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28/11/2019 | FRANCE | N°16/07056

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 28 novembre 2019, 16/07056


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2019



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/07056 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYNPA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2016 -Tribunal de Commerce de [Localité 3] - RG n° 2013061475





APPELANTES :



SARL 3I CAPITAL à associé unique, agissant par son gér

ant domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 495 342 123

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Mat...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/07056 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYNPA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2016 -Tribunal de Commerce de [Localité 3] - RG n° 2013061475

APPELANTES :

SARL 3I CAPITAL à associé unique, agissant par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 495 342 123

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

représentée par Me Florian BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : T12

SARL ZV HOLDING agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 410 900 781

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

SAS MEYERBEER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentées par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,

représentées par Me Pascal WILHELM, avocat au barreau de PARIS, toque : K0024

INTIMÉES :

SARL ZV HOLDING prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 410 900 781

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

SARL 3I CAPITAL à associé unique, agissant par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 495 342 123

Ayant son siège [Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

SAS MEYERBEER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 794 137 406

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

COMPOSITION DE LA COUR :

    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [P] [L] est le fondateur et propriétaire des sociétés du groupe Zadig&Voltaire, lesquelles exploitent la marque de prêt-à-porter éponyme, la société ZV Holding étant la société de tête du groupe Zadig & Voltaire.

La société 3I Capital est une société à responsabilité limitée dont l'objet consiste en la gestion financière mobilière et immobilière et est gérée par Monsieur [J] [C].

La société ZV Holding et la SARL 3 I Capital ont réalisé deux opérations immobilières en 2011 et 2012 sur des immeubles situés [Adresse 6] et [Adresse 4]. Ces opérations ont été menées selon un schéma -reproductible et selon 3 I Capital extrêmement classique- par lequel 3 I Capital après une prospection réussie, signe une promesse de vente pour arrêter l'opération, puis substitue dans ses droits une société ad hoc porteuse du programme.

Cette société dans laquelle il détient de 10 à 20% du capital est constituée avec ZV Holding qui en est le détenteur majoritaire. C'est cette société ad hoc qui acquiert l'immeuble et souscrit aux emprunts qui permettent l'acquisition.

Pour l'opération Grenelle, les sociétés ZV et 3 I Caoital ont eu, après la vente de l'immeuble, un différend sur sa restructuration, qui s'est soldé par un protocole transactionnel conduisant à indemniser la société 3 I Capital.

S'agissant de l'acquisition de l'immeuble Beaujon, la société 3I Capital a perçu une rémunération pour la mise en place du financement auprès du crédit Suisse, la négociation auprès des locataires pour évictions et des conseils divers (1,8 million HT). Les opérations de découpe des appartements initialement prévues n'ayant pas eu lieu.

En 2013 une troisième opération était envisagée.

La société Klépierre a consenti une promesse de vente à la société 3I Capital portant sur l'immeuble situé [Adresse 3] pour un montant de 80 000 000 euros avec faculté de substitution et il était prévu un « dépôt de garantie » d'un montant de 4 millions d'euros, qui serait versé à la venderesse en cas de non réalisation de la vente.

La société ZV Holding a réglé une somme de 3 millions d'euros entre les mains du notaire et la société [G] a dispensé la société 3I Capital du paiement d'une somme supplémentaire de 1 million. Les sociétés 3I Capital et ZV Holding avaient créé la SAS Meyerbeer aux fins de se substituer à la société 3I Capital pour l'achat de cet immeuble, cette SAS Meyerbeer était détenue à hauteur de 80% par la société ZV Holding et de 20% par la société 3I Capital.

L'acquisition projetée avait pour but d'exploiter la totalité de l'immeuble à usage commercial.

Les parties étant en désaccord, notamment sur la possibilité de parvrnir à exploiter la totalité de l'immeuble à usage commercial, la société ZV homding décidé de ne pas procéder à l'opération et la société Klepierre a alors vendu l'immeuble à un tiers.

Par acte introductif d'instance, en date du 8 octobre 2013, la société 3I Capital a saisi le tribunal de commerce de Paris en sollicitant la condamnation de la société ZV holding à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 20.373.206 euros , lui reprochant une rupture abusive d'un contrat de partenariat relatif à la réalisation en association d'une acquisition immobilière sur un bien situé [Adresse 7], correspondant selon elle à un gain perdu.

