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20/11/2019 | FRANCE | N°17/23086

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 20 novembre 2019, 17/23086


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019



(n°2019- 385 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/23086 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4VN7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de [Adresse 3] - RG n° 15/11002





APPELANT-ES



Monsieur [B] [C]
r>né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 3] (45)

Domicilié [Adresse 1]

[Adresse 4]



ET



Madame [Q] [I]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 4] (67)

Domiciliée [Adresse 1]

[Adre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2019

(n°2019- 385 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/23086 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4VN7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de [Adresse 3] - RG n° 15/11002

APPELANT-ES

Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 3] (45)

Domicilié [Adresse 1]

[Adresse 4]

ET

Madame [Q] [I]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 4] (67)

Domiciliée [Adresse 1]

[Adresse 4]

ET

Madame [P] [C]

née le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 2] (37)

Domiciliée [Adresse 1]

[Adresse 4]

Représentés par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

INTIMES

COMMUNE DE SCHOENBOURG, représenté par son maire en exercice

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0462

ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE ALSACE NORD, pris en la personne de son représentant légal

Ayant ses bureaux [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Laure FLORENT de l'AARPI FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0549

Ayant pour avocat plaidant Me Lucie LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E0549

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Ayant ses bureaux [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christian HOURS, président de chambre

Madame Marie-Claude HERVE, conseillère

Madame Anne de LACAUSSADE, conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par M. [M] [J] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

Greffière, lors du délibéré: Mme Delphine DENEQUE

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, non représenté lors des débats, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, Président de chambre et par Mme Delphine DENEQUE, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

A la suite de son audition en garde à vue pour des menaces de mort sur son employeur, M. [B] [C], alors agent technique de l'Office National des Forêts dans la maison forestière de [Localité 5], a fait l'objet, au visa de l'article L.3213-2 du code de la santé publique, d'un arrêté de placement provisoire pris le 27 mai 2014 par le maire de cette commune, au centre hospitalier de [Adresse 2].

Le docteur [Y], psychiatre, l'a examiné, le 27 mai 2014 et le docteur [N], praticien de l'Etablissement public de Santé Alsace Nord, le 28 mai 2014.

Par arrêté du 28 mai 2014, le préfet du Bas Rhin a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de M. [C] à l'Etablissement public de santé Alsace Nord jusq'au 27 juin 2014 inclus sous la réserve de la décision éventuelle prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique.

Le docteur [W] a rédigé le certificat des 72 heures le 30 mai 2014.

Par arrêté du 2 juin 2014, le préfet a décidé la poursuite des soins psychiatriques de M. [C] en hospitalisation complète.

Le 5 juin 2014, le maire de la commune a pris un arrêté de retrait de sa précédente décision, au motif d'une «erreur manifeste d'appréciation des motifs du placement provisoire ».

Le 6 juin 2014, le juge des libertés et de la détention a jugé régulière la mesure de soins psychiatrique sans consentement de M. [C] et a maintenu son hospitalisation.

En vertu d'un arrêté préfectoral de fin de placement du 20 juin 2014, M. [C] est sorti de l'Epsan le 21 juin 2014.

Estimant irrégulière la procédure suivie pour son hospitalisation d'office, M. [B] [C], Mme [Q] [I], sa compagne et Mme [P] [C], sa fille, (les consorts [C]), ont fait assigner, les 30 juin, 9 et 13 juillet 2015, la commune de Schoenbourg, l'établissement public de santé Alsace Nord et l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Paris en annulation des arrêtés et en indemnisation.

Par jugement du 9 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'ensemble des demandes des consorts [C] et les a condamnés aux dépens.

Cette juridiction a notamment considéré que :

- le premier arrêté du maire reprend les termes du certificat médical du docteur [Y], psychiatre, auquel il se réfère et qui indique expressément que M. [B] [C] présente des anomalies mentales et une dangerosité psychiatrique, qu'il doit faire l'objet de soins psychiatriques et bénéficier d'une hospitalisation complète ;

- au vu d'un tel certificat médical, le maire ne disposait pas d'autre choix que d'ordonner le placement de l'intéressé ;

- le fait que le maire ait pris un second arrêté le 5 juin 2014 ordonnant le retrait du précédent arrêté pour erreur manifeste d'appréciation est sans effet sur la validité de la mesure, qui ne pouvait être que provisoire et devait être confirmée par le préfet dans un délai maximum de 48 heures ;

- l'arrêté préfectoral du 28 mai 2014 vise l'arrêté municipal, le certificat médical du 27 mai et le certificat médical de 24 heures et a été notifié à M. [B] [C] le même jour ; il n'était pas obligatoire d'agrafer le certificat médical à cet acte administratif, qui devait seulement s'y référer ; eu égard à l'état de M. [C], il était justifié d'appliquer la procédure d'admission en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, laquelle permet de déroger aux dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ;

- l'arrêté du 2 juin 2014 ordonne la prolongation de l'hospitalisation et vise le certificat médical du docteur [W] du 30 mai 2014 ; il a été notifié le même jour à M. [B] [C] qui a signé l'accusé de réception ; ce certificat énonçait que si le patient a été admis en soins psychiatriques à la suite d'une garde à vue liée à des menaces de mort proférées à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques, celui-ci se présente de manière très opposante, manifestant une psychorigidité, une fausseté du jugement, un raisonnement paralogique et des éléments projectifs. Il conclut que la mesure doit être maintenue ;

- il n'appartenait pas plus au préfet d'entendre les observations de M. [C] avant de prendre l'arrêté, dès lors que les dispositions de l'article L. 3211-3 n'étaient pas applicables;

- les deux certificats médicaux initiaux en date du 27 mai 2014, produits aux débats, sont rédigés exactement à l'identique, signés par le même praticien et les deux signatures proviennent manifestement de la même main, même si la boucle finale n'est pas rigoureusement identique dans les deux cas ; il résulte des textes visés par le préfet que le certificat médial qui lui a été transmis est nécessairement celui qui se réfère à l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, d'autant que l'article L.3213-5 rappelé dans l'autre certificat n'existe pas ;

- l'arrêté préfectoral ayant été pris dans le délai légal, M. [C] ne caractérise pas le grief tenant à un retard de transmission ;

- s'agissant de la notification prétendue tardive de ses droits à M. [C] par l'établissement médical, si l'article L. 3 211-3 du code de la santé publique prescrit d'informer le patient le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, il est aussi précisé que l'information a lieu aussitôt que son état le permet ; les constatations médicales d'un délire paranoïaque chez M. [C] par le docteur [Y], le 27 mai 2014, justifient que la notification des mesures prises à l'encontre de M. [B] [C] n'ait pas nécessairement eu lieu immédiatement ;

- dès le 27 mai 2014, la notification d'une mesure de soins psychiatriques a été faite à M. [B] [C] comme en atteste l'acte signé par le directeur ; le 30 mai 2014, le docteur [W] indique qu'elle a informé le patient de la forme de sa prise en charge, ainsi que de ses droits, voies de recours et garanties et que les observations du patient ont pu être recueillies ;

- l'arrêté préfectoral du 2 juin 2014 a été notifié à M. [B] [C] le 3 juin 2014 ;

- les prescriptions légales concernant la notification des décisions ont ainsi été respectées, au vu de l'état de santé de M. [B] [C].

Les consorts [C], qui ont interjeté appel de cette décision, demandent à la cour, aux termes de leurs dernières conclusions du 14 mai 2018, l'infirmation du jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- de juger que les arrêtés administratifs d'internement pris par le maire le 27 mai 2014 et de maintien pris par le préfet les 28 mai et 2 juin 2014 sont entachés d'irrégularité ;

- de juger que la procédure d'hospitalisation forcée de M. [C] est irrégulière ;

- d'annuler les mesures administratives susvisées ;

- de condamner l'agent judiciaire de l'Etat à verser à M. [C] la somme de :

* 50 000 euros au titre de l'atteinte à la liberté d'aller et venir ;

* 50 000 euros au titre des conditions spécifiques propres à l'internement ;

* 10 000 euros au titre de la violation du droit au respect de la vie privée ;

- de condamner la commune de Schoenbourg à verser à M. [C] la somme de :

* 1 000 euros au titre de l'atteinte à la liberté d'aller et venir ;

* 1 000 euros au titre des conditions spécifiques propres à l'internement ;

- de condamner solidairement l'Etablissement public de Santé Alsace Nord et l'agent judiciaire de l'Etat à verser à titre de dommages et intérêts au bénéfice de M. [C] la somme de 10 000 euros pour défaut d'information sur les raisons de l'internement ainsi que pour la notification tardive des droits et voies de recours ;

- de juger que M. [C] n'est redevable d'aucuns frais médicaux afférents à son hospitalisation forcée ;

- de condamner solidairement la commune de Schoenbourg et l'agent judiciaire de l'Etat à verser à :

* Mme [Q] [I], en sa qualité de victime par ricochet, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et de l'atteinte à la vie familiale ainsi que du préjudice financier en raison de l'internement irrégulier ;

* Mme [P] [C], en sa qualité de victime par ricochet la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et de l'atteinte à la vie familiale ainsi que du préjudice financier en raison de l'internement irrégulier ;

- en tout état de cause, de condamner solidairement l'agent judiciaire de l'Etat, la commune de Schoenbourg et l'Etablissement public de santé Alsace Nord à verser à M. [C] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement l'agent judiciaire de l'Etat, la commune de Schoenbourg et l'Etablissement public de santé Alsace Nord aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures du 13 février 2018, la commune de Schoenbourg demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 9 octobre 2017 en ce qu'il a débouté les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre et, reconventionnellement, sur son appel incident, de condamner les consorts [C] à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 19 avril 2018, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et par conséquent de :

- juger que les arrêtés administratifs du maire du 27 mai 2014 et du préfet du Bas-Rhin, des 28 mai et 2 juin 2014, sont réguliers ;

- juger que la procédure d'hospitalisation sans consentement de M. [C] est régulière;

- rejeter sa demande au titre des frais médicaux afférents à son hospitalisation sans consentement ;

- le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner les consorts [C] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 19 mars 2018, l'Epsan demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 9 octobre 2017 en ce qu'il a débouté M. [B] [C], Mme [Q] [I], sa compagne et Mme [P] [C], leur fille, de l'ensemble de leurs demandes à son encontre et de les condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Laure Florent, avocat au barreau de Paris, membre de l'Aarpi Florent Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par avis du 6 novembre 2018, le ministère public a conclu à la confirmation du jugement.

SUR CE,

Considérant que les consorts [C], appelants, soutiennent que :

- l'arrêté initial du maire est irrégulier car, ne se référant pas à une situation d'urgence, inexistante car M. [C] a vu le médecin le matin à 9h00 et été hospitalisé le soir, il ne fait état d'aucune circonstance matérielle caractérisant l'état de l'intéressé justifiant une mesure d'hospitalisation d'office à titre provisoire ; le maire ne se trouvait pas par ailleurs dans une situation de compétence liée ; l'hospitalisation était tellement peu justifiée que le maire a rapporté sa première décision quelques jours après, excipant d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le contradictoire n'a pas été respecté avant que le maire ne prenne sa première décision, alors qu'il n'est pas justifié d'une situation d'urgence d'ailleurs non visée à l'acte ;

- les arrêtés préfectoraux sont également irréguliers : le certificat médical, au demeurant non motivé, n'est pas annexé au premier arrêté préfectoral, de sorte qu'il ne peut être estimé que cet acte administratif est lui-même motivé, d'autant qu'il n'a pas été relevé dans l'acte que les troubles mentaux relevés compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public ;

- le contradictoire, qui doit être distingué de la simple information de l'intéressé, n'a pas été respecté avant la prise de l'arrêté, ce alors qu'aucune urgence absolue n'a été relevée;

- l'arrêté préfectoral de maintien n'est pas davantage motivé, le certificat médical n'y est pas joint et le principe du contradictoire n'a toujours pas été respecté ;

- l'existence de deux certificats médicaux des 24 heures ne permet pas de savoir lequel a été retenu et on ne sait pas si c'est le bon qui a été transmis aux autorités compétentes ;

- il n'est pas justifié par l'administration hospitalière qu'elle a transmis dans les délais requis le certificat des 24 heures ;

- la notification à M. [C] de ses droits et des motifs de son internement a été tardive et irrégulière ; le fait qu'il s'agissait du week-end de l'Ascension est indifférent ; le certificat du docteur [W] ne précise pas quelles informations ont été délivrées à M. [C] ;

- les différents préjudices qu'ils ont subis doivent être complètement indemnisés ;

Considérant que la commune de Schoenbourg, intimée, réplique que :

- le rôle du maire dans la prise en charge des majeurs incapables est réduit à des mesures d'urgence provisoires d'hospitalisation d'office dont la durée de validité est limitée ;

- l'arrêté municipal d'admission en soins psychiatriques du 27 mai 2014 est motivé ;

- cette décision s'imposait compte tenu du rapport du médecin psychiatre ; la circonstance que le maire ait pris un deuxième arrêté le 5 juin 2014 ordonnant le retrait du précédent arrêté pour erreur manifeste d'appréciation est sans effet sur la validité de la mesure qui ne peut être que provisoire dans l'attente d'une confirmation dans les 48 heures par le préfet ;

- l'arrêté ne méconnaît pas le principe du contradictoire dès lors que l'hospitalisation d'office est toujours urgente, que M. [C] a pu faire valoir ses observations lors de son entretien avec le psychiatre, que le jour même de son admission, le 27 mai 2014, M. [C] s'est vu notifier ses droits et les voies de recours à sa disposition et que le juge des libertés et de la détention n'a constaté aucune irrégularité dans la procédure dans son ordonnance du 6 juin 2014 ;

- M. [C] ne démontre aucune faute du maire dans le choix de la décision dès lors que les fautes évoquées, à les supposer justifiées, ne portent pas sur la nécessité de l'hospitalisation qui n'est pas contestée ; le maire n'a commis aucune faute d'appréciation concernant la mesure d'hospitalisation;

- Une hospitalisation ne porte aucun préjudice dès lors que l'état du malade le justifie et permet au contraire l'amélioration de son état, la commune ne peut être tenue pour responsable des conditions de l'hospitalisation ;

- les fautes invoquées contre la commune n'ont aucune incidence sur les préjudices allégués,

elle ne peut être condamnée au paiement d'une quelconque indemnité au profit de Mme [I] dès lors que cette dernière ne démontre pas le prétendu impact sur sa santé de l'hospitalisation de son concubin du fait du maire qui a duré moins d'une journée et ne justifie pas non plus des 11 prétendus déplacements pendant son placement ; Mme [C] ne peut fonder sa demande d'indemnisation d'un préjudice sur les conditions d'hospitalisation dès lors qu'elles ne relèvent pas de la responsabilité de la commune ;

- en tout état de cause, aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée, chaque autorité publique étant indépendante des autres ;

- en formant appel contre un jugement motivé, les consorts [C] lui imposent une charge budgétaire qui l'empêchera d'investir pour le bien des habitants ce qui justifie l'allocation d'une somme de 20 000 euros ;

Considérant que l'agent judiciaire de l'Etat, intimé, réplique que :

- l'arrêté du maire de Schoenbourg du 27 mai 2014 était motivé dès lors qu'il visait un certificat médical parfaitement détaillé et circonstancié du même jour ;

- la mesure d'hospitalisation d'office provisoire du maire n'étant pas un préalable nécessaire à l'arrêté préfectoral, son illégalité est sans incidence sur ce dernier ; l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 mai 2014 est motivé dès lors qu'il s'approprie les termes du certificat médical du 27 mai 2014 ;

- le retrait par le maire de son arrêté initial n'a aucun effet juridique sur l'arrêté d'admission du préfet dès lors que ce dernier a pris cette décision dans le délai de 48 heures prévu par les dispositions de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique ;

- le maire a respecté le contradictoire dès lors que M. [C] a été examiné par un psychiatre lors de sa garde-à-vue et qu'il a pu présenter ses observations ; en tout état de cause, son état mental aurait pu exonérer le maire de cette procédure ; M. [C] s'est vu notifier la décision du maire ainsi que ses droits et les voies de recours ;

- le préfet du Bas-Rhin a respecté le contradictoire dès lors que M. [C] a été examiné par un autre psychiatre et a pu présenter ses observations le 28 mai 2014 pour établir le certificat de 24 heures, en tout état de cause, son état mental aurait pu exonérer le préfet de cette procédure ; le certificat médical a été joint à cet arrêté ;

- l'arrêté de maintien du préfet du Bas-Rhin du 2 juin 2014 est motivé dès lors qu'il vise le certificat médical de 72 heures ; le contradictoire a été respecté lors de cette procédure dès lors que le patient a été informé des conditions de sa prise en charge ainsi que de ses droits et des voies de recours et qu'il a pu présenter ses observations, contrairement à ce qu'affirme sa compagne présente lors de cet examen ; en tout état de cause, l'état mental de M. [C] aurait pu exonérer l'administration de cette procédure ;

- il n'existe qu'un seul certificat médical des 24 heures en date du 28 mai 2014 qui a remplacé le premier du 27 mai 2014 en raison d'une erreur matérielle sans incidence sur la situation de M. [C] ;

- la procédure n'est pas irrégulière puisque le certificat des 24 heures du 28 mai 2014 a été transmis au préfet du Bas-Rhin sans délai, ce dernier l'ayant visé dans son arrêté d'admission;

- la notification de ses droits à M. [C] n'était pas tardive puisque l'Epsan lui a notifié l'arrêté du maire de Schoenbourg le jour de son hospitalisation le 27 mai 2014 et l'a informé de ses droits et voies de recours et que, l'[Localité 1] étant fermée pendant le week-end de l'Ascension, la notification de l'arrêté du préfet ne pouvait intervenir que le mardi 3 juin 2014 ; il a en tout état de cause été informé de ses droits et des voies de recours à chaque étape de ces procédures, la lettre du 29 mai 2019 adressé à l'Epsan par M. [C] démontrant qu'il connaissait les motifs de son hospitalisation et qu'il souhaitait seulement avoir accès aux pièces de son dossier ;

- la demande d'annulation des décisions administratives de police d'internement n'est pas fondée dès lors que l'ensemble de la procédure est régulière ;

- M. [C] n'est pas fondé à demander la réparation d'un préjudice résultant d'une atteinte à la liberté d'aller et venir, son hospitalisation contrainte étant nécessaire compte tenu de ses troubles mentaux et la procédure étant régulière ; il n'est pas fondé à demander la réparation d'un préjudice résultant d'une atteinte à son intégrité corporelle et à ses conditions d'hospitalisation dès lors que l'Epsan est un établissement adapté ayant permis d'améliorer son état avec un traitement qu'il a poursuivi et qui ne lui a pas laissé de séquelle ; il n'est pas fondé à demander la réparation d'un préjudice résultant d'une atteinte à sa vie privée et familiale et à son honneur dès lors que le traitement administré était nécessaire, adapté et que sa famille a pu lui rendre visite lors de son hospitalisation ; il a été informé de ses droits ainsi que des voies de recours et les décisions lui ont été notifiées ; aucun préjudice résultant d'une violation des droits de la défense ne pourra être retenu ; il ne peut être demandé de juger que M. [C] n'est pas redevable des frais médicaux alors qu'aucune somme ne lui est réclamée ;

- Mme [I] et Mme [C] ne justifient pas des préjudices allégués ;

Considérant que l'Epsan, intimé, fait valoir que :

- le certificat médical de 24 heures à prendre en compte était celui du 28 mai 2014 mentionnant l'article L.3213-1 du code de santé publique ;

- le certificat médical de 24 heures du 28 mai 2014 a été transmis sans délai au préfet du Bas-Rhin par un courriel de l'agence régionale de santé qui assure le secrétariat de la commission départementale des soins psychiatriques ; en tout état de cause, l'arrêté du préfet du 28 mai 2014 vise le certificat du même jour ;

- la notification à M. [C] de ses droits et des raisons de l'hospitalisation n'est pas tardive et a été effectuée le plus rapidement possible dès que son état de santé mental l'a permis;

Considérant que l'article L. 3213-2 du CSP visé par le maire de Schoenberg, prévoit, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, une procédure d'urgence l'autorisant à prononcer l'admission en soins des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux ; que cette mesure provisoire, d'une durée maximale de 48 heures, devient caduque si, avant l'expiration de ce délai, le préfet, dûment informé, ne la confirme pas en prenant à son tour un arrêté d'admission en soins ;

Considérant qu'il appartient au maire d'indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ;

Considérant que l'arrêté litigieux du 27 mai 2014 ne mentionne pas le moindre élément de fait de nature à donner à penser que M. [C] est dangereux ; que s'il vise le certificat médical du docteur [F] [Y], expert psychiatre, il ne précise pas s'en approprier le contenu et il n'est pas indiqué que l'avis de ce praticien est joint à la décision du maire ;

Considérant encore que, le 5 juin 2014, le maire, M. [H], a délivré une attestation sur l'honneur selon laquelle M. [C], arrivé en 2005 à la maison forestière de Schoenbourg, n'avait pas eu de problème ou d'altercation avec les citoyens du village, ni avec lui et qu'il considérait que M. [C] avait toujours fait son travail à la commune pour les travaux de bois et de rémanents ;

Considérant que le même jour, ce maire a pris un nouvel arrêté de retrait du premier au motif d'une erreur manifeste d'appréciation des motifs du placement provisoire ; qu'ainsi, de son propre aveu, les conditions exigées pour un placement provisoire n'étaient pas réunies;

Considérant qu'au vu de ces éléments, l'arrêté critiqué, qui se borne à affirmer que l'intéressé est dangereux pour lui même ou/et pour son entourage, que l'état mental et le comportement de cette personne constituent un danger pour lui-même, sa famille et son entourage en compromettant la sûreté des personnes, nécessitent des soins psychiatriques dans un établissement spécialisé, doit être annulé pour insuffisance de motivation ;

Considérant en conséquence que M. [C] a été irrégulièrement privé de sa liberté du 27 au 28 mai ;

Considérant que la nullité de cette décision provisoire n'entraîne pas automatiquement celle de la décision du préfet car la première n'est pas un préalable nécessaire à la seconde;

Considérant qu'à la différence de l'arrêté du maire, l'arrêté préfectoral s'approprie les termes du certificat médical du docteur [Y], dont il est précisé qu'il est joint à la décision ; qu'il vise pour information un deuxième certificat médical dit de 24 heures du 28 mai 2014, établi par le docteur [N], psychiatre à l'Etablissement public de Santé Alsace Nord de [Adresse 2], lequel précise que l'examen du docteur [Y] s'est fait pendant la garde à vue du patient dans une enquête pour des menaces de mort à l'encontre de son employeur et note un antécédent d'hospitalisation psychiatrique en 2006 pour trouble dépressif dans un contexte de maladie somatique et problèmes professionnels ;

Considérant que, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, aucun motif de nullité du certificat de 24 heures ne saurait résider dans le fait que le docteur [N] a signé deux fois un certificat médical inchangé, sauf sur le numéro de l'article du code de la santé publique mentionné, qui est erroné sur un des deux exemplaires : L.3213-5 au lieu de L.3215-1, une telle erreur de pure forme étant en tout état de cause insusceptible d'affecter la validité du certificat ;

Considérant que l'expertise de M. [C] faite par le docteur [Y], le 27 mai 2014, conclut à la dangerosité de l'intéressé qui souffre d'un délire paranoïaque et de persécuteurs clairement désignés ;

Considérant qu'au vu de l'ensemble des éléments précités, l'arrêté préfectoral critiqué, apparaît régulier ;

Considérant que le certificat du docteur [N] fait état du discours de M. [C] lors de l'entretien qu'ils ont eu ensemble ; qu'il est même précisé que l'intéressé présente un sens tenace et combatif de ses propres droits légitimes, qu'il estime les soins proposés comme non nécessaires et abusifs, qu'il souhaite sortir le plus rapidement possible afin de poursuivre ses démarches judiciaires ;

Considérant que M. [C] a pu ainsi s'expliquer et faire valoir son point de vue devant le médecin avant que la décision préfectorale soit prise ;

Considérant toutefois que cette décision n'a pu lui être notifiée par courrier interne que le 3 juin 2014, étant précisé que l'intéressé a refusé de signer l'acte, au motif que la date indiquée n'était pas correcte, quand bien-même rien ne l'empêchait de mentionner à côté de sa signature la date exacte si celle indiquée ne l'était pas ; qu'eu égard aux circonstances de temps (week-end de l'Ascension) et compte tenu de l'absence de délai impératif pour la notification, il doit être considéré que cette notification a été faite dans les meilleurs délais et n'est pas tardive ;

Considérant qu'il a été procédé, le 30 mai 2014, à l'examen des 72 heures par le docteur [W], praticien hospitalier, qui a auditionné le patient et constaté la persistance des troubles initiaux, une psychorigidité, une fausseté du jugement, un raisonnement paralogique et des éléments projectifs, justifiant le maintien des soins psychitriques sans consentement avec prise en charge sous forme d'hospitalisation complète ;

Considérant qu'au vu de ce certificat, le préfet a, le 2 juin 2014, arrêté que les soins de M. [C] se poursuivront, la décision mentionnant les voies de recours, ce que l'intéressé ne peut sérieusement contester puisqu'il a précisément saisi le juge des libertés et de la détention, le même jour et fait le choix d'un avocat personnel en la personne de Me [V] [S] ;

Considérant que le 6 juin 2014, le juge des libertés et de la détention a rejeté le recours de M. [C] mais que, le 19 juin 2014, le docteur [A], qui a examiné à nouveau l'intéressé, a noté une certaine évolution positive sur le plan clinique dans son discours, M. [C] manifestant une certaine ouverture d'esprit, acceptant le dialogue et n'excluant pas les incertitudes ; qu'il a été constaté qu'il ne tenait plus aucun propos haineux ou rancunier envers sa direction avec laquelle il est en procès depuis des années ; qu'il nie avoir proféré des menaces de mort envers l'un de ses employeurs ; que ce praticien conclut que M. [C] présente des troubles de la personnalité qui peuvent bénéficier d'un suivi psychiatrique régulier et ambulatoire, d'où la levée proposée de l'hospitalisation sous contrainte, ce que le préfet a décidé par arrêté du 20 juin 2014 ; que M. [C] s'est ensuite désisté de son appel contre la décision du juge des libertés et de la détention ;

Considérant en définitive que seule la période correspondant à la privation de liberté résultant de l'arrêté municipal annulé n'est pas justifié ;

Considérant que les appelants ne justifient d'aucun grief à l'encontre de l'Etablissement public de santé Alsace Nord ;

Considérant qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes dirigées contre lui et contre l'agent judiciaire de l'Etat ;

Considérant que le préjudice d'atteinte à la liberté d'aller et de venir et celui découlant des conditions de l'internement du 23 au 24 mars 2014 doivent être réparés par deux sommes de 500 euros pour M. [C] ; qu'il sera alloué 150 euros à Mme [Q] [I] et à Mme [P] [C] ;

Considérant que la demande indifférenciée visant à être relevé de tous frais médicaux non précisés ne peut être accueillie ;

Considérant que la demande de dommages et intérêts de la commune de Schoenbourg doit être rejetée au vu de ce qui précède ;

Considérant que la commune de Schoenbourg doit être condamnée à payer aux consorts [C] ensemble la somme de 3 000 euros ; qu'il est équitable de laisser à la charge des autres parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés ;

Considérant que la commune de Schoenbourg supportera les dépens de l'instance ;

Par ces motifs, la cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance en ce qu'il a rejeté les demandes des consorts [C] dirigées contre la commune de Schoenbourg et le confirme pour le surplus;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Annule l'arrêté municipal du 27 mai 2014 ;

Condamne la commune de Schoenbourg à payer :

- à M. [B] [C], 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice d'atteinte à sa liberté d'aller et de venir et 500 euros pour le préjudice découlant des conditions de l'internement du 23 au 24 mars 2014 ;

- à Mmes [Q] [I] et [P] [C], la somme de 150 euros chacune, à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral ;

- aux consorts [C] ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les consorts [C] du surplus de leurs prétentions ;

Déboute la commune de Schoenbourg de sa demande de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'agent judiciaire de l'Etat et de l'Etablissement public de Santé Alsace Nord ;

Condamne la commune de Schoenbourg aux dépens de première instance et d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Laure Florent, avocat au barreau de Paris, membre de l'Aarpi Florent Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/23086
Date de la décision : 20/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/23086 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-20;17.23086 ?
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