Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2019
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20471 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4M6R
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015046061
APPELANTE
SARL BSP CONSEIL
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 2]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B 384.958.278
assistée de Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0073
INTIMEE
SAS SOCIETE ALSACIENNE DE PUBLICATIONS - L'ALSACE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 1]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MULHOUSE sous le numéro
945.750.735
représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231
assistée de Me Thomas PERRET, avocat plaidant du barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise BEL, Présidente de chambre
Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Françoise BEL, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La SAS SOCIETE ALSACIENNE DE PUBLICATION L'ALSACE, ci-après L'ALSACE, est une société d'édition qui publie un quotidien, ainsi que des magazines régionaux et à thèmes.
La société BSP CONSEIL est une société de régie publicitaire .
Le 6 mai 2008, la société L'ALSACE a signé avec la société BSP CONSEIL, ci-après BSP, société de régie publicitaire, un contrat de prospection pour le magazine hebdomadaire LE JOURNAL DES ENFANTS, à échéance au 31 décembre 2010 et assorti d'une clause de reconduction automatique par période de trois années et d'une faculté de résiliation dans certaines conditions.
Le 22 janvier 2013 la société L'ALSACE a conclu avec la société BSP un contrat de régie publicitaire portant sur quatre magazines (magazines EN ALSACE, PAYS COMTOIS, MASSIF DES VOSGES, et EN BOURGOGNE ) publiés par la société L'ALSACE, à échéance au 31 décembre 2010 et assorti d'une clause de reconduction automatique par période de trois années et d'une faculté de résiliation dans certaines conditions.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 septembre 2014 la société L'ALSACE a informé la société BSP de la résiliation des contrats conclus le 28 février 2007, 8 octobre 2008 et 21 juillet 2009 au 31 décembre 2014 concernant les magazines EN ALSACE, MASSIF DES VOSGES, PAYS COMTOIS et EN BOURGOGNE.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 septembre 2014, la société L'ALSACE a informé la société BSP CONSEIL de la résiliation du contrat concernant le JOURNAL DES ENFANTS à la date du 31 décembre 2014 .
La société BSP estimant avoir subi un préjudice du fait de ces ruptures anticipées et en l'absence de tout accord entre les parties, a par acte du 29 juillet 2015 assigné la société L'ALSACE devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de faire juger fautive la rupture des contrats et obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
La société L'ALSACE s'y est opposée en faisant valoir principalement la nullité des contrats conclus entre les parties.
Par jugement du 11 octobre 2017 assorti du bénéfice de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a jugé valables les contrats de régie objets du litige et en conséquence a condamné la société L' ALSACE à payer à la société BSP la somme de 10.000 euros en indemnisation du préjudice subi concernant le contrat relatif au Journal des Enfants, déboutant la société BSP pour le surplus de ses demandes en dommages intérêts.
La demande de nullité a été rejetée motifs pris de ce que la loi Sapin exonère les régies publicitaires d'un contrat de mandat de la part du support pour lequel elles travaillent, de ce que les contrats souscrits de sont pas exclusifs et qu'il n'est pas établi qu'une telle obligation d'exclusivité est imposée par la loi.
S'agissant des conditions de résiliation des contrats, le contrat du 6 mai 2018 (Journal des Enfants), automatiquement renouvelé, était encore valable jusqu'au 31 décembre 2016 lorsqu'il a été rompu le 26 septembre 2014 par la société L'ALSACE, la clause de renouvellement devant être interprétée comme 'par période de trois années' et non pour une période unique de trois ans.
Concernant le nouveau contrat du 4 janvier 2013 (les quatre magazines), l'arrêt de l'exploitation entraîne de facto une absence de cause aux obligations réciproques des parties tel que stipulé à l'article 1 « Objet du contrat », et donc la caducité du contrat. L'information donnée par la société L'ALSACE à la société BSP de la rupture à son initiative plus de 3 mois avant la date de rupture effective a constitué un délai raisonnable.
L'évaluation du manque à gagner faite par le société BSP pour le contrat relatif au Journal des Enfants correspond à une perte de chance qui ne peut évaluée à un montant identique à l'avantage qu'aurait procuré cette chance.
S'agissant des demandes indemnitaires complémentaires pour désorganisation de l'entreprise, dégradation d'image, manque à gagner sur deux numéros d'un magazine et non respect d'une priorité qui lui était due, le tribunal a débouté pour défaut de preuve de la réalité des préjudices invoqués.
Par déclaration au greffe en date du 07 novembre 2017, la société BSP a interjeté appel du jugement. La société L'ALSACE a interjeté un appel incident.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 24 juillet 2018 par la société BSP aux fins de voir la cour :
Vu notamment l'article 1134 ancien du Code civil,
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 octobre 2017 en ce qu'il a dit que le contrat relatif aux 4 magazines n'avait plus de cause et était devenu caduc et en conséquence débouté la Société BSP de l'intégralité de ses demandes à ce titre et limité à 2.000 euros les dommages-et-intérêts relatifs à la rupture du contrat du 6 mai 2008 relatif au Journal des enfants et refusé d'indemniser les autres postes de préjudice revendiqués à ce titre,
Et statuant à nouveau :
Juger que c'est de façon fautive que la SOCIÉTÉ ALSACIENNE DE PUBLICATION a brutalement et unilatéralement rompu les contrats des 2 janvier 2013 et 6 mai 2008 la liant à la société BSP CONSEIL.
Condamner la SOCIÉTÉ ALSACIENNE DE PUBLICATION à payer à la société BSP CONSEIL à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes concernant la résiliation unilatérale du contrat du 2 janvier 2013 :
-216.521,80 euros au titre du manque à gagner subi,
-30.000 euros au titre de la désorganisation de l'entreprise,
- 40.000 euros à titre de préjudice d'image,
-12.470,50 euros au titre de l'arrêt de la publication du magazine EN BOURGOGNE au milieu de l'année 2014,
- 50.000 euros au titre du non-respect du droit de priorité dû à la société BSP CONSEIL sur le magazine hors-série.
Condamner la SOCIÉTÉ ALSACIENNE DE PUBLICATION à payer à la société BSP CONSEIL à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes concernant la résiliation unilatérale du contrat du 6 mai 2008 :
-11.296 € au titre du manque à gagner,
-5.000 € au titre de la désorganisation de l'entreprise et du préjudice d'image subi.
Débouter la SOCIETE ALSACIENNE DE PUBLICATION de son appel incident ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Condamner la SOCIETE ALSACIENNE DE PUBLICATION à payer à la société BSP CONSEIL une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur la validité du contrat:
La loi Sapin du 29 janvier 1993 impose aux agences de publicité que l'agence soit liée à l'annonceur par un mandat écrit en vertu duquel elle place leurs publicités en traitant avec les supports ou leur représentants de sorte qu'elles n'obtiennent des avantages substantiels dont ne seraient pas informés les annonceurs. Tel n'est pas le cas de la régie publicitaire qui intervient pour le ou les supports et commercialise elle-même les espaces publicitaires qu'elle vend aux annonceurs.
Les régies publicitaires sont légalement assimilées à des vendeurs d'espaces pour le compte de supports, cette vente d'espace constituant l'unique activité de la société BSP depuis plus de 20 ans.
Les régies publicitaires telle BSP n'ont aucune obligation de travailler de façon exclusive.
L'Alsace pouvait contractuellement, sous certaines conditions commercialiser des espaces à des annonceurs.
Les conditions d'exercice de son activité de régie publicitaire par BSP lui permettent d'être considérée comme une émanation des magazines et comme un vendeur d'espaces travaillant pour le compte de l'Alsacienne de Publication.
Sur la résiliation des contrats:
Sur le fondement de l'article 1134 ancien du code civil le contrat du 2 janvier 2013 (les quatre magazines) n'est pas caduc pour disparition de sa cause à la suite de la décision de la société L'ALSACE d'arrêter la publication des magazines .
La cause de l'obligation de l'une des parties réside dans l'objet de l'obligation de l'autre et réciproquement. L'objet de l'obligation de la société BSP n'était pas l'exploitation des magazines mais de trouver des annonceurs qui payeront pour faire insérer de la publicité dans les magazines, tandis que l'objet de l'obligation de la société L'ALSACE consistait à exploiter les magazines pour que les publicités puissent y être insérées et verser à la société BSP sa rémunération.
Le contrat du 2 janvier 2013 était à durée déterminée et devait arriver à échéance le 31 décembre 2016 obligeant la société L'ALSACE à en poursuivre l'exécution jusqu'au terme du contrat. En cessant unilatéralement la publication des magazines, la société L'ALSACE a empêché la société BSPd'accomplir sa prestation , cause du règlement de sa rémunération, ce qui constitue une faute devant engager sa responsabilité en l'absence de démonstration d'un motif économique, le chiffre d'affaires publicitaire réalisé était en réalité stable voire en progression, les mauvais résultats ne pouvant provenir que d'une mauvaise gestion et dans la perspective du rachat de l'Alsace par le groupe DNA.
Le contrat du 6 mai 2008 (Le Journal de l'Enfant JDE) conclu avec un terme au 31 décembre 2010 est un contrat à durée déterminée, reconduit par tacite reconduction pour une période de 3 ans. Le renouvellement du contrat doit se comprendre comme un renouvellement par périodes successives de 3 années, venant à échéance le 31 décembre 2016.
Sur les préjudices subis:
Les préjudices résultant de la résiliation du contrat conclu le 2 janvier 2013 portent sur un manque à gagner sur les années 2015-2016 calculé par l'expert -comptable de la société BSP à partir des factures et comptes de la société afin de déterminer la valeur ajoutée elle-même perdue par la société, une désorganisation de l'entreprise, un préjudice d'image et un préjudice résultant du non respect de son droit de priorité.
S'agissant de la désorganisation de l'entreprise, l'arrêt de la publication des magazines a désorganisé la société et lourdement impacté la trésorerie conduisant au recours au chômage partiel pour certains des employés, des apports des associés , des demandes de report de payement.
S'agissant du préjudice d'image, la résiliation eu pour conséquence que certains annonceurs ne souhaitent plus travailler avec BSP.
S'agissant du non-respect de la priorité due à la société BSP, la société L'ALSACE n'a pas respecté le droit de priorité de la société BSP en ce qu'elle a géré elle-même un hors série composé de publi-rédactionnels sans l'en informer. Ce hors série a généré des commissions de 61.306 euros.
Enfin, sur les préjudices relatifs à la résiliation du contrat conclu le 6 mai 2008 relatif au JDE, le manque à gagner est évalué à 11.296 euros
La rupture a également entraîné un préjudice en termes de désorganisation de l'entreprise et d'image.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 27 avril 2018 par la SOCIÉTÉ ALSACIENNE DE PUBLICATION -L'ALSACE tendant à voir la cour :
Infirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 11 octobre 2017 en ce qu'il a dit et jugé que les contrats de régie publicitaire faisant l'objet du litige étaient parfaitement valables;
Subsidiairement, confirmer le jugement prononcé par tribunal de commerce de Paris le 11 octobre 2017 en ce qu'il a dit et jugé que le contrat de régie publicitaire relatif aux quatre magazines n'avait plus de cause et était devenu caduc, mettant ainsi fin aux obligations réciproques des parties.
Infirmer le jugement prononcé par tribunal de commerce de Paris le 11 octobre 2017 en ce qu'il a condamné la SOCIÉTÉ ALSACIENNE DE PUBLICATIONS au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat de régie relatif au journal des enfants ; condamné la SOCIÉTÉ ALSACIENNE DE PUBLICATIONS en tous les frais et dépens en sus du paiement d'une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du CPC
Et, statuant à nouveau :
Dire et juger que les contrats de régie publicitaire faisant l'objet du litige sont nuls et de nul effet ;
Subsidiairement,
Dire et juger que les contrats ont été valablement résiliés et que le contrat de régie publicitaire relatif aux quatre magazines est caduc ;
Dire et juger qu'en tout état de cause la société BSP CONSEIL ne justifie d'aucun préjudice indemnisable ;
Débouter la société BSP CONSEIL de l'intégralité de ses fins et conclusions ;
La condamner à payer à la SOCIETE ALSACIENNE DE PUBLICATIONS ' L'ALSACE une somme de 5.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC, en sus des entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel.
Sur la nullité des contrats de régie publicitaire:
La régie publicitaire implique nécessairement une exclusivité de la part du support. Or les contrats conclus entre les parties sont des contrats non exclusifs. La société BSP aurait dû être liée aux annonceurs par des contrats de mandat et ne pas recevoir de paiements du support.
Sur la résiliation et la caducité des contrats:
Le contrat initial relatif au JDE a été reconduit pour une durée de 3 années soit jusqu'au 31 décembre 2010. A compter de cette date le contrat était un contrat à durée indéterminée pouvant être résilié à tout moment par les parties moyennant un préavis raisonnable dès lors qu'il n'avait pas été prévu par les parties une reconduction automatique par périodes successives de trois années mais une unique période de trois ans matérialisée par le terme période au singulier.
Si le contrat doit être interprété comme reconduit par périodes successives de trois années, dès lors que rien n'avait été prévu s'agissant des conditions de résiliation lors de la période de reconduction, il doit être considéré que ce contrat pouvait être résilié à tout moment, ce qui exclut la commission d'une faute.
S'agissant du contrat relatif aux quatre magazines, il est justifié d'un motif économique impérieux contraignant à cesser la publication des magazines et donc de résilier le contrat.
La résiliation n'est pas intervenue de manière brutale dès lors que la société BSP a été informée le plus rapidement possible de l'arrêt de la publication des magazines.
La disparition de la cause du contrat entraîne la caducité des contrats de régie publicitaire puisque l'obligation contractuelle respective des parties était le résultat de l'exploitation des magazines.
Les préjudices allégués par la société BSP sont contestés:
A l'évidence, la société BSP continue à commercialiser les espaces publicitaires dans les magazines similaires qui ont remplacé les magazines disparus.
Le préjudice allégué est hypothétique dès lors qu'il est directement lié non seulement à la conjoncture et à la survie du magazine support, mais également, de manière directe, au travail de prospection de la société BSP CONSEIL elle-même.
Les calculs fournis sont contestés et les préjudice tiré de la désorganisation de l'entreprise et le préjudice d'image allégués ne sont pas démontrés.
Les demandes relatives à l'irrespect d'un droit de priorité sont contestées en ce que BSP ne bénéficiait en réalité d'aucun droit de priorité après la résiliation du contrat.
Motifs
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées
Sur l'exception de nullité des contrats litigieux :
Il est édicté à l'article 20 de la loi 93-122 du 29 janvier 1993 dite loi Sapin que « Tout achat d'espace publicitaire, sur quelque support que ce soit, ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires, ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans la cadre d'un contrat écrit de mandat ».
L'article 26 de cette loi dispose que « Pour l'application des articles 20 à 25 de la présente loi, la régie publicitaire est considérée comme vendeur d'espace (...)» .
L'appelant justifie en l'espèce que les contrats litigieux énoncent expressément ( article1er) que:
'Dans le cadre de l'exploitation du JDE, ( ou des magazines) ci-après désigné le support, BSP s'engage à vendre des prestations de publicité aux entreprises et institutions.
Le JDE, (l'éditeur) concède à BSP qui l'accepte, la régie publicitaire non-exclusive de l'hebdomadaire JDE ( des magazines), ci-après désigné(s) le support ( les supports), qu'elle édite.'
L' article 2 définit ensuite les engagements de BSP comme suit :
« (...)
3-2/ BSP traitera directement avec la clientèle, annonceur et agence, sur la base et aux conditions des tarifs figurant sur les ordres d'insertion annexés aux présentes, avec une tolérance de négociation de 40 %. Au delà BSP devra obtenir l'autorisation du JDE. L'insertion par le JDE d'une publicité vaudra acceptation par celui-ci.
3-3/ Les emplacements et options réservées par les annonceurs et recueillis par BSP devront être transmis au JDE au plus tard 7 jours avant la date d'impression du support, et ce a'n de répondre aux conditions techniques fixées, BSP devra suivre l'exécution jusqu'au bon à tirer inclus.
(...)
3-5/ Les emplacements et options réservées par les annonceurs et recueillis par BSP devront être transmis sans délais ou JDE afin de répondre eux conditions techniques fixées.
3-6/ Toute commande de publicité s'effectue à partir d'un ordre d'insertion publicitaire au nom de BSP. (..)»
Les engagements de l'éditeur sont définis comme suit:
« 4-1/ Le JDE (l'Editeur) s'engage à réserver à la publicité tout l'espace nécessaire à l'exécution des ordres de publicité et à insérer ceux-ci dans l'édition de demandée, ( exception faite de la 2ième, 3ième et 4 ième de couverture pour lesquelles BSP devra obtenir l'accord préalable de l'Editeur pour les proposer à la vente.)
BSP fournira, avant le parution de l'édition d'un numéro, une liste des annonceurs indiquant la surface, le prix et l'emplacement retenus par chaque annonceur. L'insertion I par le JDE (l'Editeur) d'une publicité vaudra acceptation par celle-ci.
4-/2/ Le JDE (l'Editeur) se réserve le droit refuser toute proposition de publicité pour sauvegarder son image dont elle est seule juge.
4-3/ Pour la bonne exécution du travail, le JDE (l'Editeur) fournira à BSP les documents nécessaires à la constitution d'un dossier de prospection des annonceurs. Le qualité des documents sera la même que celle utilisée par le JDE (l'Editeur) pour sa propre utilisation (papier à en tête, supports , dossier de presse, etc ).
4-4./ Le JDE (l'Editeur) fournira à BSP deux exemplaires du support par annonceur pour répondre aux justificatifs des annonceurs.
4-5/ Le JDE (l'Editeur) établira au client une facture selon le n° d'ordre et précisant le mode et les délais de règlements. Les règlements des annonceurs sont versés au nom et pour le compte du JDE (l'Editeur) .
4-6/ En échange de la concession de la régie publicitaire, le JDE ( l'Editeur) s'engage à reverser à BSP une redevance calculée comme soit :
Par année ( le JDE):
- 45% pour le première tranche de CA annuel comprise entre 0 et 8000 euros.
- 50% pour la tranche de CA comprise entre 8000 et 16000 euros.
- 55% pour la tranche de CA comprise entre l6000 et 24000 euros
- 60% pour la tranche de CA supérieure à 24.000 euros.
Pour chaque parution du support, il sera établi par BSP un bordereau de la publicité à insérer à partir duquel BSP facturera le JDE (l'Éditeur).
...
Par n° s'agissant des magazines.»
L'examen des contrats et autres pièces énonçant clairement que l'objet du contrat est la vente de prestations de publicité aux entreprises et institutions et la concession à la société BSP qui l'accepte de la régie publicitaire, que la prospection de clientèle est effectuée selon des moyens définis par l'Éditeur: conseils de prospection, documents de prospection et tarifs mentionnant expressément le nom du support, fixation d'une tolérance maximum de négociation, ordre d'insertion contenant le nom de l'Éditeur, délais de transmissions des ordres... , il résulte de l'ensemble de ces productions, sans que l'intimée n'établisse la preuve contraire, que l'activité de prospection exercée par BSP l'est effectivement pour le compte de l'Éditeur, et caractérise une activité de régie publicitaire exclusive du contrat de mandat visé à l'article 20 de la loi susmentionnée.
L'intimée échoue également à démontrer le bien fondé du moyen d'une nécessaire exclusivité de la part du support pour bénéficier du statut de régie publicitaire.
En effet la loi du 29 janvier 1993 n'édicte en aucune façon la condition d'une exclusivité entre le support et le prestataire pour définir le régime de la régie publicitaire.
La simple allégation de l'intimée selon laquelle 'la régie a nécessairement vocation à prendre en charge l'ensemble de l'espace publicitaire du support', la 'régie publicitaire non-exclusive ne pouvant se distinguer d'un autre intermédiaire visé par la loi et pour lequel le contrat de mandat est impératif', en fin que 'dans l'esprit du législateur, l'assimilation de la régie au vendeur lui-même suppose nécessairement, et logiquement, que la régie bénéficie d'une exclusivité', n'est pas suffisante à démontrer à l'encontre de la loi, la nécessité d'un mandat entre l'annonceur prospecté et la société BSP et par conséquent le bien fondé de l'exception de nullité.
La circulaire du 19 septembre 1994 dont se prévaut également l'intimée au soutien de l'exception, propose de considérer le courtier personne physique travaillant exclusivement pour un vendeur d'espace comme une régie ou une sous-régie, considération qui n'exclut pas dès lors l'appelante, exerçant son activité sous la forme d' une société commerciale, de la qualification de régie publicitaire.
Le jugement du 28 mai 1997 prononcé par le tribunal correctionnel de Paris dont se prévaut l'intimée au soutien du moyen d'une nécessaire exclusivité relève que la société incriminée agissant en qualité de régie avait signé avec le support, également poursuivi, un contrat destiné seulement à permettre d'apurer une dette de 630.000 francs à l'égard de l'Editeur et qu'aucune rémunération n'était prévue pour le régisseur, que celui-ci effectuait en réalité 95% de ses achats auprès du même annonceur, et que cette société aurait dû être titulaire d'un mandat écrit pour effectuer les achats et n'aurait pas dû conserver les réductions de 43 à 70% que lui avait accordées le support dans le cadre du prétendu contrat de régie.
Or l'intimée ne fait pas la démonstration que l'appelante est dans une situation identique à celle jugée par le tribunal correctionnel de Paris le 28 mai 1997, les productions de la société BSP établissant au contraire que la société BSP prospecte auprès de nombreux annonceurs, constitués pour l'essentiel d' hôtels, auberges, associations et communes.
Il est établi également que la redevance perçue par la société BSP est versée par l'Editeur en contrepartie du montant du chiffre d'affaires réalisé et non pas d'une insertion publicitaire spécifique, d'une campagne de presse réalisée par un annonceur particulier.
Il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus que c'est à bon droit que le tribunal a débouté l'intimée de l'exception de nullité soulevée de sorte que le jugement est confirmé de ce chef.
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Sur la rupture contractuelle invoquée:
Le contrat du 2 janvier 2013 ( les quatre magazines) portant sur la concession de régie dans le cadre de l'exploitation de différentes publications, à échéance au 31 décembre 2016, a fait l'objet d'une lettre de résiliation adressée à BSP le 24 septembre 2014 à effet le 31 décembre 2014.
La lettre de résiliation ne contient aucun motif.
L'intimée fait valoir la décision de mettre fin à la publication des magazines.
C'est inexactement que le tribunal de commerce a rejeté la prétention de la société BSP au caractère fautif de la résiliation intervenue, en retenant que le contrat du 2 janvier 2013 était privé de cause à la suite de l'arrêt de l'exploitation par l'Alsace au 31 décembre 2014, et devenait caduc ce qui mettait fin aux obligations réciproques des parties.
En effet, la cause de l'obligation de l'une des parties réside dans l'objet de l'obligation de l'autre et réciproquement.
L'objet du contrat n'est pas l'exploitation des magazines ainsi que le soutient justement l'appelant, le magazine constituant le support, mais la concession de la régie publicitaire en contrepartie d'une commission sur le chiffre d'affaires réalisé de sorte que la cessation d'exploitation des publications décidée au 31 décembre 2014 par l'Editeur, n'a pas privé de cause l'obligation de prospection et rendu caduc le contrat de concession publicitaire.
La décision unilatérale de mettre fin à l'exploitation du contrat ne peut être assimilée à la perte de la chose entraînant la caducité du contrat.
Il est établi en revanche que ce contrat à durée déterminée à échéance au 31 décembre 2016 a fait l'objet d'une résiliation anticipée.
Pour faire valoir une exonération de la responsabilité contractuelle encourue, l'intimée soutient lecaractère de force majeure que constitue la situation économique des publications dont le résultat cumulé était déficitaire, que réfute l'appelant pour lequel la décision d'arrêter la publication est unilatérale, quelles qu'en soient les raisons, soutenant que cette décision a été prise à l'occasion du rachat de l'intimée par les DNA, et ce pour ne pas faire concurrence à d'autres magazines déjà édités par ces dernières et dont l'intimée devient co-éditeur immédiatement après la décision de ne plus faire paraître les magazines, tel que cela résulte des pièces produites par l'appelant.
La force majeure s'entendant de la survenance d'un événement extérieur, imprévisible et irrésistible, il appartient à l'intimée de faire la démonstration que les résultats financiers négatifs dont elle excipe rendent impossible la continuation du contrat.
En l'espèce les documents comptables versés par l'intimée laissent certes apparaître un résultat déficitaire concernant le résultat net cumulé pour les magazines, le chiffre d'affaires publicité issu de la prospection réalisée par l'appelante représentant en revanche une partie significative du chiffre d'affaires , mais l'intimée ne démontre pas que la cause du résultat déficitaire dont elle se prévaut présente le caractère d'une force majeure et rend totalement impossible la poursuite de l'activité objet du contrat, l'appelant rapportant en ce qui le concerne la preuve d'une opération économique de rachat de l'Alsace par le groupe de presse DNA, et l'existence non sérieusement contestable d'une situation de concurrence entre les publications citées des deux entités de presse dans la situation de poursuite de la publication des magazines support de la publicité, situation propre à l'Editeur qui exclut la force majeure.
L'intimée ayant pris unilatéralement et sans motif légitime la décision d'arrêter la publication des supports publicitaires, la résiliation du contrat de régie publicitaire qu'elle a prononcée sans respecter les dispositions sur la durée du contrat dont le terme était contractuellement fixé au 31 décembre 2016 présente un caractère fautif.
Le contrat du 6 mai 2008 relatif au Journal des Enfants conclu pour une durée dont le terme était le 31 décembre 2010, et reconduit à l'issue de cette période automatiquement par période de trois années sauf résiliation par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par le destinataire au minimum trois mois avant l'expiration du présent contrat , a fait l'objet d'une résiliation par l'intimée par lettre recommandée adressée le 26 septembre 2014.
La société L'ALSACE reprenant au soutien de sa prétention que le contrat litigieux est devenu un contrat à durée indéterminé par suite d'une reconduction pour une seule période de trois ans, susceptible d'être ensuite résilié à tout moment par les parties moyennant un préavis raisonnable, moyens soutenus devant le premier juge c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que le contrat était encore valable jusqu'au 31 décembre 2016, ce contrat, reconductible par périodes de trois ans étant demeuré un contrat à durée déterminée, de sorte que cette stipulation claire et précise s'oppose au moyen d'une tacite reconduction pour une période indéterminée autorisant les parties à résilier à tout moment moyennant un préavis raisonnable.
La résiliation du contrat par lettre adressée recommandée le 26 septembre 2014 pour le 31 décembre 2014 ne respectant pas les dispositions contractuelles, est fautive.
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Sur le préjudice subi :
L'allégation selon laquelle la société BSP continue à commercialiser les espaces publicitaires dans les magazines similaires qui ont remplacé les magazines disparus au soutien de la contestation d'un préjudice subi par l'appelante, est écartée.
L'appelante justifie que la résiliation des contrats occasionne une perte de son chiffre d'affaires.
Au titre du contrat du 2 janvier 2013 dont le support d'édition sont les magazines, elle a reconstitué son chiffre d'affaires sur trois années au moyen des factures entre l'Alsace et BSP, par le truchement de son expert-comptable:
- 2011: 128.962 euros;
- 2012: 108.162 euros;
- 2013:112.318 euros;
soit 349.318 euros.
L'appelante sollicite l'octroi de ce montant au titre de la 'valeur ajoutée'. Cette méthode de calcul du préjudice ne tenant pas compte des coûts totaux sera écartée au profit de la marge brute que la cour évaluera, compte tenu des éléments versés à 60 % du chiffre d'affaires moyen s'élevant à 116.439 euros, pendant les deux années restant à courir, soit la somme de 69863,40 euros X2 , la somme de 139.726,80 euros.
La demande de majoration de préjudice sollicitée à hauteur de 19.683,802 euros au titre du prochain numéro à sortir après la date du 31 décembre 2016, est rejetée, cette date représentant le terme du contrat.
L'appelant forme une demande spécifique d'indemnisation au titre de la prospection pour le magazine 'en Bourgogne' dont la publication a été arrêtée au mois de juin 2014 à la suite d'une résiliation verbale , au titre d'une perte de chiffre d'affaires portant sur la moitié des numéros restant à publier,
- 2011: 30.160 euros;
- 2012: 26.196 euros;
- 2013: 27.368 euros;
soit 83.724 euros.
Il sera alloué en réparation du préjudice subi, par application d'un taux de marge brute évaluée à 60 % du chiffre d'affaires moyen s'élevant à 27.908 euros soit la somme de 16.744,80 euros.
Il est alloué en réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat du 2 janvier 2013 la somme de 156.471,60 euros.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la société BSP de sa demande en dommages et intérêts.
L' appelante sollicite l'indemnisation d'un préjudice résultant du non-respect de la priorité due à la société BSP:
L'article 2.2 du contrat stipule que « l'éditeur ou toute autre entreprise du Groupe SFEJIC aura la possibilité de commercialiser des prestations de publicité dans les supports à des entreprises et institutions facturées dans les départements 25 ' 67 ' 68 ' 70 et 90.
Préalablement à tout démarchage par l'éditeur, une liste précisant le nom de ces entreprises et institutions sera établie et décidée d'un commun accord entre BSP CONSEIL et l'AME et annexée aux présentes.
L'article 4.12 du contrat prévoit que « L'ALSACE renverra à BSP CONSEIL toutes les demandes de prix et propositions qui pourront lui parvenir directement en lui laissant le soin de faire le nécessaire ».
Ainsi que l'appelante le conclut, le hors-série a été édité après la rupture en décembre 2016, de sorte que le contrat ne stipulant aucun droit de priorité pour la société BSP après la résiliation du contrat, c'est à bon droit que le tribunal a débouté la société BSP de sa demande.
Au titre du contrat du 6 mai 2018 ( JDE), l'appelante justifie du chiffre d'affaires suivant:
- 2011: 9.978 euros ;
- 2012: 1.630 euros ;
- 2013: 5.586 euros ;
soit 16.944 euros.
Il sera alloué en réparation du préjudice subi, par application d'un taux de marge brute évaluée à 60 % du chiffre d'affaires moyen s'élevant à 5648 euros, pendant les deux années restant à courir, soit la somme de 3388,80 euros X2, la somme de 6777,60 euros.
L'appelante sollicite enfin l'allocation de dommages et intérêts pour l'indemnisation d'un préjudice de désorganisation de l'entreprise et d'un préjudice d'image, au titre de chacun des contrats.
Il est justifié notamment par deux décisions d'autorisation de l'allocation d'activité partielle en date du 14 novembre 2011 concernant deux salariés, de discussion avec l'administration fiscale sur des difficultés de payement, d'une désorganisation de l'entreprise et d'un préjudice auprès des tiers de sorte qu'il est alloué en réparation de la désorganisation de l'entreprise et du préjudice d'image préjudices deux fois la somme de 5000 euros .
La désorganisation et le préjudice d'image affectant une seule entreprise, à savoir la société BSP, l'appelante est déboutée de la demande qu'elle forme au titre des deux contrats litigieux.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement dont appel sauf du chef de la condamnation de la société ALSACIENNE DE PUBLICATION -L'ALSACE à payer à la société BSP CONSEIL la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, et du débouté de la société BSP de toutes ses autres demandes en payement de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société ALSACIENNE DE PUBLICATION -L'ALSACE à payer à la société BSP CONSEIL la somme de :
- 156.471,60 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du manque à gagner au titre du contrat du 2 janvier 2013 (les quatre magazines) ;
- 6777,60 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du manque à gagner au titre du contrat du 6 mai 2018 (JDE) ;
- 5000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de la désorganisation de l'entreprise ;
- 5000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image ;
Déboute la société BSP CONSEIL de plus amples demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ALSACIENNE DE PUBLICATION -L'ALSACE à payer à la société BSP CONSEIL la somme de 5000 euros ;
Rejette toute demande autre ou plus ample ;
Condamne la société ALSACIENNE DE PUBLICATION -L'ALSACE aux entiers dépens.
Le greffier Le président