RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 25 Octobre 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08518 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZB5B
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Avril 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14-00991
APPELANTE
URSSAF DE L'ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par M. [E] [R] en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE
SA FEU VERT venant aux droits de la société [Adresse 2]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Véronique FOURNIER, avocat au barreau de LYON, toque : 746
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 5]
[Adresse 5]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre
Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère
M. Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'URSSAF d'Île-de-France à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en date du 14 avril 2016 dans un litige l'opposant à la SAS Cordobag Centre Autos.
EXPOSE DU LITIGE
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il suffit de rappeler que la société Cordobag a fait l'objet d'un contrôle des services de l'URSSAF au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Une lettre d'observations valant redressement lui a été adressée le 18 octobre 2013. Le 20 décembre 2013, une mise en demeure lui était notifiée pour un montant principal de 11.886€. Contestant le redressement, la société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF, laquelle a rejeté son recours le 26 mai 2014. Entre-temps, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny suivant requête du 23 avril 2014.
Par jugement rendu le 14 avril 2016, ce tribunal a annulé la décision de la commission de recours amiable et par conséquent, la procédure de contrôle et tous les actes subséquents.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF d'Île-de-France demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable,
- condamner la société Cordobag à lui payer la somme de 11.886€ en cotisations et 1.359€ en majorations de retard, outre la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
expliquant que :
- en application de l'article R. 243-59 du code de sécurité sociale, la lettre d'observations mentionnait notamment les documents consultés,
- le 29 novembre 2013, les inspecteurs ont répondu aux observations formulées par la caisse le 22,
- le mode d'échange des informations et des documents a été à l'initiative de l'employeur,
- le rappel de la législation et le chiffrage ont été évoqués à de nombreuses reprises, notamment le 20 septembre 2013 lors d'une réunion avec les principaux interlocuteurs de la société, lesquels avaient souhaité la transmission de fichiers,
- les salariés de la société bénéficient de conditions tarifaires sur les produits acquis auprès d'une autre société du groupe, la SA Feu vert,
- la tolérance ministérielle de la circulaire du 7 janvier 2003 est d'application stricte et ne vaut que pour les produits et services de la société,
- le redressement doit donc être confirmé.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SAS Feu vert venant aux droits de la société Cordobag Centre Autos sollicite de la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement déféré,
- constater, dire et juger que le formalisme afférent au contrôle n'a pas été respecté,
En conséquence,
- déclarer nul le contrôle diligenté par l'URSSAF et par voie de conséquence, l'ensemble des resdressements,
A titre subsidiaire,
- constater, dire et juger qu'est infondé et injustifié le redressement relatif aux avantages en nature / produits de l'entreprise,
En conséquence,
- annuler le redressement,
- ramener le montant du redressement de 11.886€ en cotisations à la somme de 1.186€,
- condamner la caisse à lui verser une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
faisant valoir que :
- les inspecteurs ont opéré une régularisation au titre des remises accordées aux salariés excédant 30 % sur la base de fichiers informatiques remis par la société à leur demande pressante,
- sans autorisation et sans inventaire, ils les ont emportés en dehors de l'entreprise,
- dans la lettre du 29 novembre 2013, la caisse reconnaît que la société ne disposait toujours pas, à l'issue des opérations de contrôle sur place, des éléments qui auraient permis de débattre contradictoirement,
- les salariés de la société Cordobag étaient soumis au même statut social que ceux de la société Feu vert, et sont depuis devenus par fusion-absorption ses propres salariés,
- le chiffrage du redressement est totalement fantaisiste,
- le prix de base 'colonne PV brut' est le prix maximum conseillé, et ne doit pas servir au calcul de la remise consentie au personnel,
- la tradition de Feu vert est de consentir toute l'année des remises, comme ses concurrents,
- c'est pour cela que la société avait proposé à la caisse d'examiner avec elle les modalités de retraitement des informations, ce qui a été refusé,
- la note en délibéré du 9 mars 2016 portant recalculs des réintégrations par la société a été validée par la note de l'URSSAF du 14 avril 2016, ce qui réduit le redressement à 10 % du montant initial.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE,
- Sur la régularité de la procédure :
Aux termes des dispositions de l'article R. 243 - 59 du code de la sécurité sociale, 'à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin de contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. ( ...)'.
Il est constant que les observations doivent, à peine de nullité, permettre au cotisant contrôlé d'avoir une connaissance précise et exacte des erreurs et des omissions qui lui sont reprochées afin de pouvoir apporter toutes les justifications nécessaires dans le but de permettre un apurement souhaitable avant tout litige.
Force est de constater que la liste des documents consultés telle que mentionnée dans la lettre d'observations est incomplète et imprécise, les documents visés ne permettant pas de calculer les avantages réellement consentis par une société tiers au contrôle.