Reconventionnellement, la société ZV holding a sollicité la condamnation de la société 3 I Capital au paiement d'une somme de 3'000'000 d'euros au titre du remboursement du montant du dépôt de garantie versé pour l'opération Meyerbeer, de 2'152'800 euros au titre de l'opération Beaujon et de 2'021'835 euros au titre de l'opération Grenelle

Par jugement du 22 février 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

-condamné la SARL ZV Holding à payer à la SARL à associé unique 3l Capital la somme de 1 million d'euros pour l'indemniser de la croyance légitime dans la poursuite de l'opération dont la SARL ZV Holding est à l'origine,

-condamné la SARL a associé unique 3I Capital à payer à la SARL ZV Holding la somme de 3 millions d'euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2014, avec Capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

-débouté la SARL à associé unique 31 Capital de l'intégralité de ses autres demandes, plus amples ou contraires,

-débouté la SARL ZV Holding de ses demandes fondées sur la prétendue nullité des substitutions de promesses de vente,

-dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

-condamné les parties aux dépens par moitié, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides à la somme de 144,34 € dont 23,92 6 de TVA.

La SARL 3 I Capital a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 mars 2016.

La société ZV Holding et la SAS Meyerbeer ont interjeté appel par déclaration du 23 mars 2016.

Les appels ont été joints par ordonnance du 31 août 2016 sous le n° RG 16/07056

Une médiation, mise en oeuvre par ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 novembre 2016, n'a pas abouti.

* * *

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 2 septembre 2019, la SARL 3 i Capital demande à la cour de :

-Débouter ZV Holding et la SAS Meyerbeer de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions comme étant non fondées ;

-Infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

-condamné ZV Holding à lui payer la somme de 1 million d'euros pour l'indemniser de la croyance légitime dans la poursuite de l'opération dont la ZV Holding est à l'origine ;

- l'a condamnée à payer à ZV Holding la somme de 3 millions d'euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2014, avec Capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

-l' a déboutée de ses autres demandes,

Et statuant à nouveau

A titre principal

- Dire et juger que ZV Holding et la SAS Meyerbeer ont commis une faute vis-à-vis d'elle; -Dire et juger qu'elle a subi, du fait de cette faute, un préjudice financier de :

- 14.200.000 euros au titre de la perte réalisée par 3i Capital sur l'opération Meyerbeer ; et

- 126.985,05 euros HT, soit 151.732,84 euros TTC au titre des frais déjà engagés par 3i Capital sur l'opération Meyerbeer hors honoraires et frais d'avocats et d'huissiers relatifs au présent contentieux.

En conséquence,

-Condamner in solidum ZV Holding et la SAS Meyerbeer à lui verser la somme de 14.351.732,84 euros en réparation du préjudice financier subi, sauf à parfaire ;

A titre subsidiaire, si la Cour d'appel de Paris devait s'estimer insuffisamment informée sur le montant du préjudice subi :

-désigner tel expert de son choix, aux frais avancés de ZV Holding, avec la mission suivante :

déterminer la valorisation de l'immeuble, et donc le gain manqué prévisible pour 3i Capital dans l'opération Meyerbeer, consistant en la perte de marge sur la revente de l'immeuble ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de Paris devait considérer qu'il y a eu effectivement un prêt par ZV Holding de la somme de trois millions d'euros à 3i Capital

-Ordonner la compensation de la créance de remboursement de prêt de ZV Holding, d'un montant de 3.000.000 euros, avec le montant du préjudice de 3i Capital, qui ne saurait être inférieur à la somme de 3.000.000 euros ;

Pour le surplus

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ZV Holding de ses demandes fondées sur la prétendue nullité des substitutions de promesses de vente ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ZV Holding et la SAS Meyerbeer de l'intégralité de leurs autres demandes, fins et prétentions comme étant non fondées ;

En tout état de cause

- Condamner in solidum ZV Holding et SAS Meyerbeer à lui verser la somme de 75.000

euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum ZV Holding et SAS Meyerbeer aux entiers dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 31 juillet 2019, la société ZV Holding et la SAS Meyerbeer demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' Condamné la société 3I Capital à payer à la société ZV Holding la somme de 3 millions d'euros en restitution de la somme versée dans le cadre de l'opération Meyerbeer ;

' Débouté la société 3I Capital de l'intégralité de ses autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Infirmer le jugement entrepris pour le surplus

Et statuant à nouveau

- Dire et juger que les parties n'ont pas conclu de convention de partenariat ;

Par conséquent,

- Débouter la société 3I Capital de l'ensemble de ses prétentions ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le contrat de partenariat conclu entre les parties est nul ;

Par conséquent,

- Débouter la société 3I Capital de l'ensemble de ses prétentions ;

En tout état de cause,

- Dire et juger que 3I Capital n'a pas subi de préjudice du fait de la rupture du contrat de

partenariat conclu entre les parties ;

Par conséquent,

- Débouter la société 3I Capital de l'ensemble de ses prétentions ;

Enfin,

- Dire et juger l'ensemble des accords conclus entre les sociétés 3I Capital et ZV Holding dans le cadre des opérations Beaujon et Grenelle entachés de nullité pour violation de l'article 52 de la loi du 29 janvier 1993 et de la loi du 2 janvier 1970 ;

- Condamner par conséquent la société 3I Capital à rembourser à la société ZV Holding l'ensemble des sommes versées au titre des conventions entachées de nullité à savoir:

' 2.152.800 euros au titre de l'opération Beaujon ;

' Et 2.021.235, 20 euros au titre de l'opération Grenelle ;

le tout avec intérêt au taux légal à compter de la date de la signification par RPVA le 30 avril 2014 des conclusions de ZV Holding avec Capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;

- Condamner la société 3I Capital au versement d'une indemnité de 100.000 euros sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

Sur l'opération Meyerbeer

La société 3 I Capital soutient qu'il existait un contrat de partenariat avec la ZV Holding pour la réalisation spécifique de l'opération Meyerbeer, qu'elles s'étaient accordées sur l'acquisition et la valorisation de l'immeuble et sur l'implication financière de chacune d'elles, qu'elles avaient recherché et obtenu de concert les financements nécessaires, qu'elles avaient créé la SAS Meyerbeer afin de mettre en 'uvre le projet, qu'elles avaient entrepris de rechercher des locataires. Elle ajoute qu'elles ont même géré la sortie de l'opération ensemble dans un premier temps.

De leur côté, la société ZV Holding et la SAS Meyerbeer soutiennent qu'aucun accord cadre n'existait avec la société 3 I Capital, que le projet d'accord général du 17 juillet 2013 n'a jamais été signé et que les négociations sur les termes du partenariat n'ont jamais abouti en raison principalement du défaut de possibilité d'affectation de la totalité de l'immeuble à usage commercial.

Elles précisent qu'aucun accord n'était intervenu sur leur implication financière respective puisqu'il n'a jamais été convenu que 3I Capital ne verserait aucun apport initial dans l'opération, elles estiment qu'il n'y a pas eu d'accord sur la répartition des rôles et que la ZV Holding a été écartée des négociations et de la promesse.

Elles soulignent que 3I Capital a signé seule la promesse de vente, qu'elle a négocié seule les conditions de réalisation de l'opération avec les différents prestataires, que leur conseil n'a pas été destinataire en avril 2013 de la documentation signée et que Me [U], notaire de l'opération, considérait ne pas être débiteur d'une obligation d'information et de mise en garde à l'égard de la ZV Holding.

Elles ajoutent que 3I Capital n'ayant pas versé la somme d'un million d'euros initialement prévue, sans les en informer, la société 3 I Capital n'a donc pris aucun risque financier et ne peut être qualifiée de partenaire de l'opération.

Il convient de relever que dès le départ il était clair dans l'esprit de chacune des parties que celles-ci avaient projeté de l'acquisition du bien immobilier en vue de l'exploiter en totalité à usage de commerce, alors qu'il n'était à l'origine qu'à usage de bureaux.

C'est ainsi qu'il était indiqué dans le préambule que l'objet du projet était d'affecter l'immeuble en totalité à usage de commerce.

Or, l'acte de promesse de vente de l'immeuble, signé uniquement par la société 3 I Capital mentionnait que l'immeuble vendu est à « usage principal de bureaux, habitations et commerces élevés sur deux niveaux de sous-sol, d'un entresol, rez-de-chaussée et de cinq étages ».

C'est dans ces circonstances que la société 3 I Capital avait conclu un contrat , le 17 avril 2013 avec la société Quadrivium aux fins de l'accompagner dans sa demande d'autorisation d'exploitation à usage de commerce auprès de la CDAC de Paris et il résulte des pièces versées aux débats que ce contrat n'a été transmis au conseil de la société ZV holding que par e-mail du 3 juillet 2013, c'est-à-dire postérieurement à la signature de la promesse de vente et à la remise de la somme de 3'000'000 d'euros par la société ZV holding.qu'en juillet 2013 au conseil de la société ZV holding.

