du jugement :
$gt; à [L] [P] : 30 000 € au titre de son préjudice moral,
$gt; à [J] [P] : 10 000 € au titre de son préjudice moral,
$gt; à la CPAM du Morbihan : 75 013,42 €
avec intérêts au taux légal à compter de sa demande,
- condamné la société Toro Assicurazioni et la société Generali Business Solutions in solidum à payer les indemnités suivantes par application de l'article 700 du code de procédure civile :
$gt; aux consorts [P] : 6 000 €,
$gt; à la CPAM du Morbihan : 1 000 €,
y ajoutant, dit que les intérêts sont dus au taux légal italien,
infirmé ledit jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau dans cette limite,
déclaré recevable l'action indemnitaire formée par M. [X] [P] à l'encontre de la société MAAF assurances,
dit les sociétés Toro Assicurazioni, Generali Business Solutions et MAAF assurances obligées in solidum à la réparation des préjudices subis par les consorts [P], et à régler la créance de la CPAM du Morbihan,
en conséquence, dit que la société MAAF est obligée in solidum avec les sociétés Toro Assicurazioni et Generali Business Solutions aux condamnations de première instance confirmées, au profit des victimes par ricochet et de la CPAM du Morbihan,
liquidé le préjudice corporel de M. [X] [P], à l'exception de l'assistance par tierce personne après consolidation et postérieure au 31 décembre 2017 et de la perte de gains professionnels futurs, et condamné in solidum les sociétés Toro Assicurazioni, Generali Business Solutions et MAAF assurances in solidum à indemniser la victime,
avant dire droit sur la réparation des préjudices d'assistance par tierce personne après consolidation et à compter du 1er janvier 2018, et de perte de gains professionnels futurs subis par M. [X] [P], invité les parties à présenter leurs observations et à produire et communiquer toutes pièces utiles sur :
1°les règles de capitalisation temporaire et viagère des créances indemnitaires, applicables en droit italien,
2°les règles d'indexation des rentes indemnitaires, applicables en droit italien,
3°l'applicabilité du droit français ou italien au recours ou à l'absence de recours du tiers payeur d'allocations de chômage versées à la victime, au regard de l'article 2 § 6 de la convention de la Haye du 4 mai 1971 qui exclut de son champ d'application les "actions et recours exercés par ou contre les organismes de sécurité sociale, d'assurance sociale ou autres institutions analogues",
4°dans l'hypothèse où le tiers payeur ne relèverait pas de l'énumération de l'article 2 § 6 précité et où, dès lors, le droit italien serait applicable, le régime, en droit italien, des allocations de chômage perçues par la victime d'un dommage corporel, au regard de l'indemnisation de sa perte de gains professionnels,
ordonné à M. [X] [P] de produire et communiquer les justificatifs de l'intégralité des allocations de chômage perçues par lui,
à ces fins, ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état,
statué sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
déclaré irrecevable le recours formé en cause d'appel par la société Toro Assicurazioni à l'encontre de la société MAAF assurances,
dit que la contribution à l'ensemble des condamnations confirmées et prononcées par l'arrêt incombe à la société MAAF assurances dans la proportion de 30 % et aux sociétés Toro Assicurazioni et Generali Business Solutions in solidum dans la proportion de 70 %,
déclaré l'arrêt commun à la Mutualité Sociale Agricole du Morbihan et à la société Generali Business Solutions,
condamné les sociétés Toro Assicurazioni, Generali Business Solutions et MAAF assurances in solidum aux dépens de première instance et d'appel,
condamné les sociétés Toro Assicurazioni, Generali Business Solutions et MAAF assurances in solidum à payer les indemnités suivantes par application, en cause d'appel, de l'article 700 du code de procédure civile :
- à [X], [L] et [J] [P], créanciers solidaires : 14 000 €
- à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan : 1 000 €.
Par ordonnance du 10 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les sociétés MAAF et Toro.
