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13/11/2019 | FRANCE | N°18/00789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 13 novembre 2019, 18/00789


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2019



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00789 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4YWR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 14/09587





APPELANTE



SARL BLOOD agissant poursuites et diligence

s de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de SOISSONS sous le numéro 790 694 194

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Will...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00789 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4YWR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 14/09587

APPELANTE

SARL BLOOD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de SOISSONS sous le numéro 790 694 194

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me William JULIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1652

INTIMÉES

SCP RIVOLI AVENIR PATRIMOINE représentée par la Société AMUNDI IMMOBILIER, SA, ayant son siège [Adresse 9], elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 440 388 411

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Assistée de Me Philippe LEGRAND de l'ASSOCIATION LEGRAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R054, avocat plaidant

SARL OASIS & RIVAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 531 177 764

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Laure CHRISTIAEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0855

PARTIE INTERVENANTE

SCI PAVA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 848 266 086

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Assistée de Me Philippe LEGRAND de l'ASSOCIATION LEGRAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R054, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Marie-Odile DEVILLERS, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 28 septembre 2007, la société AGUDA a consenti à la société LE CAFE DE LA POINTE D'IVRY un bail commercial portant sur des locaux à usage de 'commerce de restauration ' bar, vente à emporter, traiteur', dépendant d'un immeuble sis [Adresse 2]), à effet au 28 septembre 2007, moyennant un loyer de 21.481 euros par an, H.T. et hors charges.

Par acte sous seing privé en date du 25 juillet 2011, la société OASIS & RIVAGES a acquis de la société LE CAFE DE LA POINTE D'IVRY le fonds de commerce de 'restaurant' sis [Adresse 5]), précité exploité sous l'enseigne 'LE CAFE DE LA POINT D'IVRY', dont les locaux ont été entre temps cédés par la société AGUDA à la SOCIETE LYONNAISE D'INVESTISSEMENT IMMOBILIER SLIVIMO. Le prix de cession du fonds de commerce a été fixé à la somme de 100 000 euros.

Par acte sous seing privé en date du 10 juillet 2014, la société OASIS & RIVAGE a cédé son fonds de commerce de 'restaurant-bar-café', exploité dans les locaux dont s'agit et connu sous l'enseigne 'LE NEED CAFE'à la société CITY AUTO, SARL dont le siège social est [Adresse 3], pour un prix de 173 000 euros.

Cette cession a été publiée dans un journal d'annonces légales (Les Affiches Parisiennes du 19 juillet 2014), ainsi qu'au BODACC du 17 août 2014.

Par acte d'huissier de justice en date du 11 juillet 2014, la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, bailleresse du local sis [Adresse 5], a attrait la société OASIS & RIVAGE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil, poursuivant la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire et sa condamnation au paiement d'un arriéré de loyers.

L'arriéré locatif de la société OASIS & RIVAGE a été soldé par paiement de la somme de 35.696,01 € par chèque CARPA du 28 juillet 2014, terme du 3 ème trimestre inclus.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 septembre 2014 la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, a fait assigner la société OASIS & RIVAGE d'une part, la société BLOOD anciennement dénommée CITY AUTO d'autre part, devant le tribunal de grande instance de CRETEIL afin de voir dire et juger nulle et de nul effet la cession de fonds de commerce régularisée le 10 juillet 2014, d'ordonner l'expulsion des défenderesses, et de les condamner solidairement au paiement d'une indemnité mensuelle égale au loyer contractuel majoré de 20%, charges en sus, à compter du 10 juillet 2014 jusqu'à libération effective des lieux, outre frais irrépétibles et dépens.

Par jugement du 4 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Créteil a :

Prononcé la nullité de l'acte de cession de fonds de commerce signé le 10 juillet 2014 entre la SARL OASIS ET RIVAGE et la SARL BLOOD anciennement dénommé SARL CITY AUTO, pour fraude, en l'absence de la moindre clientèle cédée à cette date, la cession devant être requalifiée en une cession de droit au bail déguisée alors qu'elle était prohibée ;

Constatée surabondamment le caractère inopposable au bailleur de la cession du fonds de commerce et du droit au bail intervenue entre la SARL OASIS ET RIVAGE, locataire en titre, et la SARL BLOOD anciennement dénommée SARL CITY AUTO, acquéreur pressenti ;

Constaté les manquements au bail commercial du 28 septembre 2007, imputables à la SARL OASIS ET RIVAGE ;

