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13/11/2019 | FRANCE | N°17/15208

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 13 novembre 2019, 17/15208


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 13 Novembre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/15208 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4VPZ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES RG n° f1500514





APPELANT



Monsieur [K] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

né l

e [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4] (99)



représenté par Me Claire DI CRESCENZO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1738





INTIMEE



SARL DECOBAT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 13 Novembre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/15208 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4VPZ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES RG n° f1500514

APPELANT

Monsieur [K] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4] (99)

représenté par Me Claire DI CRESCENZO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1738

INTIMEE

SARL DECOBAT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 414 474 171

représentée par Me Anne-laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0276 substitué par Me Tanguy DECAUP, avocat au barreau de PARIS, toque : E0170

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 19 juillet 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Decobat a proposé à M. [W] de l'engager après l'avoir rencontré sur des chantiers communs. Toutefois, celui-ci étant de nationalité polonaise et sans titre de séjour et de travail en cours de validité, l'embauche de M. [W] a été reportée.

En avril 2007, puis entre le 28 février et le 7 mars 2008, la société a établi un dossier complet de demande d'autorisation de recrutement de M. [W], constitué notamment d'une promesse d'embauche et du formulaire CERFA N°96-6102 de contrat de travail pour travailleur étranger non agricole.

Lors d'un rendez-vous le 17 juillet 2008 en vue du dépôt de demande de titre de séjour, la société a été informée de la nouvelle possibilité pour les ressortissants polonais de travailler en France sans titre de séjour.

M. [W] a été engagé par un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de carreleur qualifié, le 17 juillet 2008.

De son côté, monsieur [W] prétend qu'il a commencé à travailler depuis 2004 sans être déclaré en étant rémunéré par des chèques de clients de la société sans ordre entre le 26 avril 2006 et le 8 août 2008.

Durant la relation contractuelle, le salarié a fait l'objet d'un premier avertissement le 25 mai 2012, d'un deuxième le 9 décembre 2013 et d'un troisième le 14 avril 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2014, la société Decobat a convoqué M. [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 novembre 2014.

M. [W] a demandé à déplacer la date de l'entretien afin de bénéficier de la présence d'un traducteur, ce que la société a réussi à trouver pour la date fixée.

M. [W] a ensuite demandé à décaler l'horaire de l'entretien au motif qu'il devait s'entretenir avec son conseiller, ce que la société a refusé.

La société Decobat a notifié au salarié son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 novembre 2014 pour son comportement, l'exécution de son travail et le non respect de ses obligations professionnelles.

Estimant être victime de harcèlement moral depuis 2012 et d'avertissements injustifiés tous les ans et avoir revendiqué en vain la fin de son statut de travailleur dissimulé par lettre du 15 septembre 2014, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges le 21 juillet 2015 de diverses demandes, notamment, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement en date du 17 octobre 2017 le conseil de prud'hommes a débouté les parties de leurs demandes et condamné M. [W] aux dépens.

M. [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 29 novembre 2017.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 28 février 2018, il demande à la cour d'infirmer le jugement et :

'à titre principal :

'de requalifier le montant de son salaire brut mensuel à la somme de 2.667,18 euros,

'de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

'48.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'16.000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

'd'ordonner la remise du certificat de travail, de l'attestation Pôle emploi et du solde de tous comptes conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

'd'ordonner la rectification des bulletins de salaire délivrés depuis l'embauche du 1er septembre 2008 et des déclarations sociales subséquentes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

'à titre subsidiaire, de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

'35.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'11.500 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

'en tout état de cause, de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

'20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

'7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 28 juin 2018, la société Decobat demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 17 octobre 2017 par le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges et de condamner M. [W] à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, transmises par le réseau privé virtuel des avocats et soutenues oralement lors de l'audience.

La clôture est intervenue le 26 juin 2019 et l'audience s'est tenue le 11 septembre 2019.

MOTIFS

Sur la prescription et le travail dissimulé :

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire intentionnellement à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit, en cas de rupture de la relation de travail, le versement au profit du salarié d'une indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire.

Quant à la prescription, l'article 2224 du code civil, en sa rédaction applicable postérieurement à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2222 du même code prévoit qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

M. [W] fait valoir qu'il a travaillé de 2006 à 2008 sans être déclaré et a ensuite effectué des heures supplémentaires non déclarées et que sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé n'est pas prescrite. Il soutient que le délai de prescription court à compter de la date de la rupture du contrat de travail, et qu'en tout état de cause ce délai ne peut courir qu'à partir du moment où le salarié a eu connaissance de ses droits, soit, en l'espèce, en septembre 2014. Il conclut qu'ayant saisi le conseil des prud'hommes en juillet 2015, son action n'est pas prescrite quelle que soit la date à laquelle commence à courir le délai de prescription.

La société Decobat souligne que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Elle conclut que les faits que M. [W] revendique s'étalent de 2006 à 2008 mais que les faits antérieurs à 2013 sont prescrits.

La cour relève que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L. 8223-1 relève d'une action en dommages et intérêts destinée à réparer le préjudice résultant du travail dissimulé par l'employeur qui, dès lors, conformément aux articles 2224 du code civil et L. 8223-1 du code du travail, se prescrit par cinq ans à compter du jour de la rupture du contrat de travail.

Le licenciement étant intervenu le 27 novembre 2014 et la saisine du conseil de prud'hommes le 21 juillet 2015, l'action de M. [W] n'est pas prescrite.

Quant au travail dissimulé, M. [W] soutient qu'il a été employé par la société Decobat depuis 2004 sans contrat de travail ni bulletin de salaire ; il produit les copies de chèques et de relevés de comptes bancaire ; il ajoute qu'un contrat de travail pour travailleur étranger non agricole du 26 avril 2007, une promesse d'embauche du 28 février 2008, et un nouveau contrat pour travailleur étranger non agricole du 7 mars 2008, ont été signés par les parties mais qu'aucun bulletin de salaire ne lui a été remis, continuant à être rémunéré par les clients de la société Decobat, par chèques émis à son ordre ; enfin il souligne qu'il devait travailler le vendredi après-midi sans être rémunéré et pour justifier ses propos, le salarié verse plusieurs attestations.

La cour relève que la production de chèques émis par d'autres sociétés que la société Decobat et des relevés de comptes de M. [W] ne permet pas d'établir une quelconque relation de travail entre la société et M. [W] pour les périodes antérieures au contrat du 17 juillet 2008.

Par ailleurs, les contrats de travail pour travailleur étranger agricole, tout comme la promesse d'embauche, dont se prévaut M. [W] s'inscrivent dans le cadre d'une demande d'autorisation de recrutement et ces contrats ne comportent pas le visa du ministère du travail et ne sont pas accompagnés d'une autorisation de travail nécessaire à l'embauche d'un salarié par un tel contrat ; ces éléments ne permettent donc pas d'établir une relation de travail préalable au 17 juillet 2008, date du contrat de travail de M. [W], à effet au 1er septembre 2008, correspondant aux premiers bulletins de salaire du salarié.

Enfin, les attestations versées au débat n'établissent pas la réalité d'un travail dissimulé. En effet, les attestations de messieurs [B] et [D] ne concernent pas les faits en cause ; les attestations de messieurs [V] et [Y] sont non seulement écrites dans les mêmes termes, mais encore la société Decobat rapporte et justifie d'une part que M. [V] [T], qui atteste que la société le « force à travailler « au black » le vendredi après-midi », n'a été engagé par elle qu'un mois en 2004 et trois mois fin 2012, et d'autre part que M. [Y] n'a jamais été l'un de ses salariés, celui-ci travaillant pour la SN Decobat (RCS N°753 726 629) et non pour elle (RCS N°414 474 171) ; la dernière attestation, date de 2006 et est écrite par le frère de M. [W].

Ces attestations n'ont pas la valeur probante nécessaire pour établir l'existence du travail dissimulé.

M. [W] sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de requalification du salaire :

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

M.[W] soutient qu'en plus de ses horaires habituels de 35 heures par semaine, il a effectué un minimum de 4 heures supplémentaires par semaine et sollicite la requalification de son salaire mensuel à la somme de 2.667,18 euros.

A cet égard il verse au débat deux attestations. Messieurs [V] [T] et [Y] [Z] témoignent dans les mêmes termes : « La direction de Decobat me force à peine de sanction à travailler « au black » le vendredi après-midi. Contraint pour préserver mon emploi je me suis exécuté. Monsieur [K] [W] m'a expliqué les suites de cela. C'est pourquoi pour en finir j'atteste par la présente ».

Les mêmes termes utilisés par les deux attestations font douter de leur authenticité, mais de plus, elles sont imprécises comme le reconnaît d'ailleurs le salarié indiquant qu'il ne pensait pas à noter les heures et enfin la société Decobat justifie d'une part que M. [V] [T] n'a été engagé par elle qu'un mois en 2004 et trois mois fin 2012, et d'autre part que M. [Y] n'a jamais été l'un de ses salariés, celui-ci travaillant pour la SN Decobat comme indiqué précédemment et non pour elle.

En conséquence, aucun élément est de nature à étayer la demande du salarié qui en sera débouté.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Comme faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, M. [W] rappelle d'abord que depuis 2012, il s'est vu notifier trois avertissements injustifiés signés par différentes personnes.

Il fait ensuite observer que la société lui imposait des retours tous les soirs à la fin de sa journée de travail au siège de la société, sans lui régler ses heures supplémentaires.

M. [W] relève ensuite que, par lettre du 3 octobre 2014, la société lui a demandé de restituer les clés du véhicule mis à sa disposition.

Il soutient encore que, par lettre du 13 octobre 2014, la société lui a faussement reproché d'avoir quitté son poste prématurément. Le salarié verse à ce titre deux témoignages, de messieurs [B] et [D], présents sur le chantier en cause.

Le salarié présente ainsi des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Concernant les avertissements, la société conclut que M. [W] n'a pas contesté le premier avertissement, que le deuxième avertissement a été retiré dès que le salarié a justifié son absence, et que le troisième avertissement contesté ne relève que d'une exécution normale du contrat de travail selon les termes du conseil de prud'hommes.

Elle soutient que le fait de recevoir des directives de personnes différentes ne constitue pas un harcèlement mais relève du fonctionnement normal d'une entreprise.

La société Decobat répond également que les heures supplémentaires de M. [W] lui ont été réglées, comme en atteste ses bulletins de salaire.

Elle souligne ensuite que la restitution des clés du véhicule s'est avérée nécessaire face à la succession de contraventions y compris hors du temps de travail, à l'absence de soins du véhicule par M. [W] et au refus du salarié de n'utiliser le véhicule qu'à des fins professionnelles, ayant de plus appris qu'il travaillait pour d'autres entreprises.

Elle ajoute que le refus de restituer le véhicule pour lequel elle a dû missionner un huissier, caractérise une insubordination.

Enfin, sur motif d'avoir quitté prématurément son poste de travail le 9 octobre 2014, la société soutient que les attestations fournies par le salarié ne sont pas probantes et contredites par les courriels qu'elle a reçus et notamment de monsieur [B] et indique que cette décision relève du pouvoir hiérarchique de l'employeur.

Il ressort des pièces du dossier que la seule contestation du premier avertissement apparaît dans la lettre du 27 septembre 2014, soit deux ans plus tard, pour se prévaloir de la prescription. M. [W] confirme que le deuxième avertissement a été retiré. Quant au troisième avertissement, il concerne l'exécution du travail de M. [W], ce qui, au regard de la nature de la sanction et des faits reprochés, même contestés, relève effectivement de l'exécution normale du contrat de travail et non d'un harcèlement.

La société démontre ainsi que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Comme l'ont justement souligné les premiers juges, le fait de recevoir des consignes de la part de la gérante et du responsable hiérarchique, qui n'a pas toujours été le même selon les chantiers relève du fonctionnement normal d'une petite et moyenne entreprise.

La cour relève également qu'aucun élément ne permet d'établir la réalité des retours imposés et heures supplémentaires allégués par le salarié.

Concernant le véhicule, le contrat de travail du salarié mentionne aux termes des obligations professionnelles du salarié qu'il devra « être responsable et prendre le plus grand soin du véhicule qui lui est prêté par l'entreprise », et qu'il s'agit bien d'un véhicule de la société à usage professionnel destiné à lui faciliter les trajets pour se rendre sur les chantiers ; or la société Decobat verse trois contraventions en date des 4 juin 2013, 11 juin 2013 et 14 août 2014, cette dernière date correspondant à une période de congés payés de M. [W].

La décision de l'employeur sur la restitution du véhicule est donc justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Enfin, sur le départ prématuré de M. [W] de son poste de travail le 9 octobre 2014, la société produit les courriels qu'elle a reçus les 9 et 13 octobre 2014 de M. [B], dans lesquels il fait état de moyens humains insuffisants et d'imperfections dans les travaux du chantier, notamment du carrelage.

Ce seul élément n'est toutefois pas de nature à établir le départ prématuré du salarié.

Dès lors, l'avertissement contesté et le reproche d'un départ prématuré non établi, seuls éléments pouvant être retenus, ne peuvent révéler l'existence d'un harcèlement.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 27 novembre 2014, qui fixe les termes du litige, mentionnent plusieurs griefs. Il est fait mention des avertissements adressés au salarié, de son attitude au travail, des contraventions et de l'utilisation du véhicule à des fins personnelles, de son refus du 3 octobre 2014 de restituer les clés du véhicule et de se rendre sur son lieu de travail, des propos qu'il a tenu à l'encontre de la société dans ses différentes lettres et des pressions exercées pour obtenir une rupture conventionnelle.

La société verse au débat le procès-verbal de constat établi par huissier le 3 octobre 2014 faisant état du refus opposé par le salarié à la restitution des clés du véhicule et M. [W] ne conteste pas son refus de se rendre à son poste de travail le 3 octobre 2014.

Ces éléments caractérisent une insubordination.

Ainsi, au regard de l'insubordination du 3 octobre 2014, et de l'attitude du salarié au sein de la société précédemment exposée, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais de procédure :

M. [W], succombant à l'instance, sera condamné au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [W] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/15208
Date de la décision : 13/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/15208 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-13;17.15208 ?
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