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19/11/2019 | FRANCE | N°17/20392

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 19 novembre 2019, 17/20392


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 19 NOVEMBRE 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20392 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4MUN



Décisions déférées à la Cour : Sentence rendue à Paris le '12 août 2017" par le tribunal arbitral composé de M. Eric LOQUIN, arbitre unique, et sentence rectificative rendue le 20 septembre 2017

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DEMANDERESSE AU RECOURS :



GIE OC'VIA CONSTRUCTION

pris en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20392 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4MUN

Décisions déférées à la Cour : Sentence rendue à Paris le '12 août 2017" par le tribunal arbitral composé de M. Eric LOQUIN, arbitre unique, et sentence rectificative rendue le 20 septembre 2017

DEMANDERESSE AU RECOURS :

GIE OC'VIA CONSTRUCTION

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Christophe CABANES de la SELARL Cabinet CABANES - CABANES NEVEU Associés, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R262

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

SAS GUINTOLI menbre et mandataire du groupent solidaire GUINTOLI / EHTP/ NGE GENIE CIVIL

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0020

assistée de Me Franck DENEL, avocat plaidant du barreau de MONTPELLIER et de Me Xavier PIETRA, avocat plaidant du barreau D'AIX EN PROVENCE

SAS EHTP menbre du groupent solidaire GUINTOLI / EHTP/ NGE GENIE CIVIL

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0020

assistée de Me Franck DENEL, avocat plaidant du barreau de MONTPELLIER et de Me Xavier PIETRA, avocat plaidant du barreau D'AIX EN PROVENCE

SAS NGE GENIE CIVIL menbre du groupent solidaire GUINTOLI / EHTP/ NGE GENIE CIVIL

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0020

assistée de Me Franck DENEL, avocat plaidant du barreau de MONTPELLIER et de Me Xavier PIETRA, avocat plaidant du barreau D'AIX EN PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière.

Par un contrat de partenariat approuvé par décret n°2012-887 du 18 juillet 2012, RESEAU FERRE DE FRANCE, devenu SNCF RESEAU, a confié à la société OC'VIA SA la conception, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement du contournement ferroviaire de Nîme-Montpellier.

Par un contrat de conception-construction du 28 juin 2012, la société OC'VIA a confié au Groupement d'Intérêt Economique OC'VIA Construction (le GIE OC'VIA CONSTRUCTION), composé des sociétés BOUYGUES TP, BOUYGUES TP REGION FRANCE, SPIE BATIGNOLLES, SPIE BATIGNOLLES TPCI, COLAS RAIL, COLAS ROUTE CNM, ALSTOM TRANSPORT, VALERIAN, DPT TERRASSEMENT la conception, la construction et la mise à disposition de la ligne ferroviaire CNM.

Par un premier contrat de sous-traitance du 24 mars 2014 (contrat n°9000153370), le GIE OC'VIA CONSTRUCTION a attribué au Groupement d'entreprises solidaires GUINTOLI-EHTP-NGE GENIE CIVIL (le groupement GUINTOLI), composé des sociétés GUINTOLI, EHTP et NGE CG, la réalisation des travaux préparatoires de terrassement, d'ouvrage d'art et de rétablissement de communication.

Un second contrat de sous-traitance a été conclu par les deux mêmes parties le 20 mai ou le 5 juin 2014 pour un prix ferme de 59 040 298,90 euros HT dont l'objet est pour un lot principal, les terrassements et les assainissements, pour un lot accessoire n°1 la réalisation des ouvrages d'art et pour un lot accessoire n°2 l'exploitation de l'emprunt de Mandel. Ce contrat était accompagné par des Conditions Administratives Particulières, des Conditions générales et des Spécifications techniques détaillées. Ce contrat comprend une clause compromissoire en son article 32-2 des Conditions générales qui prévoit un arbitrage en amiable composition.

A la suite de différends entre les parties, le Groupement GUINTOLI a assigné le 6 juillet 2015 le GIE OC'VIA CONSTRUCTION devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de voir prononcer la nullité du second contrat de sous-traitance. Le tribunal a jugé le 19 février 2016 qu'il était incompétent pour connaître de ce litige en raison de la clause compromissoire figurant dans le contrat de sous-traitance.

Sur contredit formé par le groupement GUINTOLI, la cour d'appel de Nîmes a jugé le 16 juin 2016 que le tribunal de commerce était seul compétent pour connaître de l'action initiée par le Groupement GUINTOLI à l'encontre de OC'VIA SA qui n'était pas signataire du second contrat de sous-traitance.

Parrallèlement, le GIE OC'VIA CONSTRUCTION a saisi par lettre du 3 août 2015 l'Association Française d'Arbitrage du litige l'opposant au Groupement GUINTOLI.

Par une sentence rendue à Paris le 12 août 2017, le tribunal arbitral composé de M. Eric LOQUIN, arbitre unique, a notamment :

- jugé que le GIE OC'VIA CONSTRUCTION, en ne fournissant pas au Groupement GUINTOLI, au moment de la conclusion du second contrat de sous-traitance, une copie de l'acte général de cautionnement constituant le cautionnement flotte, annexé au sous-traité et à l'avenant prévoyant l'application de l'acte de cautionnement au contrat litigieux, seuls documents donnant au sous-traitant l'assurance de l'existence de la garantie exigée par la loi pour assurer la sécurité financière du marché, n'a pas respecté les dispositions d'ordre public de l'article 14 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- jugé, conformément à la loi, que le second contrat de sous-traitance est nul et, que l'ordre public dont il est le gardien en tant que juge, ne lui permet pas d'user de ses pouvoirs d'amiable compositeur pour corriger éventuellement cette solution en se fondant sur l'équité ;

- statué en équité sur les créances réciproques du GIE OC'VIA CONSTRUCTION et du Groupement GUINTOLI à la suite de cette annulation et décidé qu'il désignera un expert par une ordonnance de procédure en lui confiant la mission d'évaluer l'indemnité de restitution conformément aux prescriptions de la sentence.

Par une sentence rectificative rendue le 20 septembre 2017, l'arbitre unique a rectifié sa première sentence en fixant sa date de prononcé au 12 septembre 2017 et non au 12 août 2017.

Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION a formé un recours en annulation contre ces sentences par déclaration du 6 novembre 2017.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 juin 2019, le GIE OC'VIA CONSTRUCTION demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son recours en annulation dirigé contre les deux sentences arbitrales, de condamner chacune des sociétés défenderesses composant le groupement GUINTOLI à lui payer une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction et de renvoyer l'affaire à la mise en état.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2019, le Groupement GUINTOLI demande à la cour de rejeter le recours en annulation et les demandes du GIE OC'VIA et de condamner celui-ci à payer à chacune des sociétés composant le Groupement GUINTOLI la somme de 100 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

SUR CE,

Sur le premier moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1492, 1° du code de procédure civile)

Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION soutient que les sentences ayant été rendues hors délai, le tribunal arbitral était incompétent au sens de l'article 1492, 1° du code de procédure civile. Il rappelle que selon le procès-verbal de constitution et de saisine du tribunal arbitral, le délai d'arbitrage était fixé à un an et demi avec une échéance au 15 juin 2017. Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION affirme qu'en l'absence d'accord des parties sur les prorogations du délai, l'arbitre ne pouvait pas le proroger unilatéralement et que la prorogation ne pouvait intervenir régulièrement que par décision du comité d'arbitrage qui s'impose alors aux parties, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Il affirme qu'il a été tenu dans l'ignorance des vices affectant la prorogation des délais jusqu'au 24 octobre 2017, date à laquelle l'Association Française de l'Arbitrage lui a communiqué une décision de prorogation de délais.

Le Groupement GUINTOLI soutient que le délai initial de prononcé de la sentence arbitrale devant être rendue par l'arbitre unique a été prorogé au 17 octobre 2017 conformément aux dispositions de l'article 17 du Règlement d'arbitrage de l'Association Française d'Arbitrage et qu'en toute hypothèse, ce délai a été prorogé avec l'accord formel et à tout le moins tacite des parties. Il ajoute que le GIE OC'VIA CONSTRUCTION, qui s'est abstenu d'invoquer en temps utile, devant le tribunal arbitral, l'irrégularité alléguée résultant d'un prétendu dépassement du délai de prononcé de la sentence arbitrale, est réputé avoir renoncé à se prévaloir de cette irrégularité.