En conséquence, dès le départ, la société 3 I Capital avait conscience qu'il était nécessaire d'obtenir une autorisation de la CDAC de Paris pour procéder à la transformation de l'immeuble en sa totalité en usage de commerce et n'a pas tenu informée la société ZV holding de cette difficulté majeure.

Cette volonté commune de parvenir à un changement de destination de l'immeuble pour en faire un immeuble totalement à usage de commerce est corroborée par le courriel adressé le 27 avril 2013 par la société 3 I Capital à la société Zadig et Voltaire se réjouissant d'avoir fait une bonne affaire puisqu'elle écrivait : « la beauté de ce deal est que [G] nous a vendu un immeuble de bureaux alors que nous avons acheté un immeuble de commerce'».

Par la suite, les parties ont continué leurs discussions, mais la société 3 I Capital a négocié seule les conditions de réalisation de l'opération avec les différents prestataires et a signé seule la promesse de vente portant sur l'immeuble.

Lorsqu'il est apparu que l'obtention de l'autorisation par la CDAC de Paris, permettant de transformer la totalité de l'immeuble à usage de commerce, n'était pas encore intervenue, la société 3 I Capital a alors envoyé un courriel le 23 juillet 2013 à la société Zadig et Voltaire pour indiquer qu'il existait trois options leur permettant d'effectuer, quoi qu'il en soit, une bonne affaire :

«-version 1 (les surfaces en l'état).

Nous arrivons à un loyer de 4,6 M€ soit un rendement de 5,2 %.

-Version 2 (on obtient une extension de la CDAC sur le premier étage uniquement).

Nous arrivons un loyer de 5,45 M€ soit un rendement de 6,10%.

-Version 3 ( CDAC obtenu sur la totalité du bâtiment).

Nous arrivons à un loyer de 8,6 M€, soit un rendement de 9,67 %. »

Dans ce courriel, la société 3 I Capital ajoutait que l'opération lui semblait favorable quelle qu'en soit l'issue et demandait à la société Zadig et Voltaire d'analyser les trois versions avant de renoncer à un financement qui, selon elle, était intéressant.

Enfin elle mentionnait, qu'alors qu'il était initialement prévu qu'elle réglerait une somme de 1'000'000 d'euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, elle avait été dispensée du paiement de cette somme, de sorte que seule la société ZV holding avait versé des fonds au titre de l'indemnité d'immobilisation. Elle indiquait s'excuser en ces termes : « je tiens à t'exprimer mes regrets pour le million non versé, ce fut une maladresse et j'aurais dû te le dire, je te prie de m'en excuser. »

En réponse à ce courriel, la société ZV holding a renoncé à l'opération et adressé un e-mail à la société 3 I Capital de 26 juillet 2013 indiquant « l'idée restant la même, se sortir de la promesse où trouver un repreneur », signifiant ainsi qu'elle n'entendait pas donner suite à l'opération.

La société ZV holding ne s'est donc pas rendue au rendez-vous de signature du 26 juillet 2013 prévu chez le notaire. C'est ainsi que la société Klepierre a fait délivrer le 29 juillet 2013 à la société 3 I Capital une sommation de comparaître le 20 septembre 2013 dans les locaux du notaire et que la société 3 I Capital a, à son tour, fait délivrer le 4 septembre 2013 une sommation aux sociétés Zadig et Voltaire et Meyerbeer de signer l'acte de vente le 20 septembre 2013 chez le notaire.

Si la société 3 I Capital verse au débat un projet d'accord de partenariat du 17 juillet 2013, prévoyant de continuer les discussions du partenariat, dans les meilleurs délais pour qu'un accord puisse être conclu pour le 30 septembre 2013 au plus tard, ce dernier n'a pas fait l'objet d'une signature de la part de la société ZV holding.

