Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE [Localité 1]
Pôle 2 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2019
(n° 2019/ 194 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09093 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B73DV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de [Localité 1] - RG n° 17/13083
APPELANTS
Monsieur [L] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 3] (92)
Madame [K] [R] ÉPOUSE [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 1] 16ème
Intervenant tant en leur nom personnel qu'es qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs :
[M] [D] née le [Date naissance 3] 2005 à [Localité 1] 14ème
[U] [D] né le [Date naissance 4] 2007 à [Localité 1] 14ème
Représentés par Me Myriam PAPIN, avocat au barreau de [Localité 1], toque : B0708
INTIMÉES
CPAM DES [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillante
RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANT ILE DE FRANCE OUEST, RSI
[Adresse 3]
[Localité 6]
Défaillant
SA ALLIANZ IARD, société d'assurance
[Adresse 4]
[Localité 1]
Défaillante
MACIF
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de [Localité 1], toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant, Me Sophie DUGUEY, avocat au barreau de [Localité 1], toque : G229
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport et de Mme Clarisse GRILLON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente
Mme Clarisse GRILLON, Conseillère
Mme Anne DUPUY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT :Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Laure POUPET, greffière présente lors du prononcé.
*********
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 23 avril 2009, M. [L] [D] et Mme [K] [R] épouse [D] ont été victimes d'un accident corporel de la circulation dans lequel a été impliqué un véhicule assuré auprès de la société Macif qui n'a pas contesté le droit à indemnisation des victimes.
Par premier jugement du 27 juin 2017, le tribunal de grande instance de [Localité 1] a, notamment, liquidé le préjudice corporel de Mme [K] [D] à la somme totale de 137 996,12 €, dont 69 727,95 € au titre de la perte de gains professionnels actuels.
Les époux [D] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants de leurs enfants mineurs [M] et [U] [D] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 septembre 2017.
Saisi par la Macif, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 4 décembre 2017, déclaré ledit appel irrecevable.
Les époux [D] ès noms et ès qualités ont déféré cette ordonnance devant la cour.
Par ailleurs, le 20 septembre 2017, ils ont saisi le tribunal de grande instance de [Localité 1] d'une requête en rectification d'erreur matérielle qui affecterait le jugement du 27 juin 2017 en ce qui concerne l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels de Mme [K] [D].
Par second jugement du 5 décembre 2017 (instance n° 17/13083), le tribunal de grande instance de [Localité 1] a :
dit que la requête en rectification d'erreur matérielle est recevable,
dit au fond que cette requête est mal fondée et qu'il n'y a pas lieu à rectification d'erreur matérielle du jugement visé, sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile,
dit que l'équité commande qu'aucune somme ne soit allouée à la société Macif sur le fondement de l'article 700 du même code,
laissé les dépens à la charge du trésor public (sic).
M. et Mme [D] ès noms et ès qualités ont interjeté appel du jugement du 5 décembre 2017 par déclaration du 31 août 2018.
Sur cet appel, la présente cour a, par arrêt du 15 octobre 2018 :
sursis à statuer sur la fin de non-recevoir tirée par la société Macif, sur appel incident, de l'irrecevabilité de la requête en rectification d'erreur matérielle visant le jugement du 27 juin 2017, déposée le 20 septembre 2017 par les époux [D] devant ledit tribunal de grande instance, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le déféré formé par les époux [D] contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 4 décembre 2017 qui a déclaré irrecevable l'appel interjeté le 12 septembre 2017 par les époux [D] ès noms et ès qualités contre ledit jugement du 27 juin 2017,
ordonné le retrait de la présente affaire du rôle,
dit qu'à l'expiration du sursis, l'affaire sera rétablie et l'instance d'appel sera poursuivie à l'initiative de la partie la plus diligente,
réservé les dépens d'appel.
Par arrêt du 29 novembre 2018, la présente cour, statuant sur le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 décembre 2017 ayant déclaré irrecevable l'appel des époux [D] contre le jugement du 27 juin 2017, a :
confirmé l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum les époux [D] aux dépens.
L'appel à l'encontre du jugement du 5 décembre 2017 qui avait fait l'objet d'un retrait du rôle a été rétabli par décision du conseiller de la mise en état du 23 mai 2019.
Par conclusions après sursis à statuer notifiées le 11 septembre 2019, M. [L] [D] et Mme [K] [R] épouse [D], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants de leurs enfants mineurs [M] et [U] [D], demandent à la cour de :
confirmer le jugement du 5 décembre 2017 en ce qu'il a jugé recevable la requête en rectification d'erreur matérielle des époux [D],
infirmer ledit jugement en ce qu'il a dit que leur requête était mal fondée et qu'il n'y avait pas lieu à rectification d'erreur matérielle du jugement susvisée sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile,
statuant de nouveau,
juger qu'une erreur matérielle s'est glissée dans le jugement du 5 décembre 2017,
juger que les termes du jugement seront rectifiés afin de faire apparaître :
$gt;dans le corps de la décision, un préjudice professionnel subi par Mme [D] d'un montant de 108 258,63 € et non de 69 727,95 €,
$gt;dans le dispositif de la décision, la condamnation de la société Macif à payer à Mme [D] la somme de 137 996,12 € + 38 530,68 € (correspondant à 108 258,63 - 69 727,95) = 176 526,80 € à titre de réparation de son préjudice corporel,
ordonner qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,
dire que la décision à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision,
dire que les dépens seront à la charge du trésor public (sic),
condamner la société Macif à leur verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 6 septembre 2019, la société Macif demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
condamner les consorts [D] à lui verser une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner les consorts [D] aux dépens dont distraction au profit de Maître Baechlin.
La SA Allianz Iard, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 4] et le RSI [Localité 8] n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la recevabilité de la requête en rectification d'erreur matérielle
Les consorts [D] concluent à la confirmation de la recevabilité de leur requête en rectification d'erreur matérielle présentée devant la juridiction du premier degré, en faisant valoir que leur appel sur le fond a été jugé irrecevable par l'arrêt sur déféré du 29 novembre 2018.
La Macif abandonne le moyen fondé sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête en rectification matérielle puisque l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 27 juin 2017 a été déclaré irrecevable par arrêt de la cour du 29 novembre 2019 statuant sur déféré.
En application des dispositions de l'article 126 du code de procédure civile, le jugement du 27 décembre 2017 dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la requête en rectification du jugement du 27 juin 2017, puisqu'au jour où la cour statue, l'appel qui avait été formé à l'encontre de ce dernier jugement a été déclaré recevable.
Sur le bien fondé de la rectification d'erreur matérielle
Le tribunal a considéré qu'il n'a commis aucune erreur de calcul dans l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels puisqu'ayant décidé de prendre comme revenu de référence la somme de 34 443 € et de l'augmenter annuellement de
9,31 %, il a appliqué cette base de calcul en prenant pour chaque année considérée la somme de 34 443 € de laquelle il a déduit la somme effectivement perçue pour l'année considérée et a multiplié la différence par l'augmentation annuelle de 9,31 %. Il a estimé que la critique porte sur le fond du jugement qui ne peut être contesté que par la voie de l'appel et non d'une requête en rectification d'erreur matérielle qui ne peut réparer que des erreurs purement matérielles de calcul, de frappe ou de plume, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Mme [D] fait valoir :
- qu'elle ne conteste pas le mode de calcul de sa perte de gains professionnels actuels retenu par le tribunal,
- que toutefois, le calcul qu'il a appliqué ne correspond pas au raisonnement et au mode de calcul pourtant clairement exposé dans le jugement,
- qu'il s'en déduit que la contestation de la requérante ne porte pas sur le fond du litige, mais sur une erreur de calcul,
- qu'en effet, le tribunal a jugé que l'appréciation du préjudice afférent à la perte de gains professionnels actuels le plus proche de la réalité consistait à prendre comme base le revenu de référence de 34 443 € et à l'augmenter annuellement de 9,31 %,
- que pourtant, pour chaque année, le tribunal a pris comme base de revenus la somme de 34 443 € sans effectuer l'augmentation annuelle de revenu qu'il avait pourtant chiffrée à 9,31 %,
- qu'en outre, au lieu d'appliquer la progression de 9,31 % annuellement au revenu de référence, le tribunal a appliqué ce coefficient sur le manque à gagner annuel subi par Mme [D], ce qui a également faussé le calcul du préjudice puisqu'il convenait, selon elle, d'appliquer le pourcentage de 9,31 % sur les revenus de référence et non sur le manque à gagner (après soustraction du revenu perçu sur la base du revenu de référence de 2006).
La Macif fait valoir :
- que les assertions de Mme [D] outrepassent la notion d'erreur de frappe, de rédaction ou d'addition,
- que sa contestation ne s'analyse pas en une rectification d'erreur matérielle mais est empreinte de considérations de fond dès lors qu'elle entend modifier de manière substantielle la méthode de calcul adoptée par les premiers juges,
- que seule la cour pouvait statuer sur le bien-fondé de cette critique du jugement et arbitrer la méthodologie à adopter pour la liquidation de la perte de gains professionnels actuels.
En application de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision de justice, même passée en force de chose jugée, peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue ou par celle à laquelle elle est déférée, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Cette juridiction ne peut cependant pas modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.
La motivation du tribunal au titre de la perte de gains professionnels actuels est la suivante :
' Le tribunal, au vu des explications produites et des pièces fournies, estime Mme [D] fondée à retenir comme revenu de base annuel la somme de 34 443€ et son résultat net comme référence comme étant plus représentatif de ses gains que son chiffre d'affaires ; ce revenu de base perçu en 2006 est significatif de l'activité en progression de Mme [D], compte tenu de sa notoriété croissante et des événements familiaux des années précédentes rappelées ci-dessus.
En ce qui concerne la progression de 20 % chaque année retenue par la requérante, la macif est en droit de la contester comme étant aléatoire et il convient de ce point de vue de constater que pour les années 2011 à 2015 la progression du chiffre d'affaires a été de 46,55 %, soit 9,31 % par an.
Dans ces conditions, compte tenu de la volatilité des revenus dégagés par Mme [D] et de la difficulté à appréhender ses pertes réelles, ce qui ressort bien des deux méthodes de calcul proposées par les parties, le tribunal, au vu des explications qui précèdent, estime que le préjudice de la victime le plus proche de la réalité consiste à prendre comme base la somme de 34 443 € et de l'augmenter annuellement de 9,31 % conformément à ce qui a été observé de 2011 à 2015, soit :
2009 : 34 443 € - 25 171 € perçus = 9 272 €
9 272 € x 9,31 % = 10 135,22 €
2010 : 34 443 € - 5 223 € = 29 220 €
29 220 € x 9,31 % = 31 940,38 €
2011 : 34 443 € - 9 261 € perçus = 25 182 €
25 182 € x 9,31 % = 27 652,35 €
soit une perte de 69 727,95 €.'
La rectification sollicitée par Mme [D] consiste à appliquer le pourcentage de 9,31 % dont elle admet le principe sur les revenus de référence et non sur le seul manque à gagner comme l'a fait le tribunal.
Une telle demande revient à contester la méthodologie employée par les premiers juges dans le calcul de la perte de gains professionnels actuels effectué sur la base d'un principe posé par eux d'une manière plus ou moins claire.
Cette critique ne relève pas d'une inadvertance qui affecte l'expression de la pensée réelle du juge ou d'une erreur involontaire de sa part et ne constitue pas une erreur matérielle au sens de l'article 462 précité mais une éventuelle erreur qui n'était susceptible d'être réformée que par la voie de l'appel.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d'appel doivent incomber aux consorts [D] et il ne sera pas accordé d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du 5 décembre 2017 en toutes ses dispositions, à l'exception de celle concernant les dépens,
Condamne M. [L] [D] et Mme [K] [R] épouse [D] agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants de leurs enfants mineurs [M] et [U] [D] aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE