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29/11/2019 | FRANCE | N°16/02158

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 novembre 2019, 16/02158


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 Novembre 2019

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/02158 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYCYF



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 14-00137



APPELANTE

Madame [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de

Me Guillaume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0840





INTIMÉS

Association ANRH (Association pour l'Insertion et la Réinsertion professionnelle et humaine des Han...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 Novembre 2019

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/02158 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYCYF

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 14-00137

APPELANTE

Madame [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Guillaume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0840

INTIMÉS

Association ANRH (Association pour l'Insertion et la Réinsertion professionnelle et humaine des Handicapés)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Thomas GODEY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305 substitué par Me Fanny RENOU, avocat au barreau de NANTES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par M. [M] [M] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Localité 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [Z] [C] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil en date du 8 octobre 2015 dans un litige l'opposant à l'association ANRH (ci-après l'employeur) et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

EXPOSE DU LITIGE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que Mme [C], formatrice au sein de l'association ANRH, a détenu à compter d'octobre 2007 des mandats de membre titulaire du comité d'établissement, de représentante suppléante du comité d'établissement au comité central d'entreprise, et délégué du personnel titulaire. Le 8 avril 2010, la responsable administrative de l'association a déclaré que Mme [C] indiquait avoir été victime d'un accident le 19 mars 2010, 'consécutivement à l'incursion des cadres hiérarchiques dans la réunion du personnel et des délégués du personnel, lesquels n'étaient pas conviés et ne s'étaient pas annoncés'. Elle a joint un certificat médical initial du 26 mars 2010 constatant un 'syndrome anxio-dépressif post traumatique faisant suite à la réunion du 19/03/2010 sur son lieu de travail'. L'accident a été reconnu accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne le 16 juillet 2010. Consolidée le 25 juin 2012, il lui a été attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %. Le 20 août 2015,

Mme [C] a déclaré une rechute. Son état a été déclaré consolidé le 30 mai 2018 et son taux d'incapacité permanente partielle porté à 34 %. Après avoir engagé une procédure de reconnaissance de faute inexcusable contre son employeur devant la caisse, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil le 18 juillet 2014 aux mêmes fins.

Par jugement rendu le 8 octobre 2015, ce tribunal a :

- déclaré irrecevables les demandes de Mme [C] relatives à la reconnaissance de maladies professionnelles et à une réévaluation du taux d'incapacité permanente partielle,

- dit mal fondée sa demande en reconnaissance de faute inexcusable,

- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes.

C'est le jugement attaqué par Mme [C] qui, aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- dire et juger que l'accident dont elle a été victime le 19 mars 2010 résulte de la faute inexcusable de l'association ANRH,

En conséquence,

- ordonner la majoration de sa rente à son taux maximum,

- lui allouer une provision de 10.000€, à valoir sur son indemnisation dont la caisse devra faire l'avance,

- désigner un expert pour évaluer ses chefs de préjudices personnels,

- condamner l'association ANRH à lui payer la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens,

- renvoyer la concluante devant l'organisme compétent pour la liquidation de ses droits.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'association ANRH requiert de la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter Mme [C] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- débouter Mme [C] de ses demandes d'indemnisation de préjudices,

A défaut,

- surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices éventuellement subis par elle,

- ordonner une expertise médicale,

En tout état de cause,

- condamner Mme [C] à lui payer une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses observations soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne sollicite de la cour de voir :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur le mérite de la demande de reconnaissance de faute inexcusable,

Dans l'hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur le montant de la majoration de la rente,

- lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de discuter le quantum des préjudices invoqués par Mme [C],

- ramener à de plus justes proportions le montant de la provision réclamée par elle,

-condamner l'association ANRH à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable,

- dire et juger que la caisse récupèrera les sommes dont elle aura été amenée à faire l'avance auprès de l'ANRH.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

Mme [C] sollicite la reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur, expliquant notamment que les circonstances de l'accident sont établies par les déclarations recueillies lors de l'enquête de la caisse, que M. [B], et Mmes [O] et [P], cadres de direction, se sont présentés à une réunion du personnel à la demande express du directeur de l'association, que jamais, ils n'avaient participé à cette réunion avant, qu'ils n'avaient prévenu personne de leur venue et n'ont salué personne en arrivant, qu'ils ont dans un premier temps refusé de partir, ce qui a provoqué de vives tensions, que tous les salariés présents ont été choqués par la venue inopinée des cadres, que la conscience du danger par l'association est avérée, que le contexte est très tendu depuis plusieurs années, que les élus ont fait face à un comportement déviant envers eux, ce qui a provoqué le développement d'un mal être et d'une souffrance chez les représentants du personnel, que le directeur de l'association et les trois cadres de direction constituant l'équipe de direction de l'établissement, ils ne peuvent donc être assimilés à de simples salariés, que le directeur a sciemment créé une situation de conflit qui s'inscrivait dans la continuité de la tension extrême constatée depuis plusieurs années, que l'ANRH n'a pris aucune mesure pour préserver sa salariée, et n'en justifie pas, qu'aucun document unique d'évaluation des risques n'a été établi, que l'employeur n'a jamais envisagé les risques psychiques.

Au contraire, l'association ANRH s'oppose à la reconnaissance d'une faute inexcusable, faisant valoir qu'il y a une distinction fondamentale entre la reconnaissance d'un accident et la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, que l'association n'a pas commis de faute à l'égard de Mme [C], qu'aucun élément matériel objectif ne caractérise une conscience du danger par l'employeur avant l'accident, qu'un premier certificat médical initial ne visait que l'anxiété, que la situation décrite ne caractérise pas un élément probant de la conscience du danger, qu'aucun élément matériel objectif ne caractérise une conscience du danger par l'employeur le jour de l'accident, que tous les salariés de l'association pouvaient participer à la réunion du personnel organisée par les délégués du personnel, y compris les cadres qui n'ont pas la qualité d'employeurs, que les cadres sont restés corrects et courtois dans les échanges, que Mme [C] n'avait aucun antécédent médical, ou pathologie préexistante à l'accident, que la cause de l'accident n'est pas clairement déterminée, qu'il existe un doute sur la cause de son état anxiodépressif, que le médecin du travail n'a jamais alerté sur d'éventuelles difficultés particulières de

Mme [C], que la concluante ne pouvait avoir conscience du danger lié à la présence des cadres à la réunion et ne pouvait donc anticiper l'accident, enfin que les cadres ont quitté la réunion afin d'éviter que la situation ne dégénère, prenant ainsi les mesures nécessaires pour préserver la santé de Mme [C].

Quant à la caisse, elle s'en rapporte sur ce point.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il n'est pas nécessaire que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

L'absence de rédaction d'un document unique d'évaluation des risques est insuffisante à caractériser une faute inexcusable.

La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

Ainsi, les documents établis postérieurement à l'accident, tels que le rapport d'expertise du CHSCT du 21 février 2011, ne peuvent valoir preuve de la situation antérieure.

En l'espèce, le 8 avril 2010, la responsable administrative de l'association a déclaré que Mme [C] indiquait avoir été victime d'un accident le 19 mars 2010, 'consécutivement à l'incursion des cadres hiérarchiques dans la réunion du personnel et des délégués du personnel, lesquels n'étaient pas conviés et ne s'étaient pas annoncés'. Etait joint un certificat médical initial du 26 mars 2010 du Dr [Q] constatant un 'syndrome anxio-dépressif post traumatique faisant suite à la réunion du 19/03/2010 sur son lieu de travail'. Un premier certificat médical initial daté du 24 mars 2010 avait toutefois été établi par le Dr [G] ne visant que 'l'anxiété'.

Il convient donc de déterminer si l'employeur avait demandé aux cadres de la direction de se rendre à la dite réunion, et si celui-ci avait eu ou aurait dû avoir conscience du danger qu'il faisait encourir à Mme [C] en les y envoyant.

Dans l'enquête réalisée par la caisse du 9 juillet 2010, M. [T], directeur d'établissement explique qu'embauché depuis environ 8 mois, 'il avait souhaité que dans le cadre d'une volonté d'ouverture et de cohésion dans son équipe de travail, les cadres intermédiaires participent aux réunions des délégués du personnel'. Les cadres entendus, l'ont également confirmé.

C'est donc bien le directeur de l'établissement qui a pris la décision d'envoyer M. [B], Mme [O], et Mme [P] à la réunion du personnel.

Il est donc nécessaire de rechercher si en prenant cette décision, le directeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger qu'il faisait encourir à Mme [C].

Dans l'enquête, celle-ci dit avoir été surprise, étonnée et déstabilisée de l'incursion des trois cadres à la réunion, reconnaissant toutefois que les cadres sont restés corrects et courtois durant les échanges, excepté Mme [O] qui a haussé le ton mais n'a pas été incorrecte, ... Mme [C] précisant ne pas avoir cru en leur discours d'apaisement et d'union.

Il est établi notamment par l'audition de Mme [P], une des 3 cadres, qu'ils étaient eux-mêmes mal à l'aise dans la mesure où pour la première fois depuis de nombreuses années, ils se présentaient à cette réunion.

Les pièces produites aux débats démontrent que les relations étaient pour le moins tendues entre la direction et les représentants du personnel.

L'inspectrice du travail, dans une lettre en date du 9 mars 2009 adressée à l'ANR, écrivait qu'elle était présente à la réunion du CHSCT du 5 mars 2009, réunion pendant laquelle les membres du comité ont indiqués qu'ils avaient été saisis à plusieurs reprises sur les conditions dans lesquelles les représentants du personnel exerçaient leur prestation de travail et leur mandat, que début février 2009, l'intersyndicale CGT - CFDT relevait des pressions, manipulations, annulation de réunion au dernier moment, manque de clarté des documents, délais de convocations non respectés, non réponse à des courriers, qu'un message du 12 janvier 2009 des délégués du personnel au comité indiquait qu'ils ne se sentaient pas en sécurité dans le cadre de leurs fonctions, ...concluant par une demande de réunion extraordinaire du CHSCT avec l'ensemble des représentants du personnel.

Une lettre des membres du CHSCT du 5 juin 2009 adressée au directeur général de l'ANRH tendait à alerter ce dernier sur la situation des représentants du personnel, notamment des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise, des représentants syndicaux et des membres du CHSCT, faisant le constat qu'aucune action ne semblait avoir été mise en oeuvre et qu'au contraire, la situation se dégradait pour nombre de ces représentants du personnel, des situations de santé préoccupantes avaient été portées à leur connaissance et des remises en cause des droits et des mandats avaient été effectuées, ajoutant que l'ensemble des représentants était en grande difficulté et qu'il était donc nécessaire de prendre des mesures pour permettre aux représentants du personnel d'exercer leurs activités professionnelles et leur mandat dans la sérénité.

Un compte-rendu du CHSCT en réunion extraordinaire du 29 juin 2009 mentionnait l'absence de confiance des représentants du personnel envers la direction générale, leur 'souffrance', notamment celle de M. [W], DP et membre du CE, qui aurait fait un malaise au cours d'une réunion avec la direction, la difficulté de dialogue avec la direction. Mme [E], DP, dénonçait un harcèlement de la part de Mme [F], laquelle réfutait ses propos... M. [M], membre du CHSCT, disait avoir été témoin de ce qu'un stagiaire était bouleversé d'avoir été reçu par un membre de la direction qui lui aurait demandé de témoigner contre Mme [C]. Le Dr [A], médecin du travail, demandait qu'un protocole d'alerte concernant la maltraitance soit mis en place avec les salariés et la direction... Mme [C] s'étonnait de la soudaine remise en cause d'un usage...

Le rapport d'enquête réalisée par la caisse du 9 juillet 2010 a conclu que Mme [C] attribuait son état de santé, constaté le 26 mars 2010, à une incursion des cadres de l'entreprise à une réunion à laquelle ils n'étaient pas conviés en date du 19 mars 2010, que seule était retenue en présence de témoins, une discussion pouvant être qualifiée de 'houleuse', que la manifestation de la tension de Mme [C] (crise de larme) se serait produite hors du temps du travail et en l'absence de témoin et que son état de santé a été constaté tardivement (huit jours).

Mme [O], une des trois cadres concernés, précisait dans son audition 'qu'ils s'étaient répartis dans la salle, sans s'exprimer, ni saluer les salariés présents, que Mme [C] avait marqué un temps de surprise devant leur arrivée...et au bout d'un moment, avec un petit rire, leur avait demandé la raison de leur présence, que Mme [O] avait pris la parole et expliqué qu'ils se trouvaient là en qualité de salariés dans l'optique des souhaits de la direction, que Mme [C] a fait valoir l'impossibilité d'accepter leur présence aux motifs qu'il n'était pas coutumier que les cadres assistent aux réunions des délégués du personnel, qu'ils n'avaient pas annoncé leur venue et qu'elle s'interrogeait sur les motifs réels de leur présence à cette réunion, leur demandant de quitter la pièce, que Mme [O] a maintenu ses propos, que le ton est monté avec de la véhémence et de l'agressivité de ton et de gestes de la part de Mme [C], laquelle semblait hors d'elle, qu'au bout d'environ 15 mn de palabres, elle s'était levée, leur montrant la porte, et leur intimant de sortir les menaçant d'appeler l'inspection du travail, et que devant ces faits et pour ne pas envenimer la situation, les cadres ont quitté la pièce.'

Mme [P], autre cadre, avalisait ces déclarations, rappelant qu'en aucun cas, leur venue n'était une volonté de nuire, mais répondait à un besoin de cohésion dans le personnel, souhait de la direction. Elle précisait qu'ils étaient eux-mêmes mal à l'aise dans la mesure où pour la première fois depuis de nombreuses années, ils se présentaient à cette réunion et que les délégués n'avaient pas été prévenus de leur venue. Elle confirmait avoir ressenti au cours de la discussion, un comportement excessif de la part de Mme [C], une véhémence de ton, de gestes et regards intimidants à leur encontre, se disant choquée et attristée de l'absence de coopération de la part de leur collègue et que le personnel présent n'était pas intervenu en leur faveur durant les échanges.

Mme [L], employée, confirmait le climat de tension durant les explications de part et d'autre et indiquait que Mme [C] était dans un état de tension extrême au moment où les cadres ont quitté la salle, précisant cependant que la réunion avait pu se faire et l'ordre du jour mené à son terme.

Mme [C] disait avoir été surprise, étonnée et déstabilisée de l'incursion des trois cadres à la réunion, lesquels se sont assis sans un mot envers quiconque, que l'étonnement passé, aux explications des cadres justifiant de leur présence, elle a signalé que leurs fonctions hiérarchiques rendaient impossible leur présence et qu'il convenait de quitter la salle, que les cadres se sont rendus à la raison lorsqu'excédée, elle s'est levée les menaçant d'appeler l'inspection du travail. Elle expliquait un ressenti de violence dans l'intrusion des 3 cadres, aux motifs que jamais depuis de nombreuses années, ils ne participaient à ce type de réunions, qu'ils se sont montrés alors qu'ils n'étaient pas conviés, sans lui en avoir fait part. Elle reconnaissait que les cadres étaient restés corrects et courtois durant les échanges, excepté Mme [O] qui a haussé le ton mais n'a pas été incorrecte, que devant cette attitude des cadres qu'elle condamne, à aucun moment, elle n'a cru en leur discours d'apaisement et d'union entre les salariés et s'est interrogée et les a interrogés sur l'objet exact de leur présence si près des élections professionnelles devant renouveler l'ensemble des mandats. Elle précisait qu'au départ des cadres, elle a fait la réflexion à ces collègues qu'ils avaient voulu faire un hold up sur la réunion du personnel. Elle ajoutait que la discussion pour elle avait duré plus d'un quart d'heure, durant lequel elle avait engrangé son énervement, ne laissant rien paraître, dans la mesure où les cadres faisaient fi de ses demandes d'évacuer la salle, qu'elle avait parlé d'un ton ferme mais non agressif. Elle indiquait que la réunion s'était tenue avec une certaine tension, que l'ordre du jour avait été rendu, que la réunion s'était terminée à 16 h, qu'elle avait regagné son poste de travail jusqu'à 17 h, heure à laquelle elle avait quitté l'établissement, décidant de rejoindre son domicile à pied pour évacuer la tension de l'après-midi et que c'était au cours de ce trajet qu'elle avait craqué et pleuré. Elle ajoutait s'être présentée sur son poste de travail le lundi 22 mars, appelant le médecin du travail en fin de journée pour un rendez-vous, que le mardi 23, elle se sentait mal mais avait travaillé toute la journée, comme la journée du 24 où elle s'était rendue chez son médecin traitant.

Il en résulte que si Mme [C] indique avoir été surprise, étonnée et déstabilisée de l'incursion des trois cadres à la réunion qu'elle dirigeait, la cour constate que l'association n'ayant qu'un unique collègue, il était possible pour les cadres d'assister aux réunions du personnel, dès lors qu'ils n'étaient pas dirigeants, ce qui était le cas de M. [B], de Mme [O], et de Mme [P], simples cadres intermédiaires. De même si les relations direction - salariés n'étaient pas bonnes, la seule venue de ces cadres ne peut être interprétée comme faisant encourir un danger à Mme [C] alors qu'il n'y avait aucune obligation pour ces cadres de prévenir de leur présence à la réunion.

De plus, Mme [C] reconnaît que ceux-ci ont tenu un discours d'apaisement et d'union. La venue programmée de ces trois salariés était donc conforme au souhait du nouveau directeur d'établissement de recherche d'une plus grande cohésion de son personnel et de dépassement du clivage anciennement établi. En outre, Mme [C] n'était pas connue pour une santé fragile.

En conséquence, l'existence d'un danger n'est pas établie et on ne peut retenir la connaissance de ce danger imprévisible par l'employeur.

La faute inexcusable ne peut être reconnue et le jugement entrepris sera confirmé.

Eu égard à la décision rendue et à l'équité, il convient de rejeter les deux demandes présentées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Rejette les demandes présentées au titre des frais irrépétibles,

Condamne Mme [Z] [C] aux dépens d'appel.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/02158
Date de la décision : 29/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°16/02158 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-29;16.02158 ?
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