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05/11/2019 | FRANCE | N°14/10780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 05 novembre 2019, 14/10780


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 05 Novembre 2019

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/10780 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUZQ2



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Août 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/12770





APPELANT



Monsieur [L] [N]

[Adresse 6]

[Localité 4]

né en à
>représenté par Me Frédéric SAUVAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0521







INTIMÉES



Me [W] [P] (PARTNERSHIPS PRICE WATERHOUSE COOPERS LLP) - Administrateur judiciaire de Société SOCI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 05 Novembre 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/10780 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUZQ2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Août 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/12770

APPELANT

Monsieur [L] [N]

[Adresse 6]

[Localité 4]

né en à

représenté par Me Frédéric SAUVAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0521

INTIMÉES

Me [W] [P] (PARTNERSHIPS PRICE WATERHOUSE COOPERS LLP) - Administrateur judiciaire de Société SOCIETE MEQ REALISATIONS LIMITED ANCIENNEMENT MINT EQUITIES LIMITED

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Marina DOITHIER-ORGIAZZI, avocat au barreau de PARIS, toque : J100 substitué par Me Lorenzo DELFINI, avocat au barreau de PARIS

Me [U] [R] (SELAFA SELAFA MJA) - Mandataire liquidateur de Société MINT EQUITIES LIMITED (MEQ REALISATIONS LIMIT)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223 substitué par Me Françoise LHERMENAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0085

Société BGC BROKERS LP

One churchill

[Adresse 10]

[Localité 9] UNITED KINGDOM

représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 8]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

Société SOCIETE MEQ REALISATIONS LIMITED ANCIENNEMENT MINT EQUITIES LIMITED

représentée par Me Marina DOITHIER-ORGIAZZI, avocat au barreau de PARIS, toque : J100 substitué par Me Lorenzo DELFINI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Denis ARDISSON, président de chambre

Anne HARTMANN, présidente de chambre

Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Denis ARDISSON, Président de chambre et par Madame Mathilde SARRON, Greffière présente lors du prononcé.

Par jugement du 29 août 2014, le conseil des prud'hommes de Paris s'est reconnu compétent pour connaître de l'action de M. [L] [N] tendant au transfert de son contrat de travail auprès de la sociétés BGC Brokers LP, débouté le salarié de cette demande au fond ainsi que de son action tendant à contester son licenciement économique et de ses demandes en condamnation solidaire des sociétés BGC Brokers et MINT Equities Ltd, représentée par son liquidateur Me [J] [D] de la société MJA, au paiement d'indemnité compensatrice de préavis, de congés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, violation des règles de consultation des représentants du personnel, défaut de proposition d'une convention de reclassement personnalisé, d'offre de priorité de réembauchage, et enfin en rappel de salaire et en paiement de frais professionnels et de prime de 13ème mois. Le conseil des prud'hommes de Paris a débouté l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest de sa demande en condamnation de la société BCG Brokers LP au remboursement des sommes avancées à M. [N] et a laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Vu l'appel interjeté le 3 octobre 2014 par M. [L] [N] ;

* *

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience du 25 juin 2019 pour M. [L] [N] afin de voir, au visa du Règlement CE n°1346/2001 du 29 mai 2000, de la Directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 et des articles L. 1224-1, L. 1233-4, L. 1233-16, L. 1233-29, L. 1233-31, L. 1233-58, L. 1233-65, L. 1235-3, L. 1235-5 et L. 2323-15 du code du et 1240 du code civil :

- recevoir M. [N] en son appel et l'y déclarer bien fondé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la juridiction prud'homale française est compétente pour trancher le présent litige,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- condamner in solidum les sociétés MINT Equities et BGC Brokers à verser :

42.500,16 euros bruts à titre de rappel de salaires

4.250,01 euros bruts au titre des congés payés afférents

37.500 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

3.750 euros bruts au titre des congés payés afférents

13.435 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

6.250 euros bruts à titre de rappel de 13 ème mois pour 2010

625 euros bruts au titre des congés payés afférents

150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

12.500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des procédures de consultation des représentants du personnel

12.500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de proposition du bénéfice de la convention de reclassement personnalisé

12.500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de signification du bénéfice de la priorité de réembauchage,

en tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés MINT Equities et BGC Brokers à verser :

5.143,20 euros TTC à titre de rappel de frais professionnels ;

150.000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable ;

15.000 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

20.000 euros bruts à titre de bonus ;

2.000 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

- ordonner sous astreinte la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de salaire,

- débouter les sociétés défenderesses de leurs demandes reconventionnelles,

- condamner les sociétés MINT Equities et BGC Brokers à verser chacune une somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations des intérêts légaux avec anatocisme à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, soit le 4 octobre 2010,

- condamner in solidum les sociétés MINT Equities et BGC Brokers aux entiers dépens ;

- ordonner l'inscription des créances au passif de la liquidation de la société MINT Equities ;

* *

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience du 25 juin 2019 pour la société MJA prise en la personne de Me [U] mandataire liquidateur de la société MINT Equities Ltd, aux fins de voir :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

- ordonner la restitution des sommes indûment versées entre les mains de l'AGS si la cour devait considérer la cession intervenue comme ayant été faite en violation des droits des salariés français,

- condamner M. [N] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux entiers dépens ;

* *

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience du 25 juin 2019 pour la société PricewaterhouseCoopers LLP prise en personnes de MM. [W] et [B] administrateurs judiciaires de la société MEQ Realisations Ltd afin de voir, en application des articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1235-4, L. 1224-1 du code du travail, L. 622-22 et L. 642.1 et suivants du code commerce :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [N] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* *

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience du 30 janvier 2019 pour la société BGC Brokers LP afin de voir :

- confirmer le jugement,

à titre principal,

- constater l'incompétence de la cour d'appel pour statuer sur la contestation du licenciement pour motif économique de M. [N] au profit des juridictions anglaises,

à titre subsidiaire,

- constater que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'avaient pas vocation à recevoir application,

- constater l'absence de tout contrat de travail entre M. [N] et la société BGC Brokers,

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter l'AGS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [N] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

* *

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience du 25 juin 2019 pour l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest afin de voir :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la loi applicable au contrat de travail des salariés exécutés au sein de la succursale française de la société MEQ Realisations est la loi française,

- SE DECLARER COMPETENT POUR STATUER SUR LE LITIGE SOUMIS

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes,

- dire qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie de l'AGS est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,

- dire que plafond applicable pour M. [N] est le plafond 5 de l'année 2010,

- dire que le plafond 5 de l'année 2010 a été atteint pour M. [N] et qu'aucune autre somme ne pourra être garantie par l'AGS,

à titre subsidiaire, au visa du règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, de la directive n°2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 et de l'article L.1224-1 du code du travail,

- dire que la cession de la société MEQ Realisations Ltd à la société BGC Brokers LP, intervenue le 18 août 2010 caractérise le transfert d'une entité économique autonome,

- dire que l'activité de la société MEQ Realisations a été poursuivie par la société BCG Brokers,

- dire que les contrats de travail des salariés de la succursale française auraient dû être transférés à la société BGC Brokers,

- dire que le Tribunal anglais n'a pas autorisé la suppression des contrats de travail français exécutés au sein de la succursale française,

- dire que l'acte de cession du 19 août 2010 n'a pas été validé par le Tribunal anglais,

- dire que l'acte de cession du 19 août 2010 ne constitue pas une exception au transfert des contrats de travail au sens de l'article 5, 2 de la directive 2001/23 du 12 mars 2001,

- dire que le FSA (Financial Service Authority) n'est pas une juridiction mais une autorité de régulation des marchés financiers et qu'elle n'a donc aucune compétence pour valider un acte de cession

- condamner la société BGC Brokers à rembourser à l'AGS les sommes avancées par cette dernière M. [N] soit la somme de 57.700 euros bruts,

à titre très subsidiaire,

- condamner M. [N] à rembourser à l'AGS les sommes avancées par cette dernière pour son compte selon la pièce 1,

- dire et juger que la répartition d'une éventuelle obligation in solidum devra être nulle concernant la société MINT Equities en application de l'impossibilité d'une condamnation in solidum à l'égard de la procédure collective et de l'article L. 622-21 du code de commerce,

subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à considérer que la solidarité devait être retenue et que certaines sommes devaient à être fixée au passif de la liquidation judiciaire,

- dire que la garantie de l'AGS n'est due qu'à compter du moment où la société débitrice démontre ne pas bénéficier des fonds disponibles pour couvrir une éventuelle créance salariale, de sorte qu'il devra être jugé qu'en tout état de cause le bénéfice de division est dû à l'AGS, celle-ci ne pouvant venir en avance d'une société disposant de fonds, la société BGC Brokers,

sur la collusion frauduleuse,

- débouter M. [N] de ses demandes vis-à-vis de l'AGS,

- condamner la société BGC Brokers à rembourser à l'UNEDIC délégation AGS l'intégralité des avances effectuées alors pour son compte et figurant en pièce 1,

en toute hypothèse au visa de l'article L. 1235-5 du code du travail, de l'arrêt rendu le 13 avril 2016 par la Cour de cassation,

- dire que M. [N] ne rapporte pas la preuve de son préjudice,

- débouter M. [N] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- dire que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie de l'AGS est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,

- dire qu'en l'espèce le plafond applicable pour M. [N] qui est le plafond 6 de l'année 2010 a été atteint,

- dire qu'aucune autre créance pour M. [N] ne pourra être garantie par l'AGS,

- dire qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes 'dues en exécution du contrat de travail' au sens dudit article, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ouvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS ;

* *

Vu les réquisitions écrites du ministère public oralement soutenues à l'audience du 25 juin 2019.

* *

Vu la question soulevée d'office par la cour notifiée par le réseau public virtuel des avocats le 8 juillet 2019 en vue de savoir si est applicable à l'opération de cession des actifs des sociétés MEQ Realisations et MINT Equities à la société BGC Brokers, les dispositions qui déterminent le champ d'application de du règlement (CE) n°1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité selon lesquelles, article premier, le règlement ne s'applique pas aux procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance et les établissements de crédit, les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, ainsi qu'aux organismes de placement collectif ;

Vu les observations notifiées par le réseau public virtuel des avocats le 12 juillet 2019 pour les sociétés MEQ Realisations Ltd et BGC Brokers.

SUR CE,

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties pour l'exposé complet des faits et de la procédure.

Il sera succinctement rapporté que par contrat de travail du 17 mars 2010 avec effet au 1er avril suivant, M. [N] a été embauché en qualité de courtier par la société MINT Equities, succursale française de courtage d'instruments financiers de la société MEQ Realisations détenue par la société MINT Partners Ltd, les deux étant basées à Londres, M. [N] étant employé au statut cadre niveau J de la convention collective nationale de la banque et moyennant une rémunération annuelle de 150.000 euros bruts par an outre une rémunération variable ainsi qu'un bonus.

Courant 2010, la société MEQ Réalisations Ltd qui employait 141 salariés en Europe et 12 en France est entré en relation avec la société BGC Brokers, leader du courtage d'instruments financiers, avec le projet de céder ses actifs.

La société MEQ Realisations présentant en août 2010 un passif de 17,5 millions de livres sterling a été mise en demeure le 10 juillet 2010 par le 'HM Revenues et Customs' (Trésor public anglais) de payer une dette fiscale de 2 millions de livres, somme révisée à 7 millions de livres et exigée sans délai le 16 août 2012, puis la société Base Interiors Ltd poursuivant le recouvrement judiciaire d'une créance de 378.481,38 livres, la High Court Chancery Division Companies Court of England and Wales a décidé par une ordonnance du 19 août 2010 prise au visa de l'Insolvency Act 1986 de rejeter la demande de mise en liquidation judiciaire présentée par la société Base Interiors Ltd, de placer les sociétés MEQ Realisations et MINT Equities 'in administration' et de nommer 'joint administrators'('administrateurs judiciaires') MM. [W] et Spratt de la société PricewaterhouseCoopers LPP.

Immédiatement après la décision, les administrateurs des sociétés MEQ Realisations et MINT Equities ont mis en oeuvre en application du paragraphe 22 de l'annexe B1 de l'Insolvency Act 1986 un accord 'pre-pack' de cession partielle des actifs de la société MEQ Realisations à la société BGC Brokers à l'exclusion de ceux de la société MINT Equities et fermé l'accès des salariés de la société MINT Equities aux plateformes de marchés.

A la demande des administrateurs judiciaires de PwC, le tribunal de commerce de Paris a ouvert le 28 octobre 2018 une procédure secondaire de liquidation judiciaire de la société MINT Equities sans poursuite d'activité, la société MJA étant nommée liquidateur de la société MINT Equities. Ce dernier a convoqué les délégués du personnel à une réunion d'information et de consultation sur le projet de licenciement pour motif économique qui s'est tenue le 10 novembre 2010, puis M. [N] a été licencié le 12 novembre suivant.

1. Sur le moyen de droit soulevé d'office par la cour

En réponse à la question posée par la cour après la clôture des débats de savoir si l'activité les sociétés MINT Equities et BGC Brokers était exclue du champ d'application du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité défini à l'article 1, 2) pour les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, les deux sociétés ont dûment justifié que l'activité de la première enregistrée en France était limitée à la réception, la transmission et l'exécution d'ordres pour le compte de tiers, de sorte que la présomption est suffisamment établie que son activité n'implique pas la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers au sens de l'exclusion de l'article 1, 2) précité, et il convient en conséquence d'écarter le moyen.

2. Sur l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale tirée du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité

M. [N] entend voir confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu, sur le fondement du lieu d'exécution de son contrat de travail en France, la compétence du conseil des prud'hommes pour connaître de son action tirée de la violation du droit au transfert de son contrat de travail à la société BGC Brokers. Le salarié prétend en revanche voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette action et des demandes tendant à la condamnation solidaire des sociétés MINT Equities et BGC Brokers.

Le salarié soutient, en fait, que le bilan de la succursale française ne connaissait aucun déficit d'activité, que la main-d'oeuvre constituait le principal actif de la société MINT Equities, que l'activité de la succursale n'était pas autonome et dépendait des moyens de la société basée à Londres, qu'elle n'avait pas d'existence propre justifiant son exclusion du périmètre de la cession et que son activité s'est poursuivie après la cession des actifs de la société MINT Equities à la société Brokers, M. [N] mettant aux débats de nombreux justificatifs établissant la poursuite de l'activité sous le nom de la société MINT Equities après sa cession et avec la même équipe. Il relève que le contrat de cession a été communiqué tardivement aux salariés dans une version caviardée, laquelle ne comporte aucune justification pour exclure la succursale des actifs cédés ni même ceux des contrats (prises de position) qui ont été cédés.

M. [N] allègue encore que la société BGC Brokers, qui avait connaissance des dettes de la société MINT Equities avant l'accord de cession, a cherché à éviter d'acquitter les cotisations sociales impayées par la société MINT Equities au titre de l'exercice de 2010, et à faire supporter aux AGS françaises le coût du licenciement des salariés travaillant en France. Il dénonce la collusion de MM. [O] et [X], dirigeants de la société MINT Equities, et de la société BGC Brokers pour s'accorder sur un prix de cession minoré de la société MINT Equities en contre-partie de l'embauche des premiers par la seconde après l'opération de cession.

Le salarié prétend enfin que le juge anglais ne disposait pas du contrat de cession des actifs de la société MINT Equities lorsqu'il a rendu son ordonnance et qu'il n'a en conséquence pu exercer aucun contrôle sur le bien fondé de l'éviction de la succursale française de la procédure de pre-pack, M. [N] reprochant à la juridiction prud'homale de n'avoir pas recherché si l'insolvabilité de la succursale française était de nature à faire obstacle au transfert de son contrat de travail ni d'avoir contrôlé l'existence d'un plan de cession devant être arrêté par le tribunal de commerce après la consultation des institutions représentatives du personnel ou si un plan ne pouvait être arrêté précisant le nombre de licenciement autorisés ainsi que les activités et les catégories d'emplois concernées.

En droit, M. [N] prétend que les comportements des employeurs des sociétés MINT Equities et BCG Brokers ainsi que la procédure de pre-pack anglaise violent, d'abord, les règles d'ordre public françaises relatives au transfert du contrat de travail au cas de transfert d'entreprise et de redressement ou de liquidation judiciaire, et ensuite, ne constituent pas un obstacle à l'appréciation des juridictions françaises du transfert des contrats de travail alors que la procédure anglaise d''administration' n'a pas de finalité liquidative.

M. [N] soutient de ces comportements et de la procédure de pre-pack anglaise qu'ils violent ses droits au maintien de son contrat de travail tels qu'ils sont aussi garantis par l'article 3 de la directive (CE) 2001/23 du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, le salarié contestant l'application de l'exclusion du transfert du contrat de travail prévue par l'article 5, 1) de la directive invoqué par la société BCG Brokers et selon lequel aux cas 'où une entreprise, un établissement ou d'une partie d'entreprise ou d'établissement lorsque le cédant fait l'objet d'une procédure de faillite ou d'une procédure d'insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d'une autorité publique compétente (qui peut être un syndic autorisé par une autorité compétente)'.

A cet égard, M. [N] se prévaut d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 12 mars 1998, Aff. C-319/94 Jules Dethier Equipement SA c/ Jules Dassy) qui, pour dire que 'l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, doit être interprété en ce sens que celle-ci s'applique en cas de transfert d'une entreprise en état de liquidation judiciaire lorsque l'activité de l'entreprise se poursuit' a retenu aux points 25 et 26 de sa décision que 'pour apprécier si la directive s'applique au transfert d'entreprise qui fait l'objet d'une procédure administrative ou judiciaire, le critère déterminant à prendre en considération est celui de l'objectif poursuivi par la procédure en cause (...) il convient toutefois de tenir également compte des modalités de la procédure en cause, notamment en ce qu'elles impliquent que l'activité de l'entreprise se poursuive ou qu'elle cesse, ainsi que des finalités de la directive'.

Enfin, M. [N] conclut que la procédure de pre-pack issue de l''Insolevency act 1986' contrevient à la transposition de la directive (CE) 2001/23 du Conseil du 12 mars 2001 au Royaume-Uni dans le 'Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 2006', le salarié se prévalant, avec les AGS, de certaines décisions de juridictions d'appel anglaises rendues en 2008 et 2011 estimant, selon les situations, que la procédure de pre-pack pouvait ne pas exclure le transfert des contrats de travail des salariés de la société cédante à la société cessionnaire.

Néanmoins, et en premier lieu, la matière du transfert du contrat de travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur et telle qu'elle s'évince de l'article L. 1224-1 du code du travail est équivalente à celle de la directive 2001/23/CE sur les droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, cette directive étant aussi d'effet direct au Royaume-Uni.

En deuxième lieu, la procédure collective d''administration' de l'Insolevency act 1986 qui régit la procédure anglaise du 'pre-packaged administration', dans sa version applicable au litige, est visée à l'annexe A du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 et cette annexe A a la même autorité que son règlement.

En troisième lieu, les articles 16 et 17 du Règlement (CE) n°1346/2000 imposent à tout État membre de reconnaître la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'origine et sans pouvoir vérifier lui-même la compétence des juridictions de cet État, l'article 26 du Règlement autorisant tout État membre à 'refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure' seulement 'lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution'.

Par ailleurs, la cour relève qu'aucune disposition du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'investit une juridiction nationale du pouvoir d'interpréter les règles de droit d'un autre Etat membre pour juger de leur conformité aux directives et règlements communautaires. Ensuite, l'action de M. [N] fondée sur la fraude à la loi anglaise ou aux règles de conflits de lois ou de juridictions en matière de transfert du contrat de travail dérive directement de la procédure d'insolvabilité du Royaume-Uni où est situé le centre des intérêts principaux des débiteurs et s'y insère étroitement. Encore, M. [N] ne conteste pas ni même ne discute la faculté dont il disposait de contester la procédure d'insolvabilité principale ouverte au Royaume-Uni. Enfin, la procédure anglaise de pre-pack n'a pas pour objet ou pour effet de priver le salarié de revendiquer le bénéfice des droits qu'il tient de la législation française au titre de son licenciement décidé en application de la procédure collective secondaire ouverte en France.

Pour l'ensemble de ces motifs, la juridiction française est dépourvue de la compétence pour connaître de cette action de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la compétence du conseil des prud'hommes et les parties renvoyées à mieux se pourvoir.

3. Sur les demandes tirées de la procédure et du licenciement économique conduits en France

Au soutien de ses demandes d'indemnités pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnités compensatrices de préavis et de congés afférents ainsi que de dommages et intérêts tels qu'ils sont visés au dispositif de ses conclusions,

M. [N] soutient, en premier lieu, que le liquidateur lui a notifié son licenciement en violation du transfert de son contrat de travail auprès de la société BGC Brokers.

Au demeurant, et ainsi que cela est retenu au point 2 du présent arrêt, la juridiction française n'est pas compétente pour apprécier le bien fondé de la décision du juge anglais de la cession des actifs de la société MINT Equities dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, de sorte que le moyen est tout aussi irrecevable à l'encontre de la société cessionnaire basée au Royaume-Uni.

M. [N] prétend, en deuxième lieu, que son licenciement est le résultat d'une organisation frauduleuse de l'insolvabilité par les dirigeants de la société MINT Equities et soutient qu'il a été privé de son accès à son travail dès le 19 août 2010 en violation de l'obligation de l'employeur de lui fournir du travail et qu'enfin, le liquidateur, avec une légèreté blâmable n'a pas recherché de solutions pour la poursuite de l'activité

Toutefois, les dispositions précitées du règlement (CE) nº 1346/2000 s'imposaient tout autant à la juridiction commerciale qui était tenue d'ouvrir une procédure secondaire de liquidation judiciaire et, ayant pu constater la cessation de l'activité de la société MINT Equities en France ainsi que la disparition de son actif, a ordonné le 28 octobre 2018 la liquidation de la société que le liquidateur a dûment exécutée en visant cette décision dans la lettre de licenciement qu'il a notifiée à M. [N].

En troisième lieu, M. [N] reproche au liquidateur de n'avoir pas consulté les délégués du personnel, de lui avoir pas fait bénéficier de la convention de reclassement personnalisé, de n'avoir pas satisfait à son obligation de présenter des offres de reclassement préalable à son licenciement et de n'avoir pas enfin fait bénéficier au salarié de sa priorité de réembauchage.

Néanmoins, la première allégation est contraire en fait avec la convocation et des délégués du personnel à la réunion d'information et de consultation sur le projet de licenciement pour motif économique qui s'est tenue le 10 novembre 2010. La convention de reclassement personnalisé est par ailleurs dûment visée à la lettre de licenciement. Le liquidateur établit d'autre part la preuve que le 4 novembre 2010, il a communiqué le profil professionnel de M. [N] à cinq sociétés susceptibles de le recruter. Alors enfin que le jugement du tribunal de commerce a décidé de la liquidation de la société MINT Equities après avoir retenu qu'aucune activité ne pouvait se poursuivre, aucun manquement à la priorité de réembauchage ne peut être imputé au liquidateur.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a explicitement ou implicitement écarté l'ensemble de ces moyens.

4. Sur les demandes relatives au rappel de salaire, de primes de 13ème mois, de commission, de bonus et en remboursement de frais professionnels

M. [N] revendique la somme de 42.500,16 euros bruts, outre 4.250,01 euros au titre des congés payés représentant des rappels de salaires qu'il soutient n'avoir pas perçus du 1er août jusqu'au jour de son licenciement le 12 novembre 2010. Or, il résulte de l'attestation des droits de l'AGS la preuve que sa garantie pour ces salaires a été versée pour cette période et dans la limite du plafond applicable pour un montant de 37.561,68 euros, et tandis le liquidateur justifie avoir pour sa part versé la somme de 5.000,16 euros, Monsieur [N] est bien fondé à voir fixer au passif de la société MINT le seul reliquat de 4.188,33 euros.

M. [N] réclame la somme de 13.435 euros bruts au titre des 27 jours de congés payés non consommées au moment de son licenciement, et alors que l'AGS justifie avoir garanti la somme de 5.770 euros, Monsieur [N] est bien fondé à voir fixer au passif de la société MINT le reliquat de 7.665 euros.

Par ailleurs, le contrat de travail de M. [N] stipule le bénéfice d'une prime variable 'uniquement si son montant excède celui de la rémunération de base, déterminée conformément à l'article 4.3 ci-dessous. Le Salarié pourra également bénéficier d'une rémunération variable égales à 30% du revenu généré personnellement par le Salarié au profit de la Société. Le paiement de la Commission sera effectué trimestriellement, au cours des 45 jours ouvrés suivant chaque trimestre concerné'. Aucune des parties ne conteste pertinemment le bulletin de salaire du mois d'août 2010 qui fixe à 100.000 euros le montant des commissions dues à M. [N], de sorte qu'il convient de fixer cette créance au passif de la société Mint Equities.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ces trois premiers chefs.

En revanche, il ne peut être déduit des bulletins de salaire de M. [N] qu'il a atteint le montant de commission de 150.000 euros entre le 1er avril et le 31 août 2010 auquel le contrat de travail subordonnait le versement du bonus qu'il réclame à hauteur de 20.000 euros outre 2.000 euros de congés payés afférents.

Par ailleurs, les bulletins de paie de M. [N] ne permettent pas de déduire que le treizième mois n'était pas compris dans la rémunération qui lui était déjà versée, de sorte qu'il est mal fondé à prétendre à la somme de 6.250 euros.

Enfin, Monsieur [N] n'apporte aucun élément nouveau en cause d'appel permettant de justifier qu'il a exposé les frais professionnels dans l'intérêt de la société MINT Equities alors que son contrat de travail ne stipule aucune clause de remboursement de frais.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ces trois derniers chefs de demande.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [N] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens. Statuant en cause d'appel, il convient de le condamner à supporter les dépens et de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

ECARTE le moyen relevé d'office par la cour tiré de l'article 1, 2) du Règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ;

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a reconnu la compétence de la juridiction pour connaître de l'action du salarié fondée sur le transfert du contrat de travail et rejeté les demandes de M. [L] [N] aux titres des reliquats de rappels de salaires, des jours de congés payés et de prime variable ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

DÉCLARE le conseil de prud'hommes de Paris incompétent ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;

Fixe la créance de M. [L] [N] au passif de la société MINT Equities Ltd à :

4.188,33 euros rappels de salaires,

7.665 euros au titre des jours de congés payés,

100.000 euros au titre de la prime variable

Ajoutant au jugement,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles ;

CONDAMNE M. [L] [N] aux dépens ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/10780
Date de la décision : 05/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/10780 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-05;14.10780 ?
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