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06/11/2019 | FRANCE | N°17/12358

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 06 novembre 2019, 17/12358


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 06 NOVEMBRE 2019



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12358 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4G5V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° f15/01445





APPELANTE



Madame [M] [O]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie claude EDJANG de la SELEURL EDJANG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0754





INTIMEE



SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE DU TERRASS HOTEL

[Adresse 2]

N° SIRET : 3...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12358 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4G5V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° f15/01445

APPELANTE

Madame [M] [O]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie claude EDJANG de la SELEURL EDJANG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0754

INTIMEE

SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE DU TERRASS HOTEL

[Adresse 2]

N° SIRET : 385 169 248

Représentée par Me Marie-anne LAPORTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0455

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre, et Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Madame Hélène GUILLOU, présidente

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Madame [M] [O] a été embauchée par la SAS Société Nouvelle du Terass Hotel en 1984, par la suite dans le cadre d'extras et de contrats à durée déterminée ponctuels, puis du 10 juillet 1998 au 15 novembre 1998, et enfin en contrat à durée indéterminée à compter du 9 novembre 1998 en qualité de femme de chambre. Les horaires de travail sont mentionnés au contrat.

La convention collective est celle des Hôtels 3 et 4 étoiles de Paris et région parisienne.

La société emploie plus de dix salariés.

Madame [M] [O] a été désignée en qualité de déléguée syndicale par la CGT, par courrier du 25 novembre 2007.

Madame [M] [O] a été victime d'un accident du travail le 30 décembre 2008 et a été en arrêt de travail jusqu'au mois de février 2010. A l'issue de la deuxième visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à une inaptitude au poste de femme de chambre. L'employeur a proposé un autre poste, qui n'a pas été accepté par la salariée, au motif que les nouveaux horaires n'étaient pas compatibles avec ceux des transports en commun.

Madame [M] [O] s'est présentée aux élections du comité d'entreprise le 17 septembre 2010.

La société Nouvelle du Terrass Hotel a sollicité à deux reprises l'autorisation de licencier Madame [M] [O] pour inaptitude, ce qui a été refusée par l'inspecteur du travail les 17 mai 2010 et 22 juillet 2010.

La société Nouvelle du Terrass Hotel a convoqué Madame [O] à un entretien préalable à un licenciement par courrier du 20 octobre 2010. L'inspecteur du travail a autorisé le licenciement le 22 novembre 2010, qui a été prononcé pour faute grave par courrier du 30 novembre 2010.

L'autorisation de licenciement a été annulée par le Ministre du travail le 20 avril 2011. Cette décision du ministre a ensuite fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif de Paris le 21 novembre 2012, jugement confirmé par la cour administrative d'Appel de Paris le 20 janvier 2014.

En l'absence de demande de ré-intégration formée par la salariée il n'y a pas eu de nouvelle décision portant sur l'autorisation de licencier Madame [O].

Le conseil de prud'hommes de Paris a été saisi par Madame [M] [O] le 23 juin 2011.

Par jugement du 05 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a :

Prononcé la nullité du licenciement ;

Condanmé la Société Nouvelle du Terrass Hotel à payer à Madame [M] [O] les sommes suivantes :

- 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 3.966,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

- 3.482,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 348,28 euros au titre des congés payés afférents,

- 5.108,22 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 2.902,40 euros au titre du salaire pendant la mise à pied,

- 290,24 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.664,53 euros à titre d'indemnité de requalification,

Ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

Rappelé que les sommes de nature salariale produisent intérêt à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par le défendeur et que les sommes de nature indemnitaire portent intérêt à compter du présent jugement ;

Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront intérêt ;

Ordonné la remise par l'employeur des documents sociaux conformes à la décision ;

Condamné la Société Nouvelle du Terrass Hotel au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté Madame [M] [O] du surplus de ses demandes ;

Débouté la Société Nouvelle du Terrass Hotel de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Madame [O] a formé un appel partiel le 05 octobre 2017.

Par conclusions remises au greffe et signifiées par RPVA le 05 janvier 2018, Madame [O] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a :

- limité à 5.000 € le montant des dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- limité à 3.966 € le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral consécutif à la nullité du licenciement ;

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Madame [O] de sa demande en dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- limité à 5.108,22 € l'indemnité de licenciement ;

- Déclarer la nullité de plein droit du licenciement,

- Condamner la Société Nouvelle du Terass Hotel à lui verser :

- 29.966 € au titre de l'indemnisation correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai pour demander sa réintégration

- 30.000 € au titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 10.448,64 € à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

- l.664,53 € à titre d'indemnité de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- 2.902,40 € au titre du paiement du salaire pendant la mise à pied,

- 290,24 € de congés payés afférents,

- 3.482,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 348,28 € de congés payés afférents,

- 12.944,70 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- Ordonner la remise de bulletins de paie et d'une attestation POLE EMPLOI conformes

au jugement à intervenir,

- Condamner la société Nouvelle du Terrass Hotel aux entiers

dépens,

- Condamner la société Nouvelle du Terrass Hotel à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Prononcer la capitalisation judiciaire des intérêts,

La société Nouvelle du Terass Hotel par conclusions signifiées le 26 mars 2018 sollicite de la Cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions

En conséquence, et statuant de nouveau,

- Débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Ordonner la restitution par la salariée des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, savoir 23.179,80 €, avec intérêts au taux légal à compter de son versement, soit le 13 décembre 2017 et sous astreinte de 100 € par jour, passé le délai de 15 jours après la signification de l'arrêt à intervenir,

- Condamner Madame [O] à lui verser une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Madame [O] aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur la requalification des contrats à durée déterminée

Madame [O] a travaillé pour la société Nouvelle du Terrass Hotel dans le cadre de contrats à durée déterminée au mois de septembre 1984, de juillet à octobre 1989 et de janvier à mars 1992 et sollicite une indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée. La société Nouvelle du Terrass Hotel fait valoir que l'action est prescrite.

La prescription applicable à la période concernée concernant une action en requalification était de trente ans. Le délai de cinq ans prévu par la loi du 17 juin 2008 a commencé à courir le 19 juin 2008, et dès lors l'action n'était pas prescrite lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 23 juin 2011.

En application de l'article L122-3-13 du code du travail, applicable à la dernière période invoquée, tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions relatives aux contrats à durée déterminée est réputé à durée indéterminée et une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire doit être accordée au salarié.

Les contrats à durée déterminée doivent faire l'objet d'un contrat écrit, prévoyant notamment la durée et le motif de recours. En l'absence de production des contrats de travail en question, la société Nouvelle du Terrass Hotel ne justifie pas du respect des obligations légales de sorte que le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée. Il y a lieu de faire droit à la demande de Madame [O] et compte de la demande et du salaire moyen, de lui allouer la comme de 1.664,53€ à titre d'indemnité de requalification.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la discrimination syndicale

L'article L1132-1 dispose, dans sa rédaction applicable à l'instance, que :

'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'

En application de l'article L 1134-1, alors applicable, il incombe à la salariée de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et dans une telle hypothèse il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Madame [O] fait grief à son employeur de discrimination, en ce que : des sanctions disciplinaires ont été prononcées de façon concomitante à sa désignation syndicale puis lors de sa candidature aux élections du personnel ; trois demandes d'autorisation de licencier ont été adressées à l'inspecteur du travail ; le directeur a commis des violences sur sa personne.

Madame [O] établit :

- la délivrance d'un avertissement le 11 décembre 2007, moins de trois mois après sa désignation en qualité de délégué syndical,

- la délivrance d'avertissements les 30 septembre et 15 octobre 2010, peu après sa candidature aux élections de délégation unique du personnel du 17 septembre 2010,

- les autorisations de la licencier demandées par l'employeur à l'inspecteur du travail le 13 avril 2010, au mois de juin 2010 et le 03 novembre 2010.

En revanche les faits de violence qu'elle impute au directeur ne sont pas établis : les déclarations qu'elle a effectuées au cours de l'enquête ne sont pas corroborées par d'autres éléments ; le médecin n'a pas constaté de trace de coup.

La salariée présente ainsi des éléments de fait qui, dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

La société Nouvelle du Terrass Hotel justifie que des avertissements avaient déjà été adressés à Madame [O] le 23 novembre 2005 et le 20 mars 2006 en raison du comportement professionnel, le 7 novembre 2006 en raison de retards et de son absence à une réunion, le 24 mars 2007 pour un refus de travailler un dimanche et un accomplissement défectueux des tâches, de sorte que plusieurs manquements de Madame [O] lui avaient déjà été reprochés avant sa désignation en qualité de délégué syndical. Les avertissements des 30 septembre et 15 octobre 2010 sont en lien avec le renouvellement du comportement de Madame [O], à savoir l'inexécution de tâches qui lui ont confiées et son absence à la réunion de service.

Il n'y a pas de contestation sur les faits repris par l'employeur à l'origine de ces sanctions.

Les demandes d'autorisation de licenciement des mois d'avril et juin 2010 sont consécutives à un avis d'inaptitude du médecin du travail sur le poste occupé par Madame [O]. La société Nouvelle du Terrass Hotel justifie avoir procédé à une recherche de poste adapté, qui a d'abord été refusé par la salariée, ce qui est à l'origine de la première demande formée par l'employeur auprès de l'inspecteur du travail, rejetée pour défaut d'avis du comité d'entreprise. La seconde demande pour le même motif, formulée après consultation du comité d'entreprise, a été rejetée au motif qu'au cours de l'examen de la situation par l'inspecteur un accord de principe avait été trouvé entre l'employeur et la salariée.

La troisième demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail est liée au comportement renouvelé imputé par l'employeur à Madame [O]. La juridiction administrative a considéré que plusieurs faits visés à la demande sont établis.

Il en résulte que les différentes décisions prises l'employeur sont justifiées par des éléments étrangers au mandat syndical de Madame [O] et à sa candidature à la délégation unique du personnel, de sorte que la discrimination n'est pas constituée. La demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

La décision du conseil de prud'hommes doit être infirmée de ce chef.

Sur la nullité du licenciement

L'article L2411-3 du code du travail dispose que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

L'annulation de la décision d'autorisation de licencier par l'autorité hiérarchique ne laisse rien subsister de celle-ci et le licenciement prononcée sur l'autorisation annulée est atteint de nullité.

Autorisée par l'inspecteur du travail le 22 novembre 2010 à licencier Madame [O], la société Nouvelle du Terrass Hotel y a procédé par courrier adressé sous forme de lettre recommandée avec avis de réception le 30 novembre 2010.

La décision de l'inspecteur du travail a ensuite été annulée par le ministre du travail le 20 avril 2011. Si cette dernière décision a elle-même fait l'objet d'une annulation par la juridiction administrative, aucune autre décision autorisant le licenciement n'a été prise par la suite, de sorte que le licenciement prononcé par la société Nouvelle du Terrass Hotel est nul.

Le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation du licenciement nul

L'article L2422-4 dispose que : Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

Madame [O] n'ayant pas sollicité sa réintégration, elle a droit à l'intégralité du préjudice au cours de la période écoulée entre la date du licenciement, du 30 novembre 2010, et l'issue du délai de deux mois à compter de la notification de la décision, le 20 juin 2011.

En prenant en compte un salaire mensuel moyen de 1.741,44€ et les sommes versées par Pôle Emploi sur cette période, la perte de revenu s'établit à la somme de 3.966€.

Aucun élément n'est produit par Madame [O] pour établir la réalité et l'ampleur du préjudice moral. Elle invoque une ré-orientation de carrière qui n'est corroborée par aucune pièce, alors qu'elle était fondée à demander sa réintégration auprès de son employeur pour y reprendre son activité. Ce poste de demande doit être rejeté.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes au titre des indemnités de rupture

Madame [O] ayant été licenciée en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée et n'ayant pas demandé sa réintégration, elle ne peut prétendre au paiement des indemnités de rupture que si les conditions d'attribution sont remplies, c'est à dire si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le tribunal administratif et la cour administrative d'appel se sont prononcés sur les faits reprochés à Madame [O], qui doivent en conséquence être considérés comme établis. Le juge judiciaire reste néanmoins compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute.

Aux termes de sa décision la cour administrative d'appel a retenu à l'encontre de Madame [O] :

- des retards, à quatre reprises : arrivée à 9h22 le 16 octobre, 8h06 le 19 octobre, 8h10 le 20 octobre et 8h08 le 22 octobre 2010, au lieu d'un horaire d'embauche 8h,

- des faits d'agressivité à l'encontre de la gouvernante, sa supérieure, le 19 octobre 2010 en lui tenant des propos selon lesquels 'son dieu allait la mettre en prison', que 'la direction lui avait donné 1.000€ de la main à la main et qu'elle était vendue' et qu'elle 'serait encore plus malade qu'elle ne l'était déjà'.

Ces faits doivent être appréciés au regard de ceux qui ont donné lieu aux avertissements des 30 septembre 2010, pour avoir refusé d'exécuter deux tâches demandées par le chef de service, et du 15 octobre 2010 pour un retard, un refus de participer à la réunion du matin et une atteinte à l'autorité hiérarchique, en répondant se moquer de la remarque de sa supérieure relative aux horaires.

Un désaccord persiste quant à l'horaire d'embauche de Madame [O] qui a demandé à plusieurs reprises le maintien de l'horaire de 8h prévu à son contrat alors que l'employeur lui demande de commencer à 7h30 et invoque en ce sens un accord pris pour aménager son poste, après l'avis du médecin du travail. En l'absence d'élément établissant l'accord invoqué, l'horaire de 8h doit être retenu. Le retard le plus important du 16 octobre 2010 ne peut être considéré comme excusé par un motif valable, le procès-verbal de plainte de l'agression invoquée par la salariée étant du 31 décembre 2012, soit plus de deux années après.

Le 19 octobre 2010 Madame [O] s'est emportée violemment à l'égard de sa supérieure hiérarchique en refusant certaines tâches qu'elle lui demandait de faire. Une autre salariée atteste que Madame [O] a alors menacé la gouvernante. Ce comportement agressif de la salariée ne peut trouver son explication dans les faits de violence qu'elle impute au directeur. En effet, aux termes de la plainte qu'elle a déposée à l'encontre de celui-ci, ces derniers faits seraient intervenus le 20 octobre soit le lendemain de ceux qui lui sont reprochés au titre du licenciement. En outre, ils ne sont pas démontrés par des éléments objectifs.

Il est ainsi établi que Madame [O] a cumulé des retards à plusieurs reprises, et a eu un comportement agressif à l'égard de sa responsable hiérarchique, refusant les consignes en présence d'une autre employée. Ces nombreux faits sont intervenus en quelques jours, alors qu'elle venait de recevoir deux avertissement par l'employeur pour ses horaires, son comportement et l'accomplissement des tâches confiées. Ils s'inscrivent dans une dégradation croissante des relations avec la supérieure hiérarchique et révèlent une opposition manifeste à son autorité et aux consignes de nature à empêcher le bon déroulement du service et sont incompatibles avec le maintien de la salariée dans l'entreprise.

La qualification de faute grave doit être retenue.

La décision du jugement du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

En conséquence de la qualification de faute grave, les demandes de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse doivent être rejetées.

La décision du jugement du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes le 26 juin 2011, et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision. La capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civile sera ordonnée.

Sur la remise des bulletins de paie

La remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme et d'une attestation destinée à pôle emploi rectifiée sera ordonnée dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision.

Sur la restitution des sommes versées

La présente décision constitue le titre permettant la restitution des sommes versées par la société Nouvelle du Terrass Hotel au titre de l'exécution de la décision de première instance et il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Sur les frais irrépétibles

Madame [O] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera également condamnée à verser à la société Nouvelle du Terrass Hotel la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 05 septembre 2017 en ce qu'il a : condamné la SAS Société Nouvelle du Terrass Hotel à payer à Madame [M] [O] la somme de 1.664,53€ à titre d'indemnité de requalification, prononcé la nullité du licenciement, condamné la SAS Société Nouvelle du Terrass Hotel à payer à Madame [M] [O] la somme de 3.966€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel, rejeté la demande d'indemnité pour préjudice moral,

L'INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

REJETTE la demande de dommage et intérêts pour discrimination syndicale, les demandes de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse formées par Madame [M] [O],

ORDONNE la remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, d'une attestation destinée à pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés dans le délai d'un mois et dit n'y avoir lieu à astreinte,

DIT que les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter 26 juin 2011 et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts pour au moins une année entière ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [M] [O] aux dépens ;

CONDAMNE Madame [M] [O] à payer à la SAS Société Nouvelle du Terrass Hotel la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Madame [M] [O] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/12358
Date de la décision : 06/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/12358 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-06;17.12358 ?
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