Des explications fournies par les parties, il ressort que les inspecteurs se sont fondés pour le calcul du redressement sur des fichiers informatiques sollicités par eux, fichiers qu'ils ont emportés hors de l'entreprise.
Dans la réponse du 29 novembre 2013 aux observations présentées par la société mettant notamment en cause la caisse pour avoir emporté des fichiers sur une clé USB sans son accord, cette dernière répondait que l'utilisation de la clé avait été faite à l'initiative de l'employeur qui avait déjà mis sur celle-ci des éléments, avant le début des opérations de contrôle, clé complétée ensuite par d'autres documents demandés par les inspecteurs. Il était fait référence à une réunion du 20 septembre 2013 de présentation des conclusions du contrôle et noté que 'les représentants de Cordobag ont souhaité que leur soient communiqués les fichiers ayant servi de base au calcul du redressement, précisant qu'après étude de ces fichiers, de nouveaux documents pourraient être fournis pour affiner les bases ayant servi au calcul du redressement, que les fichiers ont été transmis par courriel le 23 septembre 2013 et que l'employeur n'avait pas donné suite à cet envoi.'
En préparant des documents sur une clé USB qu'il donnait aux inspecteurs, l'employeur acceptait implicitement que ceux-ci en fassent l'usage qu'ils voulaient, sur place ou dans leur bureau. Il ne démontre pas avoir précisé que ces documents étaient à consulter sur place, ni qu'il aurait subi un grief.
Surtout, s'il est regrettable que ces fichiers ne soient pas inventoriés et mentionnés au titre des pièces consultées, la société ne peut prétendre ne pas en avoir une connaissance précise et exacte puisque c'est elle-même qui les a transmises.
Il ne saurait y avoir en l'espèce de violation du principe du contradictoire et le moyen tiré de la nullité de la procédure sera écarté.
- Sur le principe du redressement relatif aux avantages en nature pour les réductions tarifaires :
Il résulte de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale que 'pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail,... et tous autres avantages en argent, et en nature...'.
Une circulaire du 7 janvier 2003 est venue préciser que 'les fournitures de produits et services réalisés par l'entreprise à des conditions préférentielles ne constituaient pas des avantages en nature dès lors que leurs réductions tarifaires n'excédaient pas 30 % du prix de vente public normal'.
Il s'en déduit que la tolérance administrative concerne les biens et services produits par l'entreprise qui emploie le salarié et exclut les produits ou services acquis par l'entreprise auprès d'un fournisseur ou d'une autre entreprise.
En l'espèce, l'inspecteur relevait : 'Les salariés de Cordobag peuvent bénéficier de conditions d'achats privilégiés sur l'ensemble des produits existants au référencement de la centrale Feu vert et sur l'ensemble des prestations techniques réalisées en centre par les collaborateurs.... Cette tolérance concerne les biens et services produits par l'entreprise qui emploie le salarié et exclut les produits ou services acquis par l'entreprise auprès d'un fournisseur ou d'une autre entreprise...Ainsi, le rabais obtenu par les salariés de la SAS Cordobag ne peut rentrer dans le champ d'application de la tolérance ci-dessus évoquée...'.
Il est ainsi établi que les salariés de la société Cordobag bénéficiaient de réductions tarifaires sur les produits et services d'une société Feu vert qui n'était pas à l'époque leur employeur.
En conséquence, le principe du redressement est acquis.
- Sur le montant du redressement :
En l'espèce, l'inspecteur mentionnait : 'Une régularisation est opérée sur les bases suivantes : 2010, 0€ ; 2011, 9.199€ ; et 2012, 12.531€. Etant donnée la difficulté à identifier les salariés concernés, l'intégralité de ce motif de redressement est chiffré sur l'établissement site du siège social. La base plafonnée est déterminée chaque année en tenant compte du pourcentage que représente le plafond par rapport à la base brute figurant sur les tableaux récapitulatifs...'.
Ainsi, il est impossible de comprendre la façon dont a été calculée la base des cotisations éludées, aucune indication n'étant apportée par la lettre d'observations et les fichiers aujourd'hui joints à la procédure ne faisant l'objet d'aucune explication.
Dès lors, il convient de ramener le redressement aux montants reconnus par la société sur la base d'un prix public normal recalculé, soit 1.186€, montant d'ailleurs validé par une note en délibéré de la caisse en date du 14 avril 2016.
- Sur les demandes d'article 700 présentées :
Eu égard à la décision rendue, à l'équité et aux circonstances, il convient de rejeter les demandes présentées par les parties à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Rejette le moyen tiré de la nullité de la procédure de redressement,
Condamne la SAS Feu vert à payer à l'URSSAF d'Île-de-France un montant des cotisations principales ramené à 1.186€, outre les majorations de retard,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande au titre des frais non répétibles,
Condamne la société Feu vert aux dépens d'appel.
La Greffière,La Présidente,