Par ailleurs, c'est en vain que la société 3 I Capital fait valoir que, préalablement au versement de la somme de 3 millions d'euros par ZV Holding, celle-ci avait reçu le projet de promesse de vente rédigé par le notaire , qu'elle ne contenait aucune condition suspensive, alors que l'e-mail adressé à la société ZV holding était écrit en ces termes par la société 3 I Capital : « comme conclu avec [P], ci joint RIB étude. Merci de confirmer l'ordre de virement. C'est très urgent. Bien à toi » et aucun élément ne permet d'établir que le projet de promesse de vente était joint à cet e-mail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'alors que les parties s'étaient rapprochées en vue d'acquérir un immeuble et de le transformer en sa totalité en immeuble de commerce, les autorisations administratives permettant un changement de destination n'ont pas été

données, de sorte qu'en définitive aucun contrat de partenariat n'a pu être signé entre les parties, puisque c'est l'objet même de l'opération qui ne pouvait être atteint. Ainsi, les sociétés Zadig et Voltaire et Meyerbeer n'ont commis aucune faute pour avoir renoncé à l'opération ne permettant pas d'affecter la totalité de l'immeuble en immeuble de commerce et donc pour avoir rompu les pourparlers, la société 3 I Capital ne caractérisant aucune attitude abusive.

En conséquence, le jugement sera infirmé, en ce qu'il a condamné la société ZV holding à payer à la société 3 I Capital une somme d'un million d'euros à titre de dommages et intérêts et celle-ci sera déboutée de sa demande à ce titre.

La société Zadig et Voltaire sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société 3 I Capital à lui payer une somme de 3'000'000 d'euros en restitution de la somme versée dans le cadre de l'opération Meyerbeer.

Elle fait valoir qu'elle a versé cette somme à titre d'indemnité d'immobilisation le 8 avril 2013 entre les mains du notaire chargé de la vente de l'immeuble litigieux et qu'elle n'avait pas connaissance à cette date que la transformation de l'immeuble en un immeuble totalement commercial poserait des difficultés.

Elle ajoute que le courrier de la société Quadrivrium en date du 25 mars 2013, précisant que s'agissant d'une surface de vente supérieure à 1000 m² il était indispensable, pour parvenir à une destination totalement commerciale de l'immeuble, d'obtenir une autorisation de la CDAC de Paris, ne lui a jamais été transmis et que la société 3 I Capital lui a laissé verser la somme de 3'000'000 d'euros en la laissant dans l'ignorance de cette difficulté majeure, puisque le but de l'opération était d'acheter un immeuble totalement à usage commercial.

Elle indique également que c'est de façon déloyale que la société 3 I Capital ne s'est pas acquittée, de son côté, du versement de la somme d'un million d'euros qu'elle s'était engagée à effectuer au titre de l'indemnité d'immobilisation et que de surcroît lorsqu'il s'est agi de se désengager de l'opération et de proposer un nouvel acquéreur à la société Klepierre, celle-ci lui a consenti une rémunération d'un million d'euros.

La société 3 I Capital fait valoir que le versement de la somme de 3 millions d'euros par ZV Holding entre les mains du notaire de l'acquéreur ne pouvait constituer un prêt ou une avance, mais correspondait à un premier versement sur ses fonds propres en exécution du contrat de partenariat, elle estime donc qu'aucune restitution ne peut être ordonnée.

Il convient de relever qu'alors que tant la société ZV holding que la société 3 I Capital devaient verser une partie du dépôt de garantie, l'une pour 3'000'000 d'euros, l'autre pour 1'000'000 d'euros, seule la société ZV holding s'est acquittée de son obligation, et la société 3 I Capital l'a laissée dans l'ignorance de ce que, de son côté, elle n'avait pas réglé la somme de 1'000'000 d'euros, comme elle s'y était engagée, et ne lui en a fait la révélation que lorsqu'il s'est avéré que l'immeuble ne pouvait être en totalité à usage commercial, c'est-à-dire le 23 juin 2013.

De surcroît, lors du dénouement de cette affaire, qui s'est traduit par la présentation d'un nouvel acquéreur pour l'immeuble, la société 3 I Capital a perçu seule, de la part de la société [G], une rémunération d'un million d'euros qui s'est compensée avec la somme qu'elle aurait dû verser lors de la signature de la promesse de vente correspondant à sa participation au montant du dépôt de garantie.

L'acte de promesse de vente prévoyait que le montant du dépôt de garantie sera acquis au vendeur en cas de non réalisation de la vente du fait de l'acquéreur.

En l'espèce, la promesse de vente a été conclue entre d'une part la société Klepierre et d'autre part la société 3 I Capital , étant précisé qu'il était prévu que celle-ci pouvait substituer dans ses droits et obligations toute autre société ayant son siège social en France.

C'est donc la société 3 I Capital qui s'est engagée lors du versement de ce dépôt de garantie, alors qu'aucun accord de partenariat n'avait été signé entre elle-même et la société ZV holding.

La somme de 3'000'000 d'euros a été versée à titre d'avance pour la réalisation de l'opération Meyerbeer, consistant à acquérir un immeuble aux fins de son exploitation en totalité à usage commercial. Or, cette opération n'a pas vu le jour, puisqu'il s'est avéré impossible d'obtenir les autorisations administratives permettant de l' exploiter en totalité à usage commercial.

Cette somme, versée à titre d'avance, sur une opération future pour laquelle les difficultés tenant à la possibilité d'exploiter la totalité de l'immeuble à usage commercial ne lui avaient pas alors été dévoilées, doit lui être remboursée puisque l'opération ne s'est en définitive pas effectuée pour des motifs qui ne lui sont pas imputables.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société 3 I Capital à payer à la société ZV holding une somme de 3'000'000 d'euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2014 date de la signification des conclusions de la société ZV holding et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance de février 2016.

Sur les opérations Beaujon et Grenelle

La société ZV Holding et la SARL 3 I Capital avaient, préalablement à l'opération Meyerbeer, tenté de réaliser deux opérations immobilières en 2011 et 2012 sur des immeubles situés [Adresse 6] et [Adresse 4]. Ces opérations consistaient, comme pour l'opération Meyerbeer, à ce que la société 3 I Capital après une prospection réussie, signe une promesse de vente pour arrêter l'opération, puis substitue dans ses droits une société ad hoc porteuse du programme constituée avec la société ZV Holding, associée majoritaire. C'est cette société ad hoc qui acquiert l'immeuble et souscrit aux emprunts qui permettent l'acquisition.

L'opération Grenelle s'est soldée par la signature d'un protocole transactionnel non daté entre les sociétés ZV holding et 3 I capital conduisant la société ZV holding à indemniser 3 I Capital pour un montant de 1.722.240 euros euros hors-taxes en raison de la rupture anticipée de des relations contractuelles, en réparation du préjudice subi par la société3 I Capital .

S'agissant de l'opération portant sur l'immeuble de la [Adresse 5], celle-ci ne s'est pas terminée comme initialement prévue, mais en définitive la société ZV holding a réglé une facture d'honoraires de conseil à la société 3 I Capital pour un montant de 1.800'000 euros hors-taxes, cette somme étant la contrepartie de la mise en place du financement auprès du crédit Suisse, de la négociation auprès des locataires pour évictions et de conseils divers .

La société ZV holding soutient que ces accords doivent être déclarés nuls car il s'agit de cessions à titre onéreux de promesse de vente d'immeubles alors que l'article 52 de la loi du 29 janvier 1993 interdit aux professionnels de l'immobilier de s'adonner à un tel commerce, sous peine d'annulation des actes passés en violation de cette disposition.

Cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les dispositions de cette loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent, ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, à des opérations sur les biens d'autrui. Or, la société 3 I Capital n'a pas agi en tant qu'agent immobilier, mais en tant que co investisseur aux côtés de la société ZV holding, à telle enseigne qu'elle avait elle-même mandaté des agents immobiliers sur l'opération Beaujon, de sorte que ce texte n'est pas applicable à la présente espèce.

Par ailleurs, il convient de relever que la transaction portant sur l'opération Grenelle avait pour objet le versement de dommages et intérêts, tandis que que la facturation relative à l'immeuble de la rue Beaujon correspond à des prestations effectuées.

Enfin s'agissant des cessions de titres, celles-ci se sont effectuées à leur valeur nominale.

Il s'ensuit qu'aucune nullité n'est encourue pour ces opérations, compte tenu de leur nature, et en conséquence le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais hors dépens

Chaque partie gardera sa charge ses propres dépens.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société 3 I Capital à payer à la société ZV holding une somme de 3'000'000 d'euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2014 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance de février 2016,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société ZV holding de ses demandes de nullité pour substitutions de promesses de vente,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société ZV holding à payer à la société 3 I Capital une somme de 1.000.000 de dommages-intérêts pour l'avoir entraînée dans une croyance légitime dans la poursuite de l'opération Meyerbeer,

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société 3I Capital de ses demandes de dommages-intérêts pour faute sur l'opération Meyerbeer,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens,

REJETTE les demandes d'indemnité pour frais hors dépens.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/07056
Date de la décision : 28/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°16/07056 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-28;16.07056 ?
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