Selon dernières conclusions notifiées le 7 octobre 2019, les consorts [P] demandent à la cour de :
débouter les sociétés MAAF assurances et Toro Assicurazioni de leurs entières demandes, fins et prétentions,
faire application de la table de capitalisation 2018 publiée par la Gazette du Palais du 28 novembre 2017,
dire et juger que les indemnités liées aux allocations chômage ne peuvent être déduites de l'indemnisation de M. [X] [P],
condamner solidairement ou in solidum la société MAAF assurances, la société d'assurance Toro Assicurazioni et la société Generali Business Solutions à payer à M. [X] [P], aux titres de l'assistance par tierce personne permanente et de la perte de gains professionnels futurs, les sommes mentionnées dans les conclusions, à titre principal en capital avec capitalisation viagère et à titre subsidiaire avec rente indexée en application des articles L.434-17 du code de la sécurité sociale, 1er et 4 de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974,
$gt;au titre de la tierce personne permanente :
- 318 672,90 €,
-à titre subsidiaire 300 000 €,
- à défaut, 11 540 € outre une rentre trimestrielle à titre viager d'un montant de 1 824,99 € indexée en application des articles L.434-17 du code de la sécurité sociale, 1er et 4 de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974,
$gt;au titre de la perte de gains professionnels futurs :
- 660 661,44 € (capitalisation à 67 ans puis viager),
- à défaut, 656 098,26 € (capitalisation à titre viager),
- à défaut, 161 701,16 € outre le versement trimestriel d'une rente d'un montant de 2 991,27 € à compter du 1er août 2019 indexée en application de l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale, 1er et 4 de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974,
condamner solidairement ou in solidum la société MAAF assurances la société d'assurance Toro Assicurazioni et la société Generali Business Solutions à payer aux consorts [P] la somme de 25 806,80 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés depuis le prononcé de l'arrêt du 26 mars 2018,
condamner solidairement ou in solidum les mêmes aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2019, la société MAAF assurances demande à la cour de :
constater qu'elle réserve ses droits dans l'attente de l'arrêt à intervenir qui sera rendu par la Cour de cassation, à la suite du pourvoi formé par elle à l'encontre de l'arrêt du 26 mars 2018,
constater que M. [P] ne justifie pas d'une quelconque perte de chance justifiant une indemnisation en droit italien,
constater que M. [P] ne justifie pas des règles de capitalisation temporaire et viagère en droit italien,
le débouter de ses demandes formées sur en (sic) droit français au titre des pertes de gains professionnels futurs,
le débouter de toutes demandes au titre d'une perte de chance non matériellement établie,
en tout état de cause, déduire tous les revenus, même ceux de remplacement perçus par M. [P],
en tout état de cause, retenir les offres présentées, à titre subsidiaire, par la MAAF,
constater que l'indemnisation au titre des pertes de gains futurs ne peut être supérieure à la somme de 57 848 €,
constater que l'indemnisation au titre de la tierce personne ne peut être supérieure à la somme de 208 895,34 €,
débouter M. [P] de toutes demandes plus amples ou contraires,
sous réserve du pourvoi en cours, condamner la société d'assurance Toro Assicurazioni et la société Generali Business Solutions in solidum à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,
statuer ce que de droit sur les dépens.
Selon dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2019, la société Generali Business solutions venant aux droits de la société Toro Assicurazioni et la société Toro Assicurazioni (sic) demandent à la cour de, essentiellement :
constater que la société Generali Business Solutions vient aux droits de la société Toro Assicurazioni,
dire et juger que le droit italien doit être retenu afin d'apprécier tant le bien fondé du principe d'indemnisation que le montant éventuel de celle-ci,
déclarer infondées les demandes de capitalisation de M. [P] basées sur la Gazette du Palais 2018 ou 2016,
dire et juger qu'il n'est pas établi que M. [P] justifie d'une perte de revenus et d'une perte de chance postérieures à sa consolidation,
dire et juger que M. [P] ne justifie pas des règles de capitalisation temporaire et viagère applicable en droit italien,
en conséquence, le débouter de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice économique,
à titre subsidiaire,
dire et juger que seule la loi française (sic) doit trouver application et qu'en conséquence, il ne devra pas être fait application des tableaux de capitalisation de la Gazette du Palais 2018 et 2016,
dire et juger que seront déduits tous les revenus de quelque nature que ce soit, même ceux de remplacement servis par Pôle Emploi au bénéfice de M. [P],
fixer à la somme de 100 000 € le montant de l'indemnisation de la tierce personne,
plus subsidiairement encore, dire et juger que l'indemnisation tierce personne post consolidation ne saurait excéder la somme de 208 895,34 €,
débouter M. [P] de toutes ses autres demandes,
statuer ce que de droit sur les dépens.
La caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan n'a pas conclu de nouveau après l'arrêt du 26 mars 2018 de la cour, qui a confirmé toutes les dispositions du jugement entrepris à son égard.
La Mutualité Sociale Agricole du Morbihan, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 octobre 2019.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, il sera constaté qu'il n'est pas contesté que la société Generali Business solutions (la société Generali) vient aux droits de la société Toro Assicurazioni, en vertu d'un acte de fusion par incorporation de la société Toro par la société Generali du 10 décembre 2013.
