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21/11/2019 | FRANCE | N°18/26733

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 21 novembre 2019, 18/26733


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/26733 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Y6F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2018 -Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2016L01076





APPELANTE :



Société ACTIPIERRE EUROPE, Agissant poursuites et dili

gences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 500 156 229

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/26733 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Y6F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2018 -Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2016L01076

APPELANTE :

Société ACTIPIERRE EUROPE, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 500 156 229

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053,

Assistée de Me Elsa BEUCHER-FLAMENT et Me Jacques VAROCLIER de la SCPA VAROCLIER, avocats au barreau de PARIS, toque K0145

INTIMÉS :

Monsieur [L] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BINEAU MAISON VINCENNES, SARL, dont le siège est sis [Adresse 3], immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 503 219 537

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Driss FALIH de la SELARL RACCAT FALIH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0158

SNC HERACLES COMMERCES, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 441 422 243

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Arié ALIMI de la SELEURL Arié Alimi Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : E1899

Assistée de Me Yelena CENARD de la SELEURL Arié Alimi Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : E1899

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 17 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aline DELIERE, conseillère et Madame Michèle PICARD, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Michèle PICARD, Présidente

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Mme Aline DELIERE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La Sarl Bineau Maison Vincennes est une société exerçant une activité d'ameublement et de décoration d'intérieur.

Par acte en date du 27 mal 2010, la société Dave France aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la Sarl Bineau Maison Vincennes, a conclu, en qualité de preneur, un bail avec la société Opéra, aujourd'hui société Heracles Commerces.

Par acte en date du 22 septembre 2014, la société Heracles Commerces a cédé les locaux commerciaux à la société Actipierre Europe.

La Sarl Bineau Maison Vincennes n'ayant pas réglé les loyers dus au bailleur, la société Actipierre Europe, celle ci a pratiqué une saisie~conservatoire sur les comptes de la Sarl Bineau Maison Vincennes et a assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance, lequel a, par ordonnance en date du 15 juin 2015, condamné la Sarl Bineau Maison Vincennes à payer les sommes dues.

La société Actipierre Europe a obtenu courant 2015 le paiement partiel de ces loyers par la conversion de la saisie conservatoire, par la mise en place de saisies attribution et par l'obtention de paiements directs de la part de la Sarl Bineau Maison Vincennes .

Puis, le 20 janvier 2016, la société Actipierre Europe a assigné la Sarl Bineau Maison Vincennes en redressement judiciaire.

Suite à cette assignation, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé le redressement judiciaire de la société Bineau par un jugement en date du 16 mars 2016, a désigné la Selarl [N] prise en la personne de Me [L] [N] en qualité d'administrateur judiciaire et Me [L] [J] en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 16 septembre 2014.

Le 20 avril 2016, Maître [J], ès qualités, et la société Bineau ont assigné la société Actipierre Europe afin que cette dernière rembourse les sommes ainsi perçues au motif qu'elles l'auraient été pendant la période suspecte alors que, selon eux, la société Actipierre Europe était parfaitement informée de l'état de cessation des paiements de la Sarl Bineau Maison Vincennes.

Les 30 mai et 9 juin 2016, la société Actipierre Europe a assigné la société Heracles Commerces qui lui avait cédé les locaux au motif que. selon elle, cette dernière avait dissimulé les difficultés de paiement de son locataire et n'avait pas respecté les obligations qui étaient les siennes lors de la cession de ces locaux.

Par la suite, le tribunal de commerce de Créteil par jugement du 15 juin 2016, a converti la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire, mettant fin à la mission d'administrateur de la Selarl [N] et nommé Me [L] [J] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 7 novembre 2018 le tribunal de commerce de Créteil a joint ces affaires, annulé les saisies pratiquées per la société Actipierre Europe à l'encontre de la société Sarl Bineau Maison Vincennes suite à l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Créteil en date du 15 juin 2015, condamné la société Actipierre Europe à rembourser à Me [L] [J] ès qualités de liquidateur de la société Sarl Bineau Maison Vincennes, la somme de 183.174.57€, correspondant au total des sommes saisies, annulé les trois virements faits par la société Sarl Bineau Maison Vincennes à la société Actipierre Europe du 5 août 2015 au 18 septembre 2015, condamné la société Actipierre Europe à rembourser à Me [L] [J] es qualité de liquidateur de la société Sarl Bineau Maison Vincennes la somme de 31.557,00€ correspondant à ces virements, rejeté la demande de la société Actipierre Europe d'inscription au passif de la créance de restitution suite à la décision du tribunal, rejeté les demandes de la société Actipierre Europe de garantie à l'encontre de la société Heracles Commerces, dit la société Heracles Commerces irrecevable à présenter une demande au visa de l'article 32 1 du code de procédure civile et l'en a débouté, condamné la société Actipierre Europe à payer à Me [L] [J], es qualités de liquidateur de la société Sarl Bineau Maison Vincennes, une somme de 3.000,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté Me [L] [J], ès qualités de liquidateur de la société Sarl Bineau Maison Vincennes du surplus de sa demande, condamné la société Actipierre Europe à payer à la société Heracles Commerces une somme de 1.500,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté le société Heracles Commerces du surplus de sa demande, débouté la société Actipierre Europe de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, prononcé l'exécution provisoire, rejeté la demande de caution de la société Actipierre Europe à ce titre et condamné la société Actipierre Europe aux entiers dépens.

