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13/11/2019 | FRANCE | N°17/09950

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 13 novembre 2019, 17/09950


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2019



(n° 2019/ , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/09950 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3KVD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/07878





APPELANT



Monsieur [T] [Y]

Né le [Date naissanc

e 1] 1961 à [Localité 1] (TOGO)

de nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Alexandra SIX de la SELAS SIX - DEBACKER & ASSOCIES, avocat au barreau de PAR...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2019

(n° 2019/ , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/09950 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3KVD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/07878

APPELANT

Monsieur [T] [Y]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (TOGO)

de nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Alexandra SIX de la SELAS SIX - DEBACKER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0006

INTIMÉE

SA CREDIT FONCIER DE FRANCE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 542 029 848

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0049

Assistée de Me Eleusis CHARBONNEAU de la société d'avocats VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque T06

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise CHANDELON, Présidente

M. Marc BAILLY, Conseiller

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Françoise CHANDELON, Présidente et par Méghann BENEBIG, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant offre de prêt acceptée le 26 novembre 2005, la banque SA CREDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à monsieur [T] [Y] un prêt immobilier destiné à financer l'acquisition d'une maison individuelle en l'état futur d'achèvement à usage locatif. Ce prêt, d'un montant de 346 390 euros et d'une durée de 20 ans, était remboursable au taux de 3,20 % par an pendant les deux premières années puis révisable annuellement sur la base du TIBEUR un an majoré de 1,50 %. Le taux effectif global mentionné dans l'offre était de 3,30 % par an, et le taux de période de 0,27500 % par mois.

Soutenant que le contrat de prêt ne respecterait pas diverses dispositions du code de la consommation, par assignation datée du 29 mai 2015 monsieur [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Paris. Aux termes de ses dernières conclusions, monsieur [Y] poursuivait l'annulation de la stipulation d'intérêt ' aux motifs allégués que le taux effectif global serait erroné en ce qu'il ne satisfait pas au principe d'équivalence des flux, ne serait pas proportionnel au taux de période, n'intégrerait pas les frais liés à l'assurance du prêt ' et demandait subséquemment, notamment, le remboursement des intérêts indûment perçus, le taux légal étant à substituer au taux conventionnel. Il réclamait en outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE en réponse a conclu à l'irrecevabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels engagée sur la base d'une offre de prêt soumise aux dispositions d'ordre public de la loi Scrivener codifiée aux articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, et aussi à son irrecevabilité, comme étant prescrite.

Monsieur [Y], par déclaration en date du 17 mai 2017, a interjeté appel du jugement rendu le 28 mars 2017 par lequel le tribunal a :

- déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur [T] [Y] ;

- condamné monsieur [T] [Y] aux dépens ;

- autorisé Maître [G] [L] à recouvrer directement contre monsieur [T] [Y] les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- condamné monsieur [T] [Y] à payer à la société CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de la procédure d'appel clôturée le 10 septembre 2019 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Par dernières conclusions notifiées le 28 juin 2019 par la voie du RPVA, monsieur [Y], appelant,

demande à la cour,

Vu les dispositions des articles L 313-1, L 313-2 et R 313-1 du code de la consommation ainsi que des articles 6 et 1907 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

de bien vouloir :

* confirmer le jugement rendu le 28 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir formée par le CREDIT FONCIER DE FRANCE ;

* infirmer le jugement rendu le 28 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

' déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur [T] [Y],

' condamné monsieur [T] [Y] aux dépens et autorisé Me [G] [L] à recouvrer directement contre monsieur [T] [Y] les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision,

' condamné monsieur [T] [Y] à payer à la société CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* constater, dire et juger que le taux effectif global contenu dans le contrat de prêt du 10 décembre 2005 conclu par monsieur [T] [Y] est erroné ;

* débouter le CREDIT FONCIER DE FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* déclarer nulles la stipulation du taux d'intérêt conventionnel et la stipulation du taux effectif global ;

* substituer le taux d'intérêt légal de l'année 2005 à l'intérêt conventionnel depuis le début du prêt et pour les échéances à venir, et ce jusqu'à la fin du prêt ;

* condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à transmettre un nouveau tableau d'amortissement à monsieur [T] [Y] et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

* condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à restituer à monsieur [T] [Y] le trop-perçu au titre des intérêts résultant de la substitution sollicitée, augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

* condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE à payer à monsieur [T] [Y] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner le CREDIT FONCIER DE FRANCE aux entiers dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Alexandra SIX, avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 12 juin 2019 par la voie du RPVA la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE, intimé et appelant incident,

demande à la cour de bien vouloir recevoir le CREDIT FONCIER DE FRANCE à en ses écritures et y faisant droit,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2017 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel du CREDIT FONCIER DE FRANCE ;

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2017 en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes de monsieur [Y] ;

- condamné monsieur [Y] à payer au CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Et ainsi,

A titre principal :

Déclarer monsieur [Y] irrecevable en son action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels engagée sur la base d'une offre de prêt soumise aux dispositions d'ordre public de la loi Scrivener, codifiée aux articles L 312-1 et suivants du code de la consommation ;

À supposer que son action en nullité soit déclarée recevable, la déclarer prescrite et en

conséquence, le déclarer irrecevable en ses demandes à ce titre ;

A titre subsidiaire :

Débouter monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause :

Condamner monsieur [Y] à régler au CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Audrey HINOUX, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

SUR CE

Considérant que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, qui vise à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil ; qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ;

Considérant qu'en l'espèce il résulte des énonciations de l'offre de prêt querellée, acceptée le 26 novembre 2005, que cette offre comporte des mentions suffisamment précises et claires, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de comprendre ce qu'est un taux effectif global, et surtout, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour le calculer, et a contrario, quels sont ceux qui n'ont pas été inclus, puisque l'offre de prêt se présentait exactement ainsi, en pages 2/19 :

'COUT TOTAL DU PRET

Total des intérêts

221 689,25 €

Frais d'ouverture de crédit

1 572,00 €

TOTAL223 261,25 € (1 464 497,80 F)

Taux effectif global (TEG) : 3,30 % l'an (frais d'acte inclus)

Taux de période : 0,27500 % par mois

Frais d'acte liés au prêt, évalués à 3 300,00 € (21 646,58 F) mais dont seul le notaire peur communiquer le montant exact'

Qu'ainsi l'emprunteur, au prix de la lecture attentive et exhaustive qu'il est légitime d'attendre d'une personne s'engageant pour 20 ans, sans avoir besoin d'aucune compétence en science mathématique était en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulte nécessairement de l''omission' alléguée, à savoir l'omission du coût de l'assurance décès-invalidité, dans le calcul du taux effectif global et du coût total du prêt ;

Considérant qu'aussi, dès la signature de l'offre, dont les termes sont clairs et aisés à comprendre, même pour un non spécialiste, l'emprunteur était également en mesure de se convaincre des autres erreurs invoquées (en première instance) relatives au défaut de proportionnalité du taux effectif global, sans avoir à mobiliser des connaissances mathématiques approfondies, puisqu'à partir des mentions contenues dans l'offre une opération mathématique simplissime suffisait à constater que la multiplication par 12 du taux de période indiqué ne donnait pas rigoureusement le taux effectif global affiché ;

Considérant que s'agissant du grief de non respect de l'égalité des flux, déjà formulé en première instance, à le considérer isolément et à retenir que seule une analyse telle que celle effectuée par 'LES EXPERTISEURS DU CREDIT' le 2 mars 2015 permettait de le révéler, il convient de souligner que même sans procéder à aucun calcul il découle des prétendues anomalies elles mêmes décelables à la simple lecture de l'offre de prêt, que dès lors que le taux effectif global tel que calculé par la banque est de ce fait faussé, il ne peut avoir respecté l'égalité des flux entre d'une part les sommes prêtées et d'autre part, tous les versements dus par les emprunteurs ;

Considérant surtout que ce rapport ne porte en réalité, aucune révélation nouvelle d'une anomalie ou erreur qui n'aurait pu être précédemment décelée, subséquemment à l'examen de l'offre de prêt, et en tout état de cause affirme un résultat sur le taux de période calculé en fonction de l'intégration dans l'assiette du taux effectif global de frais d'assurance dont il n'est pas établi qu'ils devraient y être intégrés, ce qui le prive de toute valeur probante ; que ce rapport, par suite, est également inopérant s'agissant de la prescription ;

Considérant qu'en définitive toutes les 'erreurs' successivement alléguées, étaient donc potentiellement décelables par l'examen de l'offre de prêt ;

Considérant que le délai de prescription quinquennale applicable à l'action a donc commencé à courir au jour de l'acceptation de l'offre et non pas de manière différée, tel que le soutient monsieur [Y], à la date du rapport de l'expert qu'il a missionné - 'LES EXPERTISEURS DU CREDIT' - étant rappelé aussi que toute prescription répond à un impératif de sécurité juridique et que son point de départ ne saurait être artificiellement retardé par l'emprunteur, sauf à lui conférer un caractère purement potestatif ;

Considérant que l'action en nullité est donc prescrite et qu'en conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Que par conséquent il n'y a pas lieu de statuer sur la question de la sanction applicable en matière d'erreur affectant le taux effectif global, soulevée par la banque, question qui touche au fond, lequel n'est pas à examiner compte tenu de l'irrecevabilité des demandes pour cause de prescription ;

Sur les dépens et frais irrépétibles

Considérant qu'au vu de ce qui précède il y a lieu de condamner monsieur [Y], qui échoue dans ses prétentions, aux entiers dépens, ainsi qu'à payer à la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE, pour des raisons tenant à l'équité, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel, la somme de 3 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et y ajoutant,

- condamne monsieur [T] [Y] à payer à la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel ;

- condamne monsieur [T] [Y] aux dépens d'appel, et admet Me Audrey HINOUX, avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/09950
Date de la décision : 13/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/09950 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-13;17.09950 ?
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