1 - sur la possibilité, en droit italien, d'une indemnisation par capitalisation
Il convient de rappeler que les parties ont convenu, ainsi que mentionné dans l'arrêt du 26 mars 2018, que le présent litige est régi par la loi italienne en ce qui concerne l'existence et la nature des dommages susceptibles de réparation, les modalités et l'étendue de la réparation.
M. [X] [P], qui se réfère à la consultation qu'il a soumise à un avocat italien, fait valoir :
- que le principe de la capitalisation est admis par la Cour de cassation italienne,
- que la seule table de capitalisation édictée réglementairement en Italie date du début du XXème siècle et est obsolète,
- qu'il résulte d'un arrêt du 14 octobre 2015 que la Cour de cassation italienne admet l'application de coefficients de capitalisation "à jour et scientifiquement corrects",
- qu'en application de cette jurisprudence, il demande l'application du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais le 28 novembre 2018 au taux de 0,50 %, comme fondé sur les données économiques et démographiques les plus récentes (tables de mortalité 2010-2012).
La MAAF fait valoir en réplique :
- que les tableaux de capitalisation utilisés par les juridictions italiennes sont bien ceux issus d'un décret royal du 9 octobre 1922, avec des correctifs apportés par les juridictions sur l'espérance de vie ou l'application de coefficient d'anticipation qu'il convient en conséquence de déterminer,
- que la MAAF produit des tableaux de capitalisation actualisés, établis par la jurisprudence italienne.
La société Generali invoque des moyens de défense analogues à ceux de la MAAF.
Les parties s'accordent sur la possibilité d'une indemnisation du préjudice à venir par capitalisation, et sur le fait que la table de capitalisation édictée réglementairement en droit italien et issue du décret royal n°1403 du 9 octobre 1922 relative aux rentes versées par la sécurité sociale, basée sur des tables de mortalité de 1911 et un taux de 4,5 %, a été jugé obsolète par la Cour suprême de cassation italienne.
Ainsi, la troisième chambre civile de la Cour suprême de cassation italienne (Corte Suprema di Cassazione), par arrêt n°20615 du 14 octobre 2015, a jugé :
'Les dommages dus à la perte de travail et à la capacité de gagner sa vie sont des dommages permanents.
La réparation intégrale d'un préjudice permanent peut se produire de deux manières : soit sous la forme d'un revenu (article 2057 du code civil), soit sous la forme d'un capital.
Le préjudice permanent qui découle d'une incapacité de travail ne peut être liquidé sur la base des coefficients de capitalisation approuvés par le décret royal n°1403 du 9 octobre 1922 qui, du fait de l'allongement de l'espérance de vie moyenne et de la baisse des taux d'intérêt, ne garantissent pas la réparation intégrale du préjudice et, par conséquent, ne sont pas autorisés par le principe de réparation intégrale visé par l'article 1223 du code civil italien (...)
Il est évident que le tribunal des questions de fond reste libre d'adopter les coefficients de capitalisation qu'il juge préférable, à condition qu'ils soient à jour et scientifiquement corrects'.
La même chambre, dans un arrêt du 25 juin 2019, a précisé :
'Il convient de reconnaître que, en l'état actuel, le préjudice permanent pour incapacité de travail ne peut plus être indemnisé en utilisant les coefficients de capitalisation approuvés par le décret royal n°1403 de 1922 dans la mesure où ceux-ci, soit en raison de l'augmentation de la durée de vie moyenne, soit en raison de la diminution des taux d'intérêt, ne permettent plus de garantir une indemnisation correcte et équitable du préjudice et, par conséquent, de respecter le contenu de l'art. 1223 du code civil italien. Cela a été affirmé, dans les commentaires d'arrêt, notamment par la Cassation n°20615 troisième chambre du 4 octobre 2015 et dernièrement confirmé par la Cassation n°9048, troisième chambre du 12 avril 2018, en ajoutant par ailleurs dans l'enseignement de l'interprétation uniforme du droit que la juridiction d'appel est libre d'adopter les coefficients de capitalisation qu'elle estime préférables (il s'agit évidemment, d'une évaluation principalement effectuée sur le fond par rapport au cas concret), à condition toutefois qu'elle utilise des coefficients actualisés et dûment corrigés.'
Il ressort de l'analyse de ces arrêts que le décret royal de 1922 portant approbation des nouveaux taux pour l'établissement des rentes viagères de la caisse nationale d'assurance sociale est obsolète et que le juge de fond est libre d'appliquer le barème de capitalisation de son choix, à condition qu'il soit actualisé et repose sur des données scientifiques correctes.