Prononcé, au jour du jugement, la résiliation judiciaire du bail commercial conclu le 28 septembre 2007 entre la SCPI RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, bailleresse, et la SARL OASIS ET RIVAGE, preneur, portant sur des locaux sis [Adresse 5] ;

Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois qui suivra la signification du présent jugement, l'expulsion de la SARL OASIS ET RIVAGE et de tous occupant de son chef, la SARL BLOOD anciennement dénommée SARL CITY AUTO étant visée au premier chef, des lieux sis [Adresse 5], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

Dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, à sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 3.792 euros TTC par mois à compter du 4 décembre 2017 jusqu'au dernier jour du premier mois qui suivra la signification du présent jugement, puis à la somme de 4.550,40 euros TTC par mois à compter du 1er jour du deuxième mois qui suivra ladite signification, sans aucune charge ni taxe en sus, la TVA et les charges ayant déjà été intégrées dans les montants précédemment alloués ;

Condamné in solidum la SARL OASIS ET RIVAGE et la SARL BLOOD à payer à la SCPI RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, en deniers ou quittances, la somme de 3.792 euros TTC par mois à compter du 4 décembre 2017 jusqu'au dernier jour du premier mois qui suivra la signification du présent jugement, puis la somme de 4.550,40 euros TTC par mois à compter du 1er jour du deuxième mois qui suivra ladite signification ;

Condamné la SARL BLOOD à garantir la SARL OASIS ET RIVAGE des sommes mises à sa charge au titre de l'indemnité d'occupation ;

Condamné in solidum la SARL OASIS ET RIVAGE et la SARL BLOOD à payer à la SCPI RIVOLI AVENIR PATRIMOINE la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné in solidum la SARL OASIS ET RIVAGE et la SARL BLOOD aux entiers dépens de l'instance ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 28 décembre 2017, la SARL BLOOD a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 septembre 2019, la SARL BLOOD demande à la Cour de :

Vu l'article L145-16 du Code de commerce,

Vu les articles 1104, 1112, 1241 et 1690 du Code civil,

Vu les articles 555 et 1303 et suivants du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence visée et les pièces versées au débat,

AVANT-DIRE DROIT

' Ordonner une expertise de la valeur :

- du droit au bail du fonds de commerce sis [Adresse 5]) :

o lors de la signature de l'acte de cession de fonds de commerce du 25 juillet 2011,

o lors de la signature du contrat de cession de fonds de commerce du 10 juillet 2014

o à ce jour,

- du fonds de commerce à ce jour,

- des travaux, notamment de rénovation, réalisés entre 2014 et ce jour au sein dudit fonds par la société BLOOD.

' Commettre pour procéder à l'expertise, tel expert qui plaira à Madame le Conseiller de la mise en état, avec pour mission :

- d'entendre les parties,

- se faire remettre tous objets ou documents utiles à la réalisation de sa mission,

- examiner le fonds de commerce sis [Adresse 5],

- donner son avis sur la valeur :

- du droit au bail du fonds de commerce sis [Adresse 5]) :

o lors de la signature de l'acte de cession de fonds de commerce du 25 juillet 2011,

o lors de la signature du contrat de cession de fonds de commerce du 10 juillet 2014

o à ce jour,

- du fonds de commerce à ce jour,

- des travaux, notamment de rénovation, réalisés entre 2014 et ce jour au sein dudit fonds par la société BLOOD,

' Dire qu'il devra procéder au dépôt de son rapport dans un délai de trois mois à compter de l'ordonnance à intervenir,

' Fixer la somme qui plaira au juge de la mise en état à titre de provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée,

' Dire que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens au principal.

A TITRE PRINCIPAL

' Constater la violation du principe du contradictoire par le jugement entrepris ;

' Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Créteil du 4 décembre 2017 dans son entièreté ;

Statuant à nouveau :

' Dire et juger qu'une clientèle était attachée au fonds de commerce cédé par la société OASIS & RIVAGE à la société BLOOD le 10 juillet 2014 ;

' Si par extraordinaire la Cour retenait une interruption d'activité du fonds de commerce,

Dire et juger que celle-ci n'a été que temporaire et n'a pas entraîné la disparition de la clientèle attachée au fonds ;

' Dire et juger que la cession de fonds de commerce intervenue le 10 juillet 2014 est régulière et n'a pas été réalisée en fraude des droits du bailleur ;

' Constater que l'acte de cession du fonds de commerce du 10 juillet 2014 a été signifié à la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE par la société OASIS & RIVAGE en cours d'instance, dans le cadre de ses conclusions en défense en vue de l'audience de référé du 21 octobre 2014, alors que le bail était en cours ;

' Dire et juger que cette signification a rendu ladite cession opposable à la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, sans qu'il soit nécessaire de recueillir son assentiment ;

' Dire et juger que les sociétés RIVOLI AVENIR PATRIMOINE et PAVA ont accepté l'exploitation du fonds de commerce par la société BLOOD ;

' Dire et juger que la cession du fonds de commerce intervenue le 10 juillet 2014 est opposable aux sociétés RIVOLI AVENIR PATRIMOINE et PAVA ;

' Si par extraordinaire la Cour retenait un manquement de la société OASIS & RIVAGE à l'égard de la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE en raison du non-respect des dispositions de l'article 13 du contrat de bail de 2007, Dire et juger qu'il ne saurait être sanctionné, tout au plus, que par l'octroi de dommages et intérêts, et ce uniquement si la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE démontrait l'existence d'un préjudice tel qu'une volonté réelle d'acquérir le fonds ;

' Dire et juger que la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE a manqué à son obligation de bonne foi dans ses relations avec la société BLOOD, en particulier dans le cadre des pourparlers menés en vue de la signature d'un contrat de bail, interrompus par le silence brutal, prolongé, et sans motifs légitimes, du bailleur ;

' Dire et juger que le manquement de la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE à son obligation de bonne foi a causé préjudice à la société BLOOD, notamment en ce qu'il l'a convaincu de poursuivre des travaux de rénovation du fonds, coûteux, et a conduit au défaut de représentation effective de cette dernière devant le Tribunal de grande instance et au jugement d'expulsion litigieux, susceptible de conduire à sa liquidation judiciaire ;

' Condamner la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE à verser à la société BLOOD la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice résultant de la violation de son obligation de bonne foi à son égard ;

A TITRE SUBISIDIAIRE, si par extraordinaire le jugement litigieux était confirmé,

' Condamner solidairement les sociétés RIVOLI AVENIR PATRIMOINE et PAVA à verser à la société BLOOD une indemnité correspondant à la plus forte des deux valeurs entre celle de son appauvrissement (constaté au jour de la dépense) et celle de l'enrichissement injustifié des sociétés RIVOLI AVENIR PATRIMOINE et PAVA (tel qu'il subsiste au jour de la demande), qui ne saurait être inférieure à la somme de 171 449,60 euros TTC, somme à parfaire au vu du résultat de l'expertise sollicitée, le cas échéant ;

' Condamner la société OASIS & RIVAGE à verser à la société BLOOD la somme de 173 000 euros, correspondant à la somme acquittée par cette dernière à l'occasion de la conclusion du contrat de cession de fonds de commerce le 10 juillet 2014 ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

' Débouter les sociétés RIVOLI AVENIR PATRIMOINE et PAVA de toutes leurs fins et prétentions ;

' Condamner tout succombant à verser à la société BLOOD la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile ;

' Condamner tout succombant aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 avril 2019, la SARL OASIS & RIVAGE demande à la Cour de :

A titre principal,

- INFIRMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

- DEBOUTER la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- DEBOUTER la société SCI PAVA de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société BLOOD à garantir la société OASIS ET RIVAGES des sommes mises à se charge au titre de l'indemnité d'occupation

En tout état de cause,

- CONDAMNER tout succombant à payer à la société OASIS & RIVAGE la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles.

- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens, dont distraction directe au bénéfice de Maître Laure CHRISTIAEN, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 1er avril 2019, la SCPI RIVOLI AVENIR PATRIMOINE et la SCI PAVA demandent à la Cour de :

Vu les articles 328 et suivant du code de procédure civile,

Donner acte à la SCI PAVA de son intervention volontaire,

Déclarer recevable et bien fondée la SCI PAVA, nouveau propriétaire des locaux occupés par la société BLOOD, en son intervention volontaire à la présente procédure.

Vu l'article 1134 du Code Civil,

Vu le bail commercial en date du 28 septembre 2007,

Vu l'adage Fraus omnia corrumpit,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Débouter la société BLOOD et la société OASIS & RIVAGE de l'intégralité de leurs demandes.

Condamner la société OASIS & RIVAGE et la société BLOOD chacune à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Patricia HARDOUIN ' SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Par ordonnance en date du 12 juin 2019, le magistrat de la mise en état, a :

Rejeté la demande d'expertise formée par voie d'incident par la société BLOOD;

Dit que le sort des dépens de l'incident suivra le sort des dépens de l'instance principale.

La clôture a été prononcée le 3 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intervention volontaire de la SCI PAVA

La SCI PAVA justifie avoir fait l'acquisition par acte authentique en date du 26 mars 2019, du bien immobilier sis [Adresse 2] / [Adresse 5], objet du bail commercial litigieux.

Dès lors, son intervention en cause d'appel au soutien de l'action de la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, est recevable.

Sur la régularité de la cession du fonds de commerce

Le tribunal a retenu comme le soutenait le bailleur, que l'acte intervenu le 10 juillet 2014 est nul, pour fraude s'agissant d'une cession de bail déguisée en cession de fonds de commerce.

La société BLOOD qui conclut à l'infirmation du jugement entrepris, soutient qu'elle a bien acquis un fonds de commerce, comprenant un droit au bail et une clientèle ; que si la cour retenait qu'il y avait eu interruption d'activité, elle ne pourrait qu'observer que celle-ci n'a été que temporaire et n'a pas fait disparaître la clientèle. Elle souligne que la société CITY AUTO qui a fait l'acquisition du fonds de commerce, a changé sa dénomination sociale et son objet social le lendemain de la signature du contrat de cession du fonds afin d'en poursuivre l'exploitation. Elle indique que la cession a été signifiée au bailleur par ses conclusions en défense en vu de l'audience de référés du 21 octobre 2014. Elle souligne qu'elle s'acquitte régulièrement des loyers ; que la résiliation du bail dont s'agit conduirait aux licenciements économique de ses 23 salariés.

La société OASIS & RIVAGE, soutient principalement qu'elle a bien cédé un fonds de commerce comprenant un droit au bail et une clientèle, à la société BLOOD même si elle n'a pas été en mesure de présenter à l'acquéreur une comptabilité permettant de déterminer les résultats afférents à l'activité du fonds.

La bailleresse qui conclut à la confirmation du jugement entrepris soutient que la cession du fonds de commerce est en réalité une cession déguisée de droit au bail ; que le fonds de commerce cédé était inexistant, faute de clientèle et de marchandises cédées, que l'acte de cession n'a pas indiqué les résultats d'exploitation pour les années 2012, 2013 et 2014 ; qu'aux termes du bail la cession du droit au bail est prohibée ; que dès lors, en application de l'adage fraus omnia corrumpit, l'acte de cession de fonds de commerce est frauduleux ce qui entraîne sa nullité ; de plus qu'en infraction au bail, le bailleur n'a pas été appelé à l'acte et aucune copie exécutoire de cet acte ne lui a été signifiée en application de l'article 1690 du code civil. En outre, le droit de préemption du bailleur n'a pas été respecté. Elle conclut à la nullité et à l'inopposabilité de la cession, faute entraînant la résiliation du bail dont s'agit.

L'article 13 du bail intitulé "CESSION DE BAIL" stipule que :

- que le preneur ne pourra céder son droit au bail sans le consentement exprès et par écrit du bailleur;

- que le preneur peut toutefois librement céder son droit au bail pour la totalité des locaux loués à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise;

- que toute cession devra avoir par acte (...) auquel le bailleur sera appelé;

- que les cessionnaires devront s'obliger solidairement avec le preneur au paiement des loyers et à l'exécution du bail ;

- que le preneur restera répondant solidaire de son successeur et de tous successeurs successifs au paiement des loyers et de l'exécution des conditions du bail jusqu'à son terme ;

- que le preneur ne pourra pas céder son fonds de commerce sans en proposer préalablement l'achat au bailleur;

- que le bailleur disposera après la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui lui sera faite du projet de cession du fonds de commerce d'un délai d'un mois pour faire savoir au preneur s'il entend acquérir aux conditions proposées ou aux conditions à débattre entre les parties;

- que dans ce dernier cas la cession devra intervenir dans le mois de l'exercice du droit de préemption par le bailleur, faute de quoi cette préemption sera réputée non avenue;

- qu'à défaut de réponse dans le délai prévu, le bailleur sera considéré comme ayant renoncé à exercer le droit de préemption;

- que tous ceux qui seront devenus successivement cessionnaires du bail demeureront tenus envers le bailleur, solidairement entre eux et avec le preneur au paiement des loyers et à l'exécution des conditions du bail pendant toute la durée de celui-ci alors même qu'ils ne seraient plus dans les lieux et auraient même cédé leur droit ;

- qu'une copie exécutoire de l'acte de cession ou un original enregistré devra être remis au bailleur, sans frais pour lui, le preneur étant tenu de respecter les règles de l'article 1690 du code civil.

Selon l'acte sous seing privé en date du 10 juillet 2014, enregistré le 18 juillet 2014, la vente du fonds de commerce porte sur : 'la clientèle et l'achalandage ; l'enseigne et le nom commercial 'LE NEED CAFE', la licence IV ; le droit au bail des locaux dans lequel il est exploité ; les agencements, le matériel et le mobilier garnissant le fonds dont un inventaire sera dressé entre les parties ; les marchandises [...] étant précisé qu'il ne devrait n'y avoir aucune marchandise dans le fonds au jour de la cession définitive ; le bénéfice du droit à l'usage d'une ligne unique téléphonique dont le numéro de téléphone est [...] ainsi qu'une ligne internet [...]étant précisé qu'aucun personnel n'est attaché au fonds [...]'

Il est constant qu'un acte présenté comme une cession de fonds de commerce est frauduleux et s'analyse en une cession déguisée du droit au bail, s'il apparaît qu'aucune clientèle n'a été cédée.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la preuve de l'absence de cession de clientèle n'est pas rapportée en l'espèce. Certes l'acte portant cession du fonds ne précise pas les chiffres d'affaires réalisés dans les lieux au cours des trois derniers exercices, cependant seul le cessionnaire et non le bailleur peut se prévaloir du non respect de l'article L141-1 du code de commerce. L'absence de chiffre d'affaires mentionné dans l'acte n'établit pas, à lui seul que le fonds a été inexploité durant ces trois exercices, d'autant que l'acte fait référence à sa comptabilité produite pour l'exercice clos le 31 décembre 2012. La société OASIS ET RIVAGE explique avoir dans un premier temps poursuivi l'activité de restauration traditionnelle de son prédécesseur, puis avoir combiné cette activité avec celle de bar à ambiance musicale et privatisation de salles sous l'enseigne 'NEED CAFE' et enfin avoir exploité dans les lieux pris à bail un restaurant de cuisine asiatique. La société prouve ses dires par la production de sa liasse fiscale pour l'année 2012, par diverses attestations et captures d'écran de sites internet, ainsi que celles de factures EDF montrant une consommation électrique, notamment jusqu'au début du mois de février 2014. Il résulte de l'analyse de ces différents éléments, que l'exploitation de ce commerce était peu florissante et a connu des périodes d'interruption, notamment pendant la période précédant immédiatement la cession du fonds de commerce, cependant, ceci n'établit pas que toute clientèle pour un fonds de restauration avait disparu lors de la cession, en raison de ces quelques mois d'inexploitation.

Il convient d'observer que la société CITY AUTO qui a fait l'acquisition du fonds de commerce, par acte sous seing privé en date du 10 juillet 2014, a le 15 juillet 2014, lors d'une assemblée générale dont le procès verbal a été déposé au greffe du tribunal de commerce le 25 août 2014, modifié son objet social à compter du même jour en une activité de 'restauration sur place et à emporter ; salon de thé ; bar à chicha / narguilé ; import / export de tous produits liés à la restauration' ainsi que son nom commercial en 'BLOOD'. A ces mêmes dates, elle a modifié ses statuts, conformément à ces délibérations. La société BLOOD a procédé le 21 octobre 2014, aux formalités de mutation de la licence IV et déclaré vouloir exploiter le débit de boissons dans les lieux à compter du 5 novembre 2014. Dès l'exercice 2015, la société BLOOD a dégagé un bénéfice de 38.120 euros, pour un chiffre d'affaires de 492.286 euros, alors même qu'elle n'avait aucune notoriété dans le domaine de la restauration préalablement à son acquisition du fonds de commerce, puisqu'elle a dû modifier son objet social à cette fin. Dans ces conditions, cette exploitation profitable du fonds, dès l'exercice 2015, s'explique par le fait que la clientèle attachée au fonds n'avait pas disparu, lors de sa cession.

Avec la clientèle du fonds de commerce, ont été cédés outre la licence IV, les abonnements téléphonique. Certes aucun contrat de fournitures n'a été cédé, mais le défaut de transmission des contrats de fournitures n'implique pas que le fonds n'a pas été cédé. L'acte mentionnait que la cession du fonds ne portait pas sur les marchandises et une clause du contrat stipulait que leur cession s'effectuerait pour un prix plafonné de 1000 euros, mais le défaut de cession du stock, n'implique pas, surtout pour un commerce de restauration, que le fonds n'a pas été cédé. De même aucun contrat de travail n'a été transféré, mais, la cession du fonds existe à partir du moment où une cession de clientèle existe, quand bien même aucun contrat de travail n'a été transféré.

En conséquence, il ne s'agit pas d'une cession déguisée et c'est bien un fonds de commerce de restauration qui a été vendu.

La demande d'expertise présentée par la société BLOOD, destinée à établir l'existence d'une clientèle cédée , est dans ces conditions sans objet, et elle en sera déboutée.

Le contrat de bail soumettait cette cession de fonds à des formalités qui n'ont pas été respectées.

C'est ainsi que le bailleur n'a pas été appelé à l'acte de cession. Cependant, la cession ayant été signifiée au bailleur par conclusions signifiées au cours de l'instance introduite en référé, cette cession est opposable au bailleur.

En outre, la société cédante n'a pas respecté le droit de préemption du bailleur. Cependant, le défaut du respect de ce droit de préemption conventionnel au profit du bailleur n'est pas sanctionné par la nullité de la cession ou par l'inopposabilité de celle-ci au bailleur ; aucune disposition en ce sens ne figurant au bail.

La bailleresse poursuit la résiliation du bail compte tenu des manquements contractuels de la société locataire.

La résiliation d'un bail ne peut être prononcée en application de l'article 1184 du code civil, qu'autant que les manquements contractuels allégués ont une gravité suffisante.

En l'espèce, le défaut d'appel du bailleur à l'acte de cession du fonds de commerce et de non respect de son droit de préemption contractuel, ne sont pas des manquements suffisamment graves pour entraîner la résiliation du bail, d'autant qu'en raison de son objet social la bailleresse ne pouvait reprendre l'exploitation du fonds de commerce ; qu'il y a eu poursuite de l'exploitation d'un fonds de restauration dans les lieux pris à bail, pour lequel les loyers appelés sont régulièrement acquittés.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la société BLOOD à l'encontre de la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE

La société BLOOD soutient que la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE a manqué à son obligation de bonne foi dans ses relations avec la société BLOOD, en particulier dans le cadre des pourparlers menés en vue de la signature d'un contrat de bail, interrompus par le silence brutal, prolongé, et sans motifs légitimes, du bailleur ; qu'il en est résulté pour elle un préjudice dans la mesure où cela l'a convaincue de poursuivre des travaux de rénovation du fonds, coûteux, et a conduit au défaut de représentation effective de cette dernière devant le tribunal de grande instance et au jugement d'expulsion litigieux, susceptible de conduire à sa liquidation judiciaire.

La cour relève bien que cette demande ne soit pas présentée à titre subsidiaire mais à titre principal, le préjudice dont la société BLOOD demande réparation, n'existerait selon elle que dans l'hypothèse où le jugement entrepris serait confirmé.

En conséquence, le jugement dont s'agit étant infirmé, la société BLOOD ne justifie d'aucun préjudice en lien avec un manquement éventuel de la société bailleresse à son obligation de bonne foi et elle doit être déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires

Le jugement étant infirmé en ses dispositions principales, il doit également être infirmé en ce qui concerne le sort des dépens et celui de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance ni en cause d'appel.

La société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE, qui succombe en ses demandes sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SCI PAVA, acquéreur des locaux donnés à bail ;

Infirme le jugement entrepris,

statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la cession du fonds de commerce de la société OASIS ET RIVAGE à la société BLOOD, anciennement dénommée CITY AUTO, n'est pas frauduleuse et ne s'analyse pas en une cession de droit au bail déguisée ;

Constate que cette cession est opposable au bailleur pour lui avoir été signifiée par conclusions ;

Dit que les fautes contractuelles résultant du défaut d'appel à l'acte de cession du bailleur et de non respect de son droit de préemption ne sont pas d'une gravité suffisante pour entraîner la résiliation du bail liant les parties ;

Déboute les bailleresses de leurs demandes de nullités, d'inopposabilité et de résiliation du bail ainsi que de toutes les demandes qui en sont la suite ;

Rejette la demande d'expertise judiciaire présentée par la société BLOOD ;

Déboute la société BLOOD de sa demande de dommages-intérêts présentée à l'encontre de la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en premier ressort et en cause d'appel ;

Condamne la société RIVOLI AVENIR PATRIMOINE aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au bénéfice des avocats postulants qui en ont fait la demande en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/00789
Date de la décision : 13/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°18/00789 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-13;18.00789 ?
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