RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 15 Novembre 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05655 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5RXJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 16/00770
APPELANTE
Madame [Y] [K]
née le [Date naissance 1] 1978 EN ALGERIE (99352)
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Imen BICHAOUI, avocat au barreau de MEAUX, toque : 106 substitué par Me Fatima BOUALI-CHAOUKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0372
INTIMEES
CPAM de SEINE ET MARNE
[Adresse 2]
Rubelles
[Localité 2]
représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
DEFENSEUR DES DROITS
[Adresse 3]
[Localité 3]
représenté par Me Flora BERNARD, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 183
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 4]
[Localité 4]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juillet 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Claire CHAUX, présidente de chambre
Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère
Monsieur Lionel LAFON, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. L'arrêt initialement mis à disposition au greffe le 18 octobre 2019 a été prorogé le 15 novembre 2019.
-signé par madame Chantal IHUELLOU LEVASSORT, conseillère, (président de chambre empêchée), et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [Y] [K] d'un jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, ci-après "la caisse".
L'affaire est enregistrée sous le numéro RG 18/05655, les parties ont comparu à l'audience du 5 juillet 2019 et la décision est mise à disposition à la date prorogée du 31 octobre 2019.
FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .
Il suffit de rappeler que Mme [K] a complété le 22 mars 2016 une demande d'affiliation au régime général sur critère de résidence, afin de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé.
De nationalité algérienne, elle s'était mariée en Algérie le [Date mariage 1] 2015 à M. [U] [K] de nationalité française, et était arrivée en France le 10 mars 2016. Le visa valable du 3 mars au 29 août 2016 qui lui était accordé portait les mentions "famille de français" et "carte de séjour à solliciter dans les deux mois suivant l'arrivée."
Par lettre en date du 30 mars 2016, la caisse lui a notifié un refus d'affiliation, au motif qu'elle ne résidait pas sur le territoire français depuis plus de trois mois ininterrompus.
Elle accouchait le [Date naissance 2] 2016, et déposait le 1er juin 2016 une demande d'aide médicale de l'Etat que la caisse rejetait le 9 juin 2016 au motif qu'elle ne remplissait pas la condition de résidence.
La caisse a enregistré son affiliation à compter du 19 juillet 2016.
Mme [K] a contesté la position de la caisse devant la commission de recours amiable, puis sur refus implicite de son recours, elle a saisi par lettre enregistrée le 25 octobre 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux afin d'obtenir son affiliation à la date du 23 mars 2016 et la prise en charge des soins médicaux liés à son accouchement.
Par jugement en date du 19 mars 2018, ce tribunal a :
- confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,
- débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,
- rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [K] a relevé appel de ce jugement par lettre datée du 26 avril 2018.
Mme [K] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :
- à infirmer le jugement déféré,
- à constater à titre principal l'existence d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité dans la rédaction de l'article D.106-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2015-1882 du 31 décembre 2015,
- à juger qu'elle remplissait à la date du 23 mars 2016, les conditions d'affiliation au régime général de l'assurance maladie,
- à condamner en conséquence la caisse à lui verser les sommes de 1 906,86 euros, 4 722,15 euros et 3 533,34 euros au titre des factures hospitalières restées à sa charge, et elle sollicite la condamnation de la caisse à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de son conseil.
Le défenseur des droits fait déposer et soutenir oralement par son conseil des observations par lesquelles il considère que Mme [K] a été victime d'un vide juridique engendré par une mauvaise transposition, par le pouvoir réglementaire, des dispositions législatives entrées en vigueur avec la réforme de la protection universelle maladie (PUMA), que le refus d'affiliation va à l'encontre de la volonté du législateur, et qu'il est susceptible d'entraîner des conséquences discriminatoires.
La caisse fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à déclarer recevable mais mal fondé l'appel de Mme [K], et à confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, soutenant que l'appelante ne remplissait pas à la date du 23 mars 2016, les conditions d'affiliation à titre personnel, et qu'elle ne pouvait pas davantage bénéficier à cette date d'une affiliation en qualité d'ayant droit de son mari par application du régime transitoire instauré par la loi du 21 décembre 2015, n'ayant pas au 31 décembre 2015 la qualité de bénéficiaire des prestations de l'organisme de sécurité sociale.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .
SUR CE, LA COUR,
Mme [K] a relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, son appel est donc recevable.
Sur l'affiliation à titre personnel de Mme [K]:
En application de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées par la loi.
En application de l'article L. 160-5 du même code, issu de la même loi, toute personne qui déclare ne pas bénéficier de la prise en charge des frais de santé mentionnés au texte précité bénéficie de cette prise en charge par la caisse dès qu'elle justifie de son identité et de sa résidence stable et régulière en France.
En application de l'article D. 160-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2015-1882 du 30 décembre 2015, la condition de stabilité de la résidence est satisfaite lorsque la personne concernée présente un justificatif démontrant qu'elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
En l'espèce, il est constant que Mme [K] est arrivée en France le 10 mars 2016, et qu'à la date du 23 mars 2016, elle ne justifiait pas d'une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois.
C'est donc à bon droit qu'en application des textes précités, applicables à l'époque des faits, la caisse a refusé sa demande d'affiliation à titre personnel, et le jugement sera de ce chef confirmé.
Sur l'affiliation de Mme [K] en qualité d'ayant droit de son mari :
En application de l'article 59 de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, qui a substitué à la couverture maladie universelle (CMU) la protection universelle maladie (PUMA), un régime transitoire était instauré selon lequel, sauf demande contraire, la prise en charge des frais de santé des personnes majeures ayant la qualité d'ayant droit au 31 décembre 2015 reste effectuée, tant que ces personnes ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale au titre d'une activité professionnelle, y compris antérieure, par rattachement à l'assuré social dont elles dépendent, et par les organismes dont elles relèvent à cette date, jusqu'au 31 décembre 2019 au plus tard.
Il résulte de ces dispositions que pour bénéficier de l'affiliation au régime général en qualité d'ayant droit de son mari français, Mme [K] devait justifier de l'acquisition de cette qualité au 31 décembre 2015, sachant que la législation de sécurité sociale est d'application territoriale et que l'ouverture des droits est subordonnée à la résidence sur le territoire national de la personne qui en revendique le bénéfice.
Mais, il est constant que le mariage a été célébré en Algérie le [Date mariage 1] 2015, et que Mme [K] ne justifie d'aucune demande de rattachement en qualité d'ayant droit de
M. [K] formée au cours de l'année 2015.
Elle ne pouvait pas prétendre au bénéfice de cette qualité d'ayant droit au cours de l'année 2015 du fait qu'elle résidait en Algérie et non pas sur le territoire français en situation régulière. Elle ne produit par ailleurs, aucun élément sur sa situation à l'époque au regard de l'organisme de sécurité sociale algérien.
C'est donc à bon droit que la caisse lui refuse son affiliation à compter du 23 mars 2016 en qualité d'ayant droit de son mari, et le jugement sera également confirmé de ce chef.
Sur la violation des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme :
Ni Mme [K] ni le défenseur des droits ne critiquent l'interprétation faite par la caisse des dispositions du code de la sécurité sociale applicables à sa situation.
Mme [K] soutient cependant que l'article D. 160-2 précité, en ce que son cinquième alinéa permet aux personnes résidant en France au titre de la procédure de regroupement familial conformément à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'être dispensés de justifier d'une résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois, créée une discrimination indirecte fondée seulement sur la nationalité, défavorable au conjoint d'un assuré français qui souhaite le rejoindre et s'installer définitivement en France.
Mais c'est à tort qu'elle soutient que la seule différence entre les deux situations serait la nationalité.
Le regroupement familial est une procédure spécifique, et rien n'interdit au législateur de traiter de façon distincte des situations qui ne sont pas les mêmes.
Il n'est donc pas rapporté la preuve de l'existence d'une discrimination fondée sur la nationalité telle que prohibée par l'article 14 de la Convention précitée et l'article 12 de son protocole additionnel.
Il n'est pas davantage établi que l'application par la caisse des dispositions précitées du code de la sécurité sociale aurait porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelante.
Le défenseur des droits expose dans ses observations écrites que l'article D. 160-2 précité a été modifié à compter du 24 février 2017 dans le sens de l'extension de la dispense de la condition préalable de résidence de plus de trois mois.
Mais cette modification du texte ne peut pas être rétroactive, et l'argument est juridiquement inopérant. Il appartient au juge de contrôler la bonne application des textes applicables à une situation litigieuse, et non de les écarter en se fondant sur une intention du législateur qu'ils n'expriment pas.
Si le conciliateur de la caisse a le pouvoir de statuer en équité, le juge n'a pas cette latitude.
.
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions et Mme [K] déboutée de l'ensemble de ses demandes.
L'appelante qui succombe sera condamnée au paiement des dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ,
DECLARE recevable l'appel interjeté par Mme [Y] [K],
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
DEBOUTE Mme [Y] [K] de l'ensemble de ses demandes,
CONDAMNE Mme [Y] [K] aux dépens d'appel.
La greffièrePour la présidente empêchée,
La conseillère,