Tel est le cas des 'tableaux des coefficients pour le calcul des valeurs en capital actuelles des rentes d'incapacité et des rentes en faveur des survivants des travailleurs décédés en raison de l'événement de dommage', publiés le 19 décembre 2016 dans un supplément de la 'Gazzetta officiale' italienne.
Les sociétés intimées sollicitent dès lors à bon droit, pour le règlement du dommage permanent résultant de la perte de capacité de gain comme pour celui de l'assistance par tierce personne permanente, l'application du barème italien publié le 19 décembre 2016.
2 - sur l'indemnisation de l'assistance par tierce personne après consolidation
M. [X] [P] fait valoir :
- que pour la période échue entre sa consolidation et le 31 décembre 2017, l'arrêt du 26 mars 2018 a liquidé son indemnisation sur les bases d'une heure d'assistance par jour et d'un montant horaire de 20 €, soit 7 300 € par an,
- que pour la nouvelle période échue du 1er janvier 2018 au 31 juillet 2019, il demande sur les mêmes bases, la somme de 11 540 € (20 x 577 jours),
- que pour la période à échoir à compter du 1er août 2019, il sollicite une indemnisation avec capitalisation viagère et l'application du barème publié par la Gazette du Palais en novembre 2017 au taux de 0,50 %, soit la somme de 307 132,90 € (20 x 365 x 42,073), ou, subsidiairement, l'application du barème italien de 2016,
- qu'à défaut, il sollicite une indemnisation forfaitaire de 300 000 €,
- qu'encore plus subsidiairement, il demande une indemnisation sous forme de rente viagère d'un montant trimestriel de 1 824,99 €, indexée en application de l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale français et des articles 1er et 4 de la loi française n° 74-1118 du 27 décembre 1974.
La MAAF fait valoir en réplique :
- que selon l'avocat italien qu'elle a consulté, il n'existe aucune disposition légale concernant l'aide humaine viagère mais que selon la jurisprudence, ce poste de préjudice peut être indemnisé séparément seulement dans le cas où la victime est en mesure de prouver tant la nécessité d'avoir une aide humaine viagère que le coût correspondant, et qu'à défaut de cette preuve, pour calculer ce type de dommage, les tribunaux peuvent faire appel aux « présomptions simples » (article 2727 code civil) et allouer des indemnités forfaitaires,
- qu'en application de la jurisprudence italienne, la demande de M. [P] doit être rejetée en l'absence de production de justificatifs,
- que subsidiairement, si l'existence d'un préjudice indemnisable était retenue, la capitalisation ne pourrait être calculée qu'en application du barème italien réactualisé en décembre 2016 soit sur la base de 7 300 € annuel (tel que retenu par la cour) x 28,6158 (barème actualisé applicable en droit italien à l'âge de 33 ans) = 208 895,34 €.
La société Generali offre l'indemnisation suivante :
- à titre principal, une somme forfaitaire de 100 000 €,
- à titre subsidiaire, une somme de 208 895,34 € correspondant à l'indemnisation annuelle de 7 300 € retenue dans l'arrêt du 26 mars 2018 pour la période antérieure à 2018, avec capitalisation en application du barème italien du 9 octobre 2002 actualisé soit 28.61,59 (sic) à l'âge de 30 ans (sic).
Elle fait valoir qu'en droit italien, l'octroi d'une réparation pour l'aide humaine à titre viager n'est pas prévue mais que l'indemnisation de la tierce personne peut être envisagée lorsque la victime prouve la nécessité d'une aide à ce titre ainsi que le coût engagé, et qu'à défaut de cette double démonstration, les tribunaux italiens accordent uniquement sur la base des présomptions simples des indemnités forfaitaires.
La Cour de cassation italienne a jugé dans un arrêt n°752 du 23 janvier 2002 que 'la liquidation des préjudices futurs tels les frais que la victime d'un accident de la route devra supporter au titre de la collaboration de tiers concernant les tâches domestiques et personnelles, même s'ils sont fixés en équité, oblige le juge à indiquer, même de manière sommaire, les critères adoptés, afin d'éviter que la décision soit arbitraire et n'échappe à tout contrôle.'
Dans son arrêt du 26 mars 2018, la cour d'appel de céans a déjà admis le bien-fondé de l'indemnisation de ce poste de préjudice puisqu'elle a rappelé que les docteurs [U] et [B] ont retenu (rapport page 6 § 8) la nécessité d'une aide humaine définitive une heure par jour depuis le 26 septembre 2008 et a, sur la base d'un montant horaire de 20 €, liquidé l'indemnisation de cette aide pour la période du 26 septembre 2008 au 31 décembre 2017 à la somme de 67 68 € (20 € x 1 heure x 3384 jours).
Le préjudice ultérieur doit être indemnisé sur les mêmes bases.
Concernant la période échue depuis le précédent arrêt, soit du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2019, l'indemnisation est fixée à la somme de 13 960 € (20 € x 1 heure x
698 jours).
Concernant la période à échoir à compter du 1er décembre 2019, les parties s'accordent sur le versement d'un capital et l'indemnisation est liquidée à la somme de 208 895,35 € (20 € x 1 heure x 365 jours x 28,6158 *).
* euro de rente viagère correspondant à un homme de 33 ans selon le barème de capitalisation publié dans la 'Gazetta officiale' du 19 décembre 2016.
L'indemnisation complémentaire allouée s'élève donc à la somme de 222 855,35 €.
3 - sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs
3.1 - concernant le caractère indemnisable en droit italien, de la perte de gains professionnels futurs en tant que poste de préjudice autonome
M. [X] [P], qui se réfère à la consultation qu'il a sollicitée d'un avocat italien, fait valoir :
- que la Cour de cassation italienne a admis, notamment dans un arrêt du 12 juin 2015, l'existence d'un préjudice de perte de revenus professionnels, à caractère patrimonial, distinct du préjudice physiologique de perte de capacité de travail,
- que selon la jurisprudence de cette même cour, l'absence d'activité professionnelle de la victime avant l'accident (tel étant le cas de [X] [P], accidenté à l'âge de 11 ans) n'exclut pas l'existence d'un préjudice futur objectivement lié à l'invalidité permanente qui, en se projetant dans l'avenir, influencera la capacité de gains de la victime au moment où celle-ci commencera à travailler ("évaluation pronostique"), de sorte qu'il suffit à la victime de prouver que son préjudice se produira selon une probabilité raisonnable et fondée, pour l'appréciation de laquelle les juges doivent se baser sur la situation économique et sociale de la famille d'origine, les études suivies et les prédispositions manifestées.
La MAAF et la société Generali font valoir en réplique, essentiellement :
- qu'en droit italien, ce poste de préjudice correspond à la notion italienne d''incapacité générique de travail', soit la réduction permanente de l'aptitude d'une personne à exercer une activité générale de travail déterminée en pourcentage lors de l'expertise médicale, laquelle est incluse dans la notion générale de préjudice à caractère non patrimonial,
- qu'il ne peut faire l'objet d'une indemnisation séparée mais justifie une majoration du préjudice non patrimonial,
- qu'en conséquence, la demande doit être rejetée,
- que si la cour retenait l'existence d'un préjudice indemnisable, celui-ci ne consisterait qu'en une perte de chance, admise en droit italien mais non justifiée au cas d'espèce,
- que la consultation effectuée par l'avocat italien sollicité par M. [P] ne permet pas de dégager une quelconque méthode de calcul qui indemniserait en tant que telle une perte de gains professionnels futurs en droit italien,
- que cette perte de chance ne peut être calculée par comparaison avec les revenus du frère de M. [P] alors que celui-ci exerce une activité à temps plein en qualité de fonctionnaire territorial, qui lui offre plus de stabilité qu'un emploi dans le secteur privé,
- qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que ses frère et soeur exercent une activité professionnelle générant une rémunération supérieure à la sienne.
M. [P] fait valoir à juste titre que si, en droit italien, la réparation relative à la capacité de travail spécifique (soit une activité professionnelle effectivement exercée) a toujours été reconnue par la jurisprudence, mais qu'il n'en était pas de même pour le préjudice lié à la capacité de travail générale (désignant l'aptitude potentielle d'une personne à exercer une activité professionnelle), lequel était traditionnellement compris dans le préjudice biologique non patrimonial, la Cour de cassation italienne a évolué depuis une dizaine d'années pour, dans ses arrêts les plus récents (des 30 septembre 2009, 27 avril 2010 et 12 juin 2015), lorsque le taux d'invalidité est important, le séparer du préjudice biologique et le reconnaître comme un préjudice patrimonial effectif assorti d'une projection future résultant d'un manque à gagner, en vertu de l'article 1223 du code civil italien qui reconnaît le principe d'un droit à réparation intégrale.
Dans sa note du 10 juin 2019, Maître [K], avocat italien consulté par la société Generali, admet qu'en cas de séquelles invalidantes permanentes, le dommage patrimonial futur, dont le manque à gagner dû à une perte ou à une réduction de la capacité de travail, est liquidé sous forme de capitalisation anticipée.
De même, la jurisprudence italienne, ainsi qu'il ressort des arrêts produits et de la note de Maître [C] avocat italien produite par la victime, a considéré que s'il n'est pas possible de déterminer concrètement la future activité professionnelle probable de la victime, il sera possible de se référer à la situation économique et sociale de la famille d'origine, aux études suivies et aux prédispositions manifestées.
Ainsi la Cour suprême italienne a-t-elle jugé :
- dans un arrêt du 23 août 2011 n°17514, que 'la liquidation des dommages résultant de la réduction de capacités de gain, subie à la suite d'un accident de la route par un mineur en âge scolaire, a effectivement eu lieu par le biais de l'utilisation du test de présomption, lorsque il peut être envisagé raisonnablement qu'à l'avenir, la victime percevra un revenu inférieur à celui qu'elle aurait autrement atteint en l'absence de l'accident' ,
- dans un arrêt du 30 septembre 2008 n°24331, que 'le pronostic relatif doit être établi d'une part sur la base des études réalisées avec les penchants exprimés par la victime et d'autre part sur la base des conditions socio-économiques de la famille.'
Il s'en déduit que le droit italien admet l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs de manière autonome s'agissant de victimes atteintes de séquelles graves, ce qui est le cas de M. [P] dont le taux de déficit fonctionnel permanent a été fixé à 40 % , et que s'agissant d'une victime mineure au moment de l'accident, il est possible de déterminer les revenus professionnels auxquels elle aurait pu prétendre, en l'absence de séquelles, par référence à l'environnement socio-culturel et économique au sein duquel la victime a évolué.
En revanche, la MAAF ne justifie aucunement de son allégation selon laquelle une notion de perte de chance, dont elle ne définit d'ailleurs pas les contours, serait admise en droit italien, notamment pour les primo demandeurs d'emplois et les chômeurs.
3.2 - concernant l'imputation des allocations de chômage
M. [X] [P] fait valoir :
- que la France est signataire de la convention de La Haye sur les accidents de la circulation routière du 4 mai 1971, dont l'article 2 § 6 exclut de son champ d'application les 'actions et recours exercées par ou contre les organismes de sécurité sociale, assurance sociale ou autres institutions analogues',
- que si un recours est prévu par les organismes sociaux italiens à l'encontre du tiers responsable et de son assureur par l'article 142 du code des assurances privées italien, les prestations ouvrant droit à recours subrogatoire des organismes de sécurité sociale à l'encontre du responsable du dommage sont l'indemnité de maladie, l'allocation ordinaire d'invalidité et la pension d'invalidité, les aides économiques destinées aux invalides civils, mais que l'allocation de chômage n'est pas mentionnée dans les textes concernés,
- que les indemnités de chômage perçues par M. [P] ne doivent donc pas être déduites de l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs.
La MAAF fait valoir en réplique que la question de l'existence d'un éventuel recours subrogatoire du tiers payeur d'allocation de chômage importe peu puisqu'il ne s'agit pas d'allocations indemnitaires versées du fait de l'accident, mais d'une indemnisation obtenue par M. [P] après avoir perdu un emploi, sommes qui, en tant que revenus, doivent être déduites de l'indemnisation à ce titre.
La société Generali estime aussi que les allocations chômage doivent être déduites de l'indemnité accordée, en se référant à un arrêt rendu par la Cour suprême de cassation n°12566 du 22 mai 2018 mentionné dans l'avis consultatif de Maître [K].
L'article 2 § 6 de la convention de La Haye sur les accidents de la circulation routière du 4 mai 1971 dont la France est signataire exclut de son champ d'application les 'actions et recours exercées par ou contre les organismes de sécurité sociale, assurance sociale ou autres institutions analogues'.
Toutefois, la cour n'est pas saisie d'un tel recours subrogatoire mais de la question de la déduction des indemnités de chômage, destinés à compenser une perte d'emploi, du préjudice subi au titre de la perte de gains professionnels futurs.
Il résulte des motifs de l'arrêt n°12566 du 22 mai 2018 de la Cour suprême de cassation statuant en chambres réunies que la déduction de la prestation versée par un organisme social ou une institution analogue ou une assurance privée dépend de l'existence d'un recours subrogatoire ou récursoire, l'objectif étant non seulement d'éviter une double indemnisation de la victime mais également d'empêcher que le tiers responsable ne verse qu'une partie de l'indemnité due au salarié si l'indemnité versée par un organisme social ou autre était déduite, sans que celui-ci puisse exercer un recours subrogatoire contre le tiers responsable.
Il ressort de la consultation de Maître [C], qui n'est pas critiquée sur ce point par les intimés, qu'aucun texte du droit italien ne prévoit le bénéfice d'un recours subrogatoire s'agissant de l'allocation de chômage. En conséquence, les indemnités de chômage versées à M. [P] ne doivent pas être déduites de sa perte de revenus.
3.3 - sur l'évaluation du préjudice
M. [X] [P] fait valoir :
- qu'il a obtenu un BEP de travaux paysagers alors que sa s'ur, décédée en 2001, était titulaire d'un BTS de tourisme, que son frère, agent de la direction générale des finances publiques, est titulaire d'une maîtrise d'italien et d'un DUT GEA, et que sa mère, retraitée, était professeur de musique,
- que sans la survenance de l'accident, compte tenu de son milieu socio-familial, il aurait pu accéder à un niveau de qualification ouvrant droit à une rémunération équivalente au salaire net moyen en France calculé par l'INSEE au montant de 2 389 € par mois en 2015, la jurisprudence italienne retenant cette référence,
- qu'a minima, il doit être retenu le salaire de référence de son frère [J], agent de la direction générale des impôts, soit la somme mensuelle de 1 993,50 € au titre de l'année 2018,
- qu'il est fonctionnaire territorial titulaire et que son salaire moyen au titre de l'année 2019 est de 1 391,91 €,
- qu'à cet égard, la Cour de cassation italienne prescrit d'utiliser comme paramètre la rémunération moyenne sur toute la vie professionnelle de la catégorie concernée.
En conséquence, M. [P] demande l'indemnisation suivante :
- pour la période du 26 septembre 2008 au 31 juillet 2019 :
différence entre le salaire net moyen en France et les salaires qu'il a effectivement perçus (sans déduction des allocations de chômage qui lui ont été versées - cf. supra),
- pour la période du 1er août 2019 jusqu'à l'atteinte de l'âge de 67 ans (âge présumé de son départ en retraite) :
différence entre le salaire net moyen en France et le salaire moyen perçu par le requérant durant les sept premiers mois de 2019, avec capitalisation temporaire de l'âge de 32 ans à celui de 67 ans,
- pour la période à échoir à compter de l'âge de 67 ans :
même différence de salaires moyens, avec application du taux de retraite à taux plein des agents de la fonction publique territoriale (75 %) avec correction à la baisse compte tenu du nombre de trimestres prévisibles de cotisation (164/172) et capitalisation viagère.
A titre principal, il demande l'indemnisation suivante :
- période du 26 septembre2008 au 31 juillet 2019 :
$gt; salaire annuel moyen français 310 904,46 €
$gt; salaires effectivement perçus
(allocations de chômage non déduites) -149 203,30 €
$gt; perte de gains 161 701,16 €
- période du 1er août 2019 jusqu'à l'âge de 67 ans
$gt; perte annelle
(2 389 - 1391,91) x 12 = 11 965,08 €
$gt; perte de gains capitalisée jusqu'à 67 ans (barème de la Gazette du Palais pour 2018) : 11 965,08 € x 30,332 = 362 924,80 €
- à partir de 67 ans, à titre viager :
11 965,08 x 71,51 % (75 % x 164/172) x 15,899 = 136 035,48 €
- total : 660 661,44 €.
A titre subsidiaire, il sollicite une capitalisation viagère à compter du 1er août 2019 pour tenir compte de sa perte de droits à la retraite soit la somme de 656 098,26 €, et plus subsidiairement, une rente trimestrielle calculée sur les mêmes données chiffrées.
La MAAF fait valoir en réplique :
- que la perte de chance de M. [P] d'obtenir un emploi mieux rémunéré que celui exercé actuellement n'est pas établie, étant observé qu'en tant que fonctionnaire, il va bénéficier d'une évolution de traitement notamment indiciaire, et de primes, non prises en compte dans son calcul de préjudice,
- que la référence faite par M. [P] au salaire médian en France (2 400 € par mois) n'est pas pertinente dès lors que, d'une part, le propre frère de la victime, plus âgé de 8 ans, ne perçoit lui-même qu'un salaire mensuel de 1 900 € et que, d'autre part, la victime n'aurait pas pu percevoir un salaire mensuel de 2 400 € à son entrée dans la vie active,
- que subsidiairement, seule pourrait être indemnisable la différence entre la rémunération du frère de M. [X] [P] et la rémunération de ce dernier, soit 200 € par mois, avec capitalisation viagère à l'âge de 33 ans, et application des tableaux italiens produits.
Elle conclut donc à titre principal au rejet de la demande et, à titre subsidiaire, propose une indemnité de 57 848 € (200 € x 12 x 40,566).
La société Generali oppose des moyens de défense analogues à ceux de la MAAF, mais ne présente pas d'offre chiffrée d'indemnisation, même à titre subsidiaire.
Il est justifié que la soeur de M. [P] a obtenu un BTS de tourisme à l'âge de 25 ans et que son frère [J] a obtenu un DEUG (et non une maîtrise) de lettres et langues obtenu en 1997 et un DUT de gestion des entreprises et des administrations en 2002 soit à l'âge de 28 ans, alors que M. [X] [P] est titulaire d'un BEP Travaux paysagers.
La cour en a déduit, dans son arrêt du 26 mars 2018, qu'eu égard à l'environnement socio-culturel au sein duquel il a été élevé, il existe une forte probabilité que, sans la survenance de l'accident et des séquelles qui en sont résultées, l'intéressé aurait poursuivi des études supérieures et n'aurait pas effectué son entrée dans la vie active dès l'âge de 21 ans qui est celui de sa consolidation. Elle a rejeté, en conséquence, sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels.
M. [P] soutient donc, avec pertinence que sans la survenance de l'accident, compte tenu de son milieu socio-familial, il aurait pu accéder à un niveau de qualification ouvrant droit à une rémunération supérieure.
Cependant, il ne justifie pas qu'il aurait pu prétendre au bénéfice du salaire moyen des français évalué au montant de 2 389 € par mois en 2015, alors que ses frère et soeur ont obtenu des diplômes correspondant à seulement 2 ans d'études après le baccalauréat, et que son frère n'a perçu qu'un salaire de 1 993,50 € au titre de l'année 2018.
La MAAF soutient également, à juste titre, qu'il n'est pas possible de comparer le traitement actuel de M. [J] [P], né en 1974 et âgé de 45 ans, ayant connu une évolution de rémunération en raison de ses années de carrière, et celui de M. [X] [P] né en 1986 et qui, du fait de leur différence d'âge, n'aurait commencé à travailler que 8 ans après son frère. La différence de salaire retenue au titre de la perte de gain mensuel doit être divisée par deux soit 300,75 € (1993,50 - 1391,91 = 601,59/2) arrondie à 300 €, non seulement au vu de la différence d'âge et de la carrière déjà entamée par l'un, mais aussi en l'absence de tout élément concernant le salaire perçu par [J] [P] en début de carrière.
Par ailleurs, la MAAF à titre subsidiaire, ne s'oppose pas au lissage sur toute la période professionnelle.
De la date de consolidation (26 septembre 2008) au 31 juillet 2019, la perte est calculée comme suit :
$gt; salaires qu'il aurait dû percevoir : 209 948,30 € (1 691,91 € x 130 mois )
$gt; salaires effectivement perçus : 149 203,30 €
$gt; perte de gains : 70 745 €.
A compter du 1er août 2019, la perte fera l'objet d'une capitalisation, conformément à la demande de la victime, et afin de tenir compte d'une perte de droit de retraite, la perte annuelle soit 3 600 € sera capitalisée de façon viagère selon l'euro de rente viagère d'un homme de 32 ans en juillet 2019, soit 3 600 € x 28,8960 = 104 025,60 €.
La perte de gains professionnels futurs s'élève donc à la somme de 174 770,60 €.
4 - sur les autres demandes
Il sera rappelé que par arrêt du 26 mars 2018, la cour a déjà statué sur la demande de garantie sollicité par la société MAAF à l'encontre de la société Toro et de la société Generali.
Les dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 26 mars 2018 doivent incomber aux sociétés MAAF et Generali, parties débitrices des indemnités.
La demande en cause d'appel de M. [X] [P] au titre de ses frais irrépétibles, comprenant notamment les frais de traduction, fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, sera accueillie pour un montant de 4 000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt du 26 mars 2018,
Constate que la société Generali Business solutions vient aux droits de la société Toro Assicurazioni,
Condamne in solidum la société Generali Business solutions venant aux droits de la société Toro Assicurazioni et la société MAAF à payer à M. [X] [P] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal italien à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :
- assistance par tierce personne à compter du 1er janvier 2018 : 222 855,35 €,
- perte de gains professionnels futurs : 174 770,60 €,
Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et à la Mutualité sociale agricole du Morbihan,
Condamne in solidum la société Generali Business solutions venant aux droits de la société Toro Assicurazioni et la société MAAF aux dépens exposés depuis l'arrêt du 26 mars 2018,
Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Generali Business solutions venant aux droits de la société Toro Assicurazioni et la société MAAF à payer à M. [X] [P] la somme de 4 000 € au titre de ses frais irrépétibles exposés depuis le 26 mars 2018, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE