Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 12 NOVEMBRE 2019
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14649 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Z4U
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/02215
APPELANT
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté à l'audience par Mme BOUCHET-GENTON, substitut général
INTIME
Monsieur [V] [N] né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Maroc)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Yves FARRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0376
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2019, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean LECAROZ, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre
Mme Anne BEAUVOIS, présidente
M. Jean LECAROZ, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffière.
Vu le jugement rendu le 31 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a dit que M. [V] [N], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Maroc), est français et ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Vu l'appel formé le 7 juin 2018 par le ministère public ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2019 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, de statuer à nouveau, d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [V] [N], de dire que l'intéressé n'est pas de nationalité française et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2019 par M. [V] [N] qui demande à la cour de débouter le ministère public, de juger qu'il est français, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le Trésor public aux dépens.
SUR CE,
L'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose :
« L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français.
Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.
La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »
M. [V] [N], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Maroc), de nationalité marocaine, s'est marié le [Date mariage 1] 1995 à [Localité 2], avec Mme [R] [H], de nationalité française, née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 3].
Le 31 août 2000, il a souscrit devant le juge d'instance de Nogent-sur-Marne une déclaration sur le fondement de l'article 21-2 du code civil en vue d'acquérir la nationalité française. Cette déclaration a été enregistrée le 10 mai 2001 sous le numéro 08090/01, dossier n°2000DX016070.
Selon acte délivrée le 2 novembre 2015, le ministère public l'a assigné aux fins d'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française.
Sur la recevabilité
Aux termes de l'article 26-4 du code civil, « A défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.
Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.
L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude ».
Seul le ministère public territorialement compétent pouvant agir en annulation de l'enregistrement pour fraude, c'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action.
En raison du domicile de M. [V] [N] à [Localité 4], le ministère public territorialement compétent pour contester l'enregistrement de la déclaration de nationalité française est le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris.
Comme l'ont relevé les premiers juges, la fraude invoquée par le ministère public, qui consiste dans la cessation de la communauté de vie entre les époux [N] ' [H] telle qu'elle résulte du jugement de divorce prononcé entre eux le 27 mars 2000 par le tribunal de grande instance de Créteil, n'a pu être connu de lui qu'à la date du bordereau de transmission du ministère de la Justice au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris du 2 octobre 2015.
Le ministère public ayant engagé l'action selon assignation du 2 novembre 2015, soit dans le délai de deux ans prévu par l'article précité, son action est recevable.
Sur le fond
La présomption résultant de la cessation de la communauté de vie prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 26-4 du code civil ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration. Dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqué. Sous cette réserve, l'article 26-4, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution (Cons. const. 30 mars 2012, no 2012-227 QPC).
Le ministère public ayant engagé son action plus de deux ans après l'enregistrement de la déclaration de nationalité française contestée, il lui appartient de rapporter la preuve de la fraude qu'il invoque.
Pour rapporter cette preuve, le ministère public verse aux débats :
- le jugement rendu le 27 mars 2000 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Créteil prononçant le divorce entre M. [N] et Mme [H],
- la déclaration de communauté de vie souscrite par M. [N] et Mme [H] le 31 août 2000,
- la copie intégrale d'acte de mariage de M. [N] et de Mme [H] faisant mention d'une décision de résidence séparée du 21 décembre 1999.
Il résulte de ces pièces que le ministère public rapporte la preuve de la cessation de la vie commune, tant matérielle qu'affective, au jour de la déclaration de nationalité française.
M. [N] soutient qu'il n'a eu connaissance de ce jugement de divorce qu'en 2004 et verse une attestation de son ex-épouse selon laquelle elle ne l'avait pas informé de l'existence de cette procédure et qu'il a continué à vivre avec elle jusqu'en 2004.
Cependant, il ne saurait être sérieusement soutenu que cette attestation serait de nature à rapporter la preuve du maintien de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux au jour de la déclaration de nationalité française, dès lors que Mme [H], qui a comparu le 31 août 2000 devant le juge d'instance de Nogent-sur-Marne, a attesté sur l'honneur que la communauté de vie subsistait entre les époux depuis le mariage tandis que ce mariage avait été dissout dès le 27 mars 2000, étant précisé que l'épouse avait obtenu dès le 21 décembre 1999, une décision de résidence séparée. Il doit être par ailleurs être rappelé que M. [N] n'a exercé aucun recours contre le jugement de divorce dont il prétend n'avoir eu connaissance qu'au cours de l'année 2004.
Le ministère public rapportant la preuve d'un cas de fraude, l'enregistrement de la déclaration de nationalité française litigieux doit être annulé. Le jugement est donc infirmé.
Succombant à l'instance, M. [N] est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement,
Annule l'enregistrement n°08090/2001 de la déclaration d'acquisition de nationalité française souscrite le 31 août 2000 devant le juge d'instance de Nogent-sur-Marne par M. [V] [N],
Dit que M. [V] [N], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Maroc) n'est pas de nationalité française,
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,
Condamne M. [V] [N] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE