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08/11/2019 | FRANCE | N°19/02118

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 08 novembre 2019, 19/02118


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2019



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02118 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7FQG



Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 08 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/11527

Arrêt du 28 Février 2017 - Cour d'appel de PARIS - RG 2014-01575
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DEMANDEREUR A LA SAISINE



M. LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'IL...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2019

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02118 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7FQG

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 08 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/11527

Arrêt du 28 Février 2017 - Cour d'appel de PARIS - RG 2014-01575

Arrêt du 14 novembre 2018 - Cour de cassation - Pourvoi n° H17/15.553 - Arrêt n°968 FS-D

DEMANDEREUR A LA SAISINE

M. LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC430

DÉFENDEURS A LA SAISINE

Mme [E] [F] [W] NEE [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Me Bruno BELOUIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat plaidant du barreau de PARIS, Toque : K 19

M. [B] [F] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assisté de Me Bruno BELOUIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat plaidant du barreau de PARIS, Toque : K 19

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise BEL, Présidente de chambre

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Rappel des faits et de la procédure :

[E] [K] épouse [F] [W], fille et unique héritière de [T] [K], et son époux [B] [F] [W], sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune et n'ont pas fait mention dans leurs déclarations pour les années 2000 à 2003 de la valeur du monopole d'exploitation des droits d'auteur de [T] [K], au motif qu'il s'agissait de biens professionnels exonérés de tous droits à ce titre.

L'administration fiscale a procédé au contrôle de ces déclarations et, considérant que ces droits d'auteur ne relevaient pas des biens professionnels, a adressé aux époux [F] [W], une proposition de redressement réintégrant la valeur des droits en cause et écartant du passif une dette fiscale.

M.et Mme [F] [W] ont présenté des observations le 19 janvier 2004, lesquelles ont été écartées le 17 octobre suivant par l'administration fiscale.

La commission départementale de conciliation, saisie par l'administration a, lors de sa séance du 21 novembre 2006, considéré que la valeur vénale du monopole d'exploitation en litige pouvait être déterminée en fonction de la valeur moyenne des revenus bruts perçus à ce titre au cours des trois années précédant l'année d'imposition, en affectant cette moyenne d'un coefficient multiplicateur de 4 au lieu de 5 et en tenant compte d'un abattement pour frais de 15%. Cet avis a été notifié aux époux [F] [W] par acte du 20 décembre 2006.

L'administration a ultérieurement indiqué aux époux [W] s'en tenir à l'avis de la commission, détaillé les conséquences financières de cette nouvelle méthode d'évaluation et émis en conséquence quatre avis de mise en recouvrement :

- avis de mise en recouvrement n°2006 12 M00 13, pour l'année 2000, pour 184 696 euros de droits et 2823 euros de pénalités,

- avis de mise en recouvrement n°2006 12 M 00 14 pour l'année 2001, pour 163 453 euros de droits,

- avis de mise en recouvrement n°2006 12 M 00 15 pour l' année 2002 pour un montant de droits de 184 180 euros,

- avis de mise en recouvrement n°2006 12 M00 16 pour un montant de droits de 203 090 euros pour l'année 2003.

Ces avis de mise en recouvrement ont été signifiés à M. et Mme [F] [W] le 29 décembre 2006 et ces derniers ont présenté le 8 janvier 2007 une réclamation, laquelle a été rejetée le 9 juillet 2012.

C'est dans ces conditions que M. et Mme [F] [W] ont, par acte du 10 août 2012, fait assigner le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la décharge des impositions supplémentaires réclamées.

Par jugement du 8 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Paris a dit que la procédure d'imposition était régulière, dit ensuite que le monopole d'exploitation transmis à Mme [E] [K] épouse [F] [W] constituait un bien professionnel exclu de l'assiette de l'ISF en application de l'article 885 N du code général des impôts au titre des années 2000 à 2003, et prononcé en conséquence la décharge des impositions litigieuses.

Les premiers juges ont considéré que si l'article 885 I du code général des impôts réserve aux auteurs l'exonération de plein droit qu'il édicte, il n'a pas pour effet de refuser aux ayants droit qui en remplissent les conditions le bénéfice du régime des biens professionnels instauré par les articles 885N et suivants du même code.

Le tribunal de grande instance a jugé que l'exclusion du régime des biens professionnels édictée par l'article 885 O quater du code général des impôts, et frappant les parts ou actions des sociétés ayant pour activité principale la gestion par un redevable de son patrimoine mobilier ou immobilier, ne saurait être étendue par principe aux biens dont l'exploitation constitue l'activité principale de leur propriétaire.

Relevant que Mme [F] [W] poursuit personnellement l'exploitation du monopole qui lui a été transmis, de façon continue et directe, à titre habituel et constant et dans un but lucratif, et que les produits de son activité sont imposés comme bénéfices non commerciaux, et se fondant sur les diligences déployées par Mme [F] [W], telles que l'adhésion à une association de gestion agréée, l'immatriculation au répertoire national des entreprises, la mise en oeuvre de moyens matériels et humains, les premiers juges ont considéré que Mme [F] [W] justifiait du caractère professionnel de son activité exercée à titre principal et qui nécessite la détention des droits de propriété littéraire et artistique en cause, et que ceux-ci constituaient donc des biens professionnels visés à l'article 885 N du code général des impôts.

Par arrêt du 28 février 2017, la cour d'appel de Paris, infirmant ce jugement, a dit, d'une part, que les droits de propriété littéraire et artistique dont Mme [E] [K] épouse [F] [W] avait hérité de son père [T] [K] devaient être inclus dans l'assiette de l'ISF des années 2000 à 2003 et, d'autre part, que les valeurs de capitalisation des droits d'auteur ayant servi de base aux impositions supplémentaires étaient fondées et en conséquence que ces impositions étaient justifiées. Elle a donc débouté les époux [F] [W] de toutes leurs demandes et les a condamnés solidairement à verser une indemnité de procédure de 2000 euros au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

La cour d'appel de Paris a jugé que la gestion des droits de propriété littéraire et artistique dont Mme [F] [W] a hérité de son père ne constitue pas une activité professionnelle au sens de l'article 885 N du code général des impôts et, à ce titre, exonérée de l'ISF, dès lors que la gestion par un héritier du patrimoine privé qui lui a été dévolu par succession ne rentre pas dans les catégories des professions commerciales, artistiques ou libérales énumérées par l'article 885N, peu important qu'une telle activité s'exerce dans le cadre d'une structure immatriculée au registre national des entreprises (Siren), et étant relevé que Mme [F] [W] fait valoir sa propre activité d'auteur génératrice de droits d'auteur à titre personnel. Elle en a déduit que les droits de propriété littéraire et artistique dont Mme [F] [W] a hérité de son père doivent être inclus dans l'assiette de l'ISF des années 2000 à 2003.

Le 30 mars suivant, M. et Mme [F] [W] ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 14 novembre 2018, la cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il dit la procédure régulière, l'arrêt rendu le 28 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remis en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Paris autrement composée, a condamné le directeur général des finances publiques aux dépens et à payer à M. et Mme [F] [W] la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté sa demande à ce titre, aux motifs que :

'Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 885 N du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n°88-1149 du 23 décembre 1988 ;

Attendu que pour rejeter la demande de décharge présentée par M. et Mme [F] [W], l'arrêt retient que la gestion par un héritier du patrimoine privé qui lui a été dévolu par succession ne rentre pas dans les catégories des professions commerciales, artistiques ou libérales énumérées par l'article 885 N du code général des impôts, peu important qu'une telle activité s'exerce dans le cadre d'une structure immatriculée au registre national des entreprises (Siren) ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure que Mme [F] [W] exerçât, à titre principal, une des professions énumérées à l'article 885 N du code général des impôts et que les droits de propriété littéraire et artistique en cause, dont elle avait hérité, fussent nécessaires à l'exercice de cette profession, de sorte qu'ils eussent constitué des biens professionnels au sens de cet article, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'.

Par déclaration du 29 janvier 2019, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (ci-après, le directeur régional des finances publiques) a saisi la cour d'appel de renvoi.

Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2019, l'Etat représenté par le directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris demande à la cour de :

- le dire et juger fondé en son appel du jugement rendu le 8 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau :

- dire et juger que les droits de la propriété littéraire et artistique détenus par Mme [E] [K] épouse [F] [W] au titre de l''uvre de son père ne constituent pas des biens professionnels au sens de l'article 885 N du code général des impôts,

- dire et juger que les droits de la propriété littéraire et artistique détenus par Mme [E] [K] épouse [F] [W] au titre de l''uvre de son père doivent être inclus dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2000 à 2003,

- dire et juger que les valeurs de capitalisation des droits d'auteur ayant servi de base aux impositions supplémentaires sont fondées et que ces impositions sont ainsi justifiées,

- confirmer le rehaussement des valeurs des droits d'auteur de [T] [K],

En tout état de cause,

- débouter M. et Mme [F] [W] de leur demande en dégrèvement de l'imposition supplémentaire et de toutes demandes, fins et conclusions en défense,

- de condamner M. et Mme [F] [W] aux entiers dépens en première et seconde instances et au versement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.

Il considère que les premiers juges ont commis une erreur de droit en méconnaissant l'article 885 I du code général des impôts, par refus d'application, et l'article 885 N du même code, par fausse application.

En premier lieu, il soutient qu'en application du quatrième alinéa de l'article 885 I du code général des impôts, qui dispose depuis 2000 que : 'Les'droits'de'la'propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d'imposition de leur auteur ', les droits de la propriété littéraire et artistique détenus par Mme [F] [W], en sa qualité d'héritière de son père, [T] [K], ne peuvent être exonérés des bases d'imposition à l'ISF.

Il soutient qu'en créant un seul cas d'exonération réservé à l'auteur de l''uvre, le nouveau texte en prive corrélativement les titulaires autres que l'auteur.

Il ajoute que cette volonté ressort également du rapport de M. [I] sur le projet de loi de finances pour 2000, qui précise que ces dispositions visent à aligner le régime des droits de la propriétaire littéraire et artistique sur ceux des droits de la propriété industrielle prévoyant une exonération pour l'auteur et l'inventeur et un assujettissement de leurs ayant droits, mais également du commentaire de l'article 885I alinéa 4 par l'instruction administrative du 22 mai 2000.

Il considère que dans la mesure où l'article 885 I du code général des impôts régit spécifiquement le caractère imposable ou non de la propriété littéraire et artistique et règle les cas de tous les titulaires de ces droits (auteur ou personnes autres que l'auteur), sans renvoyer à aucune autre disposition, il n'y a pas lieu de se référer à un texte autre que cet article pour apprécier l'assujettissement à l'ISF du monopole d'exploitation de l''uvre d'un écrivain recueillie par ses ayants droit.

En second lieu, il fait valoir le caractère infondé de l'exonération de droits, prononcée par les premiers juges, au regard de l'article 885 N du code général des impôts, lequel subordonne la qualification de biens professionnels à la démonstration, d'une part, que l'activité présente un caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral, d'autre part, qu'elle soit exercée à titre de profession.

Il fait tout d'abord valoir que l'activité de gestion du monopole par Mme [F] [W] constitue non pas une activité libérale, mais une activité de gestion du patrimoine, exclue de la qualification de biens professionnels en vertu de l'article 885 O quater du code général des impôts.

Il considère que l'imposition,'dans'la'catégorie fourre-tout'des'bénéfices non commerciaux, visée à l'article 92 du code général des impôts,'ne'caractérise'pas'l'exercice'd'une'profession libérale, et que la doctrine administrative récuse une quelconque corrélation entre l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et l'exercice, par les ayants droit d'auteur, d'une profession libérale en considérant que 'Ne peuvent être réputés exercer une profession non commerciale [...] les héritiers ou légataires des inventeurs ou auteurs'.

Il soutient que l'activité'exercée'par'Mme'[F] [W]'à'l'égard'de'l''uvre de'son'père est distincte de sa propre activité de création en qualité d'auteur, laquelle est inopérante pour caractériser les biens professionnels définis à l'article 885N du code général des impôts, et que chacune de ces activités génère des revenus différents et devant être ventilés dans la déclaration de revenus. Il considère que l'exploitation par Mme [F] [W] des droits d'auteur de [T] [K] relève'de'la seule'gestion'patrimoniale et non pas d'une activité libérale, peu important le temps et les démarches déployés par l'intéressée au titre de cette activité et que celle-ci soit exercée dans le cadre d'une entreprise individuelle.

Sur le montant des rectifications, il sollicite, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, la validation des évaluations effectuées par l'administration fiscale, laquelle a retenu, d'une part, en application des dispositions de l'article 666 du code général des impôts, et au vu des attributs de l'oeuvre de [T] [K], notamment de l'exceptionnelle notoriété de ce dernier, l'importance de son oeuvre, sa large diffusion et son succès, et de l'importance des produits d'exploitation générés, un coefficient de 4, conforme à celui proposé par la Commission départementale de conciliation, d'autre part, un taux forfaitaire d'abattement pour frais de 15% en ayant recours à une méthode d'évaluation empirique consistant à se référer au taux annuel moyen des frais réels, tels que déclarés par Mme [F] [W] sur les déclarations de revenus non commerciaux.

Il fait valoir qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'évaluation des droits d'auteur de [T] [K] par référence à une pratique de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), non opposable à l'administration fiscale.

Il considère le coefficient moyen de 3 applicable aux oeuvres graphiques et visé dans le Guide de l'évaluation des biens édité en 1989 par le Ministère de l'économie, des finances et du budget n'a pas de valeur contraignante, ce guide ne constituant pas une doctrine opposable à l'administration, et le travail de scénariste de bande dessinée ne relevant pas de la catégorie des oeuvres graphiques, mais littéraires.

Il ajoute que l'évaluation des droits d'auteur au décès de [T] [K], effectuée en 1982 sur la base d'un coefficient de 2,5, ne saurait interdire de retenir un coefficient supérieur, ladite évaluation ne constituant pas une prise de position formelle opposable à l'administration au sens de l'article L.80 B- 1° du livre des procédures fiscales, et l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine étant écartée dans l'hypothèse d'un changement de la situation de fait.

Il relève, en outre, que la valeur vénale s 'apprécie à la date du fait générateur de l'impôt, soit le 1er janvier de l'année d'imposition, en fonction de la situation de fait et de droit des biens à évaluer, et que la prise de position alléguée concerne l'année 1982, alors que les redressements litigieux portent sur les années 2000 à 2003. Il considère encore qu'au vu de l'extension de la durée de protection des droits, passée de 50 ans à 70 ans en application de la directive communautaire 93/98 du 29 novembre 1993, il n'y a pas lieu de se référer à l'évaluation des droits d'auteur réalisée à la suite du décès de [T] [K], au titre d'un impôt différent de celui considéré en l'espèce et dont le fait générateur précédait de plus de vingt ans la date d'exigibilité des impositions litigieuses. Enfin, il estime que le coefficient de 2,5 contenu dans le Guide de l'évaluation des biens et s'appliquant à 'un'auteur'peu'connu'et'dont'les'droits'risquent'de'décroître'rapidement', est inadéquat au vu du montant conséquent des revenus tirés du monopole d'exploitation de l'oeuvre, quasiment inconcevable au décès de [T] [K] et dans les premières années qui l'ont suivi.

Il prétend que les réserves sur les perspectives d'exploitation du monopole, telles que ressortant du rapport d'expertise amiable effectuée à la demandes des intimés ne sont pas fondées. Il considère que la valeur du monopole d'exploitation dépend d'une appréciation des divers facteurs susceptibles de concourir au succès ou à l'échec de cette 'uvre, sans qu'il y ait lieu d'estimer les droits d'auteur en fonction du prestige intellectuel du genre auquel se rattache l''uvre qui les a générés, soit le genre de la bande dessinée, dans lequel l'oeuvre de [T] [K] tient, en outre, une place de premier plan. Il ajoute que rien ne justifie de donner une importance secondaire à l'approche économique fondée sur le niveau et l'évolution des revenus du monopole considéré, alors que la durée de la protection du monopole d'exploitation a été portée de 50 ans à 70 ans et que le renouvellement des collaborations pourrait prolonger encore l'exploitation du monopole.

Sur la prise en compte des frais de gestion du monopole, il fait valoir que la revendication d'un abattement de 30 % pour frais ne résulte que de la pratique de la SACEM et de la SACD, et qui ne revêt aucun caractère obligatoire. Il ajoute que le taux de 15 % retenu par le service de contrôle correspond au niveau réel de ces frais pour les années 1996 à 2002.

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2019, les époux [F] [W] demandent à la cour de :

- Débouter M. le directeur régional des finances publiques de toutes ses demandes,

- Prononcer la nullité de la procédure de rectification afférente aux années 2000 à 2003,

- A titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu le 8 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris dans ses dispositions,

- Condamner l'Etat au remboursement des frais irrépétibles engagés par le contribuable à hauteur de 10.000 euros au titre de la présente procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner l'Etat aux entiers dépens,

- Dire que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la SCP AFG, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En premier lieu, ils font valoir que, ainsi que l'a jugé l'arrêt de renvoi, les titulaires de droits de propriété littéraire et artistique autres que les auteurs peuvent, s'ils en remplissent les conditions, bénéficier de l'exonération de l'ISF au titre des biens professionnels prévue à l'article 885 N du code général des impôts.

Ils précisent qu'au vu du rapport de M. [I] sur la loi de finances pour 2000, la volonté du législateur n'est pas d'exclure du bénéfice de l'article 885 N du code général des impôts les droits de la propriété littéraire et artistique. Ils soutiennent que la volonté du législateur s'est limitée, d'une part, à vouloir aligner le régime de la propriété littéraire et artistique sur celui de la propriété industrielle, lequel n'exclut pas les titulaires de tels droits autres que l'inventeur du bénéfice de l'exonération au titre de l'article 885 N du code général des impôts, d'autre part, à dispenser seul l'auteur de l'obligation de démontrer qu'il remplit les conditions dudit article sans limiter le champ d'application de l'exonération prévue à cet article.

Ils ajoutent que la position défendue par le demandeur à la saisine est contraire à la doctrine administrative qui retient que toute personne physique qui détient des droits de propriété industrielle, notamment les héritiers d'inventeur, peut exploiter ceux-ci comme des biens professionnels et, à ce titre, bénéficier d'une exonération d'ISF. Ils considèrent que l'administration ne peut, sans se contredire, affirmer, d'un côté, que les titulaires de droits de la propriété littéraire et artistique autres que l'auteur sont exclus de l'exonération au titre des biens professionnels prévues à l'article 885 N du CGI, y compris lorsqu'ils en remplissent les conditions, par parallélisme avec le régime des droits de la propriété industrielle et, d'un autre côté, expliquer dans une doctrine administrative, que les droits de la propriété industrielle peuvent faire l'objet d'une exonération au titre des biens professionnels.

Ils font valoir qu'il convient de s'en référer à l'interprétation littérale de l'article 885 I du code général des impôts qui se limite à exclure de plein droit de l'assiette de l'ISF les seuls droits de la propriété littéraire et artistique détenus par leurs auteurs, et que les ayants droit d'auteur peuvent démontrer qu'ils exploitent à titre professionnel, au sens de l'article 885-N du code général des impôts, les droits de la propriété littéraire et artistique reçus.

Ils exposent que, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, la transmission d'un patrimoine professionnel par voie de succession ne fait pas disparaître le caractère professionnel de ce patrimoine, et que, ainsi que c'est le cas d'espèce, le caractère professionnel persiste lorsque l'héritier lui-même exploite les droits reçus par succession par le biais d'une activité professionnelle récurrente, stable et connue des services fiscaux.

Ils soulignent que la cour d'appel de Paris, dans une décision du 15 avril 2019, a reconnu que Mme [F] [W] exerçait une activité libérale indépendante et personnelle en sa qualité d'auteur de ses propres 'uvres, mais également en sa qualité d'ayant droit de l''uvre de son père, et que les droits d'auteur qu'elle a reçus par dévolution successorale sont nécessaires à l'exercice de son activité libérale dès lors qu'ils en sont le fondement.

Ils expliquent que la notion d'activité libérale est entendue au sens large, et correspond à celle dont les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et que la définition des activités réputées professionnelles au sens de l'article 885N du code général des impôts est très extensive en matière d'ISF, seules étant exclues les activités salariées, sauf exceptions particulières, et deux activités purement civiles portant sur la location d'immeuble à l'état nu, et la gestion de portefeuille de valeurs mobilières.

Ils font valoir que le caractère professionnel des activités visées à l'article 885N du code général des impôts dépend uniquement des modalités concrètes de leur exercice. Ils considèrent que le monopole d'exploitation des droits d'auteur transmis constitue un bien professionnel devant être exclu de l'assiette de l'ISF en application de l'article 885N du code général des impôts, dans la mesure où Mme [F] [W] poursuit à titre professionnel, habituel et constant, dans un but lucratif, l'exploitation du monopole des droits d'auteur qui lui a été transmis en accomplissant les actes nécessaires à cette activité.

Ils précisent que la gestion par Mme [F] [W] de l''uvre de [T] [K] ne peut pas être disjointe de ses compétences et de son savoir-faire artistique et littéraire propre, dès lors que la 'plume' de Mme [F] [W] est mise au service de l'exploitation de l'oeuvre de son père dans le cadre de nouvelles oeuvres dérivées ou de publications posthumes. Ils soutiennent que cette activité est de même nature que celle à laquelle aurait pu se livrer [T] [K], et que les revenus générés par cette activité principale de Mme [F] [W] relèvent donc des bénéfices non-commerciaux, catégorie dans laquelle ils ont effectivement été taxés.

Ils soulignent que l'adhésion de Mme [F] [W], depuis 1995, à une association de gestion agréée, dont l'accès est réservé aux seules personnes qui exercent à titre habituel et constant une activité professionnelle dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et son immatriculation au répertoire national des entreprises (SIREN), dont relève toute personne physique ou morale exerçant de manière indépendante une activité professionnelle non salariée, confirment l'exploitation directe et professionnelle des droits qui lui ont été transmis par voie de succession.

Ils en déduisent que Mme [F] [W] exerce ainsi personnellement, de façon active, continue et permanente dans le cadre d'une structure professionnelle d'envergure, l'exploitation du monopole de droits d'auteur, qui sont strictement nécessaires à son activité professionnelle, et que les revenus ainsi générés, découlant des initiatives et des exploitations réalisées par Mme [F] [W] en sa double qualité d'auteur et de d'ayant-droit, relèvent bien d'une exploitation professionnelle au sens de l'article 885-N du code général des impôts et ne sont donc pas soumis à l'ISF.

En second lieu, ils critiquent la méthode d'évaluation utilisée par l'administration fiscale dans la notification de rectification du 18 décembre 2003 s'agissant de la valorisation des droits d'auteurs, en ce qu'elle a retenu un abattement de 15% pour frais professionnels et un coefficient égal à 4.

Ils considèrent que l'administration fiscale aurait dû retenir la moyenne des revenus des droits d'auteur des trois précédentes années d'exploitation, diminuée d'un abattement forfaitaire de 30% au titre des frais professionnels, conformément à la méthode retenue par la SACEM et la SACD, correspondant aux usages, validée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 décembre 1984, et confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du12 mai 1987, soit 5 ans après la publication par l'Administration de son Guide de l'évaluation.

Ils soutiennent que l'administration fiscale aurait dû appliquer un coefficient de 2,5 pour évaluer les droits d'auteur de l'oeuvre de [K].

Ils considèrent que l'adoption, par l'administration fiscale du coefficient 4, alors que ce coefficient est réservé aux oeuvres littéraires et non pas au domaine de l'art graphique dont relève la bande dessinée, méconnaît les conseils formulés par le Guide de l'évaluation des biens qui prévoit expressément, en ce qui concerne les auteurs d''uvres graphiques, dont relève l'oeuvre litigieuse, le coefficient moyen de 1 à 3.

Ils ajoutent que le rapport d'expertise, prenant en compte la qualité intrinsèque de l'oeuvre de [T] [K], retient un taux de 2,5.

Ils font encore valoir que l'administration a appliqué un coefficient de 2,5 lors du redressement opéré en 1982 au sujet de la succession [T] [K], que cette méthode d'évaluation constitue un engagement de sa part sur sa propre doctrine, et que ce redressement consiste en une prise de position formelle de l'administration à l'égard de Mme [X] [K], mais également de sa fille [E] dans la mesure où elles étaient toutes les deux parties à un même acte, soit la déclaration de succession de [T] [K]. Ils relèvent, en outre, que le coefficient de 2,5 a été déterminé en tenant compte de l'évolution exceptionnelle de l''uvre dont les droits ont doublé entre le décès de [T] [K] et le redressement notifié en 1982.

MOTIFS

Sur la nullité de la procédure de rectification afférente aux années 2000 à 2003:

L'arrêt de la Cour de Cassation du 14 novembre 2018 ayant statué 'CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il (l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 février 2017) dit la procédure régulière...', la régularité de la procédure de rectification et des impositions subséquentes en cause est irrévocablement jugée.

Sur la faculté pour les ayants droit d'auteur de bénéficier de l'exonération de l'ISF prévue au titre des biens professionnels :

Selon l'article 885 E du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991, 'L'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci'.

L'article 885 A du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n°99-944 du 15 novembre1999 et applicable aux 1er janvier 2000, 2001, 2002 et 2003, dispose que :

'Sont soumises à l'impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à la limite de la première tranche du tarif fixé à l'article 885 U :

1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France ;

2° Les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France.

Sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l'article 6, les couples mariés font l'objet d'une imposition commune.

Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil font l'objet d'une imposition commune.

Les conditions d'assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année.

Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R ne sont pas pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Selon l'article 885 I du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1999, applicable au litige,

Les droits de la propriété industrielle ne sont pas compris dans la base d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune de leur inventeur.

Les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur. Cette exonération s'applique également aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des producteurs de vidéogrammes'.

L'article 885 N, dans sa rédaction issue de la loi n°88-1148 du 23 décembre 1988, applicable aux faits de l'espèce, énonce que :

'Les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels'.

Contrairement à ce qu'allègue le directeur régional des finances publiques, l'article 885 I alinéa 4 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1999 (loi de finance 2000), applicable au litige, qui dispose que'Les'droits'de'la'propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d'imposition de leur auteur ', exclut de plein droit les droits de la propriété littéraire et artistique de l'assiette pour le calcul de l'ISF dû par l'auteur, sans régler le cas spécifique de l'ayant droit de l'auteur, et n'inclut donc pas corrélativement l'exclusion de toute exonération de l'ayant droit de l'auteur au titre de l'ISF, et la prise en compte nécessaire des droits de la propriété littéraire et artistique ayant fait l'objet d'une dévolution successorale pour le calcul de l'assiette de l'ISF dû par l'ayant droit de l'auteur.

La circonstance que l'article 885 I, dans sa rédaction antérieure à la loi du 31 décembre 1999 (loi de finance 2000), disposait que :'Les objets d'antiquité, d'art ou de collection et les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune. Les droits de la propriété industrielle ne sont pas compris dans la base d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune de leur inventeur', et prévoyait donc une exclusion des droits de la propriété intellectuelle et artistique du calcul de l'assiette de l'ISF, sans distinction du titulaire des droits, auteur ou ayant droit de celui-ci, ne démontre pas la volonté du législateur de réserver désormais cette exclusion au seul auteur et de prendre automatiquement en compte ces droits dans le calcul de l'assiette de l'ISF dû par l'ayant droit de l'auteur.

En effet, il résulte du rapport de M. [G] [I], rapporteur général sur le projet de loi de finances pour 2000, que la loi de finances de 1982 (n° 81-1160 du 30 décembre 1981), qui a institué l'impôt sur les grandes fortunes, ne prévoyait pas d'exonération des droits de la propriété littéraire et artistique, qu'en revanche, si elle ne prévoyait pas expressément d'exonération des droits de la propriété industrielle, il était admis que l'exonération résultait, pour l'essentiel, de la qualification de biens professionnels reconnus à ces droits lorsqu'ils figuraient au bilan d'une entreprise ou étaient détenus par une personne physique ayant pour activité principale leur exploitation. L'instruction du 11 mai 1982, exonérant pour la première fois les droits de la propriété littéraire et artistique, concernait les titulaires de ces droits. La loi de finances pour 1989, qui a institué l'ISF, a repris cette solution tout en prévoyant une exonération des droits de la propriété industrielle propre aux seuls inventeurs eux-mêmes en excluant leurs ayants droit. La proposition de l'amendement proposant un article additionnel après l'article 15, intitulé 'Extension de l'impôt de solidarité sur la fortune des ayants droit des auteurs aux droits de la propriété littéraire et artistique', qui a été adopté et a donné lieu à la nouvelle rédaction de l'article 885 I du code général des impôts, visait à 'aligner le régime d'exonération des droits de la propriété littéraire et artistique sur celui des droits de la propriété industrielle : exonération pour l'auteur ou l'inventeur, assujettissement pour les ayants droit de l'auteur ou de l'inventeur. Il ne change rien au régime applicable aux ayants droit d'inventeur, qu'il se borne à appliquer aux ayants droit d'auteur'. La volonté du législateur était donc de prévoir une exonération de plein droit spécifique à l'auteur, et un assujettissement pour ses ayants droit, sauf à démontrer que les droits de la propriété littéraire et artistique hérités de l'auteur et exploités par leurs soins constituent des biens professionnels.

Le commentaire de l'article 885I du code général des impôts, publié au bulletin officiel des impôts (BOI) 7-S-5-00 du 29 mai 2000, et qui précise que la nouvelle rédaction de cet article limite le champ d'application de l'exonération de l'ISF aux seuls droits de propriété littéraire et artistique détenus par l'auteur, et que les titulaires de ces droits autres que l'auteur, tels que les héritiers, doivent inclure, dans l'assiette de l'ISF, la valeur de la capitalisation de ses droits, confirme la modification du régime applicable aux ayant droit de l'auteur, qui ne bénéficient plus d'une exonération de plein droit.

L'article 885I du code général des impôts ne fait donc pas obstacle à ce que l'ayant droit de l'auteur puisse bénéficier de l'exonération de l'assiette de l'ISF, prévue à l'article 885A du code général des impôts, au titre des biens professionnels définis à l'article 885 N du même code, à charge pour lui de démontrer que les droits d'auteur dont il a hérités sont nécessaires à l'exercice, à titre principal, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels.

Les premiers juges n'ont donc pas méconnu la portée de l'article 885I du code général des impôts en jugeant que celui-ci n'a pas pour effet de refuser aux ayants droit, qui en remplissent les conditions, le bénéfice du régime des biens professionnels instauré par les articles 885N et suivants du même code.

Sur la qualification de biens professionnels :

L'article 885N du code général des impôts exonère d'ISF, au titre des biens professionnels, les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, tant par le propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Les biens éligibles à l'exonération doivent donc être utilisés pour l'exercice effectif, à titre habituel et constant, d'une activité exercée à titre principal et de nature à procurer à celui qui l'exerce le moyen de satisfaire aux besoins de l'existence, et doivent être nécessaires à l'exercice de ladite activité.

Sont ainsi notamment éligibles à l'exonération visée à l'article 885A du code général des impôts, les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, d'une activité libérale.

L'article 885N du code général des impôts est inapplicable aux biens affectés à une activité de gestion patrimoniale.

L'exclusion du régime des biens professionnels édictée par l'article 885O quater du code général des impôts, qui dispose que 'Ne sont pas considérées comme des biens professionnels les parts ou actions des sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine immobilier', ne saurait être étendue par principe aux droits d'auteur hérités dont l'exploitation constitue l'activité principale de leur propriétaire, diffère de la simple gestion de patrimoine, et relève de la gestion de biens professionnels par l'exploitation qui en est faite à titre libéral.

Mme [F] [W] fait valoir que les droits d'auteur dont elle a hérité de son père constituent les biens nécessaires à l'exercice individuel, à titre principal, d'une profession libérale, et non pas d'une simple gestion patrimoniale, dès lors qu'elle poursuit personnellement, grâce à son savoir-faire littéraire et artistique propre, l'exploitation des droits de propriété intellectuelle en accomplissant les actes nécessaires à cette activité dont elle tire un profit indépendamment de son activité d'auteur, et qui constitue son activité principale.

Les activités libérales sont celles des professions qui regroupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client ou du public, des prestations essentiellement intellectuelles, techniques ou de soins mises en oeuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle.

Il s'ensuit que les activités libérales sont celles dans lesquelles l'activité intellectuelle ou artistique joue un rôle principal, et consiste en une pratique personnelle d'une science ou d'un art, à la différence de la simple gestion de son patrimoine.

Il résulte de la doctrine administrative afférente aux biens devant être utilisés dans le cadre d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (7S3311 n°20), et visée par le défendeur à la saisine, que ne peuvent être réputés exercer une profession commerciale, les héritiers ou légataires des inventeurs ou auteur, qu'en revanche, conformément aux principes généraux, exercent une profession libérale les membres des professions non commerciales, c'est à dire celles dont l'activité est exercée de manière indépendante et présente généralement un caractère intellectuel prépondérant.

Cette doctrine ne fait donc pas obstacle à l'exercice, par l'ayant droit, d'une activité libérale par l'exploitation intellectuelle propre des droits de la propriété littéraire et artistique de l'auteur.

Mme [F] [W] fait valoir, outre son activité d'auteur propre, avoir développé une production littéraire et artistique abondante directement mise au service de l'oeuvre de son père et indissociable de son activité d'auteur, et que les revenus générés découlent de ses initiatives et des exploitations réalisées en sa double qualité d'auteur et d'ayant droit de l'oeuvre de son père.

Cependant, elle justifie, par les pièces produites aux débats avoir, à la date du fait générateur de l'impôt, soit aux 1er janvier 2000, 2001, 2002 et 2003, procédé à un seul acte de cet ordre, soit l'écriture de la préface de réédition de l'album 'Astérix chez les Belges' aux Editions Albert-[T] (2002).

Les nombreux autres actes dont elle se prévaut au titre de l'exploitation des droits de propriété littéraire et artistique de son père, antérieurs ou ultérieurs à la période de référence d'imposition, ou encore non datés, ne sont pas pertinents pour démontrer le caractère professionnel de l'exploitation de ces droits au cours de ladite période. Les moyens matériels et le temps consacré par Mme [F] [W] au rayonnement de l'oeuvre de son père ne suffisent pas à établir qu'une telle activité diffère de la gestion patrimoniale, faute de démontrer que ces droits ont été exploités au titre de la propre activité d'auteur de Mme [F] [W]. Il importe peu qu'il ait été jugé, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 avril 2019 passé en force de chose jugée, que Mme [F] [W] ait, entre 2006 et 2008, exploité les droits de la propriété littéraire et artistique de son père à titre professionnel. La circonstance que Mme [F] [W] ait, au cours de la période de référence, développé une activité d'auteur propre et indépendante de l'exploitation des droits de la propriété littéraire et artistique de son père, en publiant un ouvrage 'Le bureau des solitudes', paru en 2002, est indifférente.

Ce faisant, Mme [F] [W] ne démontre pas avoir exercé, durant la période de référence, une activité d'auteur propre, indissociable de la seule gestion des droits d'auteur de son père.

La seule imposition des résultats dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, définis à l'article 92 du code général des impôts, comme 'les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus' et la circonstance que ces résultats présenteraient la majorité des revenus de Mme [F] [W], ne suffisent pas à caractériser l'exercice d'une activité libérale, faute de démonstration, par l'intéressée, de l'exploitation intellectuelle propre des droits de la propriété littéraire et artistique de l'auteur durant la période de référence.

L'adhésion, en 1995, par Mme [F] [W] à une association de gestion agréée dont l'accès est réservé aux personnes exerçant à titre habituel et constant et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la même catégorie des bénéfices non commerciaux, et son immatriculation au répertoire national des entreprises (SIREN) à une date non précisée, ne suffisent pas davantage, à elles seules, à caractériser l'exploitation des droits en cause au titre de l'exercice d'une activité libérale.

A défaut d'établir que les droits de la propriété littéraire et artistique dévolus ont été exploités au titre de l'exercice d'une activité libérale durant la période de référence, et ne relèvent donc pas de la simple gestion patrimoniale, les revenus tirés de l'exploitation de ces droits sont assujettis à l'ISF.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur la méthode d'évaluation :

Selon l'article 666 du code général des impôts, 'Les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs'.

Pour évaluer la valeur réelle du capital représentatif du droit d'auteur, l'administration fiscale a appliqué un coefficient multiplicateur de 4 à la moyenne annuelle des revenus générés par le monopole au cours des trois dernières années civiles précédant le fait générateur de l'imposition, en se fondant sur l'exceptionnelle notoriété de [T] [K] en France et à l'étranger, l'importance de son oeuvre sous le double rapport de la qualité et de la quantité (plus de 60 albums), la très large diffusion de son oeuvre en France et à l'étranger sous formes diverses, le succès des diverses séries auxquelles il a participé, la célébrité particulière du personnage d'Astérix, le niveau élevé et constant des produits d'exploitation procurés par cette oeuvre depuis 1978, le maintien à un excellent niveau des produits d'exploitation au cours des années 2003, 2004 et 2005, enfin des bonnes perspectives d'avenir à court et à moyen terme.

Le guide de l'évaluation des biens publié par la direction générale des impôts du ministère de l'économie, des finances et du budget propose que l'administration puisse, au titre de l'évaluation des droits d'auteurs, 's'inspirer' d'une 'méthode empirique donnée [...] à titre indicatif, tout en y apportant les correctifs propres à chaque espèce', ladite méthode consistant à effectuer d'un coefficient variable la moyenne annuelle des différents revenus de la propriété littéraire et artistique perçus au cours des trois dernières années civiles.

Ce guide propose comme critères d'évaluation la qualité intrinsèque de l'oeuvre, qui peut, ou non faire l'objet de diverses adaptations, la nature de l'oeuvre, la notoriété de l'écrivain ou de l'artiste, les goûts du public et les modes, parfois passagères, et la durée prévisible d'exploitation de l'oeuvre, l'évaluation de l'oeuvre devant se faire à partir des produits connus mais également tenir compte de l'importance des droits à percevoir à l'avenir, de leur progression ou diminution probable.

Ce guide propose un taux moyen variant de 3 à 4 s'agissant d'une propriété littéraire, un coefficient de 4 pouvant raisonnablement s'appliquer dans le cas d'un écrivain de talent dont la production a été largement exploitée et diffusée, et un taux moyen de 1 à 3 s'agissant des auteurs d'oeuvres graphique et plastique, le coefficient de 3 étant réservé aux seuls artistes ayant acquis de leur vivant une certaine notoriété.

Ce guide proposant une méthode d'évaluation, il ne peut être fait grief à l'administration de s'être fondée sur cette méthode plutôt que sur la méthode d'évaluation pratiquée par la SACEM et la SACD, consistant à retenir la moyenne des revenus des trois dernières années d'exploitation diminuée d'un abattement professionnel de 30%, et dont il n'est pas démontré qu'elle constituerait un usage opposable à l'administration fiscale.

Dès lors que la méthode d'évaluation proposée par le guide est empirique et donnée à titre indicatif, sans être contraignante pour l'administration fiscale, que les droits doivent être évalués en fonction de correctifs propres à chaque espèce et que les chiffres donnés sont à titre indicatif ou d'exemple, les époux [F] [W] ne font pas utilement valoir que les oeuvres de [T] [K] relèveraient des oeuvres graphiques et ne pourraient à ce titre se voir attribuer un coefficient supérieur à 3 ni, a fortiori, un coefficient de 4 s'appliquant à un écrivain de talent s'agissant d'oeuvres littéraires.

La circonstance que l'administration fiscale ait retenu un coefficient de 2,5 lors du redressement opéré en 1982 au sujet de la succession de [T] [K] en mentionnant 'La valeur des droits d'auteur a été ramenée à 14.500.000 F soit 5.800.000 F (moyenne sur 4 ans) x coefficient de 2,5" ne caractérise pas un engagement de la part de l'administration fiscale faute de constituer une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, l'adoption du coefficient de 2,5 ne reposant sur aucune motivation écrite.

Le rapport d'expertise amiable établi par M. [U] [M], expert judiciaire, le 30 mai 2006, sur initiative des époux [F] [W], et dont ceux-ci sollicitent le bénéfice des conclusions, émet des doutes sur la durée d'exploitation de l'oeuvre de [T] [K], en considérant que celle-ci est limitée à un cycle de génération 25-30 ans en voie d'être atteint, sauf pour l'oeuvre Le petit Nicolas qui a vocation à perdurer dans le temps, et propose un coefficient de 2 à 5 en considération des revenus produits par l'oeuvre, ou un coefficient de 3 en considération de la valeur intrinsèque de celui-ci.

Cependant, l'évaluation de l'oeuvre telle que proposée par le guide doit être appréciée en fonction de divers critères cumulatifs, dont les revenus générés par celle-ci, ainsi que l'importance et la perspective d'évolution des droits à percevoir à l'avenir.

Parmi les critères pris en compte par l'administration fiscale, figurent le niveau élevé et constant des produits d'exploitation procurés par l'oeuvre depuis 1978 et le maintien à un excellent niveau des produits d'exploitation au cours des années 2003, 2004 et 2005, non discutés par les défendeurs à la saisine, ainsi que les bonnes perspectives d'avenir à court et à moyen terme. A ce titre, l'administration fiscale, qui avait adopté un coefficient de 5, s'est rangée à l'avis de la commission départementale de conciliation qui a considéré que le coefficient de 5 proposé par les services fiscaux pour apprécier la valeur du capital imposable était justifié, mais a proposé de limiter ce coefficient à 4 au regard du risque du fléchissement des revenus du fait que la pérennité de l'oeuvre repose sur la publication de nouvelles aventures de personnages principaux.

Le coefficient de 4 retenu par l'administration fiscale, reposant sur des critères pertinents, dont les spécificités de l'oeuvre et les perspectives d'exploitation de celle-ci, et non utilement remis en cause par l'expertise amiable produite, est donc bien fondé.

Enfin, l'abattement pour frais de 15% retenu par l'administration fiscale et correspondant au niveau réel des frais engagés résultant des déclarations souscrites en matière de revenus non commerciaux au titre des années considérées est justifié, et ne saurait être remis en cause en raison d'une pratique de la SACEM et de la SACD, non opposable à l'administration fiscale, et appliquant un abattement forfaitaire de 30%.

Les valeurs de capitalisation des droits d'auteur ayant servi de base aux impositions supplémentaires étant fondées, le redressement fiscal des époux [F] [W] est justifié. Ceux-ci sont donc mal fondés en leurs demandes et le jugement sera infirmé sauf en ce qu'il a dit régulière la procédure d'imposition.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les époux [F] [W] échouant en leurs prétentions seront condamnés aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés par le directeur régional des finances publiques et non compris dans les dépens. Les époux [F] [W] seront donc condamnés à lui payer une indemnité de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 8 janvier 2014, sauf en ce qu'il a dit la procédure d'imposition régulière ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE Mme [E] [F] [W] et M. [B] [F] [W] de leurs demandes ;

CONDAMNE Mme [E] [F] [W] et M. [B] [F] [W] à payer à M. le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France une indemnité de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [E] [F] [W] et M. [B] [F] [W] aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 19/02118
Date de la décision : 08/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°19/02118 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-08;19.02118 ?
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