En application de l'article 1463 du code de procédure civile, le délai conventionnel dans lequel les arbitres doivent accomplir leur mission ne peut être prorogé que par accord des parties ou, à défaut, par le juge d'appui.

La prorogation peut être expresse ou tacite, notamment par la participation aux opérations d'arbitrage au-delà du délai fixé.

Les arbitres ont, dans leur sentence, rappelé le déroulement de l'instance en ces termes :

« Le Procès verbal de constitution du Tribunal arbitral contenait le calendrier d'arbitrage suivant :

- mémoire en demande (GIE OC'VIA CONSTRUCTION) : 15 avril 2016,

- mémoire en défense (Groupement GUINTOLI) : 30 juillet 2016,

- mémoire en réplique ( GIE OC'VIA CONSTRUCTION) : 1er novembre 2016

- mémoire en réplique (Groupement GUINTOLI) : 15 janvier 2017

- date de l'audience arbitrale : 15 mars 2017

- date du prononcé de la sentence : 15 juin 2017.

Ce calendrier a été plusieurs fois modifié.

Saisi le 29 mars 2016 par le GIE OC'VIA Construction d'une demande de report de la date de remise de son premier mémoire au motif que le Groupement GUINTOLI avait transmis avec plus de deux mois de retard les documents nécessaires au chiffrage de sa demande, le tribunal arbitral, par ordonnance du 2 avril 2016 décida :

- de reporter à la date du 1er juin 2016 la date de production par le GIE OC'VIA Construction son mémoire en demande,

- décaler comme suit le calendrier de l'arbitrage :

. Mémoire en défense du Groupement GUINTOLI : 15 octobre 2016 ;

. Mémoire en réplique du GIE OC'VIA Construction : 15 décembre 2016 ;

. Mémoire en duplique du Groupement GUINTOLI : 1er mars 2017 ;

. Date de l'audience arbitrale : 3 mai 2017 ;

. Date de prononcé de la sentence : 4 septembre 2017.

Saisi le 17 mars 2017 par le GIE OC'VIA Construction d'une nouvelle demande de report de la date de l'audience arbitrale et d'une demande de production d'un mémoire additionnel au motif que le Groupement GUINTOLI avait joint à ses nouvelles écritures un nombre très important de pièces relatives au préjudice dont il prétend être indemnisé, le Tribunal arbitral a rendu le 23 mars 2017 une ordonnance de procédure n°2 par laquelle il a décidé :

- de fixer à la date du 24 avril 2017 la date de production par le GIE OC'VIA Construction de son mémoire additionnel ;

- de fixer au 31 mai 2017 la date de production par le Groupement GUINTOLI de sa réponse au mémoire additionnel ;

- de fixer au vendredi 21 juin 2017 la date de l'audience arbitrale, laquelle se tiendra dans les locaux du cabinet FIELD FISHER, [Adresse 3], à partir de 14 H ;

- de fixer au mardi 17 octobre 2017 la date ultime du prononcé de la sentence.

Une audience arbitrale s'est tenue à [Localité 1] le 21 juin 2017. Etaient présents, outre l'arbitre et les avocats des parties, M. [H] [I], conseiller du GIE OC'VIA Construction, M. [A] [Q], directeur du GIE OC'VIA Construction, Mme [W] [U], juriste après de BOUYGUES TP/GIE OC'VIA Construction, M. [O] [J], directeur terrassement GIE OC'VIA Construction, M. [S] [A], Président de la société NGE, M. [B] [X], directeur juridique de la société NGE.

A l'issue de cette audience arbitrale, le Tribunal arbitral a rendu une ordonnance de procédure n°3, datée du 28 juin 2017, par laquelle il décida avec l'accord des parties :

1. de rendre avant le 17 octobre 2017 une première sentence partielle sur la demande en nullité du Groupement GUINTOLI du contrat de sous-traitance et la résolution du même contrat par le GIE OC'VIA Construction.

[']

6. Le Tribunal arbitral demande au GIE OC'VIA Construction de communiquer au Groupement GUINTOLI et au Tribunal arbitral, avant le 15 juillet 2017, les pièces non communiquées avant l'audience du 21 juin 2017 et évoquées par le GIE OC'VIA Construction lors de cette audience et demande au Groupement GUINTOLI d'apporter avant le 10 septembre 2017 toute contradiction qu'il juge utile.

Le 13 juillet 2017, les deux parties ont communiqué au Tribunal arbitral la note demandée ayant pour objet la possibilité de révocation de la stipulation pour autrui' Le GIE OC'VIA Construction a communiqué les pièces demandées, accompagnées d'une troisième consultation du professeur [D].

Le 26 juillet 2017, le GIE OC'VIA Construction a communiqué au Tribunal arbitral la note exposant les raisons justifiant le « rejet pur et simple de la demande de restitution », faute pour le Groupement GUINTOLI d'avoir apporté la preuve d'une créance de restitution existant à son profit, et justifiant l'impossibilité pour le Tribunal arbitral d'ordonner une expertise judiciaire pour suppléer la carence du Groupement GUINTOLI dans l'administration de la preuve ».

Il résulte de ces énonciations de la sentence arbitrale, qui font foi jusqu'à inscription de faux, que c'est à la demande du GIE OC'VIA que le tribunal arbitral a, par les ordonnances de procédure n°1 et 2, reporté le calendrier de l'arbitrage en fixant notamment la date de l'audience arbitrale du 15 mars 2017 au 3 mai 2017 puis au 21 juin suivant, et celle du délibéré du 15 juin 2017 au 4 septembre 2017 puis au 17 octobre suivant.

De plus, l'ordonnance de procédure n°3, maintenant la date de prononcé de la sentence au plus tard au 17 octobre 2017 a été prise, selon la sentence, avec l'accord des parties, dont le GIE OC'VIA Construction, lequel a participé activement à la procédure arbitrale jusqu'au prononcé de la sentence en fournissant notamment deux notes les 13 et 26 juillet 2017 et sans jamais invoquer l'expiration du délai de l'arbitrage jusqu'au prononcé de la sentence.

C'est donc avec l'accord des parties que le délai d'arbitrage a été prorogé.

Le moyen n'est pas fondé.

Sur le deuxième moyen tiré de la méconnaissance de sa mission par le tribunal arbitral (article 1492,3° du code de procédure civile)

Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION soutient que les sentences ont été rendues hors délai, par un tribunal arbitral qui a statué sans se conformer à la mission qui lui était confiée au sens de l'article 1492, 3° du code de procédure civile.

Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION affirme encore que l'arbitre a méconnu sa mission d'amiable compositeur en refusant d'écarter par équité la nullité prévue par la loi du 31 décembre 1975, un tel refus n'étant justifié qu'en présence de dispositions d'ordre public de direction et non de protection.

Le Groupement GUINTOLI soutient que le moyen d'annulation fondé sur les dispositions de l'article 1492, 3° du code de procédure civile tend à la révision au fond de la sentence arbitrale, révision interdite au juge de l'annulation.

Mais, en premier lieu, comme il a été jugé plus haut, c'est avec l'accord des parties à l'arbitrage que celui-ci s'est poursuivi jusqu'à la sentence du 12 septembre 2017 rectifiée le 20 septembre suivant. Au surplus, OC'VIA a manifesté sa volonté de participer à l'arbitrage jusqu'au prononcé des sentences, de sorte qu'il n'est pas recevable à se prévaloir d'une quelconque irrégularité du chef du dépassement du délai d'arbitrage.

En second lieu, l'article 32-3 des conditions générales du contrat de sous-traitance litigieux énonce que « L'arbitre statue comme amiable compositeur, sans pour autant pouvoir exclure les conséquences des conventions librement consenties par les parties ».

La clause d'amiable composition est une renonciation conventionnelle aux effets et au bénéfice de la règle de droit, les parties perdant la prérogative d'en exiger la stricte application et les arbitres recevant corrélativement le pouvoir de modifier ou de modérer les conséquences des stipulations contractuelles dès lors que l'équité ou l'intérêt commun bien compris des parties l'exige, sauf lorsqu'est en cause une disposition d'ordre public au bénéfice de laquelle une partie ne peut renoncer.

Selon la sentence (pages 21 à 23), le GIE OC'VIA CONSTRUCTION et le Groupement GUINTOLI ont discuté devant l'arbitre, statuant en tant qu'amiable compositeur, des pouvoirs qui lui sont conférés en présence de la violation d'une disposition d'ordre public. Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION soutenait ainsi que « l'arbitre amiable compositeur, même confronté à l'ordre public, doit éliminer l'inéquité » (sentence page 22 paragraphe 2) tandis que le Groupement GUINTOLI arguait quant à lui que « la faculté d'amiable composition n'autorise pas l'arbitre à se soustraire à l'application d'une règle d'ordre public et qu'il a l'obligation de la mettre en 'uvre en la relevant même d'office » (sentence p 22 § 3).

Après avoir rappelé les dispositions applicables en matière de validité du cautionnement flotte litigieux au regard de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 (pages 25 à 26), puis analysé au regard de ces dispositions la validité des documents contractuels (pages 27 à 35), le tribunal arbitral a jugé que « l'esprit comme la lettre de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 n'ont pas été respectés, dès lors qu'il n'a pas été fourni au sous-traitant, au moment de son engagement dans le sous-traité, l'assurance d'un cautionnement certain. Ce seul manquement à une condition de validité du contrat de sous-traitance suffit à fonder la nullité du contrat » (sentence, page 35 §2). L'arbitre a ensuite rappelé que cette nullité était d'ordre public (pages 37 à 40) en précisant que « ladite nullité est plus proche d'une nullité d'ordre public de direction que d'une nullité de protection, car elle vise à protéger l'intérêt général », que « L'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 a pour fonction de protéger l'organisation sociale et économique de la société française contre les faillites en cascade résultant pour les sous-traitants et leurs créanciers de la défaillance de l'entrepreneur principal » (p40 §§1er et 2), et que « La loi du 31 décembre 1975 rend indisponible le droit de demander la nullité du contrat de sous-traitance d'une manière absolue, dès lors que, comme paraît l'admettre la jurisprudence, la nullité est une nullité de direction ».

L'arbitre en a déduit qu' « à peine d'un risque d'annulation de la sentence », ses pouvoirs d'amiable compositeur ne lui permettaient pas en l'espèce d'écarter en équité la nullité prévue par la loi du 31 décembre 1975.

En constatant qu'il demeurait tenu de respecter les dispositions de l'ordre public de direction au risque d'encourir l'annulation de la sentence, l'arbitre statuant en amiable composition a respecté sa mission.

Le moyen n'est pas fondé.

Sur le troisième moyen tiré de la violation de l'ordre public (article 1492, 5° du code de procédure civile)

Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION soutient que, si l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 est d'ordre public, ce texte n'oblige pas l'entrepreneur principal « de fournir au sous-traitant au moment de la signature du contrat de sous-traitance, une copie de l'accord cadre qu'il a conclu avec la banque caution par son annexion audit contrat » et n'est pas « sanctionnée par la nullité du sous-traité », comme l'a jugé l'arbitre. Selon le GIE OC'VIA CONSTRUCTION, en prononçant la nullité du contrat de sous-traitance, l'arbitre a violé une règle d'ordre public.

Le Groupement GUINTOLI réplique que ce moyen d'annulation tend à la révision au fond de la sentence arbitrale, révision interdite au juge de l'annulation.

Dans le cadre d'un recours en annulation fondé sur l'article 1492, 5° du code de procédure civile, le contrôle exercé par cette cour ne porte que sur la solution donnée au litige, l'annulation n'étant encourue que dans la mesure où cette solution heurte l'ordre public.

Mais ne viole pas l'ordre public une sentence qui fait application d'une disposition législative qui aurait été qualifiée à tort d'ordre public, comme le soutient le moyen.

Au surplus, l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est ainsi rédigée :

« A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

A titre transitoire, la caution pourra être obtenue d'un établissement figurant sur la liste fixée par le décret pris en application de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 concernant les retenues de garantie ».

Après avoir constaté que le GIE OC'VIA CONSTRUCTION n'avait pas fourni le cautionnement flotte au GROUPEMENT GUINDOLI lors de la signature du contrat de sous-traitance du 20 mai 2014, l'arbitre a conclu que l'acte de cautionnement bancaire ayant pour objet le contrat litigieux a été communiqué le 5 juin 2014, c'est-à-dire après la signature du sous-traité (sentence, page 28 dernier §).

Le tribunal arbitral a en outre constaté que le formalisme prévu par les divers instruments contractuels des parties n'a pas été respecté par le GIE OC'VIA CONSTRUCTION. L'arbitre retient que « En effet, les règles contractuelles établies entre la Banque et BOUYGUES CONSTRUCTION, lesquelles liaient le GIE OC'VIA CONSTRUCTION, de même que les dispositions du contrat de sous-traitance conclu entre le Groupement GUINTOLI et le GIE OC'VIA CONSTRUCTION faisaient du paraphe du contrat cadre de cautionnement annexé au contrat de sous-traitance la condition de l'acceptation par le Groupement GUINTOLI de la stipulation faite à son profit, mais aussi la condition de l'engagement de la caution », en ajoutant que cette formalité était « aussi la condition de l'engagement ferme et définitif du Crédit Agricole en qualité de caution envers un sous-traitant déterminé » (sentence, p 30 §1er), pour conclure « qu'à défaut de respect du formalisme contractuellement prévu, le cautionnement n'existait pas » (page 34 §4).

L'arbitre a encore ajouté que le formalisme retenu par la jurisprudence, qui est présenté comme un assouplissement des règles posées par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 n'a été suppléé par aucun « autre formalisme qui conduirait au même résultat, à savoir l'assurance pour le sous-traitant de la fourniture effective d'un cautionnement le garantissant de façon certaine en cas de défaillance de l'entrepreneur principal » (page 34 §3).

Il en résulte que, contrairement à ce qu'affirme le moyen, l'arbitre n'a pas annulé le contrat de sous-traitance au seul motif de l'absence de remise par l'entrepreneur principal au sous-traitant d'une garantie bancaire au moment de la signature du contrat de sous-traitance, mais a aussi constaté l'absence de toute caution d'un établissement qualifié au sens de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

Le moyen n'est pas fondé.

Il résulte de ce qui précède que le recours en annulation doit être rejeté.

Sur les autres demandes

Le GIE OC'VIA CONSTRUCTION, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera condamné à payer à chacune des sociétés composant le Groupement GUINTOLI la somme de 50 000 euros à ce titre.

Succombant à l'instance, le GIE OC'VIA CONSTRUCTION est condamné aux dépens avec distraction.

PAR CES MOTIFS,

Rejette le recours en annulation,

Condamne les sociétés du groupement d'intérêt économique OC'VIA CONSTRUCTION (BOUYGUES TP, BOUYGUES TP REGION FRANCE, SPIE BATIGNOLLES, SPIE BATIGNOLLES TPCI, COLAS RAIL, COLAS ROUTE CNM, ALSTOM TRANSPORT, VALERIAN, DPT TERRASSEMENT) à payer la somme de 50 000 euros à chacune des sociétés composant le Groupement GUINTOLI, soit la somme de 50 000 euros à la société GUINTOLI, celle de 50 000 euros à la société EHTP et celle de 50 000 euros à la société NGE CG, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés du groupement d'intérêt économique OC'VIA CONSTRUCTION (BOUYGUES TP, BOUYGUES TP REGION FRANCE, SPIE BATIGNOLLES, SPIE BATIGNOLLES TPCI, COLAS RAIL, COLAS ROUTE CNM, ALSTOM TRANSPORT, VALERIAN, DPT TERRASSEMENT) aux dépens avec distraction.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/20392
Date de la décision : 19/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°17/20392 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-19;17.20392 ?
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