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14/11/2019 | FRANCE | N°16/25674

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9, 14 novembre 2019, 16/25674


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2019



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/25674 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IST



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 septembre 2016 - Tribunal d'Instance de JUVISY SUR ORGE - RG n° 11-15-001631





APPELANTE



Madame [R] [U]

née le [Date naissance 1]

1976 à [Localité 7] (94)

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée et assistée de Me Julie THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1694





INTIMÉS



Monsieur [C] [E]

né le [D...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2019

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/25674 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IST

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 septembre 2016 - Tribunal d'Instance de JUVISY SUR ORGE - RG n° 11-15-001631

APPELANTE

Madame [R] [U]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 7] (94)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Julie THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1694

INTIMÉS

Monsieur [C] [E]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 6] (75)

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assisté de Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

Substitué à l'audience par Me Isabelle GOESTER-PRUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

SELARL CABINET DE DERMATOLOGIE [C] [E], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 484 092 374 00012

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

Substitué à l'audience par Me Isabelle GOESTER-PRUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe DAVID, Président

Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller

Mme Agnès BISCH, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Philippe DAVID, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 17 décembre 2005, le Dr [E], dermatologue, a pratiqué un peeling du visage de Mme [U] à l'acide trichloracétique (TCA) à 30 %.

Estimant qu'étaient apparues par la suite des sensations de brûlures et des lésions sur son visage dommageables, Mme [U] a sollicité et obtenu la désignation d'un expert par ordonnance de référé du 16 mars 2007.

Le rapport d'expertise a été déposé le 25 juillet 2007 et le Professeur [L], expert, a conclu que le peeling ne pouvait être critiqué ni dans son indication, ni dans sa réalisation, ni dans son suivi et a exclu la nécessité d'une indemnisation.

Par jugement du 27 janvier 2012, le Tribunal de grande instance d'ÉVRY a rejeté la demande de contre-expertise, dit qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du Dr [E] dans le cadre de l'intervention du 17 décembre 2005 et rejeté les demandes d'indemnisation de Mme [U].

Par acte en date du 13 octobre 2015, Mme [U] a sollicité la condamnation de la société Centre Médical de Dermatologie de [Localité 8] à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus intentionnel de communication du dossier médical et la remise sous astreinte de son dossier médical.

Par jugement contradictoire en date du 20 septembre 2016, le tribunal d'instance de'JUVISY-SUR-ORGE a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire du Dr [C] [E],

- débouté Mme [U] de toutes ses demandes,

- débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Mme [U] à verser à M. [E] et à la société [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le tribunal a retenu qu'il n'était pas prouvé que M. [E] détenait d'autres documents que ceux produits aux débats et dès lors que la communication du dossier, dont l'existence n'était pas prouvée, ne pouvait être ordonnée, que les conditions de l'article 1382 du code civil n'étaient pas réunies, que l'ensemble du parcours thérapeutique de Mme [U] a pu être retracé de telle sorte qu'elle détenait l'ensemble des informations nécessaires à la suite des soins.

Par déclaration en date du 19 décembre 2016, Mme [U] a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 mars 2017, Mme [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- ordonner la remise de son dossier médical constitué par le Dr [E] au sein de son cabinet médical de [Localité 8] à compter de septembre 2005,

- en tout état de cause, juger que M. [E] et la société [E] ont commis une faute s'abstenant de constituer ou de transmettre à Mme [U] son dossier médical,

- condamner solidairement M. [E] et la société [E] à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du défaut de communication et/ou de constitution de ce dossier,

- condamner solidairement M. [E] et la société [E] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, l'appelante fait valoir en substance que le Dr [E] aurait dû constituer un dossier distinct de celui du Dr [D], que le Dr [E] ne justifie pas lui avoir communiqué, en dépit de ses multiples relances, le dossier médical établi à compter de septembre 2005, qu'il devrait pourtant être en mesure de produire les comptes-rendus prévus à l'article L. 1111-7 du code de la santé publique, qu'étant donné que le Dr [E] prescrivait des ordonnances libellées à l'adresse de son propre cabinet et la recevait dans ce cabinet, un dossier médical et une fiche personnelle auraient dû y être constitués, que le Dr [E] a commis une faute en refusant de communiquer son dossier médical et que sa condition médicale, emportant une interdiction de soleil à vie, justifiait la somme de 4 000 euros invoquée à titre de dommages et intérêts.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 5 mai 2017, la société [E] et M. [E] relèvent appel incident et demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [U] de toutes ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas accueilli les demandes reconventionnelles de M. [E] et de la société [E], et statuant de nouveau,

- condamner Mme [U] à payer à M. [E] une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme [U] à verser à chacun des intimés une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 4 000 euros,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être opéré par Me OUDINOT, avocat, dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir que la responsabilité du Dr [E] a définitivement été écartée par le tribunal de grande instance d'EVRY, que Mme [U] dispose du dossier de consultation, qu'avant le mois de novembre 2014 et notamment au cours de l'expertise, Mme [U] n'avait jamais fait grief à M. [E] de ne pas avoir diffusé l'ensemble des données en sa possession, que le Dr [E] n'a aucun autre élément à communiquer, que l'appelante a été en mesure de reconstituer l'ensemble de ses antécédents médicaux de sorte qu'aucune ambiguïté ne persiste, que le Dr [E] a subi un harcèlement et une procédure abusive.

Les intimés contestent également le lien de causalité entre les troubles neurologiques apparus en 2016 et le peeling réalisé le 17 décembre 2005, lien qui n'est nullement évoqué par les neurologues consultés.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2019.

SUR CE,

A titre préliminaire, il convient de préciser que la recevabilité de l'intervention volontaire du Dr [E] n'a pas été contestée par l'appelante et ne sera donc pas remise en cause.

Sur la demande de communication du dossier médical de Mme [U] constitué par le Dr [E] :

À l'appui de son appel, Mme [U] estime que le Dr [E] a commis une faute en refusant de communiquer son dossier médical ou en ayant omis d'en constituer un, que le Dr [E] ne justifie pas avoir communiqué le dossier médical, les comptes-rendus de consultation et les fiches personnelles, en dépit de ses multiples relances, qu'il est intervenu à titre personnel dans son propre cabinet et non en tant que remplaçant du Dr [D], que son avocate n'a jamais précisé le contenu du dossier qu'elle lui a restitué, qu'elle est légitime à réclamer son dossier médical puisqu'elle estime avoir subi un préjudice dans le cadre de sa prise en charge par le Dr [E] et qu'elle veut apporter à ses neurologues les précisions sur ses antécédents.

Comme le relèvent à juste titre les intimés, il convient de se référer à l'article L. 1111-7 du code de la santé publique, dans sa version applicable à la date des faits, qui prévoyait l'accès, pour toute personne, à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées et ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes-rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en 'uvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

Il ressort des pièces produites que Mme [U] dispose du dossier de consultation tenu principalement au Cabinet du Dr [D] de 1993 à avril 2007, que ce dossier a été renseigné par le Dr [E] lorsqu'il effectuait des remplacements, que le Dr [E] a effectué un suivi jusqu'en septembre 2006 comme en attestent les ordonnances produites par Mme [U], que devant le TGI d'ÉVRY, le conseil de Mme [U] a produit un bordereau de pièces et notamment la pièce 14 : notes du Dr [E] (dossier Melle [U]), que Mme [U] a produit un courrier du Dr [E] en date du 8 décembre 2006 exposant ses observations sur l'historique du suivi médical qu'elle ne conteste nullement, que l'expert a précisé s'être fait communiquer les pièces médicales nécessaires à son expertise, qu'il a été en mesure de reconstituer l'historique des événements, qu'aucune ambiguïté n'est apparue sur la prise en charge par les deux dermatologues que Mme [U] n'a émis aucune contestation ni aucune observation sur le contenu du pré-rapport puis du rapport d'expertise, qu'elle ne s'est jamais plainte d'une quelconque rétention d'information et que par courrier du 12 février 2015, son précédent conseil lui a restitué les originaux détenus dans le cadre de l'instance au TGI d'ÉVRY qui mentionne les 12 pages du dossier clinique de Melle [U], les divers certificats et ordonnances délivrés.

Le Dr [E] a fait valoir qu'il n'avait pas d'autres éléments à porter à la connaissance de la patiente.

C'est donc à juste titre que le premier juge, constatant qu'il n'était pas prouvé que le Dr [E] détenait d'autres documents que ceux produits aux débats, en a déduit qu'il ne pouvait ordonner la communication d'un dossier dont il n'est pas prouvé qu'il existe. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages intérêts :

L'appelante soutient que le Dr [E] a commis une faute en refusant de communiquer son dossier médical ou en ayant omis d'en constituer un.

Comme le relève à juste titre le premier juge, et sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter, aucune faute ne peut être retenue dans la communication du dossier médical en l'absence de preuve de l'existence d'autres pièces que celles déjà communiquées.

Sur le second moyen, il convient de rappeler qu'en application de l'article R. 4127-45 du code de la santé publique, issu du code de déontologie médicale, « Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin tient pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Les notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles au patient et aux tiers ».

Il résulte de ce texte qu'est fautif, le médecin qui ne rédige pas de comptes-rendus de consultations et qui n'établit pas de fiches d'observation.

Néanmoins, en l'espèce, il ressort des pièces produites que le Dr [E] est intervenu, en 2004 et 2005 en qualité de remplaçant du Dr [D], que ce dernier a vu sa patiente jusqu'en 2007 et que si le Dr [E] a reçu Mme [U] dans son cabinet à partir de septembre 2005 jusqu'en septembre 2006, les informations essentielles relatives au suivi de la patiente ont été consignées dans le dossier médical principal qui a permis, avec les observations du 8 décembre 2006 et les ordonnances de reconstituer l'intégralité du parcours thérapeutique de Mme [U].

De surcroît, rien n'établit que les neurologues qui suivent Mme [U] suspectent un lien entre le peeling réalisé en 2005 et les troubles actuels ni qu'ils aient estimé nécessaire d'obtenir plus d'informations pour analyser les antécédents médicaux de leur patiente.

En l'absence de preuve d'une faute, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande d'indemnisation.

Sur la demande reconventionnelle de dommages intérêts :

M. [E] réclame en appel une somme de 4 000 euros, estimant que l'action de Mme [U] était téméraire et abusive, qu'elle a colporté des accusations infondées auprès de tiers et qu'il a subi un préjudice moral et professionnel.

L'appelante n'a fait valoir aucun moyen sur cette demande reconventionnelle.

Pour rejeter cette demande, le premier juge a justement relevé que la précédente procédure avait été diligentée sur un fondement juridique différent, que les demandes formulées auprès des instances administratives ou professionnelles n'avaient pas le caractère d'une action en justice et ne pouvaient être considérées comme des précédents et qu'aucun abus de droit n'était caractérisé.

M. [E] ne fournit de surcroît, à l'appui de sa demande, aucune preuve de l'existence d'un acte de malice ou de mauvaise foi, ni d'une erreur grave équipollente au dol ni de la réalité d'un préjudice subi, hormis le fait de devoir être représenté en justice, ce dont il peut être indemnisé sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur les frais et les dépens :

Au vu de la solution adoptée au litige, l'appelante qui succombe, devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable d'allouer aux intimés une somme totale de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par décision mise à disposition au greffe, rendue contradictoirement et en dernier ressort,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Condamne Mme [R] [U] à payer à M. [C] [E] et à la SELARL CABINET DE DERMATOLOGIE [C] [E] la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme [R] [U] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Anne-Marie OUDINOT, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/25674
Date de la décision : 14/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G9, arrêt n°16/25674 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-14;16.25674 ?
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