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27/11/2019 | FRANCE | N°17/12828

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 27 novembre 2019, 17/12828


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 27 NOVEMBRE 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12828 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4JJ7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY





APPELANTE



Madame [H] [Y]

[Adresse 1]

Représentée par Me Rachel SAADA, avocat au barreau de P

ARIS, toque : W04





INTIMEE



SA GENERALI VIE

[Adresse 2]

N° SIRET : 602 062 481

Représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020







COMPOSITION DE ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12828 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4JJ7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY

APPELANTE

Madame [H] [Y]

[Adresse 1]

Représentée par Me Rachel SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : W04

INTIMEE

SA GENERALI VIE

[Adresse 2]

N° SIRET : 602 062 481

Représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne BERARD Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [Y] a été embauchée par la société Generali Vie assurances du 2 mars au 31 mai 1998, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, comme gestionnaire administratif classe 2.

La société emploie plus de dix salariés et la convention collective nationale des sociétés d'assurance est applicable à la relation de travail.

Elle a été engagée le 18 août 1998 , à compter du 1er septembre 1998 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de gestionnaire encaissements classe 3, avec reprise d'ancienneté au 2 mars 1998.

A compter du 1er mars 2001, elle a été rattachée à la fonction gestionnaire contrats classe 3.

A l'issue d'un congé parental, par avenant du 11 septembre 2006, elle a été affectée à effet du 1er septembre 2006 au sein du service Gestion partenariats de GPA, en qualité de gestionnaire d'opérations d'assurance niveau 2 - classe 3.

Par avenant du 04 février 2007, la durée de travail de la salariée a été diminuée à sa demande à un temps partiel de 70 % et sur la base d'un forfait annuel de 1092,79 heures, par référence à deux accords d'entreprise, l'un du 23 février 2004 sur le travail à temps partiel (art. 10), l'autre du 27 janvier 2005 sur les conditions d'application de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Elle a été affectée à effet du 1er juin 2008 à la direction de l'épargne patrimoniale au sein du département gestion épargne individuelle partenariat, service processus techniques.

En mars 2009, elle a été affectée au service 'successions experts juridiques' au sein du département CGPI.

Elle a été affectée à effet du 1er décembre 2011 au sein de la section Gestion CGPI - Grand Sud, du service gestion épargne individuelle CGPI, direction opérations d'assurance, direction des solutions d'assurances de la direction de l'épargne patrimoniale.

Mme [Y] a été en arrêt de travail du 6 au 22 avril 2012, puis à compter du 10 mai 2012.

Mme [Y] a été convoquée le 20 janvier 2014 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 31 janvier 2014.

Elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse fondée sur son absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif par lettre en date du 5 février 2014.

Elle a été placée en invalidité catégorie 1 le 11 mars 2014, puis catégorie 2 par décision du médecin conseil du 3 septembre 2014 à effet du 1er juin 2014.

Contestant son licenciement et demandant par ailleurs la requalification de son poste au statut cadre classe 5, Mme [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 30 septembre 2014 qui, par jugement du 4 juillet 2017, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et a débouté la société Generali Vie de sa demande reconventionnelle.

Le 12 octobre 2017, Mme [Y] a régulièrement interjeté appel.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 septembre 2019, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et de :

- Juger que Mme [Y] a fait l'objet d'atteintes à ses droits consécutifs à une discrimination en raison de sa situation de famille ;

- Condamner la société SA Generali Vie à verser à Mme [Y] la somme de 70 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'intégralité de ses préjudices tant matériel que moral ;

- Juger que le licenciement de Mme [Y] est nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société SA Generali Vie à verser à Mme [Y] la somme de 62 000 € à titre de licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle ni sérieuse ;

- Ordonner la remise à Mme [Y] d'un bulletin de salaire conforme aux condamnations, et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;

-Condamner la société SA Generali Vie à verser à Mme [Y] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances ;

- Condamner la SA Generali Vie aux entiers dépens ;

- Dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine de la juridiction avec capitalisation annuelle ;

- Dire que les condamnations s'entendent nettes de CSG et de CRDS et de toutes cotisations sociales.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 avril 2018, auxquelles il est expressément fait référence, la société Generali Vie demande

A titre principal :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de débouter Mme [Y] de toutes ses demandes

A titre subsidiaire,

- Ramener les prétentions indemnitaires de Mme [Y] relatives à son prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse à de bien plus justes proportions, et notamment à un maximum de 10.777,50 € bruts ;

- Ramener les demandes de rappel de salaire de Mme [Y] à un maximum de :

-9782,10€ bruts au titre de rattrapage salarial ;

- 978,21€ bruts au titre de congés payés y afférent ;

- Ramener les prétentions indemnitaires de la salariée au titre de son prétendu préjudice moral pour discrimination à de bien plus justes proportions.

A titre infiniment subsidiaire,

- Ramener à de bien plus justes proportions les sommes indemnitaires sollicitées par la salariée au titre de la prétendue perte sur ses droits futurs à la retraite et au titre de la rémunération variable des cadres, et notamment à une somme inférieure à 2.450€ bruts.

A titre reconventionnel,

-Condamner Mme [Y] à lui verser une somme de 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 7 octobre 2019.

MOTIFS :

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail en sa version applicable, '[...] aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison [...] de sa situation de famille [...]'.

Aux termes de l'article L1134-1 du même code, 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, [...] le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Mme [Y] présente les éléments de faits suivants :

Elle a demandé un temps partiel en 2007 pour pouvoir s'occuper de ses enfants.

Elle a été rattachée en mars 2009 à un service 'successions experts juridiques' exclusivement composé de salariés de classe 4 et 5.

Elle a été à compter de cette date l'unique référent d'un portefeuille de titres de capitalisation émis par la Fédération Continentale.

Elle a aussi repris la partie administrative et technique du portefeuille Tokos (contrat [Établissement 1]) et affirme que ce poste était assuré antérieurement par un cadre de classe 5.

Elle a été référent Tracfin à compter d'octobre 2009 et affirme que les référents Tracfin relèvent de la classe 4. Si sa supérieure hiérarchique lui a retiré cette fonction en octobre 2010, elle l'a retrouvée ensuite, en raison de son expertise en matière de titres de capitalisation et elle justifie par les mails produits avoir participé aux réunions des référents ainsi qu'à de la formation et à un projet de mise en place de process liées aux titres, la qualité de son travail et de son engagement lui ayant valu des éloges de la responsable Tracfin.

Elle a évalué sans être contredite à 90% de son temps d'activité ses activités spécialisées et à 10% son activité de gestion.

Elle a été affiliée à la caisse des cadres à compter de 2009.

En mars 2010, elle a saisi son employeur d'un recours fondé sur l'article 3.3 de l'accord sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du 22 décembre 2006, qui a été rejeté par lettre en date du 19 juillet 2010.

Elle a exprimé auprès de sa hiérarchie et de représentants syndicaux à partir du premier trimestre 2011 le sentiment de ne pas être reconnue.

Elle a retranscrit le contenu d'échanges avec sa supérieure hiérarchique qui s'était opposée à sa promotion en classe 4, au motif d'une maîtrise insuffisante des dossiers de succession, ainsi qu'à sa candidature sur un poste de classe 4 disponible dans le service, en l'invitant à déterminer ses axes de progrès à l'occasion du prochain entretien annuel.

Elle a exprimé en mars 2011 son aspiration à être affectée dans un service où les temps partiels ne seraient pas 'mal vus'.

Elle a fait état en mars 2011 de son stress depuis le mois d'octobre, de son suivi par le médecin du travail et de son appréhension, tant de l'entretien d'évaluation que de celui qu'elle a demandé à son N+4 au sein de la direction, M. [J].

Elle justifie n'avoir eu un entretien annuel pour les faits marquants 2010 et les axes de progrès 2011 que le 21 novembre 2011.

En décembre 2011, elle a écrit à M. [J] pour :

- rappeler s'être plaint auprès de lui de harcèlement de la part de sa précédente supérieure hiérarchique qui lui reprochait aussi son temps partiel,

- regretter qu'il ait confirmé en mai 2010 son refus de la promouvoir en classe 4,

- entendu qu'elle passerait en classe 4 si son axe de progrès 2011 était atteint,

- indiqué qu'elle n'avait eu son entretien annuel 2011 avec fixation d'objectifs pour l'année qu'en novembre 2011,

- affirmer que son responsable avait estimé ses objectifs atteints, mais ne pas avoir retour du compte-rendu d'entretien,

- déplorer être dans une situation administrative confuse depuis mai 2011, son responsable en titre n'étant pas celui du service où elle travaille,

- déplorer un manque de reconnaissance en soulignant à ce titre qu'être à temps partiel ne le favorise pas.

En février 2012, le médecin du travail, M. [F], a déploré le flou sur les missions de Mme [Y], telles qu'elle les décrivait, estimant que cette définition peu claire peut-être un élément constitutif des difficultés relatées par Mme [Y].

En février 2012, elle a informé M. [M], représentant syndical qu'elle sortait de l'infirmerie, dénonçant le comportement de ses responsables successifs à son égard et affirmant payer très cher son temps partiel.

En mars 2012, elle a retranscrit l'entretien qu'elle a eu avec son manager, M. [U], dont il résulte qu'elle n'aura ni promotion en classe 4, ni augmentation, ni actions en raison de son arrivée en cours d'année dans le service [Établissement 2] avec un mois et demi de vacances l'été et les vacances scolaires, alliée au fait qu'elle n'est pas montée en compétence sur l'activité de gestion.

En avril 2012, elle a écrit à des représentants syndicaux pour protester contre le processus de 'déspécialisation' engagé à son encontre, avec le dispatching de son portefeuille titres de capitalisation dans les différents services, estimant être ainsi 'réduite à néant', protestant contre cette volonté de la direction de l'évaluer sur son activité résiduelle de gestion, et écrivant ' quatre ans que je suis en souffrance car ils n'acceptent pas de confier des postes de responsabilité à un temps partiel'.

Elle produit une attestation de M. [M], représentant syndical qui indique avoir fait la connaissance de Mme [Y] en septembre 2009 et pris en charge son dossier de souffrance au travail en raison d'une surcharge alliée à un manque de reconnaissance. Il indique avoir vainement rencontré la direction des ressources humaines à son sujet durant trois ans et précise qu'à la fin de l'année 2013, la directrice du dialogue lui a évoqué la difficulté de reclasser la salariée, notamment parce qu'elle était à temps partiel.

Elle établit la dégradation de son état de santé à partir de 2010, ainsi qu'il résulte d'un certificat médical de son médecin traitant du 7 juin 2012, qui décrit un syndrome dépressif chronique depuis le 3 juin 2010 à la suite de problèmes au travail évoqués par sa patiente.

Elle verse aux débats plusieurs autres certificats médicaux confirmant son état dépressif, dont une attestation du 30 juin 2014 du docteur [B], PH attaché au service de consultation de pathologie professionnelle de l'hôpital [Établissement 3] précisant qu'elle a présenté un état dépressif grave en 2012 ayant nécessité une orientation en urgence vers un psychiatre spécialisé, son maintien en arrêt maladie, puis un état de stress post-traumatique début 2014 , à la suite de sa convocation à un entretien de licenciement, et son placement en invalidité.

Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

S'agissant de la classification, l'employeur justifie que contrairement aux affirmations de Mme [Y], tous les salariés du service 'successions experts juridiques' auquel elle a appartenu n'étaient pas cadres, dès lors qu'ils étaient pour la plupart de classe 4 et que seules les classes 5, 6, 7 relèvent de la catégorie des cadres.

Il affirme que le relevé de carrière ARCCO présenté par la salariée résulte d'une erreur non imputable à l'employeur et justifie que les cotisations versées pour Mme [Y] l'ont été, y compris postérieurement à 2009, tant pour la retraite que la prévoyance, au titre d'un salarié 'non cadre'.

Il établit également que la fonction de gestionnaire d'opérations d'assurance relève bien de la classe 3.

Enfin, il démontre que la compétence développée par Mme [Y] dans ses activités de référent d'un portefeuille des titres de capitalisation, de gestion du portefeuille Tokos ou de référent Tracfin, liées à ses deux autres activités, ne suffisent pas à caractériser une fonction d'expertise au sens de la convention collective et de la fiche de description de fonction d'expert des opérations d'assurance, dès lors que Mme [Y] ne justifie nullement avoir disposé d'une importante liberté d'action dans l'organisation, la planification, la mise en oeuvre et le suivi du travail et des procédures de gestion, ni d'un pouvoir décisionnaire qui lui confère une autonomie dans la gestion des dossiers, ni d'une participation à la définition des objectifs et au contrôle de leur réalisation.

Il apparaît en réalité que Mme [Y], en qualité de gestionnaire d'opérations d'assurance accomplissait son travail sans pouvoir déroger aux méthodes.

Si son parcours au sein de l'entreprise l'a conduite à acquérir un savoir faire spécifique dans la gestion d'un portefeuille des titres de capitalisation et du portefeuille Tokos, cette 'spécialité', qui lui a aussi valu d'être, pour ces sujets un référent Tracfin, n'a pas conduit l'employeur à la dispenser d'accomplir par ailleurs des tâches de gestion, et que, tout au contraire, ses managers successifs appelaient de leurs voeux qu'elle monte en compétence dans ce domaine.

L'employeur conteste que Mme [Y] ait été remise en cause à raison de son temps partiel et justifie qu'elle a bénéficié d'augmentations, établissant par ailleurs par les statistiques des années 2012 et 2013 une politique d'entreprise favorable aux augmentations des rémunérations des personnes à temps partiels.

Enfin, il souligne à juste titre que les réorganisations successives de l'entreprise n'ont pas concerné que Mme [Y].

S'il est constant que Mme [Y] n'a pas obtenu de promotion malgré ses demandes répétées et en a conçu un sentiment de manque de reconnaissance qui l'a profondément affectée, force est de constater que la nature de ses activités ne justifiait nullement une classification de cadre.

L'employeur reste en revanche taisant sur le refus de promotion à la classe 4 au mérite de Mme [Y], qu'elle a plusieurs fois réclamée.

Si l'employeur souligne que les propos de la salariée ne peuvent établir une situation objective, il doit être observé qu'il ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier pourquoi Mme [Y], malgré l'investissement professionnel qui était le sien au bout de 14 ans dans l'entreprise et l'engagement dont elle avait témoigné dans les spécialités qui étaient les siennes à hauteur de 90% de ses activités et qui a été notamment plusieurs fois salué par la responsable Tracfin, justifiaient qu'elle soit la seule à ne pas être de classe 4 au sein du service où elle était affectée et ce alors même que la seule évaluation, produite au demeurant par la salariée (entretien de développement des compétences 2011), ne contient aucune réserve mais des objectifs attendus systématiquement atteints ou dépassés.

Au delà des affirmations de Mme [Y] selon laquelle son temps partiel lui était implicitement ( durée de ses congés) ou explicitement reproché, le témoignage de M. [M] confirme que ce temps partiel de Mme [Y] a bien été, à l'occasion d'un éventuel reclassement, un 'obstacle'.

La discrimination dont elle a été l'objet à raison de sa situation familiale est bien caractérisée.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L1132-4 du code du travail, une mesure de licenciement prise à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions relatives au principe de non discrimination est nul.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, expose que l'absence prolongée depuis plus de 21 mois de la salariée perturbe et gêne le bon fonctionnement du service au sein duquel elle travaille et oblige l'entreprise à la remplacer définitivement.

Dès lors que l'absence prolongée de Mme [Y] résulte de son arrêt de travail et qu'il résulte des développements qui précèdent que cet arrêt de travail est la conséquence de la souffrance au travail qu'elle a éprouvée, imputable à la discrimination dont elle a été l'objet, le licenciement de Mme [Y] est nul.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement nul

Mme [Y] ne justifie pas d'un niveau de classe 5 afférent aux cadres, mais pouvait prétendre à un niveau de classe 4.

Sur la base des données statistiques complémentaires relatives aux salaires à laquelle elle se réfère, et en considérant, comme elle le fait dans ses écritures la base d'un salaire mensuel à temps partiel à 70% reconstitué après repositionnement, non en classe 5, mais en classe 4, le salaire de référence moyen des salariés de classe 4 en charge de la gestion des opérations d'assurance à prendre en considération est de 2.545,16€, soit 1.781,61€ sur la base d'un salaire mensuel à 70%.

Son salaire de référence de 1.796,25€, reste donc supérieur et doit tenir lieu de référence.

Compte tenu de son âge, de son état de santé ayant abouti à un classement en invalidité et de ses perspectives subséquentes sur le marché du travail, La société Generali Vie sera condamné à lui verser une somme de 44.000€ à titre de dommages et intérêts.

Sur les préjudices matériel et moral liés à la discrimination

Mme [Y] décompose son préjudice en préjudice matériel résultant de pertes de salaire et préjudice moral.

Sur le préjudice lié à la perte de salaire

Sur la prescription

La société Generali Vie oppose à la salariée la prescription triennale de l'article L3245-1 du code du travail.

Le licenciement ayant été notifié le 5 février 2014, la prescription de l'action en paiement du salaire court à compter de la date à laquelle ce dernier devient exigible et les demandes de rappels de salaires portant sur les mois antérieurs au mois de février 2011 sont donc prescrites.

Même si Mme [Y] a fait le choix de demander des dommages et intérêts et non un rappel de salaire, elle ne peut exciper d'un préjudice réparable à l'égard de sa créance prescrite.

sur le fond

Par comparaison du salaire de référence de Mme [Y] de 1.796,25€ et d'un salaire moyen pour un salarié de classe 4 de 1.781,61€, il n'est pas justifié d'un préjudice résultant d'une perte de salaire, ni d'une perte de droits à la retraite futurs.

Il n'est pas davantage justifié d'une perte de rémunération variable, dès lors qu'elle ne peut prétendre au statut de cadre, qui seul en bénéficie et que les collaborateurs de 4 bénéficient d'une prime d'équipe calculée de façon identique à ceux de classe 3 aux termes de l'accord du 10 novembre 2010 auquel elle se réfère. Elle ne justifie dès lors d'aucun préjudice à ce titre.

Sur le préjudice moral lié à la discrimination

Compte tenu de l'atteinte à la santé de Mme [Y] établie par les divers certificats médicaux versés aux débats, La société Generali Vie sera condamné à lui verser une somme de 8.000€ en réparation de son préjudice.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Sur la remise des bulletins de paie

Mme [Y] ayant été déboutée de ses demandes aux titre de créances à caractère salarial, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais irrépétibles

La société Generali Vie sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [Y] et de condamner la société Generali Vie à lui verser une somme de 2.500€ à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société Generali Vie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

DIT que Mme [Y] a fait l'objet d'une discrimination à raison de sa situation familiale,

DIT que le licenciement de Mme [Y] est nul,

CONDAMNE la société Generali Vie à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :

- 44.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 8.000€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

le tout assorti d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts pour au moins une année entière ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Generali Vie aux dépens ;

CONDAMNE la société Generali Vie à payer à Mme [Y] la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Generali Vie de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/12828
Date de la décision : 27/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/12828 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-27;17.12828 ?
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