La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2019 | FRANCE | N°18/07044

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 15 novembre 2019, 18/07044


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 15 Novembre 2019



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07044 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ZPR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 12-00352



APPELANTE

Madame [I] [Y] divorcée [S]

née le [

Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de M. [V] [S] (Fils)



INTIMÉE

CNAV - CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 15 Novembre 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07044 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ZPR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 12-00352

APPELANTE

Madame [I] [Y] divorcée [S]

née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de M. [V] [S] (Fils)

INTIMÉE

CNAV - CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par M. [H] [O] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- délibéré du 25 octobre 2019 prorogé au 15 novembre 2019, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Née le [Date naissance 1] 1942, Mme [I] [Y] est titulaire d'une pension de retraite au titre du régime général liquidée à effet du 1er février 2002 sur la base d'un taux réduit de 25 % pour une durée d"assurance de 135 trimestres et sur la base d`un salaire de base de 10.499€ servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (ci-après dénommée la CNAVTS). Elle a travaillé en qualité d'agent contractuel au sein d'une collectivité territoriale du 12 octobre 2001 au 1er juillet 2010 et cotisé à ce titre auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (la CNRACL). Celle-ci ayant procédé au reversement des cotisations au régime général, la CNAVTS a procédé à la révision de la pension de Mme [Y] et lui a notifié le 7 avril 2011 une pension révisée à effet du 1er juin 2010 sur le fondement d`un salaire de base de 17.040€, un taux de cotisations de 50% pour 150 trimestres et un montant de pension mensuelle de 676,10€. Puis, elle lui a substitué une nouvelle pension révisée sur la base d'un taux de 25 % notifiée le 22 juin 2011, rectifiée le 25 juin suivant, pour un salaire de base de 12.602€, un taux de 25 % pour 135 trimestres et un montant de pension mensuelle de 253,94€.

Estimant que la caisse nationale d'assurance vieillesse devait tenir compte dans le calcul de ses droits du reversement des cotisations de la CNRACL, Mme [Y] a saisi la commission de recours amiable, laquelle a rejeté son recours le 16 mai 2012, avant de porter le litige devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris.

Par jugement en date du 15 mai 2014, elle a été déboutée de ses demandes.

Par arrêt du 5 novembre 2015, la présente cour a confirmé le jugement et débouté

Mme [Y] de toutes ses demandes.

Par arrêt du 25 janvier 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt mais seulement en ce qu'il a débouté Mme [Y] de ses demandes tendant à voir rétablie la notification du 7 avril 2011 et de dommages et intérêts en réparation de ce chef de préjudice, et remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt.

Au visa de l' article R. 351-10 du code de la sécurité sociale, elle relevait que 'la pension de retraite revêt un caractère définitif lorsque son attribution a fait l'objet d'une décision de l'organisme dûment notifiée à l'assuré et non contestée en temps utile par ce dernier et que pour débouter Mme [Y] de sa demande tendant à voir rétablie la notification du 7 avril 2011, l'arrêt (de la cour d'appel) retient que la caisse n'a commis aucune faute dans l'appréciation du montant de la pension notifiée dans son état définitif le 22 juin 2011, que Mme [Y] ne peut se prévaloir de l'erreur commise par la caisse dans sa notification du 7 avril 2011 pour considérer que cette notification modifiée à l'issue de l'instruction avait un caractère définitif et que l'erreur n'est pas créatrice de droit. Elle concluait qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si le délai du recours contentieux ouvert à l'encontre de la notification de la pension effectuée le

7 avril 2011 n'était pas expiré, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.'

Mme [Y] a saisi la cour de renvoi. Représentée par son fils, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- constater que la notification du 7 avril 2011 a été retirée après l'expiration du délai de recours contentieux de 2 mois,

- dire et juger qu'en conséquence, la notification doit être rétablie à compter du 7 avril 2011 étant entendu que les revalorisations doivent être intégrées aux montants dus ainsi que les éventuelles déductions supplémentaires de prélèvements sociaux,

- apprécier si les mensualités perçues depuis la date de retrait de la notification du 7 avril 2011 doivent par compensation être déduites en intégralité du montant total du rappel dû ou si cette déduction doit être limitée à 2 années de perception par application de l'article L. 355-3 du code de sécurité sociale,

- dire et juger que la CNAV a commis une faute et a ainsi engagé sa responsabilité envers la concluante en retirant la notification du 7 avril 2011 après l'expiration du délai de recours contentieux en violation de l'article R. 351-10,

En conséquence,

- condamner la CNAV à rétablir la notification du 7 avril 2011 et à lui verser le rappel des mensualités de retraite, revalorisations et éventuels prélèvements sociaux supplémentaires compris qu'elle aurait perçu si ladite notification n'avait pas été retirée, étant entendu que la cour appréciera si les mensualités perçues depuis la date de retrait de la notification du 7 avril 2011 doivent par compensation être déduites en intégralité du montant total du rappel dû ou si cette déduction doit être limitée à 2 années de perception par application de l'article L. 355-3 du code de sécurité sociale,

- condamner la CNAV à lui payer des intérêts moratoires en appliquant le taux légal au montant des rappels de mensualités dues,

- condamner la CNAV à lui verser des dommages et intérêts en vue de réparer son préjudice économique qui résultera du paiement de l'impôt sur le revenu qui n'aurait pas été acquitté si la notification du 7 avril 2011 n'avait pas été retirée, ou tout du moins la perte de chance de ne pas avoir à acquitter cet impôt,

- condamner la CNAV à lui verser 500€ de dommages et intérêts pour réparer son préjudice au titre du temps perdu généré par les démarches rendues nécessaires depuis 2012 pour faire valoir ses droits,

- condamner la CNAV à lui verser 10.000€ de dommages et intérêts pour réparer son préjudice de perte de chance d'une meilleure qualité de vie,

- ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de la décision.

Par conclusions écrites soutenues oralement par son représentant, la CNAV sollicite de la cour de :

A titre principal,

- constater que le délai de 4 mois courant à compter de la notification du 07.04.11 pour retirer ou abroger la décision créatrice de droits a été respecté par l'envoi d'une nouvelle notification datée du 22.06.11 rectifiée le 25.06.11,

- constater que l'expiration éventuelle du délai de recours contentieux était sans incidence en raison de l'exception du principe de l'intangibilité tirée des dispositions des articles

L. 355-3 du code de sécurité sociale, 1235, 1376 et 1377 du code civil devenus 1302 et 1302-1,

- déclarer en conséquence que la notification n'était pas devenue définitive,

- dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a été remplacée par celle du 22.06.11 rectifiée le 25.06.11,

- déclarer mal fondées les demandes de dommages et intérêt et en débouter Mme [Y],

- la débouter de toutes autres prétentions,

- la condamner au paiement de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- constater que le caractère définitif attaché à la toute première notification de retraite du 12.11.2001 a fait obstacle à ce qu'elle puisse être remise en cause par la notification du 07.04.11,

- déclarer en conséquence que la notification du 07.04.11 était improductive de droit,

- déclarer mal fondées les demandes de dommages et intérêt et en débouter Mme [Y],

- la débouter de toutes autres prétentions,

- la condamner au paiement de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner Mme [Y] au paiement de l'indu de 7.618€ correspondant à la période du 04.07.2005 au 31.03.2011 résultant de la notification de retraite du 07.04.2011 si par extraordinaire, il devait être jugé que celle-ci est devenue définitive,

- déclarer mal fondées les demandes de dommages et intérêt et en débouter Mme [Y],

- la débouter de toutes autres prétentions,

- la condamner au paiement de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

A l'audience, les parties ont été interrogées sur la recevabilité des demandes de dommages et intérêts au regard de l'absence de chiffrage de l'une et du caractère nouveau des autres. Le représentant de Mme [Y] indique qu'il lui est impossible de chiffrer la demande relative au préjudice économique et reconnaît le caractère nouveau des deux autres. La CNAV conclut à leur irrecevabilité.

SUR CE,

En application de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2018, ne restent en litige que la demande tendant à voir rétablie la notification du 7 avril 2011 et la demande de dommages et intérêts en réparation de ce chef de préjudice. La notification du

12 novembre 2001 est donc hors débats.

- Sur le rétablissement de la notification du 7 avril 2011 :

Par la notification du 7 avril 2011, la CNAVTS a procédé à la révision de la pension de Mme [Y] liquidée le 12 novembre 2001 à effet du 1er juin 2010 sur le fondement d`un salaire de base de 17.040€, un taux de cotisations de 50% pour 150 trimestres et un montant de pension mensuelle de 676,10€. Cette décision emportait également notification d'un trop-perçu de la caisse à hauteur de 7.618,80€ pour la période du 1er juillet 2005 au 31 mars 2011.

L'article R. 351-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'les droits à l'assurance vieillesse sont déterminés en tenant compte notamment des cotisations versées au titre de la législation sur les assurances sociales et arrêtées au dernier jour du trimestre civil précédant la date prévue pour l'entrée en jouissance de la pension, rente ou allocation aux vieux travailleurs salariés...'.

L'article R. 351-10 ajoute que 'la pension ou la rente liquidée dans les conditions prévues aux articles R. 351-1 et R. 351-9 n'est pas susceptible d'être révisée pour tenir compte des versements afférents à une période postérieure à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à l'assurance vieillesse dans les conditions définies à l'article R. 351-1".

Il s'en déduit qu'hormis la renonciation pure et simple de l'assuré au bénéfice de sa pension, le principe de l'intangibilité des droits liquidés fait obstacle, après l'expiration des délais de recours contentieux à la modification des bases de calcul de la pension notifiée, peu important la légalité ou non de la décision notifiée.

Les délais de recours contentieux de deux mois étant expirés au 7 juin 2011, la caisse ne pouvait procéder à une nouvelle notification le 22 juin 2011 sur la base d'un taux, d'un salaire de base et d'un nombre de trimestres modifiés.

En conséquence, la notification du 7 avril 2011 doit recevoir plein effet dans toutes ses composantes. Mme [Y] sera ainsi rétablie dans ses droits à pension mensuelle de 676,10€. Un rappel des mensualités dues lui sera donc adressé, rappel diminué du trop-perçu de 7.618,80€ faisant partie intégrante de la notification du 7 avril 2011, et des mensualités effectivement versées en application de la rectification du 25 juin 2011, soit une pension mensuelle de 253,94€.

En effet, il ne saurait être fait application de l'article L. 355-3 du code de sécurité sociale prévoyant une prescription de deux ans pour un trop-perçu de pensions, les mensualités perçues depuis la date de retrait de la notification du 7 avril 2011 étant bien inférieures au montant réellement dû.

Quant aux intérêts dus, ils devront être calculés sur la base du taux légal à compter des mensualités échues postérieurement à la compensation opérée.

- Sur la responsabilité de la caisse et les demandes de dommages et intérêts :

Au motif d'une faute commise par la caisse, Mme [Y] sollicite des dommages et intérêts

- pour une somme indéterminée en vue de réparer son préjudice économique,

- à hauteur de 500€ de dommages et intérêts pour réparer son préjudice au titre du temps perdu généré par les démarches rendues nécessaires pour faire valoir ses droits,

- à hauteur de 10.000€ de dommages et intérêts pour réparer son préjudice de perte de chance d'une meilleure qualité de vie.

En première instance, elle n'avait présenté qu'une demande de dommages et intérêts de 10.000€. Par ailleurs, la Cour de cassation n'a renvoyé pour examen que la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non rétablissement de la notification du 7 avril 2011, ce chef de préjudice ne pouvant s'entendre que d'un chef de préjudice économique.

Or la demande en réparation du préjudice économique n'est aujourd'hui plus chiffrée, et doit être déclarée irrecevable en application des articles 4 et 5 du code de procédure civile. Quant aux deux autres demandes, elles revêtent un caractère nouveau, les rendant irrecevables elles-aussi en application de l'article 564 du code de procédure civile qui dispose 'qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions...'.

- Sur les demandes annexes :

Rien ne justifie de prononcer une astreinte pour l'exécution de la présente décision.

Eu égard à la décision rendue, il convient de rejeter la demande présentée par l'intimée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Ordonne à la CNAVTS de rétablir Mme [I] [Y] dans ses droits à pension mensuelle de 676,10€ tel que prévu dans la notification du 7 avril 2011,

Dit qu'un rappel des mensualités dues lui sera donc adressé, rappel diminué du trop-perçu de 7.618,80€ contenu dans la notification, et des mensualités effectivement versées en application de la rectification du 25 juin 2011 (pension mensuelle de 253,94€),

Dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de chaque mensualité due après compensation,

Déclare irrecevables les trois demandes de dommages et intérêts présentées par

Mme [I] [Y],

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Déboute la CNAVTS de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la CNAVTS aux dépens d'appel.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/07044
Date de la décision : 15/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°18/07044 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-15;18.07044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award