Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2019
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05135 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B22QX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 15/00468
APPELANTS
Monsieur [A] [M]
né le [Date naissance 1] 1961 à[Localité 1] (06)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Et
Madame [D] [M]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 3] (6ème arrondissement) (69)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés par Me Dominique NARDEUX , de la SELARL SAULNIER NARDEUX MALAGUTTI, avocat au barreau de PARIS,
Ayant pour avocat plaidant Me Tiffany BIETH - JOHNSON , avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMES
Monsieur [X] [X]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 4] (59) (59)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Et
Madame [B] [X] épouse née [J]
née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 5] (75012)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés par Me Guillaume MEAR, avocat au barreau de MELUN
Ayant pour avocat plaidant Me Maya BOUCHOUCHA, avocat au barreau de MELUN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Mme Muriel PAGE, Conseillère
Mme Nathalie BRET-PREVOT, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Amédée TOUKO-TOMTA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Loup CARRIERE , Président de chambre et par Amédée TOUKO-TOMTA, Greffier présent lors de la mise à disposition.
***
FAITS & PROCÉDURE
M. et Mme [M] ont acquis en 2007 le terrain contigu de celui de M. et Mme [X], qui habitent, depuis 1999, la maison voisine, construite en 1982.
Le 24 octobre 2011, M. [X] a déposé une demande de permis de construire concernant un appentis ouvert et un mur de clôture.
Il a obtenu le 25 janvier 2012 un permis de construire tacite, qui a été annulé, à la demande de M. et Mme [M], par jugement du tribunal administratif de Melun le 20 décembre 2013.
Deux permis de construire modificatifs ont été accordées le 18 février 2014 et le 31 juillet 2014, ce dernier concernant la construction d'un abri à bois et la modification de l'appentis, lesquels ont été construits en limite séparative de la propriété de M. et Mme [M].
Par exploit en date du 6 février 2015, M. et Mme [M] ont fait assigner M. [X].
Par jugement du 31 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Melun a :
- débouté M. et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté M. et Mme [X] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. et Mme [M] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Malpel.
M. et Mme [M] ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 10 mars 2017.
La procédure devant la cour a été clôturée le 19 juin 2019.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 18 juin 2018 par lesquelles M. et Mme [M], appelants, invitent la cour, au visa de l'article 544 du code civil, à :
- infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
- condamner M. et Mme [X] à détruire l'appentis et l'abri bois érigés en limite de sa propriété, au droit de leur maison, sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard, suivant le quinzième jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- dire qu'à défaut d'exécution des obligations dans un délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, ils pourront procéder ou faire procéder aux travaux en lieux et place de M. et Mme [X] et aux frais de ces derniers,
- dire que pour ce faire les appelants et tout professionnel dont ils se seront adjoint les services pourront, aux seules fins de l'exécution de l'arrêt, accéder aux terrains et biens immobiliers de M. et Mme [X], sis [Adresse 2],
- condamner M. et Mme [X] à leur payer la somme de 7.000 € de dommages et intérêts,
- condamner M. et Mme [X] aux dépens, ainsi qu'à leur payer la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 29 janvier 2019 par lesquelles M. et Mme [X], intimés ayant formé appel incident, invitent la cour, au visa des articles 544 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, à :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il les a débouté de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les accueillir en leur appel incident,
- condamner in solidum M. et Mme [M] à leur payer la somme de 4.800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
y ajoutant,
- condamner in solidum M. et Mme [M] aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à leur payer la somme de 4.800 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :
Sur l'abus de droit
Aux termes de l'article 544 du code civil, 'la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements' ;
S'il n'est pas contestable que l'installation sur un terrain d'un dispositif ne présentant aucune utilité et n'ayant d'autre but que de nuire à autrui constitue un abus du droit de propriété, il ressort toutefois des pièces produites que tel n'est pas le cas en l'espèce :
- les photos produites par les époux [X] montrant, d'une part un véhicule stationné sous l'appentis précédé d'une allée bétonnée et d'autre part un hamac suspendu sous ce même appentis, contredisent l'absence d'utilité de cet appentis;
- le procès-verbal d'huissier du 20 octobre 2011, constatant notamment la présence d'une bâche à l'endroit du futur appentis, ne contient pas d'élément confirmant que la pose de cette bâche aurait eu pour unique utilité d'occulter les jours de souffrance de la maison des époux [M] et ne justifie pas d'une intention de nuire des époux [X] dans le cadre du dépôt de leur demande de permis de construire quatre jours après, le 24 octobre 2011,
- l'avis défavorable du maire du 30 novembre 2011, préalable à l'obtention du permis de construire de l'appentis, au motif que la construction occulte les verres translucide de la maison des époux [M], ne contient aucun élément relatif à une intention de nuire des époux [X] ;
- les cinq photocopies de plaintes pénales des époux [M] contre les époux [X], du 13 octobre 2011, 28 octobre 2011 et 31 octobre 2011, pour 'déforestation illégale du domaine communal', du 9 décembre 2011 pour 'vandalisme et harcèlement', du 18 janvier 2012 et du 19 janvier 2012 notamment pour insultes, n'ont pas de valeur probante à elles seules contenant uniquement les déclarations des époux [M], sont sans lien avec la construction de l'appentis et en tout état de cause, ne justifient pas que le permis de construire aurait été déposé le 24 octobre 2011 dans l'unique intention de nuire aux époux [M];
- le jugement correctionnel du 10 décembre 2015 condamnant M [X] pour harcèlement moral et vols à l'égard des époux [M] porte sur des faits commis entre le 7 juillet 2014 et le 1er juillet 2015, est sans lien avec le dépôt du permis de construire dont il est postérieur de plus de trois ans et ne justifie pas d'une intention de nuire à la date du 24 octobre 2011;
- il en de même du courrier de M [U] du 27 septembre 2012 relatif à des insultes de M [X] et de la nouvelle pièce concernant la plainte des époux [M] du 21 décembre 2017, relative aux obligations de M [X] dans le cadre de la condamnation du 10 décembre 2015;
En conséquence, M et Mme [M] ne justifiant pas d'une intention de nuire des époux [X] relative au dépôt du permis de construire de l'appentis le 24 octobre 2011, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes au titre de l'abus de droit ;
Sur le trouble de voisinage
sur la perte d'ensoleillement
Les seules photographies produites ne permettent pas de comparer la luminosité des pièces avant et après la construction de l'appentis, dans les mêmes circonstances de temps et de conditions météorologiques, en l'absence d'horaire pour celles figurant dans le procès-verbal d'huissier du 20 octobre 2011 et en l'absence de dates pour les autres photographies;
Aussi, les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'une perte d'ensoleillement dans leur maison ;
sur le trouble lié aux conditions d'existence
Nonobstant le fait qu'un jour de souffrance n'entraîne aucune restriction au droit de propriété du voisin, l'obturation du jour de souffrance donnant sur les toilettes et l'obturation du jour de souffrance donnant sur la salle d'eau ne sont pas de nature à créer, à elles seules, un trouble excédent les inconvénients normaux du voisinage ;
sur l'atteinte à l'isolation de la maison
Aucune atteinte à l'isolation de la maison n'est justifiée et le risque d'infiltration entre les deux constructions ne constitue pas un trouble anormal du voisinage puisqu'il ressort des avis des professionnels sollicités par les époux [M] qu'il suffit de réaliser un joint d'étanchéité entre les deux constructions et que les époux [M] produisent un courrier des époux [X] du 25 avril 2018, dans lequel ceux-ci sollicitent leur autorisation pour réaliser ledit joint d'étanchéité ;
Le trouble anormal de voisinage allégué n'est donc pas constitué sur ce point ;
sur le trouble esthétique
Le caractère anormal du trouble du voisinage s'apprécie en fonction du contexte local, de l'usage du quartier et des modes de jouissance habituels dans le secteur;
Or au vu des photos produites de la maison des époux [M] et des maisons environnantes, la hauteur de l'appentis, la pente de son toit, la couleur et la taille des tuiles le recouvrant ne constituent pas un trouble esthétique susceptible de constituer un trouble anormal de voisinage ;
sur la perte de valeur de la maison des époux [M]
Il n'y a pas d'élément au dossier justifiant pas d'une perte de valeur de la maison des époux [M] en lien avec la construction de l'appentis des époux [X] ;
Ainsi les époux [M] ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un trouble anormal de voisinage, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes sur ce fondement ;
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déboutés les époux [M] de leur demande de détruire l'appentis et l'abri à bois des époux [X] et de leur demande de dommages et intérêts ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et le rejet de l'application qui y a été fait des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les époux [M], partie perdante, doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux époux [X] la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par les époux [M] ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement ;
Confirme le jugement;
Y ajoutant,
Condamne in solidum M et Mme [M] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer aux époux [X] la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT