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07/11/2019 | FRANCE | N°16/15784

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 07 novembre 2019, 16/15784


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 07 NOVEMBRE 2019



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15784 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IFX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 14/12547



APPELANTE



L'association CONSEIL NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE PRIVE (CN

EAP) agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Sise [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBO...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 07 NOVEMBRE 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/15784 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2IFX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 14/12547

APPELANTE

L'association CONSEIL NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE PRIVE (CNEAP) agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Sise [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

Madame [K] [E]

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Catherine BRUNET, présidente

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, présidente

Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Marine BRUNIE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Mme Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

[K] [E] a été engagée par l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (ci-après le Cneap) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er janvier 2000 pour occuper les fonctions de 'journaliste, chargée de la rédaction déléguée de la revue Présence du Cneap'. Plusieurs avenants ont modifié la durée à temps partiel du travail. En dernier lieu, un avenant du 7 décembre 2001 a fixé à compter du 1er janvier 2002 la durée mensuelle de travail à 31,65% d'un temps plein, soit 48 heures mensuelles, moyennant une rémunération de 974,03 euros.

Par lettre du 18 juin 2014, [K] [E] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juin 2014. Suivant une nouvelle convocation en date du 27 juin 2014, cet entretien a été reporté au 9 juillet 2014.

Par lettre du 30 juillet 2014, l'employeur a notifié à la salariée les motifs relatifs au licenciement économique envisagé.

[K] [E] n'ayant pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle proposé, l'employeur lui a notifié, par lettre du 10 septembre 2014, son licenciement pour motif économique en raison de la suppression de son poste.

Contestant son licenciement, [K] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir diverses indemnités et rappel de salaire au titre du licenciement qu'elle estimait dénué de cause réelle et sérieuse.

Par jugement prononcé le 30 septembre 2016, auquel la cour renvoie pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a reconnu le statut de journaliste professionnelle à [K] [E], a, après avoir fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1.285,85 euros, condamné le Cneap à payer à celle-ci les sommes suivantes :

* 3.855,00 euros à titre de prime de treizième mois,

avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation en bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement,

* 14.500,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement,

avec intérêts de droit à compter du jugement jusqu'au jour du paiement,

* 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a ordonné la remise des documents sociaux conformes à la décision rendue sous deux mois à compter de la notification du jugement, a débouté [K] [E] du surplus des demandes et a débouté le Cneap de ses demandes reconventionnelles et a condamné ce dernier aux dépens.

Le 16 décembre 2016, le Cneap a relevé appel de ce jugement et le 12 janvier 2017, [K] [E] a par ailleurs relevé appel de ce même jugement.

Le 12 septembre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2019 et l'affaire a été examinée au fond à l'audience de la cour du 24 septembre 2019.

Par dernières conclusions récapitulatives et complémentaires n°3 déposées sur le Rpva le 13 septembre 2019, le Cneap demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter [K] [E] de toutes ses demandes et, statuant à nouveau, de :

- sur le statut de journaliste, constater que les conditions posées par la jurisprudence pour la reconnaissance du statut de journaliste ne sont pas réunies ;

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le statut de journaliste serait reconnu, juger que [K] [E] ne saurait revendiquer le versement de l'indemnité de licenciement spécifique visée aux articles L.7112-3 et suivants du code du travail et qu'elle a été remplie de ses droits concernant le versement de l'indemnité de licenciement, juger qu'elle est redevable au titre de la répétition de l'indu d'un mois de salaire relatif à l'indemnité compensatrice de congés payés perçue, soit la somme de 1.285,85 euros, ramener l'indemnité de treizième mois et congés payés y afférents sollicités et obtenus à la somme de 2.733,99 euros outre la somme de 273,39 euros au titre des congés payés y afférents;

à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où le statut de journaliste serait reconnu ainsi que le droit à revendiquer le bénéfice de l'indemnité de licenciement spécifique visée aux articles L.7112-3 et suivants du code du travail, juger que les sommes perçues au titre de l'indemnité de licenciement devront être déduites de l'indemnité spécifique qui sera prononcée par la commission arbitrale des journalistes, juger que [K] [E] est redevable au titre de la répétition de l'indu d'un mois de salaire relatif à l'indemnité compensatrice de congés payés perçue, soit la somme de 1.285,85 euros et ramener l'indemnité de treizième mois sollicitée à la somme de 3.855 euros outre 385,50 euros tel que visé en page 13 des écritures adverses ;

- sur le licenciement, juger que le licenciement économique est fondé, que le Cneap a satisfait à ses obligations en matière de reclassement et que les critères d'ordre de licenciement n'avaient pas à être mis en oeuvre ;

à titre subsidiaire, ramener le montant de l'indemnisation sollicitée à de plus justes proportions ;

en tout état de cause, condamner [K] [E] à la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions d'appel n°2 et en réponse déposées sur le Rpva le 21 août 2019, [K] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement, de :

- juger qu'elle bénéficie de la présomption de statut de journaliste et de la qualité de journaliste professionnelle et condamner le Cneap à lui payer la somme de 15.420,00 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois en application de l'article 25 de la convention collective des journalistes,

- juger que le Cneap ne justifie d'aucune difficulté économique, ni de la nécessaire sauvegarde de sa compétitivité au niveau du secteur d'activité auquel il appartient, qu'il ne justifie pas avoir procédé à une recherche de reclassement en son sein ni au sein des établissements qu'il fédère et qu'il n'a fourni aucun effort d'adaptation et de formation à son profit, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner le Cneap à lui payer la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que le Cneap n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement et le condamner à lui payer la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement,

- fixer son salaire moyen brut à 1.285,85 euros,

- ordonner au Cneap, sous peine d'une astreinte de 250 euros par jour de retard dont la cour se réservera le contentieux de la liquidation, de lui remettre une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée, des bulletins de paie et un certificat de travail conformes aux dispositions de la décision à intervenir et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux tant en ce qui concerne l'Urssaf, la retraite de base, que la retraite complémentaire ainsi que le régime de prévoyance, et de lui remettre des justificatifs de régularisation pour chaque organisme,

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec anatocisme,

- condamner le Cneap à lui payer la somme de 3.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la qualité de journaliste

Le Cneap fait valoir que les critères invoqués par [K] [E], notamment l'attribution d'une carte de presse, ne suffisent pas à lui conférer la qualité de journaliste professionnelle ; que notamment l'indépendance éditoriale dont elle se prévaut n'est pas caractérisée alors que la revue Présence était un vecteur de communication institutionnel au bénéfice de la fédération et de ses établissements dont l'objectif était d'en assurer la promotion auprès des familles et des élèves.

[K] [E] fait valoir qu'elle répond aux conditions jurisprudentielles pour bénéficier du statut de journaliste ; que, porteuse d'une carte de presse, elle exerçait au sein du Cneap une activité intellectuelle pour une publication de presse périodique à destination d'un large panel de lecteurs, n'ayant pas d'activité de promotion, disposant d'une indépendance éditoriale et d'un numéro de commission paritaire, activité dont elle tire l'essentiel de ses revenus.

L'article L.7111-3 du code du travail dispose qu'est journaliste professionnel, toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale.

L'association Centre national de l'enseignement agricole privé est une organisation professionnelle fédérant les établissements de l'enseignement agricole privé relevant du ministère de l'agriculture, ayant pour mission de coordonner les actions de ses organismes fondateurs qui ont fusionné, à savoir :

- d'une part, la Fédération Familiale nationale pour l'enseignement agricole privé (Ffneap), regroupant des associations ou organismes responsables d'établissements d'enseignement privé catholiques, employeurs des personnels ayant pour objet notamment d'assurer la représentation et la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres,

- d'autre part l'Union nationale de l'enseignement agricole privé (Uneap), syndicat professionnel ayant pour objet d'assurer la représentation et la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres, à savoir les chefs d'établissement d'enseignement privé catholique,

et de prendre en charge les actions d'intérêt commun de l'enseignement agricole privé catholique, ainsi que cela ressort des statuts du Cneap, de la Ffneap et de l'Uneap.

Le Cneap n'est donc pas une entreprise de presse ou une agence de presse.

Dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d'une indépendance éditoriale.

[K] [E] exerçait son activité dans une publication périodique de presse, la revue Présence du Cneap, diffusée essentiellement auprès des familles, élèves et établissements de l'enseignement agricole privé.

Il n'est pas contesté que [K] [E] est porteuse d'une carte de presse.

Produisant ses déclarations de revenus, [K] [E] indique qu'elle collabore régulièrement à différentes revues de presse et qu'elle tire ses revenus du produit de ces différentes collaborations, ce que le Cneap ne conteste pas.

Toutefois, il convient d'examiner si dans le cadre particulier de sa collaboration à la revue Présence du Cneap, [K] [E] exerce une activité lui permettant de se voir reconnaître le statut de journaliste professionnelle.

Il ressort de l'examen des exemplaires de la revue Présence du Cneap produits aux dossiers que certains articles de cette revue traitent de sujets d'information généraux en lien avec le monde agricole.

Cependant, il n'est pas apporté la démonstration que les informations contenues dans ces articles proviennent de sources vérifiées et recoupées ; en outre, ces articles ne mettent pas en perspective des points de vue divers sur les sujets présentés, comme par exemple des points de vue critiques sur tel ou tel aspect de l'enseignement agricole privé ; sur ce dernier point en particulier, [K] [E] ne fournit aucune argumentation contredisant cette constatation.

Le fait, comme le soutient [K] [E] que la revue Présence du Cneap, bénéficie d'un numéro attribué par la commission paritaire des publications et agences de presse, est indifférent dans la mesure où cette immatriculation permet de bénéficier du régime économique de la presse indépendamment de toute appréciation quant au statut juridique de journaliste professionnel susceptible d'être attribué à des collaborateurs des entreprises et administrations concernées.

Il en résulte que le critère tiré de l'indépendance éditoriale de la publication nécessaire à caractériser l'activité de journaliste professionnelle de [K] [E] dans le cadre de sa collaboration à la revue Présence du Cneap n'est pas démontré.

Par conséquent, [K] [E] n'est pas fondée à se voir reconnaître le statut de journaliste professionnelle dans le cadre de sa collaboration à la revue Présence du Cneap. Le jugement sera donc infirmé sur ce point, ainsi que, consécutivement, en ce qu'il a condamné le Cneap à payer à [K] [E] un rappel de prime de 13ème mois en application de l'article 25 de la convention collective des journalistes, ces dispositions conventionnelles n'étant pas applicables en l'espèce.

Sur le licenciement

Le Cneap fait valoir que le licenciement est bien fondé ; que ses difficultés économiques étaient réelles et ont nécessité, afin de préserver sa compétitivité économique, une réorganisation entraînant la suppression du poste occupé par [K] [E] ; qu'aucune solution de reclassement n'a été possible ; qu'il ne fait pas partie d'un groupe et n'avait donc pas à chercher un reclassement à l'extérieur de l'association.

[K] [E] fait valoir que l'employeur ne présentait pas de difficultés économiques, le média ayant poursuivi son activité par la voie de l'internet et l'association exerçant son activité dans un secteur non lucratif peu exposé au risque concurrentiel ; que l'employeur n'a effectué aucune recherche de reclassement, ni aucun effort de formation ou d'adaptation ; que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

L'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

L'article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assortie d'une rémunération équivalente ; qu'à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a rempli son obligation de reclassement.

Force est de constater que [K] [E] n'a fait l'objet d'aucune proposition de reclassement.

Il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable du 9 juillet 2014 que celle-ci produit, non contesté par le Cneap, que la salariée a proposé de se former, de diminuer sa charge de travail et d'évoluer au sein du service de communication du Cneap au sein duquel elle exerçait ses fonctions.

Produisant son registre des entrées et sorties du personnel, le Cneap fait valoir qu'aucune mesure de reclassement n'a été possible en son sein quand bien même une formation préalable aurait été mise en oeuvre, sans toutefois expliquer en quoi il n'était pas possible de réaliser un effort de formation et d'adaptation en faveur de la salariée afin d'éviter son licenciement pour un motif économique. Le Cneap ne fournit aucun élément sur la structure de ses emplois et sur les recherches effectuées pour tenter de reclasser la salariée sur un emploi équivalent.

Sans qu'il soit besoin de répondre aux moyens tirés de l'absence de difficultés économiques et du périmètre, extérieur à l'association, de la recherche de reclassement, il en résulte que l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement. Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les critères d'ordre du licenciement

Le Cneap fait valoir que la salariée étant la seule de sa catégorie d'emploi, il n'avait pas à mettre en oeuvre de critères d'ordre de licenciement.

[K] [E] fait valoir que l'employeur aurait dû mettre en oeuvre des critères d'ordre de licenciement.

Le licenciement de [K] [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle ne peut pas prétendre, en plus de l'indemnité fixée pour réparer l'intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, à des dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera infirmée.

Sur les conséquences financières du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

L'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que lorsque le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié qui ne demande pas sa réintégration une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de l'effectif du Cneap qui emploie habituellement plus de dix salariés, du montant moyen du salaire mensuel brut de [K] [E] de 1.285,85 euros, de son âge au moment du licenciement de 51 ans, de son ancienneté de plus de quinze ans, des circonstances du licenciement et de ses conséquences pour l'intéressée tirées de la perte injustifiée de son emploi, il y a lieu de lui allouer la somme de 20.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il a allouée.

Sur les intérêts et leur capitalisation

La somme de 20.000,00 euros allouée à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira des intérêts au taux légal à compter du jugement. La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions légales.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée, à Pôle emploi

Par application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner au Cneap de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à [K] [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la remise de documents sous astreinte

Au regard de la solution du litige, il convient d'ordonner au Cneap de remettre à [K] [E] une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte.

Sur la régularisation de la situation de [K] [E]

Le jugement n'a pas statué sur cette demandes dans ses motifs. Il n'y a pas lieu, au regard de la solution du litige, d'ordonner au Cneap de régulariser la situation de [K] [E] auprès de l'Urssaf et des organismes de retraite et de prévoyance.

Sur les dépens

Le Cneap qui succombe en la majeure partie de ses prétentions sera condamné aux dépens exposés en cause d'appel.

Sur les frais irrépétibles

Il convient de condamner le Cneap à payer à [K] [E] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité de 1.000,00 euros mise à sa charge par le jugement sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Paris le 30 septembre 2016 en ce qu'il a reconnu le statut de journaliste professionnelle à [K] [E], en ce qu'il a condamné l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) à payer à celle-ci les sommes de 3.855,00 euros à titre de prime de treizième mois et de 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement et sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) à payer à [K] [E] la somme de 20.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts aux taux légal à compter du jugement du 30 septembre 2016,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

DEBOUTE [K] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement,

ORDONNE à l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) de remettre à [K] [E] une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif, conformes aux dispositions du présent arrêt,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

ORDONNE à l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à [K] [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) à payer à [K] [E] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE l'association Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) aux dépens exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/15784
Date de la décision : 07/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°16/15784 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-07;16.15784 ?
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