La société Actipierre a interjeté appel de cette décision le 22 novembre 2018.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 juin 2019, la société Actipierre demande à la cour d'appel de :

Vu les articles 31, 86 et 122 et suivants, 86 et 700 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1347 et suivants nouveaux, et 1116 et 1382 anciens, et 1315 ancien, devenu 1353 nouveau du Code civil,

Vu les articles L631-1 et L632-2 du Code de commerce,

Vu les jurisprudence et pièces versées aux débats,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 7 novembre 2018,

en ce qu'il a :

- annulé les saisies pratiquées par la société Actipierre Europe à l'encontre de la société Sarl Bineau Maison Vincennes suite à l'ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Créteil du 15 juin 2015,

- condamné la société Actipierre Europe à rembourser à Maître [L] [J] ès qualités de liquidateur de la société Sarl Bineau Maison Vincennes, la somme de 183 174,67 € correspondant au total des sommes saisies,

- annulé les trois virements faits par la société Sarl Bineau Maison Vincennes à la société Actipierre Europe du 5 août 2015 au 18 septembre 2015,

- condamné la société Actipierre Europe à rembourser à Maître [L] [J] ès qualités de liquidateur de la société Sarl Bineau Maison Vincennes, la somme de 31 557 € correspondant aux dits virements,

- rejeté les demandes de la société Actipierre Europe de garantie à l'encontre de la société Heracles Commerces,

- en conséquence n'a pas statué sur la demande d'Actipierre de condamnation de la société Heracles Commerces à l'indemniser de la perte locative par elle subie de son fait,

- condamné la société Actipierre Europe à payer à Maître [L] [J] ès qualités la somme de 3.000 € au titre de l'article 700, et à la société Heracles Commerces la somme de 1.500 € au titre de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens

- débouté la société Actipierre Europe de sa demande au titre de l'article 700,

Et statuant à nouveau :

A l'encontre de Maître [L] [J] ès qualités :

o A titre principal :

- constater que par le jeu de la compensation légale, l'action en nullité intentée par le liquidateur n'aurait pas pour effet de reconstituer l'actif net du débiteur,

- dire en conséquence son action irrecevable faute pour le liquidateur de justifier d'un intérêt à agir,

- rejeter purement et simplement ses demandes.

o A titre subsidiaire et si par extraordinaire la Cour venait à juger l'action du liquidateur recevable :

- constater le caractère objectivement illégitime et injustifié de la date de cessation des paiements fixée au 16 septembre 2014 par le Tribunal,

- dire qu'Actipierre Europe ne pouvait avoir connaissance de l'état de cessation des paiements allégué au moment des saisies et virements opérés, au regard notamment du moratoire judiciaire dont bénéficiait Bineau Maison Vincennes,

- dire en conséquence que les paiements et saisies litigieux ne présentent aucun caractère suspect, et sont parfaitement valables,

- débouter en conséquence le liquidateur de ses demandes de nullité des paiements et saisies effectués.

o A titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire la Cour venait à confirmer la nullité des saisies et paiements :

- limiter la créance de restitution du liquidateur à la somme de 125.269,20 € au regard de l'absence de conversion de la saisie-attribution pratiquée à hauteur de 89.462,47 €,

- dire que la créance de restitution du liquidateur se compensera légalement de plein droit avec celle des loyers et charges postérieurs privilégiés dus à Actipierre Europe, à due concurrence,

- en conséquence, dire que par le jeu de la compensation, le liquidateur reste débiteur à l'égard d'Actipierre au titre des loyers postérieurs privilégiés à hauteur de 42.090,50 €,

o En tout état de cause :

- débouter le liquidateur de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 et in solidum avec Heracles Commerces aux entiers dépens.

A l'encontre de la société Heracles Commerces

o dire que le Tribunal aurait dû statuer sur la demande de condamnation formulée par Actipierre à l'encontre d'Heracles Commerces, au regard de sa compétence par lui précédemment revendiquée, puis confirmée par la Cour d'appel et devenue définitive,

o dire que les déclarations mensongères d'Heracles Commerces dans l'acte authentique de vente en date du 22 septembre 2014 constituent des man'uvres dolosives caractérisées,

o dire qu'en ne portant pas à la connaissance d'Actipierre lors de la vente, les difficultés financières de Bineau Maison Vincennes, alors qu'elle en avait parfaitement connaissance, Heracles Commerces s'est rendue coupable de dol, la solvabilité du locataire commercial constituant un élément déterminant de l'investissement réalisé,

o dire que le dol d'Heracles Commerces a été déterminant du consentement d'Actipierre Europe,

o dire que par ses agissements dolosifs, Heracles Commerces a causé un préjudice à Actipierre Europe, égal à la perte locative subie,

o condamner en conséquence Heracles Commerces à indemniser Actipierre Europe à hauteur de :

- 709.208,38 € si la Cour déboute le liquidateur de ses demandes de nullité des saisies et paiements opérés,

- 923.940,05 € si par extraordinaire la Cour venait à confirmer la décision du Tribunal de commerce du 7 novembre 2018 sur ce point, et ouvrir droit à une créance de restitution,

o débouter Heracles Commerces de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de condamnation pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

o la condamner au paiement personnel de la somme de 25.000 € au titre de l'article 700, aux entiers dépens et in solidum au paiement des 10.000 € mis à la charge de Maître [J] ès qualités.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 avril 2019 la société Heracles Commerces demande à la cour d'appel de :

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS le 7 novembre 2018 en toutes ses dispositions;

En conséquence :

- débouter la Société Actipierre Europe de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire :

- dire que le préjudice invoqué par la société Actipierre Europe n'est pas démontré ;

En conséquence :

- débouter la société Actipierre Europe de sa demande de condamnation à l'égard de la société Hercales Commerces ;

En tout état de cause :

- condamner la société Actipierre Europe au paiement de la somme de 10.000 Euros de dommages intérêts en application de l'article 1240 du Code civil ;

- condamner la société Actipierre Europe au paiement de la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

***

La déclaration d'appel a été régulièrement signifiée à Maître [J], ès qualités, par acte d'huissier délivré le 18 janvier 2019. Maître [J] a constitué avocat le 31 janvier 2019. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées le 1er février 2019. Maître [J] n'a pas conclu dans les délais de l'article 909 et suivants du Code de procédure civile.

SUR CE

Sur le défaut d'intérêt à agir du liquidateur

La société Actipierre fait valoir que l'action intentée par Maître [J] ne vise pas à reconstituer l'actif de la débitrice mais à compenser la dette de loyers postérieurs dus au cours de la période d'observation ouverte depuis le 16 mars 2016.Les locaux n'ont été restitués que le 19 septembre suivant et aucun loyer n'a jamais été versé de sorte qu'elle dispose d'une créance de loyers de 170.000 euros.

La cour rappelle que si la société Actipierre était condamnée à rembourser les paiements obtenus avant l'ouverture de la procédure collective la compensation ne pourrait s'effectuer qu'avec sa créance postérieure au jugement d'ouverture. Or cette créance n'est pour l'instant pas déterminée.

La société Actipierre sera donc déboutée de sa demande.

Sur la nullité des paiements

La société Actipierre fait valoir d'une part que la société Bineau n'était pas en état de cessation des paiements lors des paiements litigieux et que la date retenue par le tribunal est injustifiée et d'autre part qu'elle n'avait pas connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Bineau.

Aux termes des dispositions de l'article L 632-2 du code de commerce 'Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements (...) Peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements Tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci'.

C'est au débiteur qu'appartient la charge de la preuve de la connaissance par le créancier de l'état de cessation des paiements.

En l'espèce la date de cessation des paiements a été fixée au 16 septembre 2014 et les saisies attribution et paiements litigieux sont intervenus en 2015.

La société Actipierre conteste d'une part la date de cessation des paiements retenue par le tribunal et d'autre part en avoir eu connaissance au moment des règlements de sa débitrice.

Il ressort des pièces qu'elle produit aux débats que le bilan de la société Bineau arrêté au 31 décembre 2014 montre l'existence d'un actif circulant de près de 270.000 euros, supérieur à la créance d'Actipierre. Certes l'actif circulant n'est pas de la trésorerie mais c'est néanmoins un indice sur la situation financière de la société.

Les éléments retenus par le tribunal pour estimer qu'Actipierre avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Bineau depuis le 16 avril 2015 et pour la condamner à rembourser les paiements reçus sont la saisie conservatoire dénoncée le 16 avril 2015 qui n'a permis de bloquer 'sur l'ensemble des comptes bancaires' qu'un montant de 89.462, 47 euros alors que la créance échue s'élevait à 215.689, 22 euros..

Cependant la société Actipierre fait observer que le 15 juin 2015 la société Bineau a obtenu un moratoire judiciaire de paiement des loyers de douze mois, moratoire qui n'aurait pas été accordé si la société avait été sans nul doute en état de cessation des paiements. Ce moratoire a eu pour conséquence de rendre la dette non exigible tant qu'il était respecté. C'est ainsi que des virements sont intervenus en application de ce moratoire les 5 août, 7 septembre et 18 septembre 2015. L'échéancier obtenu suite à la décision du 15 juin 2015 a donc été respecté par la société Bineau jusqu'au mois de novembre 2015.

Parallèlement la société Actipierre a pratiqué 3 saisies attribution en septembre, octobre et décembre 2015 pour des sommes respectives de 53.684, 54 euros, 9.903, 93 euros et 30.123, 73 euros.

L'assignation en ouverture de liquidation judiciaire n'a été délivrée qu'en janvier 2016 après qu'il ait été constaté par le créancier que la société débitrice n'était pas en mesure d'observer l'échéancier.

Il ressort de ces éléments, d'une part des saisies attributions qui bien que n'étant pas suffisantes à apurer le passif de loyers ont néanmoins permis de récupérer une partie de la créance ,d'autre part de l'octroi d'un échéancier, respecté pendant quelques mois, que si la société Actipierre n'ignorait pas les difficultés financières de son locataire, il n'est pas démontré pour autant qu'elle connaissait son état de cessation des paiements dès le 16 avril 2015.

De plus la société Bineau a tenté de renégocier le montant de son loyer, notamment par un courrier de février 2015, laissant ainsi penser que si ce loyer était diminué au prix du marché, elle pourrait y faire face.

En l'absence d'autres éléments la cour considère qu'il n'est pas établi que la société Actipierre Europe ait eu connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Bineau Maison Vincennes au moment où les saisies conservatoires ont été pratiquées et les virements effectués.

Le jugement sera donc infirmé.

Sur la condamnation d'Heracles

Sur la compétence

La société Actipierre conteste la décision du tribunal de commerce qui a estimé qu'il n'était pas compétent dans le cadre de ce litige pour connaître de la responsabilité d'Heracles vis à vis d'Actipierre alors qu'il a lui même ordonné la jonction des deux procédures.

La société Heracles demande la confirmation du jugement.

La cour relève en premier lieu que, saisie d'un contredit introduit par la société Heraclés à la suite d'une décision du tribunal de commerce de Créteil s'étant estimé compétent pour connaître de l'action en garantie exercée par la société Actipierre à l'encontre de la société Héraclès dans le cadre de ce litige elle avait rappelé que qu'en vertu des dispositions de l'article R 662-3 du code de commerce le tribunal saisi de la procédure collective est compétent pour connaître de tout ce qui la concerne hormis quelques exceptions étrangères au litige. Pou les actions qui ne sont pas directement nées de la procédure collective il convient d'examiner si la procédure collective exerce une influence juridique sur ces actions. En vertu de ce principe la cour d'appel a donc jugé que dès lors que la société Héraclès avait été mise en cause afin de garantir la société Actipierre d'une condamnation à rembourser les sommes reçues pendant la période suspecte, le tribunal de commerce était compétent.

La cour ayant infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu'il a condamné la société Actipierre à rembourser les sommes perçues pendant la période suspecte, la société Actipierre n'a plus à se voir garantir par Héraclès de cette condamnation.

C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce a jugé que la demande d'Actipierre à l'encontre d'Héraclès devaient être rejetées, le tribunal de la procédure collective n'étant pas compétent pour en connaître.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point par substitution de motifs.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu'elles ont engagées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.

Les demandes à ce titre seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME dans sa totalité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil le 7 novembre 2018 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'Actipierre Europe à l'encontre de la société Héraclès Commerces,

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société Actipierre Europe et la société Héraclès Commerces de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/26733
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°18/26733 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;18.26733 ?
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